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Nos grammairiens appellent mon, ton, son, & leurs semblables possessifs absolus; & ils regardent le mien, le tien, le sien, &c. comme des possessifs relatifs: ceuxci sont nommés relatifs, parce que n'étant pas joints avec leur substantif, dit M. Restaut, ils le supposent énoncé auparavant, & y ont relation: mais personne ne dit pourquoi on appelle absolus les possessifs de la premiere espece; & M. l'abbé Regnier paroît avoir voulu éviter cette dénomination, en les nommant simplement non - relatifs. Le mot de relatif est un terme dont il semble qu'on ne connoisse pas assez la valeur, puisqu'on en abuse si souvent; tout adjectif est essentiellement relatif au sujet déterminé auquel on l'applique, soit que ce sujet soit positivement exprimé par un nom ou par un pronom, soit que l'ellipse l'ait fait disparoître & qu'il faille le retrouver dans ce qui précede. Ainsi les deux especes de possessifs sont également relatives, & la distinction de nos grammairiens est mal caractérisée.
Les grammairiens allemands ont apparemment voulu éviter ce défaut, & M. Gottsched appelle conjonctifs les possessifs de la premiere espece, mon, ton, son, &c. & il nomme absolus ceux de la seconde, le mien, le tien, le sien, &c. Les premiers sont nommés conjonctifs, parce qu'ils sont toujours unis avec le nom auquel ils se rapportent; les autres sont appellés absolus, parce qu'ils sont employés seuls & sans le nom auquel ils ont rapport. Voilà comment les différentes manieres de voir une même chose, amenent des dénominations différentes & même opposées. M. de la Touche qui a composé en Angleterre l'art de bien parler françois, a adopté cette seconde maniere de distinguer les possessifs.
Avec un peu plus de justesse que la premiere, je ne crois pourtant pas qu'elle doive faire plus de fortune. Les termes téchniques de grammaire ne doivent pas être fondés sur des services accidentels, qui peuvent changer au gré de l'usage; la nomenclature des sciences & des arts doit être immuable comme les natures dont elle est chargée de reveiller les idées, parce qu'elle doit en effet exprimer la nature intrinséque, & non les accidens des choses. Or il est évident que mien, tien, sien, &c. ne sont absolus, au sens des grammairiens allemans, que dans l'usage présent de leur langue & de la nôtre; & que ces mêmes mots étoient conjonctifs lorsqu'il étoit permis de dire un mien frere, un sien livre, comme les Italiens disent encore il mio fratello, il suo libro.
M. Duclos, qui apparemment a senti le vice des
deux nomenclatures dont je viens de parler, a pris
un autre parti.
C'est donc la différence que j'ai observée entre les deux especes de possessifs, qui doit fonder celle des dénominations distinctives de ces especes. Mon, ton,
Content d'avoir examiné la nature des adjectifs possessifs, ce qui est véritablement de l'objet de l'Encyclopédie, je ne m'arrêterai point ici à détailler les différens usages de ces adjectifs par rapport à notre langue; c'est à nos grammaires françoises à discuter ces lois accidentelles de l'usage; mais je m'arrêterai à deux points particuliers, dont l'un concerne notre langue, & l'autre la langue allemande.
L'examen du premier point peut servir à faire voir
combien il est aisé de se méprendre dans les décisions
grammaticales, & combien il faut être attentif pour
ne pas tomber dans l'erreur sur ces matieres.
Cela peut n'être en effet d'aucune importance s'il
ne s'agit que de connoître l'usage de la langue & de
s'y conformer: mais cela ne peut être indifférent à
la Philosophie, si ce n'est à la philosophie sceptique
qui aime à douter de tout. Thomas Corneille crut
apparemment qu'une décision valoit mieux que l'incertitude,
& il décide, dans sa note sur cette remarque,
que cet usage de notre langue n'autorise pas à
dire que mon, ton, son, sont du genre commun.
Je passe à l'observation qui concerne la langue allemande: c'est que l'usage y a introduit deux articles & deux adjectifs possessifs qui ont rapport à la troisieme personne du singulier; l'un s'emploie quand la troisieme personne est du feminin, & l'autre, quand elle est du masculin. Cette différence ne sert qu'à déterminer le choix du mot, & n'empêche pas qu'il ne s'accorde en genre avec le nom auquel on l'applique. Ainsi son, quand la troisieme personne est du masculin, se dit en allemand sein, m. seine, f. & sein, n. & sien se dit seiner, m. seine, f. seines, n. ou bien der sernige, m. die seinige, f. das seinige, n. & tous ces mots sont dérivés du génitif masculin seiner (de lui). Mais si la troisieme personne est du feminin, son se dit en allemand ihr, m. ihre, f. ihr, n. & sien se dit ihrer, m. ihre, f. ihres, n. ou bien der ihrige, m. die ihrige, f. das ihrige, n. & tous ces mots sont dérivés du génitif feminin ihrer (d'elle). On peut concevoir, par cette propriété de la langue allemande, combien l'usage a de ressources pour enrichir les langues, pour y mettre de la clarté, de la précision, de la justesse, & combien il importe d'examiner de près les idiotismes pour en demêler les finesses & le véritable sens. C'est la conclusion que j'ai prétendu tirer de cette observation. (B. E. R. M.)
POSSESSION (Page 13:165)
POSSESSION, s. f. (Jurisprud.) est la détention & la jouissance d'une chose, soit qu'il s'agisse d'une chose mobiliaire que l'on peut tenir en sa main, soit qu'il s'agisse d'un héritage ou autre immeuble, ou droit réel reputé immeuble, dont la possession s'acquiert & se conserve par des actes tendans à user de la jouissance, ou à en disposer comme propriétaire.
On distingue plusieurs sortes de possessions, savoir la possession de fait, & celle de droit; la possession naturelle & la possession civile, & autres, ainsi qu'on l'expliquera dans les subdivisions suivantes.
La possession est de fait & de droit; mais pour connoître quand elle est acquise, on a plutôt égard à la volonté qu'au seul fait.
On peut acquérir la possession par autrui; savoir par un fermier ou locataire, par un dépositaire, un fondé de procuration, un tuteur.
La possession du défunt se continue en la personne de l'héritier; elle est regardée comme la même & non comme une possession nouvelle.
Celui qui a la possession d'une chose, quoiqu'il n'en soit pas le véritable propriétaire, a beaucoup d'avantage sur ceux qui ne la possedent pas; c'est pourquoi l'on dit en droit, in pari causâ, melior est possidentis.
Lorsqu'il est troublé dans sa possession, après an &
jour, il peut intenter complainte, & par ce moyen
se faire maintenir en sa possession, même contre le
véritable propriétaire, auquel il ne reste plus que la
ressource du pétitoire, & de demander la restitution
des fruits. Voyez Complainte &
Le possesseur n'est pas obligé de montrer son titre, il lui suffit de dire qu'il possede parce qu'il possede; & en cas de dénégation, on peut ordonner la preuve par témoins.
Quand la chose est sujette à prescription, & que le propriétaire en a laissé jouir paisiblement le possesseur assez long - tems pour acquérir la prescription, le possesseur devient lui - même légitime propriétaire.
Le tems nécessaire pour donner cet effet à la possession, est différent selon les objets dont il s'agit, & aussi
selon les pays, ainsi qu'il sera expliqué au mot
Celui qui a été dépossédé par force & par violen<cb->
La possession se perd par négligence & par le défaut d'exercice, ou par un jugement d'éviction qui envoie un autre en possession de la chose. Voyez au digeste le livre XLII. le tit. 4 de acquirenda vel amittendâ possessione, & livre XLII. les tit. 4. & 5. au code, livre VII. tit. 32. de acquirendâ & retin. possessione; les lois civiles, & Argout, tit, de la possession.
Possession actuelle (Page 13:165)
Possession d'an et jour (Page 13:165)
Possession annale (Page 13:165)
Cette possession se compte du jour de la prise de possession du bénéfice, & doit être paisible & non interrompue par aucun exploit.
Elle donne droit au pourvu de demeurer en possession du bénéfice, jusqu'à ce que le pétitoire soit jugé.
Telle est la teneur de la regle de chancellerie romaine, appellée regle de annali possessore.
Cette regle étoit suivie en France du tems de Rebuffe & de Dumolin, mais présentement elle n'y
est plus suivie; & il n'y a point de provisions par dévolu
dans lesquelles on ne déroge à cette regle, &
quand la dérogation ne s'y trouveroit pas nommément
exprimée, elle y seroit toujours sous - entendue.
Voyez ci - après
Possession artificielle (Page 13:165)
Possession de bonne foi (Page 13:165)
Possession centenaire (Page 13:165)
Possession civile (Page 13:165)
On appelle aussi possession civile, celle d'un bénéficier qui a pris possession de droit. Il acquiert par ce moyen la qualité & les actions de possesseur, quoiqu'il ne jouisse pas & réellement, & même qu'il y ait un autre pourvu qui jouisse du même bénéfice.
Quelquefois au contraire le terme de possession civile est opposé à la possession naturelle; on entend alors
par possession civile la détention d'une chose avec
affection de la tenir comme en ayant la propriété,
quoiqu'on ne l'ait pas encore véritablement. Telle est
la possession d'un possesseur de bonne foi, lequel ayant
acheté un fonds de celui qu'il en croyoit le véritable
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