ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"718"> que dans les pores les plus cachés des corps transparens, il se trouve une matiere subtile, qui à raison de son extrême petitesse peut en même tems pénétrer ce corps, & avoir cependant assez de force pour secouer & agiter certaines fibres placées au fond de l'oeil; enfin que cette matiere poussée par ce corps lumineux, porte ou communique l'action qu'il exerce sur elle, jusqu'à l'organe de la vûe.

La lumiere premiere consiste donc selon eux en un certain mouvement des particules du corps lumineux, au moyen duquel ces particules peuvent pousser en tout sens la matiere subtile qui remplit les pores des corps transparens.

Les petites parties de la matiere subtile ou du premier élément étant ainsi agitées, poussent & pressent en tout sens les petits globules durs du second élément, qui les environnent de tous côtés, & qui se touchent. M. Descartes suppose que ces globules sont durs, & qu'ils se touchent, afin de pouvoir transmettre en un instant l'action de la lumiere jusqu'à nos yeux; car ce phllosophe croyoit que le mouvement de la lumiere étoit instantané.

La lumiere est donc un effort au mouvement, ou une tendance de cette matiere à s'éloigner en droite ligne du centre du corps lumineux; & selon Descartes l'impression de la lumiere sur nos yeux, par le moyen de ces globules, est à - peu - près semblable à celle que les corps étrangers font sur la main d'un aveugle par le moyen de son bâton. Cette derniere idée a été employée depuis par un grand nombre de philosophes, pour expliquer différens phénomenes de la vision; & c'est presque tout ce qui reste aujourd'hui du systême de Descartes, sur la lumiere. Car en premier lieu la lumiere, comme nous le ferons voir plus bas, emploie un certain tems, quoique très - court, à se répandre; & ainsi ce philosophe s'est trompé, en supposant qu'elle étoit produite par la pression d'une suite de globules durs. D'ailleurs si les particules des rayons de lumiere étoient des globules durs, elles ne pourroient se réfléchir de maniere que l'angle de réflexion fût égal à l'angle d'incidence. Cette propriété n'appartient qu'aux corps parfaitement élastiques. Un corps d'or qui vient frapper perpendiculairement un plan, perd tout son mouvement, & ne se réfléchit point. Il se réfléchit au contraire dans cette même perpendiculaire, s'il est élastique; si ce corps vient frapper le plan obliquement, & qu'il soit dur, il perd par la rencontre du plan tout ce qu'il avoit de mouvement perpendiculaire, & ne fait plus après le choc, que glisser parallélement au plan: si au contraire le corps est élastique, il reprend en arriere en vertu de son ressort, tout son mouvement perpendiculaire, & se réfléchit par un angle égal à l'angle d'incidence. Voyez Réflexion. Voyez aussi Matiere subtile, & Cartésianisme.

Le P. Malebranche déduit l'explication de la lumiere, d'une analogie qu'il lui suppose avec le son. On convient que le son est produit par les vibrations des parties insensibles du corps sonore. Ces vibrations ont beau être plus grandes ou plus petites, c'est - à - dire se faire dans de plus grands ou de plus petits arcs de cercle, si malgré cela elles sont d'une même durée, elles ne produiront en ce cas dans nos sensations, d'autre différence que celle du plus ou moins grand degré de force; au lieu que si elles ont différentes durées, c'est - à - dire si un des corps sonores fait dans un même tems plus de vibrations qu'un autre, les deux sons différeront alors en espece, & on distinguera deux différens tons, les vibrations promptes formant les tons aigus, & les plus lentes les tons graves. Voyez Son aigu & grave.

Le P. Malebranche suppose qu'il en est de même de la lumiere & des couleurs. Toutes les parties du corps lumineux sont selon lui dans un mouvement rapide; & ce mouvement produit des pulsations très - vives dans la matiere subtile qui se trouve entre le corps lumineux & l'oeil; ces pulsations sont appellées par le P. Malebranche, vibrations de pression. Selon que ces vibrations sont plus ou moins grandes, le corps paroît plus ou moins lumineux; & selon qu'elles sont plus promptes ou plus lentes, le corps paroîtra de telle ou telle couleur.

Ainsi on voit que le P. Malebranche ne fait autre chose que de substituer aux globules durs de Descartes, de petits tourbillons de matiere subtile. Mais indépendamment des objections générales qu'on peut opposer à tous les systêmes qui font consister la lumiere dans la pression d'un fluide, objections qu'on trouvera exposées dans la suite de cet article; on peut voir à l'article Tourbillon, les difficultés jusqu'ici insurmontables, que l'on a faites contre l'existence des tourbillons tant grands que petits.

M. Huyghens croyant que la grande vitesse de la lumiere, & la décussation ou le croisement des rayons ne pouvoit s'accorder avec le systeme de l'émission des corpuscules lumineux, a imaginé un autre système qui fait encore consister la propagasion de la lumiere dans la pression d'un fluide. Selon ce grand géometre, comme le son s'étend tout - à - l'entour du lieu où il a été propuit par un mouvement qui passe successivement d'une partie de l'air à l'autre, & que cette propagation se fait par des surfaces ou ondes sphériques, à cause que l'extension de ce mouvement est également prompte de tous côtés; de même il n'y a point de doute selon lui, que la lumiere ne se transmette du corps lumineux jusqu'à nos yeux, par le moyen de quelque fluide intermédiaire, & que ce mouvement ne s'étende par des ondes sphériques semblables à celles qu'une pierre excite dans l'eau quand on l'y jette.

M. Huyghens déduit de ce système, d'une maniere fort - ingémeuse, les differentes propriétés de la lumiere, les lois de la réflection, & de la réfraction, &c. mais ce qu'il paroît avoir le plus de peine à expliquer, & ce qui est en effet le plus difficile dans cette hypothèse, c'est la propagation de la lumiere en ligne droite. En effet M. Huyghens compare la propagation de la lumiere à celle du son: pourquoi donc la lumiere ne se propage - t - elle pas en tout sens comme le son? L'auteur fait voir assez bien que l'action ou la pression de l'onde lumineuse doit être la plus forte dans l'endroit où cette onde est coupée par une ligne menée du corps lumineux; mais il ne suffit pas de prouver que la piession ou l'action de la lumiere en ligne droite, est plus forte qu'en aucun autre sens. Il faut encore démontrer qu'elle n'existe que dans ce sens - là; c'est ce que l'expérience nous prouve, & ce qui ne suit point du système de M. Huyghens.

Selon M. Newton, la lumiere premiere, c'est - à - dire la faculté par laquelle un corps est lumineux, consiste dans un certain mouvement des particules du corps lumineux, non que ces particules poussent une certaine matiere fictice qu'on imagineroit placée entre le corps lumineux & l'oeil, & logée dans les pores des corps transparens; mais parce qu'elles se lancent continuellement du corps lumineux qui les darde de tous côtés avec beaucoup de force; & la lumiere secondaire, c'est - à - dire, l'action par laquelle le corps produit en nous la sensation de clarté, consiste selon le même auteur non dans un effort au mouvement, mais dans le mouvement réel de ces particules qui s'éloignent de tous côtés du corps lumineux en ligne droite, & avec une vitesse presqu'incroyable.

En effet, dit M. Newton, si la lumiere consistoit [p. 719] dans une simple pression ou pulsation, elle se répandroit dans un même instant aux plus grandes distances; or nous voyons clairement le contraire par les phénomenes des éclipses des satellites de Jupiter. En effet lorsque la terre approche de Jupiter, les immersions des satellites de cette planete anticipent un peu sur le tems vrai, ou commencent plutôt; au lieu que lorsque la terre s'éloigne de Jupiter, leurs émersions arrivent de plus en plus tard, s'éloignant beaucoup dans les deux cas du tems marqué par les tables.

Cette déviation qui a été observée d'abord par M. Roemer, & ensuite par d'autres astronomes, ne sauroit avoir pour cause l'excentricité de l'orbe de Jupiter; mais elle provient selon toute apparence, de ce que la lumiere solaire que les satellites nous réfléchissent, a dans un cas plus de chemin à faire que dans l'autre, pour parvenir du satellite à nos yeux: ce chemin est le diametre de l'orbe annuel de la terre. Voyez Satellite.

Descartes qui n'avoit pas une assez grande quantité d'expérience, avoit cru trouver dans les éclipses de lune, que le mouvement de la lumiere étoit instantané. Si la lumiere, dit - il, demande du tems, par exemple une heure pour traverser l'espace qui est entre la terre & la lune, il s'ensuivra que la terre étant parvenue au point de son orbite où elle se trouve entre la lune & le soleil, l'ombre qu'elle cause, ou l'interruption de la lumiere ne sera pas encore parvenue à la lune, mais n'y arrivera qu'une heure après; ainsi la lune ne sera obscurcie qu'une heure après que la terre aura passé par la conjonction avec la lune: mais cet obscurcissement ou interruption de lumiere ne sera vû de la terre qu'une heure après. Voilà donc une éclipse qui ne paroîtroit commencer que deux heures après la conjonction, & lorsque la lune seroit déjà éloignée de l'endroit de l'ecliptique qui est opposé au soleil. Or toutes les observations sont contraires à cela.

Il est visible qu'il ne résulte autre chose de ce raisonnement, sinon que la lumiere n'emploie pas une heure à aller de la terre à la lune, ce qui est vrai; mais si la lumiere n'emploie que 7 rainutes à venir du soleil jusqu'à nous, comme les observations des satellites de Jupiter le font connoitre; elle employera beaucoup moins d'une minute à venir de la terre à la lune, & de la lune à la terre, & alors il sera difficile de s'appercevoir d'une si petite quantité dans les observations astronomiques.

J'ai cru devoir rapporter cette objection pour montrer que si Descartes s'est trompé sur le mouvement de la lumiere, au - moins il avoit imaginé le moyen de s'assurer du tems que la lumiere met à parcourir un certain espace. Il est vrai que la lune étant trop proche de nous, les éclipses de cette planete ne peuvent servir à décider la question; mais il y a apparence que si les satellites de Jupiter eussent été mieux connus alors, ce philosophe auroit changé d'avis; & on doit le regarder comme le premier auteur de l'idée d'employer les observations des satellites, pour prouver le mouvement de la lumiere.

La découverte de l'aberration des étoiles fixes, faite il y a 20 ans par M. Bradley, a fourni une nouvelle preuve du mouvement successif de la lumiere, & cette preuve s'accorde parfaitement avec celle qu'on tire des éclipses des satellites. Voyez Aberration.

La lumiere semblable à cet égard aux autres corps, ne se meut donc pas en un instant. M. Roemer & M. Newton ont mis hors de doute par le calcul des éclipses des satellites de Jupiter, que la lumiere du soleil emploie près de sept minutes à parvenir à la terre, c'est - à - dire, à parcourir une espece de plus de 23, 000, 000, de lieues, vitesse 10000000 fois plus grande que celle du boulet qui sort d'un canon.

De plus, si la lumiere consistoit dans une simple pression, elle ne se répandroit jamais en droite ligne; mais l'ombre la feroit continuellement fléchir dans son chemin. Voici ce que dit là - dessus M. Newton: « Une pression exercée sur un milieu fluide, c'est - à - dire un mouvement communiqué par un tel milieu au - delà d'un obstacle qui empêche en partie le mouvement du milieu, ne peut point être continuée en ligne droite, mais se répandre de tous côtés dans le milieu en repos par - delà l'obstacle. La force de la gravité tend en en - bas, mais la pression de l'eau qui en est la suite, tend également de tous côtés, & se répand avec autant de facilité & autant de force dans des courbes que dans des droites; les ondes qu'on voit sur la surface de l'eau lorsque quelques obstacles en empêchent le cours, se fléchissent en se répandant toujours & par degré dans l'eau qui est en repos, & par - delà l'obstacle. Les ondulations, pulsations, ou vibrations de l'air, dans lesquelles consiste le son, subissent aussi des inflexions, & le son se répand aussi facilement dans des tubes courbes, par exemple dans un serpent, qu'en ligne droite »; or on n'a jamais vû la lumiere se mouvoir en ligne courbe; les rayons de lumiere sont donc de petits corpuscules qui s'élancent avec beaucoup de vitesse du corps lumineux. Sur quoi voyez l'article Émission.

Quant à la force prodigieuse avec laquelle il faut que ces corpuscules soient dardés pour pouvoir se mouvoir si vîte, qu'ils parcourent jusques à plus de 3000000 lieues par minutes, écoutons là - dessus le même auteur: « Les corps qui sont de même genre, & qui ont les mêmes vertus, ou une force attractive, d'autant plus grande par rapport à leur volume, qu'ils sont plus petits. Nous voyons que cette force a plus d'énergie dans les petits aimans que dans les grands, eu égard à la différence des poids; & la raison en est, que les parties des petits aimans étant plus proches les unes des autres, elles ont par - là plus de facilité à unir intimement leur force, & à agir conjointement; par cette raison, les rayons de lumiere étant les plus petits de tous les corps, leur force attractive sera du plus haut degré, eu égard à leur volume; & on peut en effet conclure des regles suivantes, combien cette attraction est forte. L'attraction d'un rayon de lumiere, eu égard à sa quantité de matiere est à la gravité qu'a un projectile, eu égard aussi à sa quantité de matiere, en raison composée de la vîtesse du rayon, à celle du projectile, & de la courbure de la ligne que le rayon décrit dans la réfraction, à la courbure de la ligne que le projectile décrit aussi de son côté; pourvû cependant que l'inclinaison du rayon sur la surface réfractante, soit la même que celle de la direction du projectile sur l'horison. De cette proportion il s'en suit que l'attraction des rayons de lumiere est plus que 1, 000, 000, 000, 000, 000, fois plus grande que la gravité des corps sur la surface de la terre, eu égard à la quantité de matiere du rayon & des corps terrestres, & en supposant que la lumiere vienne du soleil à la terre en 7 minutes de tems ».

Rien ne montre mieux la divisibilité des parties de la matiere, que la petitesse des parties de la lumiere. Le docteur Nieuwentit a calculé qu'un pouce de bougie, après avoir été converti en lumiere, se trouve avoir été divisé par - là en un nombre de parties exprimé par le chifre 269617040, suivi de quarante zéros, ou, ce qui est la même chose, qu'à chaque seconde que la bougie brûle, il en doit sortir un nombre de parties exprimé par le chiffre 418660, suivi

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