ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"944"> nale avec la côte orientale. Tous les auteurs grecs & latins en parlent comme d'un cap où la mer est fort orageuse; c'est ce qui fait dire à Malherbe:

Il faut dans la plaine salée Avoir lutté contre Malée, Et près du naufrage dernier, S'être vû dessous les Pleyades Eloigné des ports & des rades, Pour être cru bon marinier.

Son nom moderne est Cabo Malio, & quelquefois par les matelots françois, les aîles de S. Michel: le golfe de Malée, Maleus sinus, étoit sans doute près du cap Malée. (D. J.)

MALÉDICTION (Page 9:944)

MALÉDICTION, (Gram.) imprécation qu'on prononce contre quelque objet mal - faisant. Un pere irrité maudit son enfant; un homme violent maudit la pierre qui l'a blessé; le peuple maudit le souverain qui le vexe; le philosophe qui admet la nécessité dans les évenemens, s'y soumet & ne maudit personne; Dieu a maudit le méchant de toute éternité. On croit que la malédiction assise sur un être est une espece de caractere; un ouvrier croit que la matiere qui ne se prête pas à ses vûes est maudite; un joueur que l'argent qui ne lui profite pas est maudit; ce penchant à rapporter à des causes inconnues & surnaturelles les effets dont la raison nous échappe, est la source premiere des préjugés les plus génèraux.

Malédiction (Page 9:944)

Malédiction, (Jurisprudence.) ce terme signifie les imprécations qu'on inséroit autrefois, & qu'on insere encore en quelques endroits dans les actes de donation en faveur des églises ou des maisons religieuses, contre quiconque en empêche l'effet: cet usage de faire des imprécations n'est point du style de nos notaires de France.

MALÉFICE (Page 9:944)

MALÉFICE, s. m. (Divinat.) sorte de magie ou sorcellerie. Voyez Magie & Sorcellerie.

Ce qu'on appelle maléfice ou fascination n'est pas sans fondement. Il y a sur cette matiere une infinité d'exemples & d'histoires qu'on ne doit pas rejetter précisément, parce qu'elles ne s'accordent pas avec notre philosophie; il semble même qu'on pourroit trouver dans la Philosophie de quoi les appuyer. Voyez Fascination.

Tous les êtres vivans que nous connoissons, envoient des écoulemens, soit par la respiration, soit par les pores de la peau. Ainsi tous les corps qui se trouvent dans la sphere de ces écoulemens, peuvent en être affectés, & cela d'une maniere ou d'une autre suivant la qualité de la matiere qui s'exhale, & à tel ou tel degré suivant la disposition des parties qui envoient les écoulemens, & de celles qui les reçoivent. Voyez Écoulement.

Cela est incontestable; & il n'est pas besoin pour le prouver, d'alleguer ici des exemples d'animaux qui exhalent de bonnes ou de mauvaises odeurs, ou des exemples de maladies contagieuses communiquées par ces sortes d'écoulemens, &c. Or de toutes les parties d'un corps animal, l'oeil paroît être celle qui a le plus de vivacité. Il se meut en effet avec la plus grande légereté & en toutes sortes de directions. D'ailleurs ses membranes & ses humeurs sont aussi perméables qu'aucune autre partie du corps, témoin les rayons du soleil qu'il reçoit en si grande abondance. Ainsi il ne faut pas douter que l'oeil n'envoie des écoulemens de même que les autres parties. Les humeurs subtilisées de cet organe doivent s'en exhaler continuellement; la chaleur des rayons qui les pénetrent, les atténue & les rarefie; ce qui étant joint au liquide subtil ou aux esprits du nerf optique voisin, que la proximité du cerveau fournit abondamment, doit faire un fonds de matiere volatile que l'oeil distribuera, & pour ainsi dire déterminera. Nous avons donc ici le trait à la main pour le lancer; ce trait a toute la force & la violence, & la main toute la vîtesse & l'activité nécessaires: il n'est donc pas étonnant si leurs effets sont promts & grands.

Concevons l'oeil comme une fronde capable des mouvemens & des vibrations les plus promtes & les plus rapides, & outre cela comme ayant communication avec la source d'une matiere telle que le suc nerveux qui se travaille dans le cerveau; matiere si subtile & si pénétrante, qu'on croit qu'elle coule en un instant à - travers les filets solides des nerfs, & en même tems si active & si puissante, qu'elle distend spasmodiquement les nerfs, fait tordre les membres, & altere toute l'habitude du corps, en donnant du mouvement & de l'action à une masse de matiere naturellement lourde & sans activité.

Un trait de cette espece lancé par une machine telle que l'oeil, doit avoir son effet par - tout où il frappe; & l'effet sera plus ou moins grand suivant la distance, l'impétuosité de l'oeil, la qualité, la subtilité, l'acrimonie des sens, la délicatesse ou la grossiereté de l'objet qui est frappé.

Par cette théorie on peut, à mon avis, rendre raison de quelques - uns des phénomenes du maléfice, & particulierement de celui qu'on nomme fascination. Il est certain que l'oeil a toujours été regardé comme le siége principal ou plutôt l'organe du maléfice, quoique la plupart de ceux qui en ont écrit ou parlé, ne sussent pas pourquoi. On attribuoit le maléfice à l'oeil, mais on n'imaginoit pas comment il opéroit cet effet. Ainsi selon quelques - uns, avoir mauvais oeil, est la même chose qu'être adonné aux maléfices: de - là cette expression d'un berger dans Virgile:

Nescio quis teneros oculus mihi fascinat agnos.

De plus, les personnes âgées & bilieuses sont celles que l'on croit ordinairement avoir la vertu du maléfice, parce que le suc nerveux est dépravé dans ces personnes par le vice des humeurs qui en l'irritant, le rendent plus pénétrant & d'une nature maligne. C'est pourquoi les jeunes gens & sur - tout les enfans en sont plutôt affectés, par la raison que leurs pores sont plus ouverts, leurs sucs sans cohérence, leurs fibres délicates & très - sensibles: aussi le maléfice dont parle Virgile n'a d'effet que sur les tendres agneaux.

Enfin le maléfice ne s'envoie que par une personne fâchée, provoquée, irritée, &c. car il faut un effort extraordinaire & une vive émotion d'esprit pour lancer une suffisante quantité d'écoulemens, avec une impétuosité capable de produire son effet à une certaine distance. C'est une chose incontestable que les yeux ont un pouvoir extraordinaire. Les anciens Naturalistes assurent que le basilic & l'opoblepa tuent les autres animaux par leur seul regard. On en croira ce qu'on voudra; mais un auteur moderne assure avoir vu une souris qui tournoit autour d'un gros crapaud lequel étoit occupé à la regarder attentivement la gueule béante; la souris faisoit toujours des cercles de plus petits en plus petits autour du crapaud, & crioit pendant ce tems - là comme si elle eût été poussée de force à s'approcher de plus en plus du côté du reptile. Enfin nonobstant la grande résistance qu'elle paroissoit faire, elle entra dans la gueule béante du crapaud & fut aussitôt avalée. Telle est encore l'action de la couleuvre à l'égard du crapaud qu'elle attend la gueule béante, & le crapaud va de lui - même s'y précipiter. On peut rapporter à la même cause ce que raconte un physicien. Il avoit mis sous un récipient un gros crapaud, pour voir combien il y vivroit sans aucune nourriture, & il l'observoit tous les jours: un jour entr'autres, qu'il avoit les [p. 945] yeux fixés sur cet animal, le crapaud en s'enflant dirigea les siens sur ceux de l'observateur, dont insensiblement la vue se troubla, & qui tomba enfin en syncope. Qui est - ce qui n'a pas observé un chien - couchant & les effets de son oeil sur la perdrix, dès qu'une fois les yeux du pauvre oiseau rencontrent ceux du chien, la perdrix s'arrête, paroît toute troublée, ne pense plus à sa conservation & se laisse prendre facilement. Je me souviens d'avoir lu qu'un chien en regardant fixément des écureuils qui étoient sur des arbres, les avoit arrêtés, stupéfiés, & fait tomber dans sa gueule.

Il est aisé d'observer que l'homme n'est pas à couvert de semblables impressions. Il y a peu de gens qui n'ayent quelquefois éprouvé les effets d'un oeil colere, fier, imposant, dédaigneux, lascif, suppliant, &c. Ces sortes d'effets ne peuvent certainement venir que des différentes éjaculations de l'oeil, & sont un degré de maléfice. Voilà tout ce qu'une mauvaise philoso phie peut dire de moins pitoyable.

Les Démonographes entendent par maléfice une espece de magie par laquelle une personne par le moyen du démon, cause du mal à une autre. Outre la fascination dont nous venons de parler, ils en comptent plusieurs autres especes, comme les philtres, les ligatures, ceux qu'on donne dans un breuvage ou dans un mêts, ceux qui se font par l'haleine, &c. dont la plûpart peuvent être rapportées au poison; de sorte que quand les juges séculiers connoissent de cette espece de crime & condamnent à quelque peine afflictive ceux qui en sont convaincus, le dispositif de la sentence porte toujours que c'est pour cause d'empoisonnement & de maléfice. Voyez Ligature, Philtre, &c.

MALE - GOUVERNE (Page 9:945)

MALE - GOUVERNE, s. f. (Hist. ecclés.) nom que l'on donne en certains monasteres, aux bâtimens qui sont accessibles aux personnes de dehors, & où la regle ne s'observe pas.

MALEMBA (Page 9:945)

MALEMBA, (Géog.) royaume dans la basse<-> Éthiopie, au midi du royaume de Metamba. La Coanza, dont la source est inconnue, le coupe d'orient en occident. (D. J.)

MALEMUCK (Page 9:945)

MALEMUCK, s. m. (Hist. nat.) oiseau qui est commun sur les côtes de Spitzberg. Ils s'attroupent comme des moucherons, pour manger la graisse des baleines, qui nage à la surface des eaux; ils en prennent avec tant d'excès qu'ils sont obligés de la rejetter, après quoi ils en prennent de nouveau. Lorsqu'une baleine a été frappée avec le harpon, ils sont fort avides de s'abreuver de son sang: en un mot, il n'est point d'animal plus vorace. Cet oiseau a comme deux becs, l'un au - dessus de l'autre. Il a trois ongles liés par une peau grise; sa queue est large & ses aîles longues; la couleur de ses plumes varie, mais en général il est gris & blanc sous le ventre. Il ne plonge point sous l'eau, mais il se soutient à sa surface; l'odeur de ces animaux est d'une puanteur révoltante.

MALETTE a berger (Page 9:945)

MALETTE a berger, (Botan.) bursa pastoris. Offic. Voyez Tabouret, Botan. (D. J.)

MALEUS Sinus (Page 9:945)

MALEUS Sinus, (Géog. anc.) le golfe de Malée qui étoit sans doute près du cap Malée. Florus en parle lib. III. cap. vj. (D. J.)

MAL FAÇON (Page 9:945)

MAL FAÇON, s. f. (Art méchan.) se dit de tout desaut de matiere & de construction, causé par ignorance, négligence de travail, ou épargne. Par exemple, les jurés - experts sont obligés par leurs statuts & réglemens, de visiter les bâtimens que l'on construit, pour réformer les mal - façons & autres abus qui se commettent dans l'art de bâtir.

MAL FAISANT (Page 9:945)

MAL FAISANT, adj. (Gram. & Morale.) qui nuit, qui fait du mal. Si l'homme est libre; c'est - à - dire, si l'ame a une activité qui lui soit propre, & en vertu de laquelle elle puisse se déterminer à faire ou ne pas faire une action, quelles que soient ses habitudes ou celles du corps, ses idées, ses passions, le tempérament, l'âge, les préjugés, &c. il y a certainement des hommes vertueux & des hommes vicieux; s'il n'y a point de liberté, il n'y a plus que des hommes bien faisans & des hommes mal - faisans; mais les hommes n'en sont pas moins modéfiables en bien & en mal; les bons exemples, les bons discours, les châtimens, les récompenses, le blâme, la louange, les lois ont toujours leur effet: l'homme mal - faisant est malheureusement né.

MAL FAISANTE (Page 9:945)

MAL FAISANTE, (Insect.) Voyez Mille - piés.

MALHEUR (Page 9:945)

MALHEUR, (Morale.) infortune, désastre, accident dommageable & fâcheux.

Les malheurs sont tout l'appanage de l'humanité. Il y en a pour tous les états de la vie; personne ne peut s'y soustraire, ni se flater de s'en mettre à l'abri; il est peut - être même plus sage de préparer son ame à l'adversité que de s'occuper à la prévenir. On voit des gens des plus estimables sur la liste de ces noms sacrés que l'envie a persécutés, que leur mérite a perdus, & qui ont laissé aux remords de leurs persécuteurs le soin de leur propre vengeance. Les malheurs développent souvent en nous des sentimens, des lumieres, des forces que nous ne connoissions pas, faute d'en avoir eu besoin. Ergotele chanté par Pindare, n'eût point triomphé sans l'injuste exil qui l'éloigna de sa patrie; sa gloire se seroit flétrie dans la maison de son pere, comme une fleur sur sa tige. L'infortune fait sur les grandes ames ce que la rosée fait sur les fleurs, si je puis me servir de cette comparaison; elle anime leurs parfums; elle tire de leur sein les odeurs qui embaument l'air. Socrate se disoit l'accoucheur des pensées: je croi que le malheur l'est des vertus. Ce sage a été lui - même un bel exemple de l'injustice des hommes, à condamner celui qu'ils devoient le plus respecter. Après cela, qui peut répondre de sa destinée? Il ne tiendroit quelquefois qu'à cinq ou six coquins de faire pendre le plus honnête homme, en attestant qu'il a fait un vol, auquel il n'a pu penser. Enfin nous n'avons à nous que notre courage, qui forcé de céder à des obstacles insurmontables, peut plier sans être vaincu. Cette pensée poétique de Sénéque est fort belle: « La vraie grandeur est d'avoir en même - tems la foiblesse de l'homme, & la force de Dieu ». Les Poëtes nous disent que lorsqu'Hercule fut détacher Prométhée (qui représente la nature humaine), il traversa l'Océan dans un vase de terre: c'est donner une vive idée du courage, qui dans la chair fragile surmonte les tempêtes de ce monde. (D. J.)

MALHEUREUX, MISÉRABLE (Page 9:945)

MALHEUREUX, MISÉRABLE. (Gramm.) On dit indifféremment une vie malheureuse, une vie misérable; c'est un malheureux; c'est un homme misérable. Mais il y a des endroits où l'un de ces deux mots est bon, & l'autre ne vaut rien. On est malheureux au jeu, on n'y est pas misérable; mais on devient misérable, en perdant beaucoup au jeu. Misérable semble marquer un état fâcheux, soit que l'on y soit né, soit que l'on y soit tombé. Malheureux semble marquer un accident qui arrive tout - à - coup, & qui ruine une fortune naissante ou établie. On plaint proprement les malheureux; on assiste les misérables. Voici deux vers de Racine qui expriment fort bien la différence de ces deux mots:

Haï, craint, envié, souvent plus misérable Que tous les malheureux que mon pouvoir accable. De plus, misérable a d'autres sens que malheureux n'a pas; car on dit d'un méchant auteur & d'un méchant ouvrage: c'est un auteur misérable, cela est misérable. On dit encore à - peu - près dans le même sens: Vous me traitez comme un misérable; c'est - à - dire, vous

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