ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"735"> me contenterai de faire observer combien on pourroit tirer de lumieres d'une observation exacte des effets de la chaleur; on pourroit se présenter d'avance le tableau des maladies qui régneront, du caractere générique qu'elles affecteront; la connoissance qu'on auroit de ces maladies seroit bien plus exacte, & la pratique plus sure. On ne peut qu'applaudir au zele des Medecins qui s'appliquent aux observations météorologiques, tels que les Medecins d'Edimbourg & l'auteur du journal de Medecine à Paris. On pourroit seulement exiger un peu plus de détails, & qu'à mesure qu'on raconte, on fît les applications nécessaires qui se présentent, & sur - tout qu'on comparât les résultats avec ceux d'Hippocrate.

Influence physique de la lune. On a absolument rejetté toute influence de la lune, excepté celle qui dépend de sa gravitation, que nous avons appellée méchanique; & lorsque les femmes ont objecté qu'elles s'appercevoient que les rayons de la lune brunissoient leur teint, on a fait des expériences pour chercher l'explication d'un fait qui paroissoit assez constaté par la relation des femmes dans un point le plus intéressant pour leur vanité; on exposa un miroir ardent aux rayons de la lune, qu'on ramassa de façon à leur donner un éclat prodigieux, on mit au foyer un thermometre extrèmement mobile, la liqueur n'en reçut aucune impression, ne monta pas sensiblement; on en conclut avec raison que les rayons de la lune n'étoient pas capables de produire de la chaleur; & sur cela on décida qu'ils ne pouvoient pas brunir, & qu'ainsi l'observation des femmes étoit une de ces erreurs populaires que le philosophe doit nier lorsqu'il ne sait pas les expliquer; il eût été plus sage de bien constater le fait, d'en chercher une autre cause, ou de le croire sans l'approfondir, sans en pénétrer la cause, comme l'on fait dans bien d'autres cas. Voici quelques autres observations qui démontrent cette action physique de la lune, dûe vraissemblablement à sa lumiere: la lumiere ne seroit - elle qu'une émanation? seroit - elle, comme l'a pensé Hierne, combinée, lorsqu'elle sort de la lune. avec quelques vapeurs, avec quelques corps étrangers? quoi qu'il en soit, voici le fait. Mathiolus Faber rapporte qu'un jeune mélancholique quelques jours avant l'éclipse de lune, devint plus triste, plus sombre qu'à l'ordinaire, & qu'au moment de l'éclipse il devint furieux, courant de côté & d'autre dans sa maison, dans les rues & les carrefours, l'épée à la main, tuant & renversant tout ce qu'il trouvoit sur ses pas, hommes, animaux, portes, fenêtres, &c. Miss. natur. curiosor. in appendic. dec. II. ann. 19. pag. 49. Baillou raconte qu'en 1691, vers le solstice d'hiver, il y avoit beaucoup de fluxions, de morts subites, especes d'apoplexies, & de sueurs angloises. Au mois de Décembre pendant la nuit, il se fit des changemens inouis, incroyables; les corps les plus sains étoient languissans; les malades sembloient tourmentés par des démons, prêts à rendre l'ame; il n'y avoit d'autre cause apparente qu'une éclipse; « & comme nous ne l'appercevions pas, ajoute Baillou, nous ne pouvions assez nous étonner de tout ce que nous voyions, nous en ignorions absolument la cause; mais ces délires soudains, les convulsions inattendues, les changemens les plus considérables & les plus prompts qu'on observa cette nuit dans les maladies, nous firent bien connoître que tous ces troubles étoient excités par les affections du soleil, de la lune & du ciel ». Ramazzini a aussi observé le danger que couroient les malades pendant les éclipses; il remarque qu'une fievre pétéchiale, épidémique, dont il donne la description, étoit beaucoup plus fâcheuse après la pleine lune & dans les derniers quartiers, & qu'elle s'appaisoit vers la nouvelle lune; mais que pendant une éclipse de lune tous ces malades mouroient. Constit. annor. 1692 & 1693. On voit là quelques raisons qui justifient la crainte excessive que certains peuples avoient des éclipses, comme d'un signe de malheurs, opinion qui aussi a été appliquée aux cometes, peut - être pas sans fondement. On observe en Amérique, 1°. que le poisson exposé à la lueur de la lune, perd son goût, & devient mollasse; les Espagnols l'appellent allunado. 2°. Que les mulets qu'on laisse coucher à la lune dans les prés, lorsqu'ils sont blessés, perdent l'usage de leurs membres, & la blessure s'irrite, ce qui n'arrive pas dans d'autres tems. 3°. Que les hommes qui dorment à la lune sont brisés & rompus à leur réveil; les plus vigoureux n'y résistent pas: ces faits m'ont été attestés par un témoin oculaire, qui m'a rapporté qu'un de ses amis ajoutant peu de foi à ce que lui racontoient les habitans du pays, s'offrit de passer la nuit à sa fenêtre, bien exposé aux rayons de la lune; il le fit en effet, & paya bien cher son incrédulité & sa fanfaronnade; il resta pendant sept à huit jours sans pouvoir remuer ni piés ni mains. Il est fait mention dans les mélanges des curieux de la nature (dec. 1. ann. 1. observ. 19.), d'un vertige excité par les rayons de la lune. Il seroit à souhaiter que des observateurs éclairés & attentifs, s'appliquassent à vérifier & à confirmer ces observations; peut - être dans le tems des éclipses pourroit - on prévenir les grands accidens qu'elles occasionnent. Dans ces pays les promenades à la lune sont moins nuisibles qu'en Amérique, les amans seuls se plaignent de cette incommode clarté; si l'on s'y enrhume quelquefois, ou si l'on y prend des douleurs, on ne manque pas de les attribuer au serein; est - ce avec raison? ne tomberoit - il pas plus abondamment pendant que la lune luit?

Influence physique des autres astres. Il ne vient absolument point de chaleur des planetes ni des étoiles fixes; la lumiere qui s'en échappe est très - foible, très - peu propre à faire quelqu'impression sensible; nous n'en voyons aussi aucun effet: la production des vents, de la pluie, &c. que Goad & Kook leur attribuent, si elle est réelle, vient sans doute de leur gravitation, & par consequent est une influence méchanique dont il sera question plus bas. L'influence physique des cometes mérite plus d'attention, quoiqu'elle soit assurément dépourvue de toute utilité; ces especes de planetes peuvent s'approcher d'assez près de la terre pour lui faire éprouver & à ses habitans l'activité de leur influence. Voyez les ingénieuses conjectures de M. de Maupertuis. Voyez l'article Comete.

Influence méchanique du soleil. II. Cette influence est fondée sur l'action constante qui porte les planetes les unes vers les autres, & toutes vers le soleil, qui est à son tour attiré par chacune; l'influence méchanique du soleil sur la terre n'est point un probleme, c'est un fait très - décidé; c'est en obéissant à cette influence que la terre résistant à chaque point à sa force de projection, est comme obligée de former une courbe autour du soleil; ses effets, quoique très réels sur l'homme, sont trop constans & trop nécessaires pour être beaucoup sensibles; le mouvement de rotation de la terre ne fait de même sur eux aucune impression, cette influence croissant en raison inverse des quarrés des distances est dans certains tems beaucoup plus forte que dans d'autres. Les différences les plus remarquables s'observent aux solstices & aux équinoxes; dans ces tems précisément on a apperçu quelques phénomenes, quelques variations dans les maladies, qu'on a jugé inexplicables, & tout de suite fausses, & qui pourroient vraissemblablement être rapportées à cette cause. Le tems des équinoxes est fort contraire aux phtisiques, aux hectiques, à ceux qui sont dans des fievres lentes; [p. 736] & les maladies chroniques qui tombent dans ce tems éprouvent des changemens subits qui les terminent ordinairement par la mort ou par la santé; & il est rare que les troubles qui s'excitent alors, ne soient pas funestes aux malades. Frider. Hoffman, dissert. citat. Sanctorius a observé que dans le tems du solstice d'hiver, notre transpiration étoit moindre d'une livre que dans tout autre tems. Medicin. static. Hippocrate, comme nous l'avons déjà remarqué plus haut, veut que pendant les dix jours du solstice d'été, on s'abstienne de tout grand remede, qu'on ne coupe ni ne brûle, &c. & assure que ce défaut de précaution n'est pas sans inconvénient.

Influençe méchanique de la lune. L'action méchanique de la lune sur la terre, est incontestablement prouvée par le flux & reflux de la mer; & c'est surtout de la correspondance exacte du flux & reflux avec les périodes lunaires, qu'on est parti pour établir que la lune est la cause principale de ce phénomene; ainsi des observations qui démontreroient la même réciprocité entre les phénomenes de l'économie animale & les phases & mouvemens de la lune, seroient une preuve évidente de l'influence méchanique de la lune sur le corps. Je passe sous silence les preuves physiques qu'on pourroit tirer du reflux de l'air, des changemens qui y arrivent alors, & de l'action de l'air sur le corps humain (Voyez Air), les raisons d'analogie qui seroient d'ailleurs suffisantes; car qui est - ce qui niera que notre machine soit attirable ou compressible? Toute la classe des végétaux pourroit encore fournir des traits d'analogie convainquans; le laboureur & le botaniste ont également observé que la lune avoit un empire très - étendu sur la fécondité des plantes; c'est aussi une regle invariable chez les paysans, soutenue par une tradition constante, & par - là même respectable, d'avoir égard - pour semer les grains aux phases de la lune; ils ont remarqué que les arbres plantés en pleine lune portoient assez promptement des fruits, mais petits & graveleux; & qu'au contraire, ceux qui étoient mis en terre pendant la pleine lune, portoient des fruits beaucoup plus tardifs, mais aussi bien supérieurs en beauté & en délicatesse; la transplantation même des arbres ne se fait jamais avec plus de succès que pendant les premiers quartiers de la lune: on s'est aussi apperçu que les plantes semées dans le déclin de la lune poussoient des racines très longues & très - multipliées, & celles qu'on semoit en pleine lune, étoient chargées de très belles fleurs: ces précautions ne sont point indifférentes à l'égard de plusieurs plantes, le fleuriste pourroit sur - tout en tirer bien des avantages; il n'est personne qui ne sache que la coupe des bois demande les mêmes attentions; que ceux qui sont coupés dans la pleine lune pourrissent bien - tôt, & sont moins propres à servir aux bâtimens que ceux qui ont été coupés dans la vieille lune.

Joignons à toutes ces preuves les observations propres qui établiront la même influence sur le corps humain, & qui sont d'autant plus convainquantes qu'elles ont été faites la plûpart par des medecins qui ajoûtoient peu de foi à l'influence des astres, ou qui la négligeoient entierement.

1°. Le retour périodique des regles dans les femmes, est si exactement d'accord avec le mois lunaire, qu'il y a eu presqu'une voix sur ce point dans tous les siecles, chez tous les medecins & chez les femmes même; les maladies qui dépendent de quelque vice dans cette excrétion (classe fort étendue à laquelle on peut rapporter la plûpart des maladies des femmes), suivent souvent avec une extrème régularité les mêmes périodes. Charles Pison raconte qu'une fille fut pendant tous le printems tourmentée de symptômes d'hystéricité qui commençoient aux approches de la pleine lune, & ne cessoient que vers la fin du dernier quartier. On a observé que les hémorrhoides avoient aussi ces périodes communs avec l'évacuation menstruelle.

2°. Maurice Hoffman dit avoir vu une jeune fille âgée de quatorze ans, née d'une mere épileptique, à qui le ventre enfloit tous les mois à mesure que la lune croissoit, & diminuoit en même tems que la lune alloit en décroissant. (miscell. nat. curios. ann. 6. observ. 161.) On assure que les huitres sont beaucoup plus grosses & les coquillages plus remplis pendant la nouvelle & la pleine lune, que pendant les derniers quartiers au déclin. Gelle, témoin oculaire de ce fait, prétend l'avoir vu s'opérer de même dans bien d'autres animaux, qui engraissoient & maigrissoient successivement selon que la lune étoit nouvelle ou vieille. Hippocrate pense que les femmes conçoivent principalement dans la pleine lune. Voyez Hoffman, dissertation citée.

3°. Les maladies nerveuses sont très - souvent conformes aux périodes lunaires. Il y a une foule d'observations qui justifient le nom de lunatiques, qu'on a donné aux épileptiques & aux maniaques; Galien, Coelius Aurelianus, Pitcarn, ont principalement observé cette uniformité. Méad rapporte l'histoire d'un jeune enfant attaqué de convulsions, qui étant revenues à la pleine lune, suivirent si exactement les périodes de la lune, qu'elles répondoient tous les jours au flux & reflux de la mer; de façon que lorsque les eaux venoient couvrir le rivage, l'enfant perdoit l'usage de la voix & de tous ses sens, & lorsque les eaux s'en retournoient, l'enfant revenoit entierement à lui; il resta pendant quatorze jours dans cet état jusqu'à la nouvelle lune. (de imper. solis & lun. pag. 169.) Pitcarn a observé un chorea sancti Viti aussi régulierement périodique. Charles Pison parle d'une paralysie, que la nouvelle lune ramenoit tous les mois. Tulpius a vu un tremblement, dont les accès étoient correspondans au flux & reflux de la mer, à la lune, & quelquefois au soleil. Un medecin de Paris m'a communiqué depuis quelques jours un mémoire à consulter pour un épileptique, dont les accès reviennent pendant la vieille lune.

4°. On trouve dans les éphémerides des curieux de la nature, une quantité d'exemples de maux de tête, de vertiges, de blessures à la tête, d'affections épidémiques, de fievres malignes, de diabetes, de maladies exhantématiques, &c. qui démontrent l'influence méchanique de la lune sur le corps. Synops. ad litter. lunoe. Voyez Sauvages de influx. syder. Il y est aussi fait mention de deux somnambules, dont l'un tomboit dans ses accès dans le tems de la pleine lune, & les paroxysmes de l'autre étoient correspondans aux phases de la lune.

5°. Il arrive aussi quelquefois que les redoublemens dans les maladies aiguës suivent les alternatives du flux & reflux; & cela s'observe principalement dans les villes maritimes. Charles Pison dit que les malades se trouvoient très - mal lorsque le flux de la mer se rencontroit dans la pleine lune; c'est un fait connu, dit - il, que plusieurs sont morts pendant le tems du reflux; mais pour l'ordinaire, les douleurs, suivant le rapport des malades, & les symptomes redoubloient pendant six heures que dure le flux, & le reflux amenoit une intermission plus ou moins parfaite. Dans la fievre pétéchiale, épidémique, qui régnoit à Thuringe en 1698 & 1699, on apperçut beaucoup d'altération dans les maladies correspondantes aux lunaisons pendant l'hiver & l'autonne; & au printems, presque tous les fébricitans mouroient très - promptement pendant les derniers quartiers de la lune, tandis que ceux qui étoient malades pendant la nouvelle lune & les pre<pb->

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