ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"908"> res en 1633 jusqu'à ce jour. Je passerai rapidement sur une partie, & m'arrêterai davantage sur les artistes en écriture qui paroissent plus le mériter.

Entre ceux qui se sont distingués dans cet espace, on peut citer le Bé & Barbedor dont j'ai déjà parlé, auxquels ils faut ajoûter Robert Vignon, Moreau, Pétré, Philippe Limosin, Raveneau, Nicolas Duval, Etienne de Blégny, de Héman, Leroy, & Baillet; tous, excepté les trois derniers qui n'ont donné que des ouvrages seulement à la main, ont produit de bons livres gravés en l'art d'écrire. Il en est encore d'autres dont la réputation & le talent semblent l'emporter.

Le premier est Senault, qui étoit un homme habile, non - seulement dans l'écriture, mais encore dans l'art de les graver. Il a donné au public beaucoup d'ouvrages où la fécondité du génie & l'adresse de la main paroissoient avec éclat. C'étoit un travailleur infatigable, & qui dès l'âge de 24 ans étonna par les productions qui sortoient de sa plume & de son burin. M. Colbert à qui il a présenté plusieurs de ces livres l'estimoit beaucoup. Cet artiste habile en deux genres, & qui étoit secrétaire ordinaire de la chambre du roi, fut reçu professeur en 1675.

Le second est Laurent Fontaine; il mit au jour en 1677 son Art d'écrire expliqué en trois tables, & gravé par Senault. Le génie particulier de ce maître étoit la simplicité; tout dans son ouvrage respire le naturel, le clair, le précis & l'instructif.

Le troisieme est Jean - Baptiste Allais de Beaulieu, qui en 1680 fit paroître un livre sur l'écriture, gravé par Senault, qui eut un succès étonnant. Il médita sur son art en homme profond & qui veut percer, aussi son ouvrage est un des meilleurs sur cette matiere: tout s'y trouve détaillé sans confusion ni superfluité; ses démonstrations ont pour base la vérité & la justesse. Ce grand maître ne s'étoit point destiné d'abord pour l'art d'écrire, mais pour le barreau. Il étoit avocat, lorsque son pere, habile maître écrivain de la ville de Rennes, mourut à Paris des chagrins que lui causerent des envieux de son mérite & de son talent. Cette mort changea ses desseins; il se vit forcé vers l'an 1648, à travailler à un art qui ne lui avoit servi jusqu'alors qu'à écrire des plaidoyers; mais comme il vouloit se faire connoître par une capacité supérieure, il resta pour ainsi dire enseveli dans le travail pendant douze années, & jusqu'au moment où il se fit recevoir professeur, ce qui fut en 1661. Cet habile écrivain jouissoit d'une si grande réputation & étoit si recherché pour son écriture, que M. le marquis de Louvois lui offrit une place de dix mille livres qu'il refusa, parce que sa classe composée de tout ce qu'il y avoit de mieux à Paris, lui rapportoit le double. L'éloge le plus flatteur que l'on puisse faire de ce célebre écrivain, c'est qu'il étoit avec justice le plus grand maître en écriture du xvij. siecle.

Le quatrieme est Nicolas Lesgret, natif de Reims. Il se distingua de bonne heure dans l'art d'écrire, & j'ai des pieces de ce maître faites à l'âge de vingt - quatre ans, où il y a de très - belles choses. La cour fut le théâtre où il brilla le plus, étant secrétaire ordinaire de la chambre du roi, & toujours à sa suite; il fut préféré à tout autre pour enseigner aux jeunes seigneurs. Cet expert écrivain reçu professeur en 1659, donna en 1694 un ouvrage au public, gravé par Berey, où le corps d'écriture est bon & correct, & les traits d'une riche composition.

Le siecle où nous vivons a produit, ainsi que le précédent, de très - habiles écrivains. Je ne parlerai seulement que d'Olivier Sauvage, Alexandre, Rossignol, Michel, Bergerat, & de Rouen.

Olivier Sauvage, reçu professeur en 1693, étoit de Rennes, & neveu du célebre Allais. Il se forma sous les yeux de son oncle; il possedoit le beau de l'art, & avoit un feu dans l'exécution qui le distinguera toujours. Cet artiste qui a eu une grande réputation & une infinité de bons éleves, est mort le 14 Octobre 1737, âgé d'environ 72 ans.

Alexandre avoit une main des plus brillantes. Il avoit possédé de beaux emplois avant d'enseigner l'art d'écrire. Dans l'une & l'autre fonction il a fait des ouvrages qui méritent d'être conservés. Ce qu'on pourroit pourtant lui reprocher, c'est d'avoir mis quelquefois trop de confusion; mais quel est l'artiste exempt de défauts? Cet écrivain a fait de bons éleves, & est mort au mois de Juillet 1738.

Louis Rossignol, natif de cette ville, éleve de Sauvage, a été le peintre de l'écriture. Cet artiste étoit né avec un goût décidé pour cet art, aussi l'a - t - il exécuté avec la plus grande perfection sans sortir de la belle simplicité. Il a su, en suivant le principe d'Allais, éviter ses défauts, & donner à tout ce qu'il traçoit une grace frappante. Dès l'âge de 15 ans il commença à acquérir une réputation qui s'est beaucoup accrue par les progrès rapides qu'il a fait dans son art. Sa classe étoit des plus brillantes & des plus nombreuses; il la conduisoit avec un ordre & une régularité unique. Son habileté lui a mérité l'honneur d'être choisi pour enseigner à écrire à M. le duc d'Orléans, actuellement vivant. Je m'estimerai toujours heureux d'avoir été un de ses disciples, & je conserve avec soin les corrections qu'il m'a faites en 1733, & beaucoup de ses pieces; elles sont d'une beauté & d'une justesse de principes dont rien n'approche. On peut dire de cet habile maître, reçu professeur en 1719, & qui mourut en 1739, dans la 45e année de son âge, ce que M. Lépicie dit de Rapaël, fameux peintre, (Catalog. raisonn. des tab. du roi, tom. I. pag. 72.) « que son nom seul emporte avec lui l'idée de la perfection ».

Michel étoit un savant maître, & peut - être celui qui a le mieux connu l'effet de la plume; aussi passoit - il avec raison pour un grand démonstrateur. Reçu professeur en 1698, il mourut il y a quelques années.

Bergerat, reçu professeur en 1739, écrivoit d'une maniere distinguée. Il excelloit dans la composition des traits, qu'il touchoit avec beaucoup de goût & de délicatesse. Il réussissoit aussi dans l'exécution des états, qu'il rangeoit dans un ordre & dans une élégance admirable. Ce maître qui mourut le 14 Août 1755, n'avoit pas un grand feu de main, mais beaucoup d'ordre, de sagesse & de raisonnement.

Pierre Adrien de Rouen, fut un homme aussi patient dans ses ouvrages, que vif dans ses autres actions. Ce maître qui a été habile dans l'art d'écrire, ne l'a pas été autant dans la démonstration & dans l'art d'enseigner. Son goût le portoit à faire des traits artistement travaillés, & à écrire extrèmement fin dans le genre de ceux dont il est parlé dans ce dictionnaire à l'article Ecrivain, fait par M. le chevalier de Jaucourt. Tout Paris a vû avec surprise de ses ouvrages, sur - tout les portraits du roi & de la reine ressemblans. A l'aspect de ces deux tableaux on croyoit voir une belle gravure; mais examinés de plus près, ce qu'on avoit cru l'effet du burin, n'étoit autre chose que de l'écriture d'une finesse surprenante. Cette écriture exprimoit tous les passages de l'Ecriture - sainte, qui avoient rapport à la soumission & au respect que l'on doit aux souverains. J'ai quelques ouvrages de cet artiste, sur - tout une grande piece sur parchemin, représentant un morceau d'architecture en traits, formant un autel avec deux croix, dont l'une est composée du Miserere, & l'autre du Vexilla regis, &c. Ce chef - d'oeuvre (car on peut l'appeller ainsi) est étonnant & fait voir une patience inconcevable. Cet écrivain adroit présenta [p. 909] un livre curieux, qu'il avoit écrit, à madame la chanceliere, qui pour le récompenser le fit recevoir professeur en 1734. Le long espace de tems qu'exigeoient des ouvrages de cette nature, & le peu de gain qu'il en retiroit, le réduisirent dans un état de misere à laquelle M. l'abbé d'Hermam de Clery, amateur de l'écriture, & qui posséde beaucoup de ses ouvrages, apporta quelque adoucissement, par un emploi qu'il a conservé jusqu'à sa mort, arrivée en 1757, âgé seulement de 48 ans.

Je me suis un peu étendu sur les plus grands artistes que la communauté des maîtres Ecrivains a produits. J'ai cru ce détail nécessaire pour encourager les jeunes gens, & leur faire comprendre que par le travail & l'application on peut parvenir à tous les arts.

Il s'agit à présent de faire l'analyse des statuts, par lequel je terminerai cet article.

Les statuts actuels des maîtres Ecrivains sont de 1727. Ils ont été confirmés par lettres - patentes du roi données au mois de Décembre de la même année, & enregistrées en parlement le 3 Septembre 1728. Ce ne sont pas les premiers statuts qu'ils aient eus, ils en avoient auparavant de 1658, & ces derniers avoient succédé à de plus anciens, qui servoient depuis l'érection de la communauté.

Ces statuts contiennent trente articles.

Le premier veut qu'avec de la capacité l'on soit de la religion catholique, apostolique & romaine, & de bonnes vie & moeurs.

Le second, que l'on ait au moins 20 ans pour être reçû, & que l'on subisse trois examens dans trois jours différens, sur tout ce qui conceine l'Ecriture, l'Ortographe, l'Arithmétique universelle, les comptes à parties simples & doubles, & les changes étrangers.

Le troisieme, défend à tout autre qu'à un maître reçu, de tenir classe & d'enseigner en ville, à peine de 500 livres d'amende.

Le quatrieme, que chaque maitre ait le droit d'écrire pour le public, & de signer tous les ouvrages qu'il fera à cette fin.

Le cinquieme fait défense à toutes personnes de prendre le titre d'écrivain, à moins qu'elles ne soient membres de la communauté.

Il est dit dans le sixieme, que les fils de maitre nés dans la maitrise de leur pere, seront reçus à 18 ans accomplis, sans examen, mais seulement feront une legere expérience par écrit de leur capacité.

Et dans le septieme, qu'ils seront reçus gratis, en payant les deux tiers du droit royal, le coût de la lettre de maitrise, & autres petits droits.

Le huitieme, après avoir expliqué ce que l'on doit payer pour la maitrise, ajoute que les aspirans seront reçus par les syndic, greffier, doyen, & vingt - quatre anciens, qui étant partagés en deux bandes, recevront alternativement les aspirans, qui feront ensuite serment pardevant monsieur le lieutenant général de police.

Le neuvieme, porte que les doyen & vingt - quatre anciens, présenteront alternativement les aspirans à la maitrise, selon leur ordre de réception. A l'égard des fils de maitres, ils seront présentés par leur pere ou par le doyen.

Le dixieme, que les fils de maitres nés avant la réception de leur pere, ainsi que ceux qui épouseront des filles de maitres, subiront les examens ordinaires, & payeront la moitié des droits, les deux tiers du droit royal, le coût de la lettre de maitrise & autres.

Le onzieme, qu'aucuns maitres en général ne pourront assister à la vérification, qu'ils n'ayent atteint l'âge de 25 ans accomplis.

Le douzieme, que chaque maitre pourra mettre au - devant de sa maison un ou deux tableaux ornés de plumes d'on, traits, cadeaux, & autres ornemens, dans lesquels il s'indiquera par rapport aux fonctions générales ou particulieres attachées à la qualité de maître Ecrivain, desquelles il voudra faire usage. Qu'aucun ne pourra encore faire apposer affiches ès - lieux publics, sans un privilége du roi, ni même envoyer & faire distribuer par les maisons & sur les places publiques, aucuns billets, mémoires imprimés ou écrits à la main, pour indiquer sa demeure & sa profession: le tout à peine de 500 livres d'amende.

Le treizieme, que les veuves de maitres auront la liberté pendant leur viduité, de tenir classe d'écritures & d'arithmétique pour la faire exercer par quelqu'un capable, qui à la réquiution de la veuve, se sera avouer par les syndic, greffier en charge, le doyen & les vingt - quatre anciens.

Le quatorzieme, que si une veuve de maitre vouloit se marier en secondes noces à un particulier qui voulût être de la profession de son défunt mari, elle jouira du privilége attribué aux filles nées dans la maitrise de leur pere.

Le quinzieme, que si quelqu'un des maitres étoit obligé d'agir en justice contre un ou plusieurs de ses confreres pour quelque cas qui concernât la maitrise, il ne pourra se pourvoir que par devant M. le lieutenant général de police, comme juge naturel de sa communauté.

Le seizieme, que l'on fera célebrer le service divin en l'honneur de Dieu & de saint Jean l'Evangéliste deux fois l'année, le six Mai & 27 Décembre, & que le lendemain du six Mai, il y aura un service pour les maitres défunts.

Le dix - septieme, que tous les deux ans il sera élu un syndic & un greffier, pour gérer les affaires de la communauté, lesquels seront nommés à la pluralité des voix de toute la communauté généralement convoquée en l'hôtel, & par - devant M. le lieutenant général de police, en présence de M. le procureur du roi du châtelet.

Le dix - huitieme, que le syndic aura la conduite & le maniement des affaires conjointement avec le greffier, lequel syndic ne pourra cependant rien entreprendre sans en avoir conféré avec les vingt - quatre anciens, qui doivent être naturellement regardés comme ses adjoints; & quand le cas le requerra, avec tous les maitres généralement convoqués.

Le dix - neuvieme, que toutes les assemblées générales seront faites au bureau, & que tous les maitres convoqués qui ne s'y trouveront pas, payeront trois livres d'amende.

Le vingtieme, que quand la communauté sera plus nombreuse, & pour éviter la confusion, on fera des assemblées seulement composées du doyen, des vingt - quatre anciens, de douze modernes & douze jeunes; en sorte qu'elles ne formeront que 49 maitres, non compris le syndic & le greffier, lesquels seront tenus de s'y trouver.

Le vingt - unieme concerne l'ordre des assemblées, tant générales que particulieres, & de quelle maniere on doit se conduire pour les délibérations.

Le vingt - deuxieme, que les modernes & jeunes, auront la liberté de venir aux examens des récipiendaires pour y voir leur chef - d'oeuvre, à condition qu'ils auront soin de n'en pas abuser, & qu'ils se tiendront dans le respect & le silence.

Le vingt - troisieme, qu'aucun maitre ne pourra entrer aux assemblées avec l'épée au côté.

Le vingt - quatrieme, qu'il sera communiqué aux récipiendaires un formulaire par demandes & réponses sur l'art d'écrire, l'Orthographe, l'Arithmétique, les vérifications, &c. quinze jours avant son

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.