ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"166"> propriétaire, quoiqu'il ne le fût pas. Il en est le possesseur & non pas le propriétaire, quoique la cause de sa possession soit translative de propriété; la raison est que celui de qui il a acheté n'a pu transférer en sa personne plus de droit qu'il n'en avoit lui - même. Cette possession civile sert néanmoins au possesseur à faire les fruits siens tant que sa possession n'est pas interrompue par le propriétaire: elle lui sert aussi à acquérir la propriété de la chose par le moyen de la prescription.

Quoique cette possession ne puisse être acquise par la seule intention de posséder sans une possession réelle & actuelle; elle peut néanmoins se conserver par l'intention seule. Ainsi un homme qui sort de sa maison à dessein d'y revenir, en conserve la possession civele jusqu'à ce qu'un autre s'en soit emparé: en quoi notre usage differe du droit romain, suivant lequel le premier possesseur conservoit sa possession civile tant qu'il ignoroit qu'un autre se fût emparé de la chose. Voyez Possession naturelle.

Possession clandestine (Page 13:166)

Possession clandestine, est celle qui a été acquise secrétement & non publiquement: cette possession ne sert point pour la prescription.

Possession continue (Page 13:166)

Possession continue, est celle qui a toujours été suivie & non interrompue.

Possession corporelle (Page 13:166)

Possession corporelle, est lorsque l'on possede réellement & véritablement la chose, & non pas lorsqu'on a une simple possession de droit, qui est magis animi quam facti.

Possession de droit (Page 13:166)

Possession de droit, est celle qui est fondée sur une saisine légale, & qui est plutôt de volonté présumée que de fait, comme la possession d'un héritier présomptif; ou bien comme celle d'un pourvu qui prend une possession fictive d'un bénéfice dont un autre est en possession réelle: cette possession est la même chose que la possession civile. (A)

Possession de fait (Page 13:166)

Possession de fait, n'est qu'une détention de la chose sans intention ni habileté, pour en acquérir la propriété. Telle est la possession du dépositaire, du commodataire, du fermier, & autres qui possedent pour & au nom d'autrui. Voyez Possession precaire.

Possession de fait (Page 13:166)

Possession de fait & de droit, animi & facti, est celle où la détention de la chose est accompagnée de l'intention de la posseder propriétairement, telle que la possession d'un acheteur légitime.

Possession fictive (Page 13:166)

Possession fictive, est celle qui n'est pas réelle, mais que l'on suppose comme si elle existoit réellement; telle est la possession civile ou de droit simplement.

Possession furtive (Page 13:166)

Possession furtive, est celle qui a été usurpée par de mauvaises voies, & qui n'est ni publique ni légitime, comme quand on a enlevé les grains la nuit.

Possession immémoriale (Page 13:166)

Possession immémoriale, est celle qui passe la mémoire des personnes vivantes, & dont on ne voit point le commencement. La possession centenaire est une possession de cent ans, une possession immémoriale; mais il n'est pas nécessaire de prouver cent ans de possession, pour pouvoir qualifier sa possession d'immémoriale: il suffit qu'elle soit au - dessus de trente ans.

Possession manuelle (Page 13:166)

Possession manuelle est celle que l'on a d'une chose que l'on tient en ses mains, comme un meuble ou effet mobilier. Il n'y a point de possession manuelle pour les immeubles, ces sortes de biens ne pouvant être tenus dans la main.

Possession de mauvaise foi (Page 13:166)

Possession de mauvaise foi, est celle où le possesseur a connoissance que la chose ne lui appartient pas.

Possession momentanée (Page 13:166)

Possession momentanée, est celle qui n'a point été suivie, & en vertu de laquelle on n'a pu acquérir ni la possession ni la propriété.

Possession naturelle (Page 13:166)

Possession naturelle, est la détention de quelque chose qui appartient à autrui: cette possession est de deux sortes; l'une qui est juste, comme quand un créancier possede la chose qui lui a été donnée en gage par son débiteur; l'autre qui est injuste, est celle d'un voleur & d'un possesseur de mauvaise foi, qui joint à la détention de la chose, l'envie de laretenir, quoiqu'il n'ait pas droit de le faire. Voyez Possession civile.

Possession paisible (Page 13:166)

Possession paisible, est celle qui n'a point été interrompue de fait ni de droit. Voyez Interruption & Prescription.

Possession precaire (Page 13:166)

Possession precaire est celle que l'on tient d'autrui & pour autrui, & dont l'objet n'est point de transférer la propriété au possesseur: telle est la possession d'un fermier ou locataire, d'un dépositaire ou sequestre.

Possession publique (Page 13:166)

Possession publique est celle qui a été acquise au vu & au sçu de tous ceux qui étoient naturellement à portée d'être témoins de cette possession.

Possession (Page 13:166)

Possession (quasi) est celle que le détenteur n'acquiert pas pour lui, mais pour un autre; de maniere qu'il n'est pas censé être personnellement en possession: telles sont toutes les possessions précaires des fermiers, dépositaires, sequestres, & autres semblables.

Possession réelle (Page 13:166)

Possession réelle est la même chose que possession corporelle: elle est différente de la possession naturelle & de fait seulement, en ce que la possession réelle peut être tout à la fois de fait & de droit.

Possession triennale (Page 13:166)

Possession triennale, en matiere bénéficiale, est celle d'un bénéficier qui a possédé paisiblement & avec un titre coloré, pendant trois années consécutives & non interrompues.

Cette possession opere en sa faveur une prescription qui le rend possesseur paisible tant au possessoire qu'au pétitoire.

L'exception résultante de la possession triennale, a lieu pour les bénéfices consistoriaux, de même que pour les autres.

Si celui qui a la possession triennale est troublé par quelqu'un prétendant droit au bénéfice, obtient en chancellerie des lettres ou commission appellées de pacificis possessoribus, par lesquelles le roi ordonne aux juges de maintenir l'exposant, s'il leur appest qu'il soit en possession plus que triennale;

Au moyen de ces lettres, il excipe de sa possession & de la regle de triennale possession, ou de pacificis possessoribus, qui est du pape Paul III.

Ceux qui sont intrus ne peuvent, quoiqu'ils ayent possédé paisiblement pendant trois années, se servir de la regle de pacificis, parce que le tems ne diminue pas l'énormité du crime.

Il en est de même de celui qui est coupable de simonie.

On tient néanmoins qu'il en est autrement de celui qui est entré dans un bénéfice avec irrégularité, parce que ce cas n'est pas excepté de la regle de pacificis.

La possession triennale d'un bénéfice pour lequel on est en procès, s'acquiert lorsque le collitigant a ditcontinué sa procédure pendant trois ans; mais elle ne court point dans le cas de l'appel comme d'abus, parce que l'abus ne se couvre pas.

Pour interrompre la possession triennale, il faut qu'il y ait eu assignation donnée au possesseur; qu'en conséquence les parties se soient communiqué leurs titres & capacités, & que les délais établis par les ordonnances, avant que d'entrer dans la véritable contestation, soient expirés.

L'interruption civile ne suspend la possessiou triennale qu'à l'égard de celui qui a fait le trouble, & non à l'égard d'un tiers; mais l'interruption naturelle & la dépossession servent à tous les contendans.

La possession triennale n'est pas interrompue par la résignation, lorsque le résignant rentre dans son bénéfice par la voie du regrès, parce que sa possession est [p. 167] toujours fondée sur le même titre. Voyez la pragmatique, § de pacificis possess. & la glose; le concordat de pacifiq. possess. §. staiuimus, d'Héricourt, chap. de la prise de possession. Bouchel, somme de ref. verbo patronage. Pérard & Castel.

Possession vicieuse (Page 13:167)

Possession vicieuse est celle qui est infectée de quelque défaut, comme de mauvaise foi, ou qui est furtive ou fondée sur quelque titre vicieux. (A)

Possession (Page 13:167)

Possession du démon, (Théolog.) état d'une personne dont le démon s'est emparé, dans le corps de laquelle il est entré, & qu'il tourmente.

On met cette différence entre l'obsession & la possession du démon, que dans la premiere le démon agit au - dehors, & que dans l'autre il agit au - dedans. Voyez Obsession.

Les exemples de possession sont communs sur - tout dans le nouveau Testament. Jesus - Christ & ses apôtres ont guéri une infinité de possédés, & les histoires ecclésiastiques en fournissent encore un grand nombre; mais comme on fait par plusieurs expériences, que souvent on a abusé de la crédulité des simples par des obsessions & des possessions feintes & supposées; quelques prétendus esprits forts se sont imaginés que toutes ces obsessions ou possessions étoient des maladies de l'esprit, & des effets d'une imagination fortement frappée; que quelquefois des personnes se croy oient de bonne - foi possédées; que d'autres feignoient de l'être, pour parvenir à certaines fins; qu'en un mot il n'y avoit ni possessions ni obsessions véritables; & voici les raisons sur lesquelles ils se fondent.

Le démon, dit - on, ne peut naturellement agir sur nos corps. Il est d'une nature toute spirituelle, & ne peut par sa seule volonté, remuer nos membres, ni agir sur nos humeurs & nos organes, sans une permissior expresse de Dieu. S'il avoit naturellement ce pouvoir, tout le monde seroit plein de possédés & d'obsédés: il exerceroit à tout moment sa haine contre les hommes, & feroit éclater sa puissance & son empire avec tout l'éclat dont son orgueil pourroit s'aviser. Combien ne verroit - on pas tous les jours d'hommes possédés, agités, tourmentés, précipités, étouffés, étranglés, brùlés, noyés, &c. si l'on accordoit au démon le pouvoir dont nous parlons? Si l'on dit que Dieu modere ce pouvoir, qu'il reprime le démon, & ne lui permet pas d'exercer sa malice contre des pécheurs & des mechans, ne voyons - nous pas au contraire que ce malin esprit obsede ou pessede des personues très - innocentes? On fait ce qu'il fit souffrir à Job: on voit des enfans possédés & d'autres personnes dont la vie paroît avoir été sans crime & sans desordre.

Pour quoi, ajoutent - ils, ne voit - on des possédés qu'en certains tems & dans certains pays? Qu'il y a des nations entieres où on ne connoît point de possédés? D'ou vient que l'on n'en voit que dans les pays dont les peuples sont superstitieux, & que ces accidens n'arrivent qu'à des personnes d'un esprit peu solide, & d'un tempérament melancolique? Qu'on examiue tous ceux ou celles qui se disent ou qui se sont dits possédés ou possédées, il est certain qu'il ne s'en trouvera aucun qui n'ait quelques - unes des qualités ou des foiblesses dont on vient de parler.

Si l'on suppose, continuent - ils, que le démon arrête ou suspend les opérations de l'ame d'un possédé pour se mettre lui - même eu la place de l'ame, ou même que plusieurs démons agitent & possedent un même homme, la difficulté sera encore plus grande. Comment concevoir cette ame qui n'agit plus dans le corps qu'elle anime, & qui se livre, pour ainsi dire, au pouvoir du démon? Comment tant de mauvais esprits peuvent - ils s'accorder à gouverner un seul homme? Si tout cela se peut faire sans miracle, que deviendra la preuve des miracles pour les incrédules? Ne diront - ils pas que tout ce qu'on appelle miracles, sont des opérations du démon? Et s'il faut un miracle pour qu'un homme soit possédé du démon, voilà Dieu auteur, ou au moins coopérateur du démon dans les obsessions & dans les possessions des hommes.

Enfin, disent - ils, on a tant d'exemples de choses toutes naturelles, qui toutefois paroisfent surnaturelles, qu'on a lieu de croire que ce qu'on appelle possessions du démon n'est pas d'autre sorte. Tant de gens s'imaginent être changés en loups, en boeufs, être de verre ou de beurre, être devenus rois ou princes; personne dans ces cas ne recourt au démon ni au miracle: on dit tout simplement que c'est un dérangement dans le cerveau, une maladie de l'esprit ou de l'imagination, causée par une chaleur de visceres, par un excès de bile noire; personne n'a recours aux exorcismes ni aux prêtres: on va aux médecins, aux remedes, aux bains; on cherche des expédiens pour guérir l'imagination du malade, ou pour lui donner une autre tournure. N'en seroit - il pas de même des possédés? Ne réussiroit - on pas à les guérir par des remedes naturels, en les purgeant, les raffraîchissant, les trompant artificieusement, & leur faisant croire que le démon s'est enfui & les a quittés? On a sur cela des expériences fort singulieres; mais quand on les rapporteroit, les partisans des possessions diroient toujours que ces gens - la n'étoient pas possédés; qu'ils ne nient pas qu'il n'y ait dans cette matiere bien de l'illusion, mais qu'ils soutiennent que parmi ce grand nombre d'énergumenes, on ne peut nier qu'il n'y en ait eu de vraiment possédés. Les autres soutiennent qu'il n'y en a aucun, & qu'on peut expliquer naturellement tout ce qui arrive aux possédés, sans recourir au démon. C'est - là tout le noeud de la difficulté.

Les défenseurs de la réalité des possessions du démon, remarquent que si tout cela n'étoit qu'illusion, J. C. les apôtres & l'Eglise seroient dans l'erreur, & nous y engageroient volontairement en parlant, en agissant. en priant, comme s'il y avoit de vrais possédés. Le Sauveur parle & commande aux démons qui agitoient les énergumenes: ces démons répondent, obéissent, & donnent des marques de leur présence, en tourmentant ces malheureux qu'ils étoient obligés de quitter; ils leur causent de violentes convulsions, les jettent par terre, les laissent comme morts; se retirent dans des pourceaux, & précipitent ces animaux dans la mer. Peut - on nommer cela illusion? Les prieres & les exorcismes de l'Eglise ne sont - ils pas un jeu & une momerie, si les possédés ne sont que des malades imaginaires? Jesus - Christ dans S. Luc, c. vij. v. 20 & 21. donne pour preuve de sa mission, que les démons seront chassés: & dans S. Marc, chap. xvij. v. 17. il promet à ses apôtres le même pouvoir. Tout cela n'est - il que chimere?

On convient qu'il y a plusieurs marques équivoques d'une vraie possession, mais il y en a aussi de certaines. Une personne peut contrefaire la possédée, & imiter les paroles, les actions & les mouvemens d'un énergumene; les contorsions, les cris, les hurlemens, les convulsions, certains efforts qui paroissent venir du surnaturel, peuvent être l'effet d'une imagination échaurfée, ou d'un sang mélancolique, ou de l'artifice: mais que tout - d'un - coup une personne entende des langues qu'elle n'a jamais apprises; qu'elle parle de matieres relevées qu'elle n'a jamais étudiées; qu'elle découvre des choses cachées & inconnues; qu'elle agisse & qu'elle parle d'une maniere fort éloignée de son inclination naturelle; qu'elle s'éleve en l'air sans aucun secours sensible; que tout cela lui arrive sans qu'on puisse dire qu'elle s'y porte par intérêt, par passion, ni par aucun motif naturel, si toutes ces circonstances, ou la plûpart d'entr'elles,

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