ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"705"> férence, mais encore de la quantité & de la raison de son objet. En effet, l'ouie distingue parfaitement toutes les gradations des tons; elle les détermine, elle les soumet au calcul, elle en fait un art; les yeux ne peuvent nous en dire autant de la lumiere; ils apperçoivent en gros, & à - peu - près, qu'une lumiere, une couleur est plus ou moins claire ou foncée qu'une autre, & voilà tout; ils ne pourront jamais déterminer la quantité de ce plus ou moins.

Il faut encore convenir que les travaux de nos physiciens ont porté beaucoup de clarté pour l'intelligence de plusieurs phénomenes de l'ouie. Voici les principaux dont on peut donner des explications certaines ou vraissemblables.

1°. Si l'on applique le creu x de la main à l'oreille externe, de sorte qu'il regarde le corps sonore, on entend beaucoup mieux; parce qu'alors on ramasse plus de rayons, ainsi il doit se faire dans l'oreille une impression plus forte.

2°. L'oreille externe étant coupée, on entend plus difficilement; cela vient de ce que l'entonnoir qui ramassoit beaucoup de rayons est enlevé: on pourroit suppléer à ce défaut par un tuyau évasé qu'on appliqueroit au trou auditif.

3°. Si l'on présente obliquement le plan de l'oreille externe à un corps sonore, en tournant la tête vers le côté opposé, on entend beaucoup mieux; la cause en est que le conduit auditif marche en devant; ainsi quand on tourne la tête, on reçoit directement les rayons sonores.

4°. L'ouie est beaucoup plus fine quand on écoute la bouche étant ouverte; cela vient non - seulement de ce que les vibrations de l'air se communiquent par la bouche, & par la trompe d'Eustache, a l'intérieur de l'oreille, mais encore de ce que la charniere de la mâchoire appliquée contre le conduit de l'oreille, s'en éloigne quand on ouvre la bouche, & par - là elle laisse ce conduit plus libre; quand la bouche est fermée, la mâchoire inférieure comprime un peu le conduit auditif, & empêche par - là qu'il n'y entre une aussi grande quantité de rayons sonores que lorsqu'elle est ouverte.

5°. Pourquoi entend - t - on des bruits sourds, & pourquoi l'ouie est - elle émoussée quand on souffle, qu'on bâille, qu'on parle ou qu'on chante sur un ton fort aigu? Parce que la trompe d'Eustache étant comprimée à diverses reprises, l'air est poussé dans la caisse du tambour, & cause des bruits sourds en tombant sur les corps qu'il rencontre.

6°. Il y a des sourds qui entendent quand on leur parle à la bouche; l'air communique alors ses vibrations par la trompe d'Eustache.

7°. S'il arrive une obstruction à cette trompe d'Eustache, on devient sourd; la raison en est évidente, parce que cette trompe étant bouchée, il se ramasse dans la caisse du tambour des matieres qui peuvent éteindre le son, & qui sortiroient si cette issue ne leur étoit pas interdite.

8°. Si la membrane du tambour vient à se rompre, la surdité succede quelque tems après. On en doit attribuer la cause aux matieres qui s'introduisent alors dans la caisse, & aux impressions de l'air externe; outre que cette membrane sert à transmettre à l'ouie des vibrations plus parfaites, & proportionnées à cet organe.

9°. Par quelle ouverture la fumée d'une pipe de tabac qu'on fume dans la bouche, peut - elle sortir par les oreilles, comme on le voit dans quelques personnes. Cette fumée entre alors par les trompes, & sort par le trou de Rivinus, qui se trouve ouvert dans quelques sujets, au moyen duquel ils pourront encore éteindre une bougie en faisant sortir de l'air par le conduit de l'oreille. Ce trou se rencontre à l'interruption du cercle osseux où s'attache la membrane du tambour.

10°. Quoique le son srappe les deux oreilles, on n'entend cependant qu'un seul son, égal & sans consusion; c'est parce que la fabrique de l'oreille par rapport à l'organe immédiat de l'ouie, est entierement la même, toujours, en tout tems, à tout âge,& que s'il y a quelque défaut naturel dans une oreille d'un côté, le même défaut se trouve dans la même partie à l'autre oreille, & au côté opposé; ce sont les observations curieuses de Valsalva qui méritent bien d'être vérifiées; car si l'anatomiste d'Imola ne se trompe point, sa découverte est très - singuliere.

11°. Mais comment entend - on comme simple, un son qui est évidemment infiniment multiplié dans l'oreille, puisque dans le canal de l'ouie, comme dans une trompette, le son est poussé & repoussé une infinité de tois, & que cependant l'ame se représente tous ces sons comme n'en formant qu'un seul.

La raison qu'en donne M. Boerhaave, c'est que l'oreille ne peut distinguer tous les échos ou résonnemens qu'on fait naitre, soit en parlant, soit en jouant de quelque instrument que ce soit, parce qu'on ne distingue l'écho qu'à une certaine distance. Quoi que nous entendions distinctement une syllabe dans moins d'une seconde; ce tems est fort long comparé à la vîtesse du tems qui se passe entre le son primitif & le son réflêchi, elle est telle sans doute, que la perception du premier dure encore, quand celle du second arrive, ce qui empêche l'ame de la distinguer. Donc tous les résonnemens du son primitif ne laisseront appercevoir qu'un son. Tous les corps qui sonnent harmoniquement au son primitif, se joignent en un dans notre oreille, parce qu'ils sont de même espece, & ne se distinguent pas facilement, sans quoi nous aurions le malheur d'entendre un grand nombre de sons discordans au - lieu d'un seul.

12°. D'où vient la grande communication qu'il y a entre l'ouie & la parole? Par la correspondance de la portion dure du nerf auditif avec les branches de la cinquieme paire, qui se distribue aux parties qui servent à former & à modifier la voix.

13°. D'où viennent les tintemens, les sifflemens & bruits confus qui se font quelquefois dans l'oreille? Ils viennent des maladies de cet organe ou des maladies du cerveau, qui produisent un mouvement irrégulier & déréglé des esprits, & qui ébranlent les nerfs auditifs.

14°. Le bourdonnement qu'on sent lorsqu'on se bouche les oreilles a - t - il la même cause? Non, il vient du frottement de la main, de la compression qui froisse la peau & les cartilages, lesquels étant élastiques, causent un ébranlement dans l'oreille; la vertu du ressort de l'air resserré, peut encore y contribuer, & former par ses réflexions un son qui devient sensible, à cause de la proximité & de la continuité des parties qu'il frappe.

15°. Quand la matiere cérumineuse vient à boucher le conduit auditif externe, on devient sourd, parce que l'air ne peut pas communiquer ses vibrations intérieurement. De même s'il se ramassoit des liqueurs épaisses dans la caisse du tambour, les vibrations de l'air ne pourroient pas se communiquer par les fenêtres; alors si l'on faisoit quelqu'injection par la trompe, on pourroit enlever cette matiere, mais en tentant ce moyen, il faut que ce soit par le nez.

16°. D'où vient que certains sourds entendent beaucoup mieux quand on leur parle par - dessus la tête? C'est qu'apparemment tout le crâne étant ébranlé, les os pierreux & tous les autres le sont aussi successivement. [p. 706]

17b. Pourquoi entend - on mieux la bouche ouverte & en retenant son haleine, secret que la nature a dévoilé à tout le monde? Parce que d'un côté l'air communique ses vibrations à l'organe auditif par la trompe d'Eustache, & que de l'autre côté, en retenant notre haleine, nous empêchons qu'un torrent d'air n'entre avec bruit dans la trompe, & ne pousse en - dehors la membrane du tympan.

Mais la sensation de l'ouie peut être lésée de différentes manieres, dans son augmentation, sa diminution, sa dépravation, & sa destruction. Montrons en peu de mots comment ces accidens de l'organe de l'ouie peuvent arriver.

Dans certaines maladies très - aiguës du cerveau, des nerfs, des membranes, l'extreme tension de ces parties fait que le moindre son affecte si vivement le cerveau, qu'il en résulte quelquefois des mouvemens convulsifs. Ce genre de mal se nomme ouie aiguë.

Quand la perception du son est moindre qu'elle seroit dans l'état sain relativement à sa grandeur, c'est ce qu'on nomme ouie dure; or ce mal procéde de plusieurs causes d'une nature fort différente, qu'il est facile d'exposer par l'énumération des divers lieux asfectés, tels que l'oreille externe, trop plate ou emportée; le conduit auditif trop droit, étroit, obstrué par une tumeur quelconque, par des insectes, par des ordures, par du pus, par la matiere cérumineuse épaissie; la membrane du tympan lésée, lâche, devenue épaisse, dense, calleuse, par l'adhérence d'une croute fongueuse; la couche interne remplie d'ichorosité, de pus, de pituite; le canal d'Eustache empêché ou obstrué; les osselets détachés, & qui sortent quelquefois par le conduit de l'ouie, quand la petite membrane qui les lie tombe en suppuration, comme il arrive après de cruelles douleurs inflammatoires de l'oreille externe, ou l'absence des osselets, par défaut de conformation; par le desséchement, le relâchement, l'épaississement, l'inondation, la trop grande tension, la corruption, l'érosion, l'endurcissement de la petite membrane de la fenêtre ronde & ovale; par différens vices du vestibule, du labyrinthe, du limaçon, des conduits de l'os pétreux, comme l'inflammation, l'obstruction, la paralysie, & les effets qui peuvent s'ensuivre; enfin, par la mauvaise structure de ces parties, & tout ce qui gêne la portion molle du nerf auditif, depuis son entrée dans l'os pétreux, jusqu'à son origine dans la moëlle du cerveau, comme l'inflammation, les tumeurs, la fonction du cerveau lésée, & plusieurs autres maux: on conçoit de tout ce détail le peu d'espérance de guérir les maux dont il s'agit.

L'ouie s'altere encore par les vices de l'air externe, sur - tout par l'air humide & nébuleux, ou parce que l'air interne ne peut entrer ni sortir librement. Mais ce qui nuit principalementici, ce sont les maladies de ces artérioles qui rampent sur les petites membranes dispersées dans tout l'organe de l'ouie: de - là on comprend facilement l'origine des tintemens, des sons graves, des échos, des murmures.

Enfin, si tous ces vices augmentent & persistent long tems, on devient tout à - fait sourd, & en conséquence on ne sait point parler, ou on l'oublie. La cause de ce mal est souvent la concrétion de la trompe d'Eutache.

Voilà tout ce qui regarde la sensation de l'ouie & sa lésion dans l'homme; le détail de cet organe dans les bêtes nous conduiroit trop loin; c'est assez pour prouver la différence de remarquer que la seule couverture extérieure de l'organe de l'ouie est différente dans les diverses classes d'animaux, jugez ce que ce doit être des parties internes! Les taupes qui sont enterrées toute leur vie, n'ont point le conduit de l'oreille ouvert à l'ordinaire; car pour empêcher la terre d'y entrer, elles l'ont fermé par la peau qui leur couvre la tête, & qui se peut ouvrir & fermer en se dilatant ou en s'étrécissant. Plusieurs animaux ont ce trou absolument bouché, comme la tortue, le caméléon, & la plûpart des poissons. Il y a une espece de baleine qui ne l'a pas fermé; mais elle a cette ouverture sur les épaules. Presque tous les animaux à quatre piés ont ce trou ouvert par des oreilles longues & mobiles, qu'ils levent & tournent du côté d'où vient le bruit. Quelques - uns ont les oreilles plus courtes, quoique mobiles, comme les lions, les tigres, les léopards. D'autres comme le singe, le porc - épic, les ont applaties contre la tête; d'autres n'ont point du tout d'oreilles externes, comme le veau marin, & toutes les especes de lésards & de serpens. D'autres ont le trou couvert seulement ou de poils, comme l'homme, ou de plumes comme les oiseaux: enfin, il y en a peu comme l'outarde, le casuel, le poulet d'Inde, le méléagris ou pintade, qui l'aient découvert. (Le chevalier de Jaucourt.)

Ouies, organes des poissons (Page 11:706)

Ouies, organes des poissons, qui leur servent de poumons. Ce qui se présente à l'examen, c'est leur structure, la distribution de leurs vaisseaux, & les usages de ces parties.

Les recherches dont nous allons rendre compte sont du célebre M. du Verney, qui en fit part à l'académie au commencement de ce siecle. Il les a faites sur la carpe. La charpente des ouies est composée de quatre côtes de chaque côté, qui se meuvent tant sur elles - mêmes en s'ouvrant & se resserrant, qu'à l'égard de leurs deux appuis, supérieur & inférieur, en s'écartant l'un de l'autre, & en s'en rapprochant. Le côté convexe de chaque côté est chargé sur ses bords de deux especes de seuillets, chacun desquels est composé d'un rang de lames étroites rangées & serrées l'une contre l'autre, qui forment comme autant de barbes ou franges, semblables à celles d'une plume à écrire, &c. sous ces franges, qu'on peut appeller proprement le poumon des poissons. Voilà une situation de partie fort extraordinaire & fort singuliere. La poitrine est dans la bouche aussi bien que le poumon: les côtes portent le poumon, & l'animal respire l'eau: les extrémités de ces côtes qui regardent la gorge, sont jointes ensemble par plusieurs petits os, qui forment une espece de sternum; ensorte néanmoins que les côtes ont un jeu beaucoup plus libre sur ce sternum, & peuvent s'écarter l'une de l'autre beaucoup plus facilement que celles de l'homme, & que ce sternum peut être soulevé & abaissé. Les autres extrémités qui regardent la base du crane, sont aussi jointes par quelques osselets qui s'articulent avec cette même base, & qui peuvent s'en éloigner ou s'en approcher. Chaque côté est composé de deux pieces jointes par un cartilage fort souple, qui est dans chacune de ces parties, ce que les charnieres sont dans les ouvrages des artisans; chacune des lames, dont les feuillets sont composés, a la figure du fer d'une faux, & à sa naissance elle a comme un pié ou talon qui ne pose que par son extrémité sur le bord de la côte. Chacun de ses feuillets est composé de 135 lames; ainsi les seize contiennent 8640 surfaces, & les deux surfaces de chaque lame sont revétues dans toute leur étendue d'une membrane très fine, sur lesquelles se font les ramifications presque innombrables des vaisseaux capillaires de ces sortes de poumons: il y a 46 muscles employés au mouvement de ces côtes, 8 qui en dilatent l'intervalle, 16 qui les resserrent, 6 qui les élargissent, le centre de chaque côte, 12 qui les retrécissent, & qui en même tems abaissent le sternum, & 4 qui le soulevent.

Les ouies ont une large ouverture sur laquelle est

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