ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"266"> habiles, des jurisconsultes profonds, des poëtes qui ont illustré les Muses françoises à l'égal des Muses grecques, des orateurs sublimes & pathétiques, des politiques dont les vues honorent l'humanité. Si quelqu'autre langue que la latine devient jamais l'idiome commun des savans de l'Europe, la langue françoise doit avoir l'honneur de cette préférence: elle a déja les suffrages de toutes les cours où on la parle presque comme à Versailles; & il ne faut pas douter que ce goût universel ne soit dû autant aux richesses de notre littérature, qu'à l'influence de notre gouvernement sur la politique générale de l'Europe. (B. E. R. M.)

Langue angloise (Page 9:266)

Langue angloise, (Gramm.) elle est moins pure, moins claire, moins correcte que la langue françoise, mais plus riche, plus épique & plus énergique; c'est ce qui a fait dire à un de leurs poëtes, du - moins avec esprit:

A weighty Bullion of one sterling line. Drawn to french wire, should through one page shine.

Elle emprunte de toutes les langues, de tous les arts, & de toutes les sciences, les mots qui lui sont nécessaires, & ces mots sont bientôt naturalises dans une nation libre & savante; elle admet les transpositions & les inversions des langues grecque & latine, ce qui lui procure la poësie du style & l'harmonie. Enfin l'anglois a l'avantage sur toutes les langues, pour la simplicité avec laquelle les tems & les modes des verbes se forment.

Ce fut en 1362, qu'Edouard III. statua, de concert avec le parlement, qu'à l'avenir dans les cours de judicature, & dans les actes publics, on se serviroit de la langue angloise au lieu de la langue françoise ou normande, qui étoit en vogue depuis Guillaume le conquérant. (D. J.)

Langue françoise (Page 9:266)

Langue françoise, (Gramm.) il me semble que les ouvrages françois faits sous le siecle de Louis XIV. tant en prose qu'en vers, ont contribué autant qu'aucun autre événement, à donner à la langue dans laquelle ils sont écrits, un si grand cours, qu'elle partage avec la langue latine, la gloire d'être cette langue que les nations apprennent par une convention tacite pour se pouvoir entendre. Les jeunes gens auxquels on donne en Europe de l'éducation, connoissent autant Despréaux, la Fontaine & Moliere, qu'Horace, Phédre & Térence.

La clarté, l'ordre, la justesse, la pureté des termes, distinguent le françois des autres langues, & y répandent un agrément qui plait à tous les peuples. Son ordre dans l'expression des pensées, le rend facile; la justesse en bannit les métaphores outrées; & sa modestie interdit tout emploi des termes grossiers ou obscènes.

Le latin dans les mots brave l'honnêteté, Mais le lecteur françois veut être respecté.

Cependant, je ne crois pas qu'à cet égard notre langue ait en elle - même un avantage particulier sur les langues anciennes. Les Grecs & les Romains parloient conformément à leurs moeurs; nous parlons, ainsi que les autres peuples modernes, conformément aux nôtres; & les différens usages que l'on fait d'instrumens pareils, ne changent rien à leur nature, & ne les rendent point supérieurs les uns aux autres.

On doit chérir la clarté, puisqu'on ne parle que pour être entendu, & que tout discours est destiné par sa nature, à communiquer les pensées & les sentimens des hommes; ainsi la langue françoise mérite de grandes louanges en cette partie; mais quelque precieuse que soit la clarté, il n'est pas toujours nécessaire de la porter au dernier degré de la servitude, & je crois que c'est notre lot. Dans l'origine d'une langue, tout le mérite du discours à dû sans doute se borner - là. La difficulté qu'on trouve à s'énoncer clairement, fait qu'on ne cherche dans ces premiers commencemens qu'à se faire bien entendre, en suivant un ordre sévere dans la construction de ses phrases. On s'en tient donc alors aux façons de parler les plus communes & les plus naïves, parce que l'indigence des expressions, ne laisse point de choix à faire entre elles, & que la simplicité du lange, ne connoît point encore les tours, les délicatesses, les variétés & les ornemens du discours.

Lorsqu'une langue a fait des progrès considérables, qu'elle s'est enrichie, qu'elle a acquis de la dignité, de la finesse, & de l'abondance, il faut savoir ajouter à la clarté du style plusieurs autres perfections qui entrent en concurrence avec elle, la pureté, la vivacité, la noblesse, l'harmonie, la force, l'élégance; mais comme ces qualités sont d'un genre différent & quelquefois opposé, il faudroit les sacrifier les unes autres, suivant le sujet & les occasions. Tantôt il conviendroit de préférer la clarté à la pureté du style; & tantôt l'harmonie, la force ou l'élégance, donneroient quelque atteinte à la régularité de la construction; témoin ce vers de Racine:

Je t'aimois inconstant, qu'eussai - je fait fidéle!

Dans notre prose néanmoins ce sont les regles de la construction, & non pas les principes de l'harmonie, qui décident de l'arrangement des mots: le génie timide de notre langue, ose rarement entreprendre de rien faire contre les regles, pour atteindre à des beautés où il arriveroit, s'il étoit moins scrupuleux.

L'asservissement des articles auquel la langue françoise est soumise, ne lui pas permet d'adopter les inversions & les transpositions latines qui sont d'un si grand avantage pour l'harmonie. Cependant, comme le remarque M. l'abbé du Bos, les phrases françoises auroient encore plus de besoin de l'inversion pour devenir harmonieuses, que les phrases latines n'en avoient besoin; une moitié des mots de notre langue est terminée par des voyelles; & de ces voyelles, l'e muet est la seule qui s'élide contre la voyelle qui peut commencer le mot suivant: on prononce donc bien sans peine, fille aimable; mais les autres voyelles qui ne s'élident pas contre la voyelle qui commence le mot suivant, amenent des rencontres de sons désagréables dans la prononciation. Ces rencontres rompent sa continuité, & déconcertent son harmonie; les les expressions suivantes sont ce mauvais effet, l'amitié abandonnée, la fierté opulente, l'ennemi idolâtre, &c.

Nous sentons si bien que la collision du son de ces voyelles qui s'entrechoquent, est désagréable dans la prononciation, que nous faisons souvent de vains efforts pour l'éviter en prose, & que les regles de notre poësie la défendent. Le latin au contraire évite aisément cette collision à l'aide de son inversion, au lieu que le françois trouve rarement d'autre ressource que celle d'ôter le mot qui corrompt l'harmonie de sa phrase. Il est souvent obligé de sacrifier l'harmonie à l'énergie du sens, ou l'énergie du sens à l'harmonie; rien n'est plus difficile que de conserver au sens & à l'harmonie leurs droits respectifs, lorsqu'on écrit en françois, tant on trouve d'opposition entre leurs intérêts, en composant dans cette langue.

Les Grecs abondent dans leur langue en terminaisons & en inflexions; la nôtre se borne à tout abréger par ses articles & ses verbes auxiliaires. Qui ne voit que les Grecs avoient plus de génie & de fécondité que nous?

On a prouvé au mot Inscription que la langue françoise étoit moins propre au style lapidaire que les langues grecques & latine. J'ajoure qu'elle n'a point [p. 267] en partage l'harmonie imitative, & les exemples en sont rares dans les meilleurs auteurs; ce n'est pas qu'elle n'ait différens tons pour les divers sentimens; mais souvent elle ne peint que par des rapports éloignés, & presque toujours la force d'imitation lui manque. Que si en conservant sa clarté, son élégance & sa pureté, on parvenoit à lui donner la vérité de l'imitation, elle réuniroit sans contredit de très grandes beautés.

Dans les langues des Grecs & des Romains, chaque mot avoit une harmonie reglée, & il pouvoit s'y rencontrer une grande imitation des sons avec les objets qu'il falloit exprimer; aussi dans les bons ouvrages de l'antiquité, l'on trouve des descriptions pathétiques, pleines d'images, tandis que la langue françoise n'ayant pour toute cadence que la rime, c'est - à - dire la répétition des finales, n'a que peu de force de poësie & de vérité d'imitation. Puis donc qu'elle est dénuée de mots imitatifs, il n'est pas vrai qu'on puisse exprimer presque tout dans cette langue avec autant de justesse & de vivacité qu'on le conçoit.

Le françois manque encore de mots composés, & par conséquent de l'énergie qu'ils procurent; car une langue tire beaucoup de force de la composition des mots. On exprime en grec, en latin, en anglois, par un seul terme, ce qu'on ne sauroit rendre en françois que par une périphrase.

Il y a pareillement aussi peu de diminutifs dans notre langue, que de composés; & même la plûpart de ceux que nous employons aujourd'hui, comme cassette, tablette, n'ont plus la signification d'un diminutif de caisse & de table; car ils ne signifient point une petite caisse ou une petite table. Les seuls diminutifs qui nous restent, peuvent être appellés des diminutifs de choses, & non de terminaisons: bleuâtre, jaunátre, rougeátre, sont de ce caractere, & marquent une qualité plus foible dans la chose dont on parle.

Ajoutons, qu'il y a un très - grand nombre de choses essentielles, que la langue françoise n'ose exprimer par une fausse délicatesse. Tandis qu'elle nomme fans s'avilir une chevre, un mouton, une brebis, elle ne sauroit sans se diffamer dans un style un peu noble, nommer un veau, une truie, un cochon. *SURW/THS2 & RGHO/LOS2, sont des termes grec, élégans qui répondent à gardeur de cochons, & à gardeur de boeufs, deux niots que nous employons seulement dans le langage familier.

Il me reste à parler des richesses que la langue françoise a acquises sous le regne de Louis XIV. Elles sont semblables à celles que reçut la langue latine, sous le siecle d'Auguste.

Avant que les Romains s'appliquassent aux Arts & aux Sciences spéculatives, la langue des vainqueurs de toutes les nations manquoit encore d'un prodigieux nombre de termes, qu'elle se procura par les progrès de l'esprit. On voit que Virgile entend l'Agriculture, l'Astronomie, la Musique, & plusieurs autres sciences; ce n'est pas qu'il en présente des détails hors de propos, tout au contraire, c'est avec un choix brillant, délicat, & instructif.

Les lumieres que les siecles ont amenées, se sont toûjours répandues sur la langue des beaux génies. En donnant de nouvelles idées. ils ont employé les expressions les plus propres à les inculquer, & ont limité les significations équivoques. De nouvelles connoissances, un nouveau sentiment, ont été décorés de nouveaux termes, de nouvelles allusions: ces acquisitions sont très - sensibles dans la langue françoise. Corneille, Descartes, Pascal, Racine, Despréaux, &c. fournissent autant d'époques de nouvelles perfections. En un mot, le dix - septieme & le dix - huitieme siecle ont produit dans notre langue tant d'ouvrages admirables en tout genre, qu'elle est de<cb-> venue nécessairement la langue des nations & des cours de l'Europe. Mais sa richesse seroit beaucoup plus grande, si les connoissances spéculatives ou d'expériences s'étendoient à ces personnes, qui peuvent donner le ton par leur rang & leur naissance. Si de tels hommes étoient plus éclairés, notre langue s'enrichiroit de mille expressions propres ou figurées qui lui manquent, & dont les savans qui écrivent, sentent seuls le besoin.

Il est honteux qu'on n'ose aujourd'hui confondre le françois proprement dit, avec les termes des Arts & des Sciences, & qu'un homme de la cour se défende de connoître ce qui lui seroit utile & honorable. Mais à quel caractere, dira - t - on, pouvoir distinguer les expressions qui ne seront plus hasardées? Ce sera sans doute en réfléchissant sur leur nécessité & sur le génie de la langue. On ne peut exprimer une découverte dans un art, dans une science, que par un nouveau mot bien trouvé. On ne peut être ému que par une action; ainsi tout terme qui porteroit avec soi une image, seroit toûjours digne d'être applaudi; de - là quelles richesses ne tireroit - on pas des Arts, s'ils étoient plus familiers?

Avouons la vérité; la langue des François polis n'est qu'un ramage foible & gentil: disons tout, notre langue n'a point une étendue fort considérable; elle n'a point une noble hardiesse d'images, ni de pompeuses cadences, ni de ces grands mouvemens qui pourroient rendre le merveilleux; elle n'est point épique; ses verbes auxiliaires, ses articles, sa marche uniforme, son manque d'inversions nuisent à l'enthousiasme de la Poésie; une certaine douceur, beaucoup d'ordre, d'élégance, de délicatesse & de termes naifs, voilà ce qui la rend propre aux scenes dramatiques.

Si du - moins en conservant à la langue françoise son génie, on l'enrichissoit de la vérité de l'imitation, ce moyen la rendroit propre à faire naître les émotions dont nous sommes susceptibles, & à produire dans la sphere de nos organes, le degré de vivacité que peut admettre un langage fait pour des hommes plus agréables que sublimes, plus sensuels que passionnes, plus superficiels que profonds.

Nous supposons en finissant cet article, qu'on a déja lu au mot François, les remarques de M. de Voltaire sur cette langue.

On connoît le dictionnaire de l'académie, dont la nouvelle édition sera plus digne de ce corps.

Les observations & les étymologies de M. Ménage, renferment plusieurs choses curieuses. Mais ce savant n'a pas toûjours consulté l'usage dans ses observations; & dans ses étymologies, il ne s'est pas toûjours attaché aux lettres radicales, qui sont si propres à dévoiler l'origine des mots, & leurs degrés d'affinité.

Vaugelas tient un des premiers rangs entre nos auteurs de goût, quoi qu'il se soit souvent trompé dans ses remarques & dans ses décisions; c'est pour cela qu'il faut lui joindre les observations de Corneille & du P. Bouhours, à qui notre langue a beaucoup d'obligations.

Les deux discours de M. l'abbé Dangeau, l'un sur les voyelles, & l'autre sur les consonnes, sont précieux. Le traité d'ortographe de l'abbé Reignier, & celui de Port - Royal, de l'édition de M. Duclos, me semblent tout ce qu'il y a de meilleur en ce genre.

Les synonymes de l'abbé Girard sont instructifs: la Grammaire de M. Restaut a de bons principes sur les accens, la ponctuation, & la prononciation; mais les écrits de M. du Marsais, grammairien de génie, ont un tout autre mérite; voyez - en plusieurs morceaux dans cet ouvrage. (D. J.)

Langue des Cantabres (Page 9:267)

Langue des Cantabres, (Hist. des Langues.)

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.