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Mais on ne peut juger que d'un très - petit nombre de livres par la lecture, vû d'une part la multitude immense des livres, & de l'autre l'extrème briéveté de la vie. D'ailleurs il est trop tard pour juger d'un livre d'attendre qu'on l'ait lu d'un bout à l'autre. Quel tems ne s'exposeroit - on pas à perdre par cette patience? Il paroît donc nécessaire d'avoir d'autres indices, pour juger d'un livre même sans l'avoir lu en entier. Baillet, Stollius & plusieurs autres, ont donné à cet égard des regles, qui n'étant que des presomptions & conséquemment sujettes à l'erreur, ne sont néanmoins pas absolument à mépriser. Les journalistes de Trévoux disent que la méthode la plus courte de juger d'un livre, c'est de le lire quand on est au fait de la matiere, ou de s'en rapporter aux connoisseurs. Heuman dit à - peu - près la même chose, quand il assure que la marque de la bonté d'un livre, est l'estime que lui accordent ceux qui possedent le sujet dont il traite, sur - tout s'ils ne sont ni gagés pour le préconiser, ni ligués avec l'auteur, ni intéressés par la conformité de religion ou d'opinions systématiques. Budd. de criteriis boni libri passim. Wate, hist. critic. ling. lat. c. viij. pag. 320. Mém. de Trev. ann. 1752. art. 17. Heuman, comp. dup. litter. c. vj. part. 11. pag. 280 & suiv.
Disons quelque chose de plus précis. Les marques plus particulieres de la bonté d'un livre, sont
1°. Si l'on sait que l'auteur excelle dans la partie absolument nécessaire pour bien traiter tel ou tel sujet qu'il a choisi, ou s'il a déja publié quelqu'ouvrage estimé dans le même genre. Ainsi l'on peut conclure que Jules - César entendoit mieux le métier de la guerre que P. Ramus; que Caton, Palladius & Columelle savoient mieux l'Agriculture qu'Aristote, & que Ciceron se connoissoit en éloquence tout autrement que Varron. Ajoûtez qu'il ne suffit pas qu'un auteur soit versé dans un art, qu'il faut encore qu'il possede toutes les branches de ce même art. Il y a des gens par exemple, qui excellent dans le Droit civil, & qui ignorent parfaitement le Droit public. Saumaise, à en juger par ses exercitations sur Pline, est un excellent critique, & paroit très - inférieur à Milton dans son livre intitulé defensio regia.
2°. Si le livre roule sur une matiere qui demande une grande lecture, on doit présumer que l'ouvrage est bon, pourvû que l'auteur ait eu les secours nécessaires, quoiqu'on doive s'attendre à être accablé de citations, sur - tout, dit Struvius, si l'auteur est jurisconsulte.
3°. Un livre, à la composition duquel un auteur a donné beaucoup de tems, ne peut manquer d'être bon. Villalpand, par exemple, employa quarante ans à faire son commentaire sur Ezéchiel; Baronius en mit trente à ses annales; Gousset n'en fut pas moins à écrire ses commentaires sur l'hébreu, &
Illa Capellani dudum expectata puella Post tanta in lucem tempora prodit anus.
Quelques - uns, il est vrai, ont poussé le scrupule à un excès misérable, comme Paul Manuce, qui employoit trois ou quatre mois à écrire une épître, & Isocrate qui mit trois olympiades à composer un panégyrique. Quel emploi ou plûtôt quel abus du tems!
4°. Les livres qui traitent de doctrine, & sont composés par des auteurs impartiaux & desintéressés, sont meilleurs que les ouvrages faits par des écrivains attachés à une secte particuliere.
5°. Il faut considérer l'âge de l'auteur. Les livres qui demandent beaucoup de soin, sont ordinairement mieux faits par de jeunes gens que par des personnes avancées en âge. On remarque plus de feu dans les premiers ouvrages de Luther, que dans ceux qu'il a donnés sur la fin de sa vie. Les forces s'énervent avec l'âge; les embarras d'esprit augmentent; quand on a déjà vécu un certain tems, on se confie trop à son jugement, on néglige de faire les recherches nécessaires.
6°. On doit avoir égard à l'état & à la condition de l'aureur. Ainsi l'on peut regarder comme bonne une histoire dont les faits sont écrits par un homme qui en a été témoin oculaire, ou employé aux affaires publiques; ou qui a eu communication des actes publics ou autres monumens authentiques, ou qui a écrit d'après des mémoires sûrs & vrais, ou qui est impartial, & qui n'a été ni aux gages des grands, ni honoré, c'est - à - dire corrompu par les bienfaits des princes. Ainsi Salluste & Cicéron étoient très - capables de bien écrire l'histoire de la conjuration de Catilina, ce fameux évenement s'étant passé sous leurs yeux. De même Davila, Commines, Guichardin, Clarendon, &c. qui étoient présens à ceux qu'ils décrivent. Xénophon, qui fut employé dans les affaires publiques à Sparte, est un guide sûr pour tout ce qui concerne cette république. Amelot de la Houssaye, qui a vécu longtems à Venise, a été très - capable de nous découvrir les secrets de la politique de cet état. Cambden a écrit les annales de son tems. M. de Thou avoit des correspondances avec les meilleurs écrivains de chaque pays. Puffendorf & Rapin Toyras ont eu communication des archives publiques. Ainsi dans la Théologie morale & pratique on doit considérer davantage ceux qui sont chargés des fonctions pas<pb-> [p. 611]
7°. Il faut faire attention au tems & au siecle où vivoit l'auteur, chaque âge, dit Barclai, ayant son génie particulier. Voyez Barthol. de lib. legend. dissert. pag. 45. Struv. lib. cit. c. v. parag. 3. pag. 390. Budd. dissert. de crit. boni libri, parag. 7. p. 7. Heuman. comp. reip. litter. pag. 152. Struv. lib. cit. parag. 4. pag. 393. Miscell. Leps. tom. 3. pag. 287. Struv. lib. cit. par. 5. pag. 396 & suiv. Baillet, ch. x. pag. & ch. ix. pag. 378. Id. c. 1. pag. 121 & suiv. Barthol. dissert. 2. pag. 3. Struv. parag. 6. pag. 46. & parag. 15. pag. 404 & 430. Heuman. Via ad histor. litter. c. vij. parag. 7. pag. 356.
Quelques - uns croient qu'on doit juger d'un livre
d'après fa grosseur & son volume, suivant la regle
du grammairien Callimaque; que plus un livre est
gros, & plus il est rempli de mauvaises choses,
Si nimius videar, serâque coronide longus E se liber, legito pauca, libellus ero.
Ainsi la briéveté d'un livre est une présomption de sa bonté. Il faut qu'un auteur soit ou bien ignorant, ou bien stérile, pour ne pouvoir pas produire une feuille, ni dire quelque chose de curieux, ni écrire si peu de lignes d'une maniere intéressante. Mais il faut bien d'autres qualités pour se soutenir egalement, soit dans les choses, soit dans le style, dans le cours d'un gros volume: aussi dans ceux de cette derniere espece un auteur est sujet à s'affoiblir, à sommeiller, à dire des choses vagues cu inutiles. Dans combien de livres rencontre - t - on d'abord un préambule assommant, & une longue file de mots superflus avant que d'en venir au sujet? Ensuite, & dans le cours de l'ouvrage, que de longueurs & de choses uniquement placées pour le grossir! C'est ce qui se rencontre plus rarement dans un ouvrage court où l'auteur doit entrer d'abord en matiere, traiter chaque partie vivement, & attacher également le lecteur par la nouveauté des idées, & par l'énergie ou les graces du style; au lieu que les meilleurs auteurs mêmes qui composent de gros volumes, évitent rarement les détails inutiles, & qu'il est comme impossible de n'y pas rencontrer des expressions hazardées, des observations & des pensées rebattues & communes. Voyez le Spectateur d'Adisson, n. 124.
Voyez ce qui concerne les livres dans les auteurs
qui ont écrit sur l'histoire littéraire, les bibliotheques,
les Sciences, les Arts, &c. sur - tout dans Salden.
Christ. Liberius, id est Gull. Saldenus,
Censeurs de livres. Voyez
Privileges de livres. Voyez
Le mot livre signifie particulierement une division
ou section de volume. Voyez
Livre (Page 9:611)
Les anciens avoient aussi leurs livres de comptes, témoin le codex accepti & expensi, dont il est si souvent fait mention dans les écrivains romains; & leurs livres patrimoniaux, libri patrimoniorum, qui contenoient le détail de leurs rentes, terres, esclaves, troupeaux, du produit qu'ils en retiroient, des mises & frais que tout cela exigeoit.
Quant aux livres de compte des négocians, pour
mieux concevoir la maniere de tenir ce livre, il faut
observer que quand une partie a un grand nombre
d'articles, il faut en avoir un état séparé & distinct
du grand livre. Il faut que cet état séparé soit conforme
en tout à celui du grand livre, tant pour les
dettes que pour les créances; que tous les articles
portés sur l'un, soient portés sur l'autre, & dans les
mêmes termes; & continuer par la suite, jusqu'à ce
que le compte soit soldé, de porter toutes les semaines
les nouveaux articles du petit état sur le grand
livre, observant de dater tous les articles. Cette attention
est nécessaire pour parvenir au balancé du
compte total. Au moyen de quoi on trouve tous
les articles concernant la même partie; attendu qu'ils
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