ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"813"> comme la belle hache, le liais ferault, & la plûpart des pierres dures.

Pierre franche, celle qui est la plus parfaite que l'on puisse tirer de la carriere, & qui ne tient ni de la dureté du ciel de la carriere, ni de la qualité de celles qui sont dans le fond.

Pierre pleine, toute pierre dure qui n'a ni cailloux, ni coquillages, ni trous, ni moye, ni molieres, comme sont les plus beaux liais, la pierre de tonnere, &c.

Pierre entiere, celle qui n'est ni cassée ni fêlée, dans laquelle il ne se trouve ni fil, ni veine courante ou traversante; on le connoît facilement par le son qu'elle rend en la frappant avec le marteau.

Pierre trouée, poreuse, ou choqueuse, celle qui étant taillée est remplie de trous dans ses paremens, tel que le rustic de Meudon, le tuf, la meuliere, &c.

Pierre gelisse ou verte, celle qui est nouvellement tirée de la carriere, & qui ne s'est pas encore dépouillée de son humidité naturelle.

Pierre de couleur, celle qui tirant sur quelques couleurs, cause une variété quelquefois agréable dans les bâtimens.

De la pierre selon ses défauts. Il n'y a point de pierre qui n'ait des défauts capables de la faire rebuter, soit par rapport à elle - même, soit par la négligence ou mal - façon des ouvriers qui la mettent en oeuvre, c'est pourquoi il faut éviter d'employer celles que l'on appelle ainsi.

Des défauts de la pierre par rapport à elle - même. Pierre de ciel, celle que l'on tire du premier banc des carrieres; elle est le plus souvent défectueuse ou composée de parties très - tendres & très - dures indifféremment, selon le lieu de la carriere où elle s'est trouvee.

Pierre coquilleuse ou coquilliere, celle dont les paremens taillés sont remplis de trous ou de coquillages, comme la pierre de S. Nom, à Versailles.

Pierre de soupré, celle du fond de la carriere de S. Leu, qui est trouée, poreuse, & dont on ne peut se servir à cause de ses mauvaises qualités.

Pierre de souchet, en quelques endroits, celle du fond de la carriere, qui n'étant pas formée plus que le bouzin, est de nulle valeur.

Pierre humide, celle qui n'ayant pas encore eu le tems de sécher, est sujette à se feuilleter ou à se geler.

Pierre grasse, celle qui étant humide, est par conséquent sujette à la gelée, comme la pierre de cliquart.

Pierre feuilletée, celle qui étant exposée à la gelée, se délite par feuillet, & tombe par ecaille, comme la lambourde.

Pierre délitée, celle qui après s'être fendue par un fil de son lit, ne peut être taillée sans déchet, & ne peut servir après cela que pour des arrases.

Pierre moulinée, celle qui est graveleuse, & s'égraine à l'humidité, comme la lambourde qui a particulierement ce défaut.

Pierre félée, celle qui se trouve cassée par une veine ou un fil qui court ou qui traverse.

Pierre moyée, celle dont le lit n'étant pas également dur, dont on ôte la moye & le tendre, qui diminue son épaisseur, ce qui arrive souvent à la pierre de la chaussée.

Des défauts de la pierre, par rapport à la main - d'oeuvre. On appelle pierre gauche, celle qui au sortir de la main de l'ouvrier, n'a pas ses paremens opposés paralleles, lorsqu'ils doivent l'être suivant l'épure (t), ou dont les surfaces ne se bornoyent point, & qu'on ne sauroit retailler sans déchet.

(t) Une épure est un dessein ou développement géométrique des lignes droites & courbes des voûtes.

Pierre coupée, celle qui ayant été mal taillée, & par conséquent gâtée, ne peut servir pour l'endroit où elle avoit été destinée.

Pierre en délit, ou délit en joint, celle qui dans un cours d'assises, n'est pas posée sur son lit de la même maniere qu'elle a été trouvée dans la carriere, mais au contraire sur un de ses paremens. On distingue pierre en délit de délit en joint, en ce que l'un est lorsque la pierre étant posée, le parement de lit fait parement de face, & l'autre lorsque ce même parement de lit fait parement de joint.

De la pierre selon ses façons. On entend par façon la premiere forme que reçoit la pierre, lorsqu'elle sort de la carriere pour arriver au chantier, ainsi que celle qu'on lui donne par le secours de l'appareil, selon la place qu'elle doit occuper dans le bâtiment; c'est pourquol'on appelle.

Pierre au binard, celle qui est en un si gros volume, & d'un si grand poids, qu'elle ne peut être transportée sur l'attelier, par les charrois ordinaires, & qu'on est obligé pour cet effet de transporter sur un binard, espece de chariot tiré par plusieurs chevaux attelés deux à deux, ainsi qu'on l'a pratiqué au Louvre, pour des pierres de S. Leu, qui pesoient depuis douze jusqu'à vingt - deux & vingt - trois milliers, dont on a fait une partie des frontons.

Pierre d'échantillon, celle qui est assujettie à une mesure envoyée par l'appareilleur aux carrieres, & à laquelle le carrier est obligé de se conformer avant que de la livrer à l'entrepreneur; au lieu que toutes les autres sans aucune mesure constatée, se livrent à la voie, & ont un prix courant.

Pierre en debord, celle que les carriers envoient à l'attelier, sans être commandée.

Pierre velue, celle qui est brute, telle qu'on l'a amenée de sa carriere au chantier, & à laquelle on n'a point encore travaillé.

Pierre bien faite, celle où il se trouve sort - peu de déchet en l'équarissant.

Pierre ébouzinée, celle dont on a ôté tout le tendre & le bouzin.

Pierre tranchée, celle où l'on a fait une tranchée avec le marteau, fig. 89. dans toute sa hauteur, à dessein d'en couper.

Pierre débitée, celle qui est sciée. La pierre dure & la pierre tendre ne se débitent point de la même maniere. L'une se debite à la scie sans dent, fig. 143. avec de l'eau & du grais comme le liais, la pierre d'Arcueil, &c. & l'autre à la scie à dent, fig. 145. comme le S. Leu, le tuf, la craie, &c.

Pierre de haut & bas appareil, celle qui porte plus ou moins de hauteur de banc, après avoir été atteinte jusqu'au vif.

Pierre en chantier, celle qui se trouve callée par le tailleur de pierre, & disposée pour être taillée.

Pierre esmillée, celle qui est équarrie & taillée grossierement avec la pointe du marteau, pour être employée dans les fondations, gros murs, &c. ainsi qu'on l'a pratiqué aux cinq premieres assises des fondemens de la nouvelle église de Sainte Génevieve, & à ceux des bâtimens de la place de Louis XV.

Pierre hachée, celle dont les paremens sont dressés avec la hache A du marteau bretelé fig. 93. pour être ensuite layée ou rustiquée.

Pierre layée, celle dont les paremens sont travaillés au marteau bretelé, fig. 91.

Pierre rustiquée, celle qui ayant été équarrie & hachée, est piquée grossierement avec la pointe du marteau, fig. 89.

Pierre piquée, celle dont les paremens sont piqués avec la pointe du marteau, fig. 91.

Pierre ragrée au fer, ou riflée, celle qui a été passée au riflard, fig. 114 & 115. [p. 814]

Pierre traversée, celle qui après avoir été bretelée, les traits des bretelures se croisent.

Pierre polie, celle qui étant dure, a reçu le poli au grais, en sorte qu'il ne paroît plus aucunes marques de l'outil avec lequel on l'a travaillée.

Pierre taillée, celle qui ayant été coupée, est taillée de nouveau avec déchet: on appelle encore de ce nom celles qui provenant d'une démolition, a été taillee une seconde fois. pour être de rechef mise en oeuvre.

Pierre faite, celle qun est entierement taillée, & prete à être enlevée, pour être mise en place par le poseur.

Pierre nette, celle qui est équarrie & atteinte jusqu'au vif.

Pierré retournée, celle dont les paremens opposés sont d'équerre & paralleles entre eux.

Pierre louvée, celle qui a un trou méplat pour recevoir la louve, fig. 163.

Pierre d'encoignure, celle qui ayant deux paremens d'équerre l'un à l'autre, se trouve placée dans l'angle de quelques avants ou arrieres corps.

Pierre parpeigne, de parpein, ou faisant parpein, celle qui traverse l'épaisseur du mur, & fait parement des deux côtés; on l'appelle encore pamieresse.

Pierre fusible, celle qui change de nature, & devient transparente par le moyen du feu.

Pierre statuaire, celle qui étant d'échantillon, est propre & destinée pour faire une statue.

Pierre fichée, celle dont l'intérieur du joint est rempli de mortier clair ou de coulis.

Pierres jointoyées, celles dont l'extérieur des joints est bouché, & ragréé de mortier serré, ou de plâtre.

Pierres feintes, celles qui pour faire l'ornement d'un mur de face, ou de terrasse, sont séparées & comparties en maniere de bossage en liaison, soit en relief ou seulement marquées sur le mur par les enduits ou crepis.

Pierres à bossages, ou de refend, celles qui étant posées, representent la hauteur égale des assises, dont les joints sont refendus de différentes manieres.

Pierres artificielies, toutes especes de briques, tuiles, carreaux, &c. pétries & moulées, cuites ou crues.

De la pierre selon ses usages. On appelle premiere pierre, celle qui avant que d'élever un mur de fondation d'un édifice, est destinée à renfermer dans une cavité d'une certaine profondeur, quelques médailles d'or ou d'argent, frappées relativement à la destination du monument, & une table de bronze, sur laquelle sont gravées les armes de celui par les ordres duquel on construit l'édifice. Cette cérémonie qui se fait avec plus ou moins de magnificence, selon la dignité de la personne, ne s'observe cependant que dans les édifices royaux & publics, & non dans les bâtimens particuliers. Cet usage existoit du tems des Grecs, & c'est par ce moyen qu'on a pu apprendre les époques de l'édification de leurs monumens, qui sans cette précaution seroit tombée dans l'oubli, par la destruction de leurs bâtimens, dans les différentes révolutions qui sont survenues.

Derniere pierre, celle qui se place sur l'une des faces d'un édifice, & sur laquelle on grave des inscriptions, qui apprennent à la postérité le motif de son édification, ainsi qu'on l'a pratiqué aux piédestaux des places Royale, des Victoires, de Vendôme à Paris, & aux fontaines publiques, porte S. Martin, saint Denis, saint Antoine, &c.

Pierre percée, celle qui est faite en dalle (u), & qui se pose sur le pavé d'une cour, remise ou écurie, ou qui s'encastre dans un chassis aussi de pierre, soit pour donner de l'air ou du jour à une cave, ou

(u) Dalle est une pierre platte & très - mince.
sur un puisard pour donner passage aux eaux pluviales d'une ou de plusieurs cours.

Pierre à chassis, celle qui a une ouverture circulaire, quarrée, ou rectangulaire, de quelque grandeur que ce soit, avec feuillure ou sans feuillure, pour recevoir une grille de fer maillée ou non maillée, percée ou non percée, & servir de fermeture à un regard, fosse d'aisance, &c.

Pierre à évier, du latin emissarium, celle qui est creuse, & que l'on place à rez - de - chaussée, ou à hauteur d'appui, dans un lavoir ou une cuisine, pour faire écouler les eaux dans les dehors. On appelle encore de ce nom une espece de canal long & étroit, qui sert d'égout dans une cour ou allée de maison.

Pierre à laver, celle qui forme une espece d'auge plate, & qui sert dans une cuisine pour laver la vaisselle.

Pierre perdue, celle que l'on jette dans quelques fleuves, rivieres, lacs, ou dans la mer, pour sonder, & que l'on met pour cela dans des caissons, lorsque la profondeur ou la qualité du terrain ne permet pas d'y enfoncer des pieux; on appelle aussi de ce nom celles qui sont jettées à baies de mortier dans la maçonnerie de blocage.

Pierres incertaines, ou irrégulieres, celles que l'on emploie au sortir de la carriere, & dont les angles & les pans sont inégaux: les anciens s'en servoient pour paver; les ouvriers la nomment de pratique, parce qu'ils la font servir sans y travailler.

Pierres jectices, celles qui se peuvent poser à la main dans toute sorte de construction, & pour le transport desquelles on n'est pas obligé de se servir de machines.

Pierres d'attente, celles que l'on a laissé en bossage, pour y recevoir des ornemens, ou inscriptions taillées, ou gravées en place. On appelle encore de ce nom celles qui lors de la construction ont été laissées en harpes (x), ou arrachement (y), pour attendre celle du mur voisin.

Pierres de rapport, celles qui étant de différentes couleurs, servent pour les compartimens de pavés mosaïques (z), & autres ouvrages de cette espece.

Pierres précieuses, toutes pierres rares, comme l'agate, le lapis, l'aventurine, & autres, dont on enrichit les ouvrages en marbre & en marqueterie, tel qu'on en voit dans l'église des carmelites de la ville de Lyon, où le tabernacle est composé de marbre & de pierres précieuses, & dont les ornemens sont de bronze.

Pierre spéculaire, celle qui chez les anciens étoit transparente comme le talc, qui se débitoit par feuillet, & qui leur servoit de vitres; la meilleure, selon Pline, venoit d'Espagne: Martial en fait mention dans ses épigrammes, livre II.

Pierres milliaires, celles qui en forme de socle, ou de borne, chez les Romains, étoient placées sur les grands chemins, & espacées de mille en mille, pour marquer la distance des villes de l'empire, & se comptoient depuis la milliaire dorée de Rome, tel que nous l'ont appris les historiens par les mots de primus, secundus, tertius, &c. ab urbe lapis; cet usage existe encore maintenant dans toute la Chine.

Pierres noires, celles dont se servent les ouvriers dans le bâtiment pour tracer sur la pierre: la plus tendre sert pour dessiner sur le papier. On appelle

(x) Harpes, pierres qu'on a laissées a l'épaisseur d'un mur alternativement en saillie, pour faire liaison avec un mur voisin qu'on doit élever par la suite. (y) Arrachemens sont des pierres ou moilons aussi en saillie, qui attendent l'édification du mur voisin. (z) Mosaique, ouvrage composé de verres de toutes sortes de couleurs, taillés & ajustés quarrément sur un fond de stuc, qui imitent très bien les diverses couleurs de la peinture, & avec lesquels on exécute différens sujets.

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