ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"85"> obliquement que le puisse permettre la hauteur du vase (M. Bernoulli faisoit faire au sien un angle de 18 degrés à peu près avec l'horison); ensuite sucer fortement par le bout supérieur, de façon que le tuyau s'emplisse à la fin tout entier de vif - argent. Lorsqu'il en est ainsi rempli, il faut faire boucher avec le doigt par une autre psonne, le bout du tuyau qui trempe dans le mercure, & fermer ensuite soi - même aussi avec son doigt le bout supérieur du tuyau. (Il faut sucer tout de suite, de peur qu'en reprenant haleine, on ne rende le dedans du tuyau humide.) Il est évident qu'en ce cas le mercure n'a point été sali par l'air, si ce n'est peut - être la premiere goutte qui est montée, & qui a essuyé toutes ces saletés; aussi faut - il laisser entrer un peu de mercure dans sa bouche; auquel cas, cette premiere goutte étant ôtée, le mercure sera le plus net qu'il puisse être. Le tuyau étant ainsi fermé avec le doigt par les deux bouts, il faut le mettre tremper par son extrémité dans un autre vase plus étroit que le premier, & rempli de mercure à une hauteur plus grande que le vase dans lequel on avoit fait d'abord tremper le tuyau. Si on porte le tuyau en cet état avec le vase dans l'obscurité, le moindre balancement y produira une lueur capable d'éclairer à un pié de distance, assez pour pouvoir lire un caractere d'une grosseur médiocre.

IIe maniere. Il faut mettre perpendiculairement un tuyau fermé par un bout dans un vase plein de mercure, où il trempe par le bout ouvert, le poser avec ce vase dans la même situation, sous un récipient fait exprès pour cela, ensuite en retirer l'air qui sortira du tuyau par le vase en faisant des bulles sur la surface du mercure qui y est contenu: lorsqu'on en aura retiré le plus qu'il sera possible, il faudra le laisser rentrer; il n'en pourra monter dans le tuyau à cause du mercure où il trempe par son bout ouvert. Cet air donc pesant sur la surface du mercure contenu dans le vase, fera monter le mercure dans le tuyau à la hauteur de 25 à 26 pouces, parce qu'on ne peut jamais tirer tout l'air du récipient, & que l'air qui dans ce cas reste dans le tuyau se condense, & augmente de force à mesure que le mercure y monte. Cet air étant très - purifié à cause de sa dilatation. le vif - argent en y passant demeurera net, & l'expérience de la lumiere réussira aussi bien que dans la premiere maniere, quoiqu'il y ait de l'air au haut du tuyau.

Quelqu'ingénieuse & vraissemblable que paroisse cette explication, néanmoins l'Académie des Sciences à qui M. Bernoulli la communiqua (voyez ann. 1701 & suiv.), remarqua pour lors que quelques barometres donnoient de la lumiere sans avoir été faits avec les précautions de M. Bernoulli, & que quelques - uns faits avec les précautions rapportées ci - dessus n'en donnoient point. C'en fut assez pour qu'elle suspendît son jugement.

Il faut, suivant le système de M. Bernoulli, 1°. que le mercure soit extrèmement pur; 2°. que le barometre soit construit de maniere que le mercure en y tombant ne traverse point l'air; 3°. que le vuide du haut du tuyau soit aussi parfait qu'il peut être; car il faut que le choc des deux matieres subtiles dont parle M. Bernouilli, ne soit point affoibli par l'air, qui étant fort grossier en comparaison de ces deux matieres, feroit l'effet d'un sac de laine qui reçoit un coup de canon. La différence d'effet des expériences de Groningue & de Paris sur des barometres qui paroissoient avoir les mêmes conditions, aussi bien que le mercure qui y étoit enfermé, fit juger que le mercure de M. Bernoulli & celui des barometres lumineux de Paris, devoit avoir quelque chose de particulier, & ressembler par quelqu'accident à du mercure que l'on auroit rendu lumineux, en y mêlant, comme on fait quelquefois, du phosphore liquide. M. Ber<cb-> noulli, fondé sur le succès de ses expériences, conjecture qu'il y a eu quelque faute dans celles de l'Académie. La méthode, par exemple, de remplir le tuyau avec une bourse de cuir, qu'on dit être équivalente à la sienne, a pourtant cela de différent, que c'est ici le mercure qui doit pousser l'air devant lui, lequel en faisant quelque petite réfistance, peut laisser attachées aux côtés du verre quelques restes ou bulles d'air, qui suffiront pour engendrer la péllicule; au lieu que dans la méthode de M. Bernoulli pour remplir le tuyau, l'air extérieur pousse le vif - argent en haut, & le vif - argent ne fait que suivre le mouvement de l'air intérieur, qui par sa rarefaction sort sans peine du tuyau; peut - être aussi le tuyau de l'Académie n'étoit - il pas hien net. I es amples tuyaux sont, suivant l'expérience, les meilleurs, parce qu'outre que le mercure dans un tuyau plus large, se meut plus librement que dans un tuyau étroit, ou le frottement du mercure contre le verre diminue la vîtesse de la descente; la pellicule, s'il s'en forme, doit aussi être plus épaisse dans un tuyau étroit que dans un autre; parce que ne pouvant s'étendre en large, elle s'épaissit en hauteur. Or le tuyau de l'Académie n'étoit pas assez large, selon M. Bernoulli, n'ayant qu'une ligne & demie de diametre.

Il est difficile de remplir le tuyau de mercure avec la bouche, sans y mêler un peu d'haleine ou de salive; plusieurs n'y ont pû réussir. M. Bernoulli dit qu'il le faisoit aisément, pouvant d'ailleurs tirer avec la bouche, d'un petit recipient, 7/8 de l'air qu'il contient, sans se trop efforcer. Il vaut mieux faire ces expériences de nuit que de jour; car quand on entre tout d'un coup dans l'obscurité, les yeux encore frappés de l'éclat d'une grande lumiere, ne peuvent appercevoir la foible lueur du barometre, qui paroît assez pendant la nuit obscure.

Quant aux barometres qu'on dit n'avoir pas été faits avec les mêmes précautions, & cependant donner de la lumiere, peut - être qu'en y jettant le vif - argent on a tenu le tuyau fort obliquement à l'horison, pour laisser couler doucement les gouttes de mercure comme dans un canal; ce qui empêche l'air de l'infecter tant; quoiqu'en ce cas il arrive souvent qu'il ne rend pas autant de lumiere que des barometres faits par la suction, ou dans la machine du vuide; peut - être le mercure n'étoit - il pas bien purifié de toute matiere dont l'attouchement de l'air pût former une pellicule.

Cette lumiere paroît dans toute sorte de vif - argent préparé à la maniere de M. Bernoulli; cela ne vient donc point de quelque chose de particulier dans le fien, qui enfermé dans le tuyau sans les conditions proposées, ne rend que peu ou point de lumiere.

Une des principales raisons qui fait que la pellicule du mercure empêche la lumiere, c'est peut - être qu'on secoue trop uniformément le mercure, se contentant de le balancer; auquel cas cette pellicule, s'il y en a, ne sort point de la superficie du mercure, & y demeure toûjours attachée. Comme il est difficile d'éviter cette pellicule des barometres remplis même à la maniere de M. Bernoulli, il semble que si on pouvoit la crever, ce qui se feroit en remuant le mercure en tout sens, comme on fait l'eau d'une bouteille qu'on rince, il pourroit paroître de la lumiere. En effet, si on tire l'air d'une petite phiole pleine de mercure, en la mettant sous la machine pneumatique, par le moyen d'un robinet cimenté à son cou, & qu'on agite en tout sens le mercure qui y est contenu, on voit une lumiere bien plus vive que celle du barometre; & cela arrive avec toute sorte de mercure, excepté lorsque l'air n'est pas assez exactement tiré de la phiole, ou qu'on y en laisse entrer un peu; alors la lumiere est plus foible, & diminue de plus [p. 86] Plus, nonobstant l'agitation réitérée de la phiole, même jusqu'à disparoître entierement; après quoi il faut tirer l'air de nouveau de la phiole, si on veut qu'elle paroisse. On voit au jour le mercure de cette phiole dont la lumiere est affoiblie, couvert d'une pellicule épaisse, & semblable à de la pâte mêlée de poussiere; d'où il paroît qu'un peu d'air agité salit fort le mercure, & le couvre d'une peau assez épaisse pour empêcher absolument la lumiere: car s'il n'y a point d'air, l'agitation ne fait que rendre le mercure plus pur; par - là se délivre de tout ce qu'il pourroit contenir d'étranger, qu'il rejette à la surface du verre, qu'on voit aussi un peu trouble: ainsi le mercure est rendu de plus en plus lumineux.

Si le robinet de la phiole est d'airain, le vif - argent le corrompt: il faut donc, pour l'éviter, mettre un bouchon de liége qui bouche exactement la phiole, & de la cire par - dessus, puis percer la cire & le bouchon de liége pour faire sortir l'air de la phiole sous la machine pneumatique; ensuite laissant le récipient dessus sans rendre l'air, faire fondre avec un verre ardent la cire d'autour du trou, qui se répandant alors sur le trou, le fermera. Voilà donc un nouveau phosphore perpétuel, & qui outre cela a l'avantage de pouvoir se transporter dans une phiole bien bouchée; pourvû que 1°. cette phiole ait été bien nette; 2°. qu'on n'ait pas beaucoup remué le mercure avant d'en tirer l'air; 3°. qu'on tire le plus d'air qu'il soit possible.

M. Homberg a donné un autre raison de la lumiere des barometres. Souvent pour nettoyer le mercure on se sert de la chaux vive préférablement à de la limaille de fer; alors le mercure qui s'élevant dans la distillation s'est criblé au travers de cette matiere, peut en avoir emporté des parties capables par leur extrème délicatesse de se loger dans ses interstices; & comme la chaux vive retient toûjours quelques particules ignées, il est possible que ces particules agitées dans un lieu vuide d'air, où elles nagent librement & sans être étoussées par aucune autre matiere, produisent un éclat de lumiere. En effet plusieurs barometres faits de mercure ainsi nettoyé étoient lumineux: mais M. Homberg appuyoit davantage sur le peu de nécessité des conditions de M. Bernoulli.

1°. Un mercure bien net ne contracte jamais d'impuretés à l'air: l'expérience le prouve. Il y a donc lieu de croire que celui de M. Bernoulli n'étoit pas bien net.

2°. Dans les barometres lumineux anciens, le mercure étoit entré en traversant l'air.

3°. M. Homberg ayant vuidé par la seconde méthode de M. Bernoulli, un tuyau qui ne trempoit presque point dans le mercure, l'air en sortoit en soûlevant par son ressort le tuyau, & se glissant entre son bout & la surface du mercure. L'air étant raréfié jusqu'à un certain point, de façon cependant qu'on pouvoit encore en tirer assez, ne sortoit plus, parce qu'il n'avoit plus la force de soûlever le tuyau. Le vuide du barometre de M. Bernoulli n'étoit done pas aussi parfait qu'il pouvoit l'être.

Mais M. Bernoulli, outre les réponses précédentes, ajoûte qu'il paroît que M. Homberg a trop enfoncé le tuyau dans le mercure pour en tirer l'air; celui de M. Bernoulli étoit presqu'à fleur de mercure, qui en effet y est monté à 26 pouces, ce qui est presque la hauteur ordinaire; outre que ce peu d'air restant dans le tuyau a notablement affoibli la lumiere, comme M. Bernoulli l'a remarqué depuis: ainsi moins il y a d'air, plus la lumiere est grande & durable.

Quand le mercure de M. Bernoulli ne seroit pas bien pur, l'air seroit toûjours la cause, sinon naturelle, du moins efficiente du défaut de lumiere, puisque ce mê<cb-> me mercure en produit étant enfermé sans air dans le vuide. Mais M. Bernoulli a trouvé un secret de le rendre net en le lavant bien avec de l'eau: on met sur le mercure cette cau, environ à la hauteur de deux pouces; on agite fortement le mercure qui se mêle avec l'eau, puis on le laisse reposer; & il rejette à la surface l'eau sale & noirâtre: on réitere la lotion jusqu'à ce que l'eau ne paroisse plus ou presque point noirâtre, & alors le mercure est net. L'esprit de vin le lave plus vîte & mieux que l'eau; il s'est même trouvé un mercure fort épais, dans lequel il y avoit apparemment quelque matiere huileuse & sulphureuse mêlée avec ses parties; ce mercure n'est devenu assez net pour rendre de la lumiere qu'à force de lotions expressif d'esprit - de - vin. Le mercure devient si pur ce lavement même d'eau seule, qu'il rend quelquefois de la lumiere, même dans une phiole pleine d'air: mais cette lumiere est foible.

Ce mercure ainsi bien purifié, laisse sortir de ses pores assez de matiere subtile pour vaincre la résistance de l'air.

Il faut bien sécher le mercure ainsi lavé, en le faisant passer par un linge net; car la moindre humidité nuiroit à l'expérience.

Quelquefois le mercure même après l'agitation conserve en ses pores une matiere gluante cachée, qui en les fermant ou les rendant roides, empêche la matiere subtile de sortir, & par conséquent la lumiere de paroître. La roideur des pores peut faire cet effet; car il faut que les pores se rétrécissent souvent pour laisser passer cette matiere: or s'ils ne sont pas flexibles ils ne pourront se retrécir. Cela étant, il paroît que le mercure qu'on dit être devenu lumineux par la distillation à travers la chaux vive, avoit cette roideur de pores causée par quelque matiere gluante qu'il a laissée dans la chaux, en s'y filtrant & s'y purifiant par - là; & c'est à cette seule purification que M. Bernoulli en attribue la lumiere, & non pas aux particules ignées de la chaux; de plus ces corpuscules ignées ne lui paroissent guere vraissemblables.

Ces parcelles ignées deviendroient enfin inutiles par le fréquent usage, comme on voit arriver aux autres phosphores qui sont lumineux par le moyen de ces particules ignées; ainsi ce phosphore perdroit enfin sa vertu.

2°. Ces parcelles ignées assez petites pour se loger dans les pores du mercure, s'échapperoient quand on secoueroit la phiole, par les pores du verre bien plus larges que ceux du mercure.

3°. Cela posé, la lumiere paroîtroit également dans la descente & l'ascension du mercure.

Dans l'explication, au contraire, de M. Bernoulli, le mercure ne fait que prêter ses pores étroits à la matiere subtile; dès que cette matiere en est sortie par l'agitation, il en revient aussi - tôt d'autres par les pores du verre. Enfin M. Bernoulli gardoit depuis un an un de ces phosphores, qui n'avoit encore souffert aucune altération. Il croit même qu'une liqueur aussi pesante que le mercure, pourroit donner de la lumiere: & cela posé, si on pouvoit rendre l'or fluide, il seroit, selon lui, le plus propre à en donner, étant le plus pesant de tous les corps, le plomb fondu même en pourroit donner s'il étoit bien pur.

Quant au mercure qu'on rend lumineux en le mêlant avec du phosphore artificiel, M. Bernoulli attribue cette lumiere au phosphore seul.

Toutes ces lumieres artificielles sont extrèmement délicates. Il n'est pas sûr qu'en maniant une phiole, la sueur de la main ne passe, quoiqu'en très - petite quantité, au - travers les jointures du bouchon, & ne nuise à la lumiere. Il faut être dans ces expériences scrupuleux, défiant, & en quelque sorte superstitieux. Voici un exemple remarquable de la délicatesse de

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