ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"29"> la Syrle & la Judée à son nouveau royaume, il entra dans la Judée, s'empara de Jérusalem pendant le repos du sabbat, & enleva de tout le pays cent mille Juifs qu'il transporta en Egypte. Depuis ce tems - là, ce prince remarquant dans les Juifs beaucoup de fidélité & de bravoure, leur témoigna sa confiance en leur donnant la garde de ses places; il y en avoit d'autres établis à Alexandrie qui y faisoient fortune, & qui se louant de la douceur du gouvernement, purent y attirer leurs fréres dejà ébranlés par la douceur & les promesses que Ptolomée leur avoit faites dans son second voyage.

Philadelphe fit plus que son pere; car il rendit la liberté à ceux que son pere avoit faits esclaves. Plusieurs reprirent la route de la Judée qu'ils aimoient comme leur patrie; mais il y en eut beaucoup qui demeurerent dans un lieu où ils avoient eu le tems de prendre racine; & Scaliger a raison de dire que ce furent ces gens - là qui composerent en partie les synagogues nombreuses des Juifs Hellenistes: enfin ce qui prouve que les Juifs jouissoient alors d'une grande liberté, c'est qu'ils composerent cette fameuse version des septante & peut - être la premiere version greque qui se soit faite des livres de Moïse.

On dispute fort sur la maniere dont cette version fut faite, & les Juifs ni les Chrétiens ne peuvent s'accorder sur cet évenement. Nous n'entreprendrons point ici de les concilier; nous nous contenterons de dire que l'autorité des peres qui ont soutenu le récit d'Aristée, ne doit plus ébranler personne, après les preuves démonstratives qu'on a produites contre lui.

Voilà l'origine des Juifs en Egypte; il ne faut point douter que ce peuple n'ait commencé dans ce tems - là à connoître la doctrine des Egyptiens, & qu'il n'ait pris d'eux la méthode d'expliquer l'écriture par des allégories. Eusebe (cap. X.) soutient que du tems d'Aristobule qui vivoit en Egypte sous le regne de Ptolomée Philometor, il y eut dans ce pays - là deux factions entre les Juifs, dont l'une se tenoit attachée scrupuleusement au sens littéral de la loi, & l'autre percant au - travers de l'écorce, pénétroit dans une philosophie plus sublime.

Philon qui vivoit en Egypte au tems de J. C. donna tête baissée dans les allégorie, & dans le sens my stique; il trouvoit tout ce qu'il vouloit dans l'écriture par cette méthode.

C'étoit encore en Egypte que les Esseniens parurent avec plus de réputation & d'éclat; & les sectaires enseignoient que les mots étoient autant d'images des choses cachées; ils changeoient les volumes sacrés & les préceptes de la sagerse en allégories. Enfin la conformité étonnante qui se trouve entre la cabale des Egyptiens & celle des Juifs, ne nous permet pas de douter que les Juifs n'ayent puisé cette science en Egypte, à moins qu'on ne veuille soutenir que les Egyptiens l'ont apprise des Juifs. Ce dernier sentiment a été très - bien refuté par de savans auteurs. Nous nous contenterons de dire ici que les Egyptiens jaloux de leur antiquité, de leur savoir, & de la beauté de leur esprit, regardoient avec mépris les autres nations, & les Juifs comme des esclaves qui avoient plié long - tems sous leur joug avant que de le secouer. On prend souvent les dieux de ses maîtres; mais on ne les mandie presque jamais chez fes esclaves. On remarque comme une chose singuliere. à cette nation, que Sérapis fut porté d'un pays étranger en Egypte; c'est la seule divinité qu'ils ayent adoptée des étrangers; & même le fait est contesté, parce que le culte de Sérapis paroît beaucoup plus ancien en Egypte que le tems de Ptolomée Lagus, sous lequel cette translation se fit de Sinope à Alexandrie. Le culte d'Isis avoit passé jusqu'à Rome, mais les dieux des Romains ne passoient point en Egypte, quoiqu'ils en fussent les conquérans & les maîtres. D'ailleurs les Chrétiens ont demeuré plus long - tems en Egypte que les Juifs; ils avoient là des évêques & des maîtres très - savans. Non seulement la religion y florissoit, mais elle fut souvent appuyée par l'autorité souveraine. Cependant les Egyptiens, témoins de nos rits & de nos cérémonies, demeurerent religieusement attachés à celles qu'ils avoient reçues de leurs ancêtres. Ils ne grossissoient point leur religion de nos observances, & ne les faisoient point entrer dans leur culte. Comment peut - on s'imaginer qu'Abraham, Joseph & Moïse ayent eu l'art d'obliger les Egyptiens à abolir d'anciennes superstitions, pour recevoir la religion de leur main, pendant que l'église chrétienne qui avoit tant de lignes de communication avec les Egyptiens idolâtres, & qui étoit dans un si grand voisinage, n'a pu rien lui prêter par le ministere d'un prodigieux nombre d'évêques & de savans, & pendant la durée d'un grand nombre de sieeles? Socrate rapporte l'attachement que les Egyptiens de son tems avoient pour leurs temples, leurs cérémonies, & leurs mysteres; on ne voit dans leur religion aucune trace de christianisme. Comment donc y pourroit - on remarquer des caracteres évidens de judaïsme?

Origine des différentes sectes chez les Juifs. Lorsque le don de prophétie eut cessé chez les Juifs, l'inquiétude générale de la nation n'étant plus réprimée par l'autorité de quelques hommes inspirés, ils ne purent se contenter du style simple & clair de l'écriture; ils y ajouterent des allégories qui dans la suite produisirent de nouveaux dogmes, & par conséquent des sectes différentes. Comme c'ést du sein de ces sectes que sont sortis les différens ordres d'écrivains, & les opinions dont nous devons donner l'idée, il est important d'en pénétrer le fond, & de voir s'il est possible quel a été leur sort depuis leur origine. Nous avertissons seulement que nous ne parlerons ici que des sectes principales.

La secte des Saducéens. Lightfoot (Hor. héb. ad Mat. III. 7. opp. tom. II.) a donné aux Saducéens une fausse origine, en soutenant que leur opinion commençoit à se répandre du tems d'Esdras. Il assure qu'il y eur alors des impies qui commencerent à nier la résurrection des morts & l'immortalité des ames. Il ajoute que Malachie les introduit disant: c'est envain que nous servons Dieu; & Esoras qui voulut donner un préservatif à l'église contre cette erreur, ordonna qu'on finiroit toutes les prieres par ces mots, de siecle en siecle, afin qu'on fût qu'il y avoit un siecle ou une autre vie après celle - ci. C'est ainsi que Lightfoot avoit rap porté l'origine de cette secte; mais il tomba depuis dans une autre extrémité; il résolut de ne faire naître les Saducéens qu'après que la version des septante eut été faite par l'ordre de Ptolomée Philadelphe, & pour cet effet, au lieu de remonter jusqu'à. Esdras, il a laissé couler deux ou trois générations depuis Zadoc; il a abandonné les Rabbins & son propre sentiment, parce que les Saducéens rejetrant les prophetes, & ne recevant que les Penthateuques, ils n'ont pu paroítre qu'après les septante interpretes qui ne traduisirent en grec que les cinq livres de Moïse, & qui défendirent de rien ajouter a leur version: mais sans examiner si les 70 interpretes ne traduisirent pas toute la bible, cette version n'étoit point à l'usage des Juifs, où se forma la secte des Saducéens. On y lisoit la bible en hébreu, & les Saducéens recevoient les prophetes, aussi bien que les autres livres, ce qui renverse pleinement cette conjecture.

On trouve dans les docteurs hébreux une origine [p. 30] plus vraissemblable des Saducéens dans la personne d'Antigone surnommé Sochaus, parce qu'il étoit né à Socho. Cet homme vivoit environ deux cens quarante ans avant J. C. & crioit à ses disciples: Ne soyez point comme des esclaves qui obéissent a leur maitre par la vue de la récompense, obéissez sans espérer aucun fruit de vos travaux; que la crainte du Seigneur soit sur vous. Cette maxime d'un théologien, qui vivoit sous l'ancienne économie, surprend; car la loi promettoit non seulement des récompenses, mais elle parloit souvent d'une félicité temporelle qui devoit toujours suivre la vertu. Il étoit difficile de devenir contemplatif dans une religion si charnelle, cependant Antigonus le devint. On eut de la peine à voler après lui, & à le suivre dans une si grande élévation. Zadoc, l'un de ses disciples, qui ne put, ni abandonner tout - à - fait son maitre, ni goûter sa théologie mystique, donna un autre sens à sa maxime, & conclut de - là qu'il n'y avoit ni peines ni récompenses après la mort. Il devint le pere des Sadducéens, qui tirerent de lui le nom de leur secte & le dogme.

Le Sadducéens commencerent à paroître pendant qu'Onias étoit le souverain sacrificateur à Jérusalem; que Ptolomée Evergete régnoit en Egypte, & Séleucus Callinicus en Syrie. Ceux qui placent cet événement sous Alexandre le Grand, & qui assurent avec S. Epiphane, que ce fut dans le temple du Garizim, où Zadoc & Baythos s'étoient retirés, que cette secte prit naissance, ont fait une double faute: car Antigonus n'étoit point sacrificateur sous Alexandre, & on n'a imaginé la retraite de Zadoc à Samarie que pour rendre ses disciples plus odieux. Non seulement Josephe, qui haïssoit les Sadducéens, ne reproche jamais ce crime au chef de leur parti; mais on les voit dans l'Evangile adorant & servant dans le temple de Jérusalem; on choisissoit même parmi eux le grand - prêtre. Ce qui prouve que non seulement ils étoient tolérés chez les Juifs, mais qu'ils y avoient même assez d'autorité. Hircan, le souverain sacrificateur, se déclara pour eux contre les Pharisiens. Ces derniers soupçonnerent la mere de ce prince d'avoir commis quelque impureté avec les payens. D'ailleurs ils vouloient l'obliger à opter entre le sceptre & la thiare; mais le prince voulant être le maitre de l'église & de l'état, n'eut aucune déférence pour leurs reproches. Il s'irrita contre eux, il en fit mourir quelques uns; les autres se retirerent dans les deserts. Hircan se jetta en même tems du côté des Saducéens: il ordonna qu'on reçût les coutumes de Zadoc sous peine de la vie. Les Juifs assurent qu'il fit publier dans ses états un édit par lequel tous ceux qui ne recevroient pas les rits de Zadoc & de Batythos, ou qui suivroient la coutume des sages, perdroient la tête. Ces sages étoient les Pharisiens, à qui on a donné ce titre dans la suite, parce que leur parti prévalut. Cela arriva sur - tout après la ruine de Jérusalem & de son temple. Les Pharisiens, qui n'avoient pas sujet d'aimer les Saducéens, s'étant emparés de toute l'autorité, les firent passer pour des hérétiques, & même pour des Epicuriens. Ce qui a donné sans doute occasion à saint Epiphane & à Tertullien de les confondre avec les Dosithéens. La haine que les Juifs avoient conçue contre eux, passa dans le coeur même des Chrétiens: l'empereur Justinien les bannit de tous les lieux de sa domination, & ordonna qu'on envoyât au dernier supplice des gens qui défendoient certains dogmes d'impiété & d'athéisme, car ils nioient la résurrection & le dernier jugement. Ainsi cette secte subsistoit encore alors, mais elle continuoit d'être malheureuse.

L'édit de Justinien donna une nouvelle atteinte à cette secte, déja fort affoiblie: car tous les Chré<cb-> tiens s'accoutumant à regarder les Saducéens comme des impies dignes du dernier supplice, ils étoient obligés de fuir & de quitter l'Empire romain, qui étoit d'une vaste étendue. Ils trouvoient de nouveaux ennemis dans les autres lieux où les Pharisiens étoient établis: ainsi cette secte étoit errante & fugitive, lorsqu'Ananus lui rendit quelque éclat au milieu du huitieme siecle. Mais cet évement est contesté par les Caraïtes, qui se plaignent qu'on leur ravit par jalousie un de leurs principaux défenseurs, afin d'avoir ensuite le plaisir de les confondre avec les Saducéens.

Doctrine des Saducéens. Les Saducéens, uniquement attachés à l'Ecriture sainte, rejettoient la loi orale, & toutes les traditions, dont on commença sous les Machabées à faire une partie essentielle de la religion. Parmi le grand nombre des témoignages que nous pourrions apporter ici, nous nous contonterons d'un seul tiré de Josephe, qui prouvera bien clairement que c'étoit le sentiment des Saducéens: Les Pharisiens, dit - il, qui ont reçu ces constitutions par tradition de leurs ancêtres, les ont enseignées au peuple; mais les Saducéens les rejettent, parce qu'elles ne sont pas comprises entre les lois données par Moïse, qu'ils soutiennent être les seules que l'on est obligé de suivre, &c. Antiq. jud. lib. XIII. cap. xviij.

S. Jérôme & la plûpart des peres ont crû qu'ils retranchoient du canon les prophetes & tous les écrits divins, excepté le Pentateuque de Moïse. Les critiques modernes (Simon, hist. critiq. du vieux Testament, liv. I. chap. xvj.) ont suivi les peres; & ils ont remarqué que J. C. voulant prouver la resurrection aux Saducéens, leur cita uniquement Moise, parce qu'un texte tiré des prophetes, dont lis rejettoient l'autorité, n'auroit pas fait une preuve contre eux. J. Drusius a été le premier qui a osé douter d'un sentiment appuyé sur des autorités si respectables; & Scaliger (Elenchet rihoeres. cap. xvj.) l'a absolument rejetté, fondé sur des rajsons qui paroissent fort solides. 1°. Il est certain que les Saducéens n'avoient commencé de paroître qu'après que le canon de l'Ecriture fut fermé, & que le don de prophétie étant éteint, il n'y avoit plus de nouveaux livres à recevoir. Il est difficile de croire qu'ils se soient soulevés contre le canon ordinaire, puisqu'il étoit reçu à Jérusalem. 2°. Les Saducéens enseignoient & prioient dans le temple. Cependant on y lisoit les prophetes, comme cela paroît par l'exemple de J. C. qui expliqua quelque passage d'Isaïe. 3°. Josephe, qui devoit connoître parfaitement certe secte, rapporte qu'ils recevoient ce qui est écrit. Il oppose ce qui est écrit à la doctrine orale des Pharisiens; & il insinué que la controverse ne rouloit que sur les traditions: ce qui fait conelure que les Pharisiens recevoient toute l'Ecriture, & les autres prophetes, aussi - bien que Moïse. 4°. Cela paroît encore plus évidemment par les disputes que les Pharisiens ou les docteurs ordinaires des Juifs ont soutenues contre ces sectaires. R. Gamaliel leur prouve la résurrection des morts par des passages tirés de Moïse, des Prophetes & des Agiographes; & les Saducéens, au lieu de rejetter l'autorité des livres qu'on citoit contre eux, tâcherent d'eluder ces passages par de vaines subtilités. 5°. Enfin les Saducéens reprochoient aux Pharisiens qu'ils croyoient que les livres saints souilloient. Quels étoient ces livres saints qui souilloient, au jugement des Pharisiens? c'étoit l'Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, & les Proverbes. Les Saducéens regar doient donc tous les livres comme des écrits divins, & avoient même plus de respect pour eux que les Pharisiens.

2°. La seconde & la principale erreur des Saducéens rouloit sur l'existence des anges, & sur la spiritualite de l'ame. En effet, les Evangélistes leur

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