ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"156"> papier, l'or, l'argent, les livres, &c. voyez ci - dessous quelques autres significations du même terme, ou quelques - unes des précédentes plus détaillées.

Battre (Page 2:156)

* Battre l'or, l'argent, le cuivre (Ordre encyc. Entend. Mém. Hist. Hist. de la Nat. employée, Ares Méchan. Art de battre l'or.); c'est l'action de réduire ces métaux en feuilles extrèmement minces, mais plus ou moins cependant, selon le prix qu'on se propose de les vendre: cette action s'appelle batte, & l'ouvrier batteur.

Les opérations principales sont la fonte, la forge, le tirage au moulin, & la batte. On peut appliquer ce que nous allons dire de l'or aux autres métaux ductiles.

L'or qu'on employe est au plus haut titre, & il est difficile d'en employer d'autre: l'alliage aigrit l'or, le rend moins ductile; & l'ouvrier qui l'allieroit s'exposeroit à perdre plus par l'inutilité de son travail, qu'il ne gagneroit par le bas alloi de la matiere. Les Batteurs d'or le prennent en chaux chez l'affineur de la monnoie, à vingt - quatre carats moins un quart, ou à cent trois livres l'once. Il y en a qui préferent à cet or les piastres, & autres anciennes pieces d'Espagne: ils prétendent que même en alliant l'or de ces monnoies, il se bat mieux & plus facilement que celui qu'ils sont obligés d'acheter à cent trois livres l'once. Il y a trois sortes d'or en feuille ou battu, l'or pâle, l'or fin ou verd, & l'or commun. On employe l'or dans toute sa pureté, & comme il vient de l'affinage dans l'or fin battu: il y a quatre gros de blanc ou d'argent sur l'once d'or, dans l'or pâle ou verd; & jusqu'à douze grains de rouge, ou de cuivre de rosette, & six grains de blanc ou d'argent dans l'or commun.

On fond l'or dans le creuset avec le borax, comme on voit Pl. du Batteur d'or fig. 1. & quand il a acquis le degré de fusion convenable, on le jette dans la lingotiere a, qu'on a eu grand soin de faire chauffer auparavant pour en ôter l'humidité, & de frotter de suif.

Ces précautions sont nécessaires; elles garantissent de deux inconvéniens également nuisibles; l'un en ce que les parties de la matiere fondue qui toucheroient l'endroit humide pourroient rejaillir sur l'ouvrier; l'autre en ce que les particules d'air qui s'insinueroient dans l'effervescence causée par l'humidité entre les particules de la matiere, y produiroient de petites loges vuides ou soufflures, ce qui rendroit l'ouvrage défectueux. Après la fonte on le fait recuire au feu pour l'adoucir, & en ôter la graisse de la lingotiere.

Quand la matiere ou le lingot est refroidi, on le de la lingotiere pour le forger. On le forge sur une enclume b qui a environ trois pouces de large, sur quatre de long, avec un marteau c qu'on appelle marteau à forger: il est à tête & à panne; il pese environ trois livres; sa panne peut avoir un pouce & demi en quarré, & son manche six pouces de long. Si l'ouvrier juge que ce marteau ait rendu sa matiere écroüle, il la fait encore recuire: d est le bloc de l'enclume.

Ou l'on destine la matiere forgée & étirée au marteau à passer au moulin, ou non: si l'on se sert du moulin, il suffira de l'avoir réduite sur l'enclume à l'épaisseur d'environ une ligne & demie, ou deux lignes, au plus. Le moulin est composé d'un banc très - solide, vers le milieu duquel se fixe avec de fortes vis le chassis du moulin: ce chassis est fait de deux jumelles de fer d'un demi - pouce d'épaisseur, sur deux pouces & demi de largeur, & quatorze pouces de hauteur. Ces jumelles sont surmontées d'un couronnement, qui avec la traverse insérieure servent à consolider le tout. Le couronnement & les jumelles sont unis par de longues & fortes vis. Dans les deux jumelles sont enarbrés deux cylindres d'acier, polis, de deux pouces de diametre, sur deux pouces & demi de longueur; le supérieur traverse des pieces à coulisses, qui à l'aide d'une vis placée de chaque côté, l'approchent ou l'écartent plus ou moins de l'inférieure, selon que le cas le requiert: l'axe du cylindre inférieur est prolongé de part & d'autre du chassis; à ses deux extrémités équarries s'adaptent deux manivelles d'un pié & demi de rayon, qui mettent les cylindres en mouvement. Les cylindres mobiles sur leur axe étendent en tournant la matiere serrée entre leurs surfaces, & la contraignent de glisser par le mouvement qu'ils ont en sens contraires.

L'artiste se propose deux choses dans le tirage; la premiere d'adoucir les coups de marteau qui avoient rendu la surface du métal inégale & raboteuse; la seconde d'étendre en peu de tems le métal très - également. Les ouvriers suppléoient autrefois au moulin par le marteau; & quelques - uns suivent encore aujourd'hui l'ancienne méthode.

Ceux qui se servent du moulin obtiennent par le moyen de cette machine un long ruban, qu'ils roulent sur une petite latte; ils le pressent fortement sur la latte, afin qu'il prenne un pli aux deux côtés de la latte, qu'ils retirent ensuite; & afin que le ruban ne se détortille pas, qu'il conserve son pli aux endroits où il l'a pris, & que les surfaces de ses tours restent bien exactement appliquées les unes sur les autres, ils font deux ligatures qui les contiennent dans cet état, l'une à un bout, & l'autre à l'autre: ces ligatures sont de petites lanieres de peau d'anguille. Cela fait, avec le même marteau qui a servi à forger ils élargissent la portion du ruban comprise entre les deux ligatures, en chassant la matiere avec la panne vers les bords, d'abord d'un des côtés du ruban, puis de l'autre; ensuite ils frappent sur le milieu pour égaliser l'épaisseur, & augmenter encore la largeur.

Lorsque la portion comprise entre les ligatures est forgée, ils ôtent les ligatures, ils inserent leurs doigts au milieu des plis, & amenent vers le milieu les portions qui étoient d'un & d'autre côté au - delà des ligatures; de maniere que quand les ligatures sont remises, ce qui est précisément au - delà des ligatures, est la partie forgée qui étoit auparavant comprise entr'elles; & que ce qui a été amené entr'elles, est la partie qui n'a pù être forgée, qui formoit le pli, & qui étoit au - delà des ligatures. Il est évident que cette portion doit former une espece de croissant: on forge cette portion comme la précédente, en commençant par les bords, & s'avançant vers le milieu d'un & d'autre côté, puis forgeant le milieu, jusqu'à ce que le ruban se trouve également épais & large dans toute sa longueur: cette épaisseur est alors à peu près d'une demi - ligne, ou même davantage.

Si l'on ne se sert point du moulin, on forge jusqu'à ce que la matiere ait à peu près l'épaisseur d'une forte demi - ligne, puis on la coupe tout de suite en parties qui ont un pouce & demi de long, sur un pouce de large; ce qu'on ne fait qu'après le tirage au moulin, quand on s'en sert. Ces portions d'un pouce & demi de long sur un pouce de large, & une demi - ligne & davantage d'épais, s'appellent quartiers: on coupe ordinairement cinquante - six quartiers; l'ouvrier prend entre ses digts un nombre de ces quartiers, capable de former l'épaisseur d'un pouce ou environ, il les applique exactement les uns sur les autres, & il leur donne la forme quarrée sur l'enclume & avec la panne du marteau, commençant à étendre la matiere vers les bords, s'avançant ensuite vers le milieu, en faisant autant à l'autre côté, forgeant ensuite le milieu, & réduisant par cette maniere de forger réitérée tous les quartiers du même [p. 157] paquet, & tous à la fois, à l'épaisseur d'une feuille de papier gris, & à la dimension d'un quarré dont le côté auroit deux pouces.

Lorsque l'or est dans cet état, on prend des feuillets de vélin, on en place deux entre chaque quartier; ainsi pour cela seul les cinquante - six quartiers exigent cent douze feuillets de velin: mais il en faut encore d'autres qu'on met à vuide en - dessus & en - dessous; & sur ces feuillets vuides, tant en - dessus qu'en - dessous, on met encore deux feuillets de parchemin. Cet assemblage s'appelle le premier caucher; & les feuillets vuides, avec les feuillets de parchemin ou sans eux, s'appellent emplures. Ainsi voici donc la disposition & l'ordre du premier caucher; deux feuillets de parchemin, une vingtaine plus ou moins de feuillets de vélin vuides; un quartier, deux feuillets de vélin; un quartier, deux feuillets de velin; & ainsi de suite jusqu'à la concurrence de cinquante - six quartiers, une vingtaine de feuillets de vélin vuides, & deux feuillets de parchemin. L'usage des emplures est d'amortir l'action des coups de marteau sur les premiers quartiers, & de garantir les outils. Les Batteurs d'or entendent par les outils l'assemblage des feuillets de velin. Le caucher se couvre de deux fourreaux; le fourreau est une enveloppe de plusieurs feuillets de parchemin appliqués les uns sur les autres, & collés par les deux bouts, de maniere qu'ils forment une espece de sac ouvert. On a deux tourreaux; quand on a mis le caucher dans un, on fait entrer le caucher & ce premier fourreau dans le second, mais en sens contraire: d'où il arrive que quoique les fourreaux soient tous les deux ouverts, cependant ils couvrent par - tout le caucher. Voy. fig. 6. un caucher, & fig. 7. & 8. les fourreaux. Mettre les fourreaux au caucher, cela s'appelle ensourrer. Les feuillets de vélin & de parchemin sont des quarrés dont le côte a quatre pouces.

Le caucher ainsi arrangé, on le bat sur un marbre, comme on voit fig. 2. ce marbre est noir; il a un pié en quarré, & un pié & demi de haut. On ajuste à sa partie supérieure une espece de boîte F, ouverte du côté de l'ouvrier: cette boîte s'appelle la caisse; elle est faite de sapin, & revétue en - dedaas de parchemin collé: le parchemin collé qui s'étend jusque sur le marbre, n'en laisse appercevoir au milieu de la caisse que la portion . La caisse est embrassée du côté de l'ouvrier par une peau h que l'ouvrier releve sur lui, & dont il se sait un tablier. Quand il travaille, cette peau ou tablier reçoit les lavures. On entend par les lavures, les parties de matiere qui se détachent d'elles mêmes, ou qu'on détache des cauchers.

Comme l'action continuelle d'un marteau de douze à quinze livres sur une masse de pierre d'un poids énorme, ne manqueroit pas d'ébranler à la longue les voûtes d'une cave, s'il s'en trouvoit une - immédiatement dessous; dans ce cas, il est prudent de l'étayer, soit par une forte piece de bois, soit par un massif de pierre, placé sous l'endroit qui correspond au marbre du batteur d'or.

Il faut que la surface du marbre & du marteau soit fort unie, sans quoi les cauchers ou outils, & les feuilles d'or seroient maculées. On bat le premier caucher pendant une demi - heure, en chassant du centre à la circonférence, le retournant de tems en tems, & appliquant au marbre la surface sur laquelle on frappoit, & frappant sur l'autre. Le marteau dont on se sert dans cette opération s'appelle marteau plat, ou à dégrossir: il pese quatorze à quinze livres; sa tête est ronde, & tant soit peu convexe: il a six pouces de haut, & va depuis sa tête jusqu'à son autre extrémité un peu en diminuant, ce qui le fait paroître cone tronqué: sa tête a cinq pouces de diametre ou environ. L'ouvrier a l'attention de défourrer de tems en tems son cancher, & d'examiner en quel état sont les quartiers. Il ne faut pas espérer qu'ils s'étendent tous également; il en trouvera qui n'occuperont qu'une partie de l'étendue du feuillet de vélin; d'autres qui l'occuperont toute entiere; d'autres qui déborderont: il pourra, s'il le veut, ôter les avantderniers, & il fera bien d'ôter les derniers: il est évident qu'après cette soustraction le caucher sera moins épais. Mais on empêchera les fourreaux d'être lâches, en insérant de petits morceaux de bois dans les côtés, entr'eux & le caucher.

On continuera de battre jusqu'à ce qu'on ait amené les quartiers restant à l'étendue ou environ des feuillets de vélin qui les séparent cela fait, la premiere opération de la batte sera finie. Si on laissoit desafleurer les quartiers au - delà des outils, ceux - ci pourroient en être gâtés.

Au sortir du premier caucher les quartiers sont partagés en quatre parties égales avec le ciseau. On a donc deux cents vingt - quatre nouveaux quartiers, dont on forme un second caucher de la maniere suivante: on met deux feuillets de parchemin, une douzaine de feuillets de vélin vuides ou d'emplures; un quartier, un feuillet de vélin; un quartier, un feuillet de vélin; & ainsi de suite jusqu'à cent douze inclusivement: une douzaine d'emplures, deux feuillets de parchemin; deux autres seuillets de parchemins, une douzaine d'emplures; un quartier, un feuillet de vélin; un quartier, un seuillet de vélin; & ainsi de suite jusqu'à cent douze inclusivement, douze emplures & deux feuillets de velin.

D'où l'on voit que le second caucher est double du premier, & qu'il est séparé par le milieu en deux parts distinguées par quatre feuillets de parchemin, dont deux finissent la premiere part, & lui - appartiennent, & deux appartiennent à la seconde part, & la commencent: en un mot il y a dans le milieu du second caucher quatre feuillets de parchemin entre vingt - quatre emplures de vélin, douze d'un côté & douze de l'autre. Au reste il n'y a pas d'autre différence entre le premier caucher & le second: il a ses deux fourreaux aussi, il ne s'enfourre pas différemment, & les feuillets de vélin sont de la même forme & de la même grandeur.

Ce second caucher enfourré comme le premier, on le bat de la même maniere, avec le même marteau, & pendant le même tems que le premier: observant non - seulement d'opposer tantôt une des faces, tantôt l'autre au marteau & au marbre: au marbre celle qui vient d'être opposée au marteau; au marteau celle qui vient d'être opposée au marbre: mais encore de défourrer de tems en tems, de séparer les deux parts du caucher, afin de mettre en dedans la face de l'une & de l'autre part qui étoit en - dehors, & en - dehors celle qui étoit en - dedans; & d'examiner attentivement quand les quartiers desafleurent les outils: lorsque les quartiers desafleurent les outils; alors la seconde opération sera finie.

On desemplit le second caucher; pour cet effet, on a à côté de soi le caucher même: on écarte les deux parchemins & les emplures; on prend la premiere feuille d'or que l'on rencontre, & on l'étend sur un coussin; on enleve le second feuillet de vélin, & l'on prend la seconde feuille d'or qu'on pose sur la premiere; mais de maniere que la seconde soit plus reculée vers la gauche que la premiere: on ôte un autre feuillet de vélin, & l'on prend une troisieme feuille d'or que l'on étend sur la seconde, de maniere que cette troisieme soit plus avancée vers la droite que la seconde: en un mot, on range les feuilles en échelle; on fait ensorte qu'elles ne se débordent point en - haut, mais qu'elles se débordent toutes à droite & à gauche d'un demi - pouce ou environ; puis avec un coûteau d'acier, émoussé par le bout, & à l'aide d'une pince de bois léger qu'on voit fig. 10. on les

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