ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"27"> rizim étoit éloigné de Samarie, & qu'on étoit obligé de tourner ses regards vers cette montagne, parce que la distance étoit trop grande pour y aller faire ses dévotions. On soutient encore que les Samaritains avoient l'image d'un pigeon, qu'ils adoroient comme un symbole des dieux, & qu'ils avoient emprunté ce culte des Assyriens, qui mettoient dans leurs étendarts une colombe en mémoire de Sémiramis, qui avoit été nourrie par cet oiseau & changée en colombe, & à qui ils rendoient des honneurs divins. Les Cuthéens qui étoient de ce pays, purent retenir le culte de leur pays, & en conserver la mémoire pendant quelque tems; car on ne déracine pas si facilement l'amour des objers sensibles dans la religion, & le peuple se les laisse rarement arracher.

Mais les Juifs sont outrés sur cette matiere, comme sur tout ce qui regarde les Samaritains. Ils soutiennent qu'ils avoient élevé une statue avec la figure d'une colombe qu'ils adoroient; mais ils n'en donnent point d'autres preuves que leur persuasion. J'en suis très - persuadé, dit un rabin, & cette persuasion ne suffit pas sans raisons. D'ailleurs il faut remarquer, 1°. qu'aucun des anciens écrivains, ni profanes ni sacrés, ni payens, ni ecclésiastiques, n'ont parlé de ce culte que les Samaritains rendoient à un oiseau: ce silence général est une preuve de la calomnie des Juifs. 2°. Il. faut remarquer encore que les Juifs n'ont osé l'insérer dans le Thalmud; cette fable n'est point dans le texte, mais dans la glose. Il faut donc reconnoître que c'est un auteur beaucoup plus moderne qui a imaginé ce conte; car le Thalmud ne fut composé que plusieurs siecles après la ruine de Jérusalem & de Samarie. 3°. On cite le rabin Meir, & on lui attribue cette découverte de l'idolatrie des Samaritains; mais le culte public rendu sur le Garizim par un peuple entier, n'est pas une de ces choses qu'on puisse cacher long - tems, ni découvrir par subtilité ou par hasard. D'ailleurs le rabin Meir est un nom qu'on produit: il n'est resté de lui, ni témoignage, ni écrit, sur lequel on puisse appuyer cette conjecture.

S. Epiphane les accuse encore de nier la résurrection des corps; & c'est pour leur prouver cette vérité importante, qu'il leur allegue l'exemple de Sara, laquelle conçut dans un âge avancé, & celui de la verge d'Aaron qui reverdit; mais il y a une si grande distance d'une verge qui fleurit, & d'une vieille quia des enfans, à li réunion de nos cendres dispersées, & au rétablissement du corps humain pourri depuis plusieurs siecles, qu'on ne conçoit pas comment il pouvoit lier ces idces, & en tirer une conséquence. Quoi qu'il en soit, l'accusation est fausse, car les Samaritains croyoient la resurrection. En effet on trouve dans leur chronique deux choses qui le prouvent évidemment; car ils parlent d'un jour de récompense & de peine, cequi, dans le style des Arabes, marque le jour de la resurrection générale, & du déluge de feu. D'ailleurs ils ont inséré dans leur chronique l'éloge de Moïse, que Josué composa après la mort de ce législateur; & entre les louanges qu'il lui donne, il s'écrie qu'il est le scul qui ait ressuscité les morts. On ne sait comment l'auteur pouvoit attribuer à Moise la résurrection miraculeuse de quelques morts, puisque l'Ecriture ne le dit pas, & que les Juifs même sont en peine de prouver qu'il étoit le plus grand des prophêtes, parce qu'il n'a pas arrêté le soleil comme Josué, ni ressulcité les morts comme Elisée. Mais ce qui acheve de constater que les Samaritains croyoient la résurrection, c'est que Menandre qui avoit été samaritain, fondoit toute sa philosophie sur ce dogme. On sait d'ailleurs, & saint Epiphane ne l'a point nié, que les Dosithéens qui formoient une secte de samaritains, en faisoient hautement profession. Il est vraissemblable que ce qui a donné occasion à cette erreur, c'est que les Saducéens qui nioient véritablement la résurrection, furent appellés par les Pharisiens Cuthim, c'est - à - dire hérétiques, ce qui les fit confondre avec les Samaritains.

Enfin Léontius (de sectis, cap. 8.) leurreproche de ne point reconnoître l'existence des anges. Il sembleroit qu'il a confondu les Samaritains avec les Saducéens; & on pourroit l'en convaincre par l'autorité de saint Epiphane, qui distinguoit les Samaritains & les Saducéens par ce caractere, que les derniers ne croyoient ni les anges, ni les esprits; mais on sait que ce saint a souvent confondu les sentimens des anciennes sectes. Le savant Reland (Diss. misc. part. II. p. 25.) pensoit que les Samaritains entendoient par un ange, une vertu, un instrument dont la divinité se sert pour agir, ou quelqu'organe sensible qu'il employe pour l'exécution de ses ordres: ou bien ils croyoient que les anges sont des vertus naturellement unies à la divinité, & qu'il fait sortir quand il lui plaît: cela paroît par le Pentateuque samaritain, dans lequel on substitue souvent Dieu aux anges, & les anges à Dieu.

On ne doit point oublier Simon le magicien dans l'histoire des Samaritains, puisqu'il étoit Samaritain lui - même, & qu'il dogmatisa chez eux pendant quelque tems: voici ce que nous avons trouvé de plus vraisemblable à son sujet.

Simon étoit natif de Gitthon dans la province de Samarie: il y a apparence qu'il suivit la coutume des asiatiques qui voyageoient souvent en Egypte pour y apprendre la philosophie. Ce fut là sans doute qu'il s'instruisit dans la magie qu'on enseignoit dans les écoles. Depuis étant revenu dans sa patrie, il se donna pour un grand personnage, abusa longtems le peuple de ses prestiges, & tâcha de leur faire croire qu'il étoit le libérateur du genre humain. S.Luc act. viij. ix. rapporte que les Samaritains se laisserent effectivement enchanter par ses artifices, & qu'ils le nommerent la grande vertu de Dieu; mais on suppose sans fondement qu'ils regardoient Simon le magicien comme le messie. Saint Epiphane assure (éphiph. hoeres. pag. 154.) que cet imposteur prêchoit aux Samaritains qu'il étoit le pere, & aux Juifs qu'il étoit le fils. Il en fait par - là un extravagant qui n'auroit trompé personne par la contradiction qui ne pouvoit être ignorée dans une si petite distance de lieu. En effet Simon adoré des Samaritains, ne pouvoit être le docteur des Juifs: ennn prêcher aux Juifs qu'il étoit le fils, c'étoit les soulever contre lui, comme ils s'etoient soulevés contre J. C. lorsqu'il avoit pris le titre de fils de Dieu. Il n'est pas même vraissemblable qu'il se regardât comme le messie, 1°. parce que l'historien sacré ne l'accuse que de magie, & c'étoit par - là qu'il avoit séduit les Samaritains: 2°. parce que les Samaritains l'appelloient seulement la verta de Dieu, la grande. Simon abusa dans la suite de ce titre qui lui avoit été donné, & il y attacha des idées qu'on n'avoit pas eues au commencement; mais il ne prennoit pas lui - même ce nom, c'étoient les Samaritains étonnés de ses prodiges, qui l'appelloient la vertu de Dieu. Cela convenoit aux miracies apparens qu'il avoit faits, mais on ne pouvoit pas en conclure qu'il se regardât comme le messie. D'ailleurs il ne se mettoit pas à la tête des armées, & ne soulevoit pas les peuples; il ne pouvoit donc pas convaincre les Juifs mieux que J. C. qui avoit fait des miracles plus réels & plus grands sous leurs yeux. Enfin ce seroit le dernier de tous les prodiges, que Simon se fût converti, s'il s'étoit fait le messie; son imposture auroit paru trop grossiere pour en soutenir la honte; Saint Luc ne lui impute rien de semblable: il fit ce qui étoit assez naturel: convaincu de la fausseté de son art, dont les plus habiles magiciens se défient toûjours, [p. 28] & reconnoissant la vérité des miracles de Saint Philippes, il donna les mains à cette vérité, & se fit chrétien dans l'espérance de se rendre plus redoutable, & d'être admiré par des prodiges réels & plus éclatans que ceux qu'il avoir faits. Ce fut là tellement le but de sa conversion, qu'il offrit aussitôt de l'argent pour acheter le don des miracles.

Simon le magicien alla aussi à Rome, & y séduisoit comme ailleurs par divers prestiges. L'empereur Neron étoit si passionné pour la magie, qu'il ne l'étoit pas plus pour la musique. Il prétendoit par cet art, commander aux dieux mêmes; il n'épargna pour l'apprendre ni la dépense ni l'application, & toutefois il ne trouva jamais de vérité dans les promesses des magiciens; en sorte que son exemple est une preuve illustre de la fausseté de cet art. D'ailleurs personne n'ofoit lui rien contester, ni dire que ce qu'il ordonnoít fùt impossible. Jusques - là qu'il commanda de voler à un homme qui le promit, & fut long - tems nourri dans le palais sous cette espérance. Il fit même représenter dans le théatre un Icare volant; mais au premier effort Icare tomba, près de sa loge, & l'ensanglanta lui - même. Simon, dit - on, promit aussi de voler, & de monter au ciel. Il s'éleva en effet, mais Saint Pierre & Saint Paul se mirent à genoux, & prierent ensemble. Simon tomba & demeura étendu, les jambes brisées; on l'emporta en un autre lieu, où ne pouvant souffrir les douleurs & la honte, il se précipita d'un comble très - élevé.

Plusieurs savans regardent cette histoire comme une fable, parce que selon eux, les auteurs qu'on cite pour la prouver, ne méritent point assez de créance, & qu'on ne trouve aucun vestige de cette fin tragique dans les auteurs antérieurs au troisieme siecle, qui n'auroient pas manqué d'en parler si une avanture si étonnante étoit réellement arrivée.

Dosithée étoit Juif de naissance; mais il se jetta dans le parti des Samaritains, parce qu'il ne put être le premier dans les deutéroses, (apud Nicetam, lib. I. cap. xxxv.). Ce terme de Nicetas est obscur; il faut même le corriger, & remettre dans le texte celui de Deuterotes. Eusebe (prap. lib. XI. cap. iij. lib. XII. cap. j.) a parlé de ces deuterotes des Juifs qui se servoient d'énigmes pour expliquer la loi. C'étoit alors l'étude des beaux esprits, & le moyen de parvenir aux charges & aux honneurs. Peu de gens s'y appliquoient, parce qu'on la trouvoit difficile. Dosithée s'étoit voulu distinguer en expliquant allégoriquement la loi, & il prétendoit le premier rang entre ces interpretes.

On prétend (épiph. pag. 30.) que Dosithée fonda une secte chez les Samaritains, & que cette secte observa 1°. la circoncision & le sabbat, comme les Juifs: 2°. ils croyoient la résurrection des morts; mais cet article est contesté, car ceux qui font Dosithée le pere des Saducéens, l'accusent d'avoir combattu une vérité si consolante. 3°. Il étoit grand jeûneur; & afin de rendre son jeûne plus mortifiant, il condamnoit l'usage de tout ce qui est animé. Enfin s'étant enfermé dans une caverne, il y mourut par une privation entiere d'alimens, & ses disciples trouverent quelque tems après son cadavre rongé des vers & plein de mouches. 4°. Les Dosithéens faisoient grand cas de la virginité que la plûpart gardoient; & les autres, dit Saint Epiphane, s'abstenoient de leurs femmes après la mort. On ne sait ce que cela veut dire, si ce n'est qu'ils ne défendissent les secondes nôces qui ont paru illicites & honteuses à beaucoup de Chrétiens; mais un critique a trouvé par le changement d'une lettre, un sens plus net & plus facile à la loi des Dosithéens, qui s'abstenoient de leurs femmes lorsqu'elles étoient grosses, ou lorsqu'elles avoient enfanté. Nicetas fortifie cette conjecture, car il dit que les Dosithéens se séparoient de leurs femmes lorsqu'elles avoient eu un enfant; cependant la premiere opinion paroît plus raisonnable, parce que les Dosithéens rejettoient les femmes comme inutiles, lorsqu'ils avoient satisfait à la premiere vûe du mariage, qui est la génération des enfans. 5°. Certe secte entêtée de ses austérités rigoureuses, regardoit le reste du genre humain avec mépris; elle ne vouloit ni approcher ni toucher personne. On compte entre les observations dont ils se chargeoient, celle de demeurer vingt - quatre heures dans la même posture où ils étoient lorsque le sabat commençoit.

A - peu - près dans le même tems vivoit Menandre le principal disciple de Simon le magicien: il étoit Samaritain comme lui, d'un bourg nommé Cappareatia; il étoit aussi magicien; en sorte qu'il séduisit plusieurs personnes à Antioche par les prestiges. Il disoit, comme Simon, que la vertu inconnue l'avoit envoyé pour le salut des hommes, & que personne ne pouvoit être sauvé s'il n'étoit baptisé en son nom; mais que son baptême étoit la vraie résurrection, en sorte que ses disciples seroient immortels, même en ce monde: toutefois il y avoit peu de gens qui reçussent son baptême.

Colonie des Juifs en Egypte. La haine ancienne que les Juifs avoient eue contre les Egyptiens, s'étoit amortie par la nécessité, & on a vû souvent ces deux peuples unis se prêter leurs forces pour résister au roi d'Assyrie qui vouloit les opprimer. Aristée conte même qu'avant que cette nécessité les eût réunis, un grand nombre de Juifs avoit dejà passé en Egypte, pour aider à Psammétichus à dompter les Ethyopiens qui lui faisorent la guerre; mais cette premiere transmigration est fort suspecte. 1°. Parce qu'on ne voit pas quelle relation les Juifs pouvoient avoir alors avec les Egyptiens, pour y envoyer des troupes auxiliaires. 2°. Ce furent quelques soldats d'Ionie & de Carie, qui, conformément à l'otacle, parurent sur les bords de l'Egypte, comme des hommes d'airain, parce qu'ils avoient des cuirasses, & qui prêterent leur secours à Psammetichus pour vaincre les autres rois d'Egypte, & ce furent là, dit Herodote (lib. II. pag. 152.) les premiers qui commencerent à introduire une langue étrangere en Egypte; car les peres leur envoyoient leurs enfans pour apprendre à parler grec. Diodore (lib. I. pag. 48.) joint quelques soldats arabes aux Grecs; mais Aristée est le seul qui parle des Juifs.

Après la premiere ruine de Jérusalem & le meurtre de Gedalia qu'on avoit laissé en Judée pour la gouverner, Jochanan alla chercher en Egypte un asile contre la cruauté d'Ismael; il enleva jusqu'au prophete Jérémie qui reclamoit contre cette violence, & qui avoit prédit les malheurs qui suivroient les réfugiés en Egypte. Nabuchodonosor profitant de la división qui s'étoit formée entre Apries & Amasis, lequel s'étoit mis à la tête des rebelles, au lieu de les combattre, entra en Egypte, & la conquit par la défaite d'Apries. Il suivit la coutume de ces temslà, d'enlever les habitans des pays conquis, afin d'empêoher qu'ils ne remuassent. Les Juifs refugiés en Egypte, eurent le même sort que les habitans naturels. Nabuchodonosor leur fit changer une seconde fois de domicile; cependant il en demeura quelques - uns dans ce pays - là, dont les familles se multiplierent considérablement.

Alexandre le Grand voulant remplir Alexandrie, y fit une seconde peuplade de Juifs auxquels il accorda les mêmes privileges qu'aux Macédoniens. Ptolomée Lagus, l'un de ses généraux, s'étant emparé de l'Egypte après sa mort, augmenta cette colonie par le droit de la guerre; car voulant joindre

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