ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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couvert, les erreurs qui en sont provenues n'en ont
été ni moins considérables, ni moins funestes; &
tel qui rit des prétentions ridicules des Astrologues,
de leurs prédictions trompeuses, mais le plus souvent
indifférentes à la santé, ne fait pas attention
qu'il a des idées dominantes qu'il pousse à l'excès,
& qui, quoique plus conformes à la façon présente
de penser & de s'exprimer, sont souvent plus éloignées du vrai, & presque toujours plus dangereuses.
Voyez
Fermentation, Acrimonie, Epaississement, Saignée, Purgatifs
, &c.
Nous allons tâcher, en suivant les traces des auteurs
que nous avons cités en dernier lieu, d'examiner
ce qu'il y a de positif dans l'influence des
astres, de pénétrer dans ce puits profond où réside
la vérité cachée & obscurcie par les fables, la superstition,
&c. de séparer le vrai du faux, le certain
de l'incertain, de retenir & de faire appercevoir ce
qu'il peut y avoir d'utile & d'avantageux dans cette
science. D'abord il n'est pas douteux que les astres
ne produisent quelque effet sur la terre, sur l'air,
sur les animaux. Quand ces effets ne seroient pas
aussi évidens pour la plûpart qu'ils le sont, quand
l'action réciproque des astres ne seroit pas connue,
la croyance presque continuelle de tous les peuples,
de tous les savans, de tous les medecins, me paroît,
en faveur de cette doctrine, l'argument le
plus incontestable. Il est en effet moralement impossible
qu'un dogme constamment & universellement
soutenu pendant plusieurs siecles par des physiciens
de différentes sectes, combattu ensuite & abandonné,
& enfin rétabli de nouveau, ne soit pas foncierement
vrai; le faux, sur - tout en matiere de science,
n'a que des partisans passagers, le vrai seul peut
arracher un consentement unanime; ou si les préjugés
ou quelque attrait de nouveauté le font disparoître,
si quelque mensonge mélé l'altere, le cache
à nos yeux, ce n'est que pour un tems, il ne tarde
pas à percer les nuages qui l'obscurcissoient. Mais
la lumiere du soleil, des astres, frappe tous les jours
les yeux; la chaleur, le froid, la sécheresse, l'humidité,
les vents, la pluie, les météores, ne cessent
de nous affecter; accoutumés à ces impressions,
nous en sommes peu frappés, & nous négligeons
d'en pénétrer les causes. Ces effets sont incontestablement
dûs à l'opération du soleil vraissemblablement
jointe à celle des planetes plus voisines. La
gravitation mutuelle des planetes est un phénomene
dont il n'est plus permis de douter, quoiqu'on en
ignore la cause; l'effet qui résulte de cette gravitation
sur la terre & sur ses productions, est un nouveau
moyen d'influence. Ces effets, beaucoup plus
sensibles de la part de la lune dont la proximité &
la vîtesse, relativement à la terre, compensent au - delà
le défaut de masse, sont très - manifestes sur la
mer par le flux & reflux qu'elle éprouve; comment
est - ce que l'homme, la machine la plus sensible, la
plus impressionnable, ne seroit - il pas affecté par une
force qui fait une impression très - marquée sur les
corps les plus bruts, les moins doués de sentiment,
sur l'air, l'eau & la terre? Les observations sont ici
d'accord avec le raisonnement. Parmi le grand nombre
que les fastes de la Medecine nous offrent, nous
choisirons les plus constatées & les plus récentes;
celles - ci ne pourront point être soupçonnées d'être
dictées par la prévention & les préjugés.
Nous distinguons auparavant avec M. de Sauvages, trois especes d'influence; savoir, l'influence morale,
physique & méchanique; nous appellons influence
morale, cette vertu mystérieuse, fondement de l'Astrologie judiciaire (voyez ce mot), attribuée aux planetes
& aux étoiles fixes, de décider & de régler
le sort, la fortune, les moeurs, le caractere, &c.
des hommes en conséquence d'un aspect particulier,
du passage au méridien dans un tems marqué, &c.
c'est sur cette influence que portent les prédictions,
les horoscopes, les devinations, qui ont rapport aux
choses fortuites, aux événemens volontaires ou
regardés comme tels, &c. Nous n'ignorons pas que
ces oracles, semblables à ceux que rendoient anciennement
les Sibylles, sont le plus souvent susceptibles
d'une double interprétation, très - obscurs, &
quelquefois aussi faux; mais nous savons en même
tems que quelquefois ils ont rencontré très - juste, en
entrant même dans des détails très - circonstantiés.
Nous tenons d'un prélat respectable l'histoire d'une
femme, à qui un tireur d'horoscope détailla avec la
derniere exactitude les moindres particularités de
sa vie passée & future; & tout ce qu'il lui dit, soit
sur le passé, soit sur l'avenir, se trouva entierement
conforme à la vérité: le prélat qui m'a raconté ce
fait, en a été lui - même témoin oculaire, & toute
une grande ville a vû avec surprise toutes les prédictions
s'accomplir ponctuellement. Il y a bien d'autres
semblables faits aussi - bien constatés que le philosophe
speculatif traite d'erreurs populaires; il les
méprise, ne les approfondit point, & les déclare
impossibles, parce qu'il n'en voit point les raisons.
Pour nous, nous nous contenterons d'exposer les
faits sans hazarder un jugement qui ne pourroit qu'être
inconsidéré, n'étant point appuyé sur des raisons
suffisantes qui en démontrent l'impossibilité,
sachant d'ailleurs qu'il est bien prouvé que des fous,
dans des violens accès de manie, ont pû lire dans
l'avenir, & que les événemens ont ensuite confirmé
ce qu'ils avoient annoncé dans cet état. Voyez Manie. Nous ne nous arrêterons pas davantage à cette
influence, parce que nous n'en appercevons aucune
utilité pour la Medecine, point auquel nous rapportons
tous nos travaux.
L'influence que nous avons nommée physique, est
cette action des astres, dont les effets sont manifestés
sur l'air avant d'affecter le corps, & qui même
ne l'affectent le plus souvent qu'en conséquence des
variations qui sont excitées dans l'atmosphere. On
pourroit appeller cette influence, météorologique médiate; la cause & le méchanisme en sont inconnus;
les phénomenes qui en résultent, peuvent seuls la
rendre sensible.
Nous donnons le nom d'influence méchanique à celle
qu'on croit dépendre & suivre les lois de cette tendance
mutuelle qu'ont tous les astres les uns à l'égard
des autres, connue sous le nom de gravitation,
expliquee par divers physiciens, tantôt par les tourbillons,
& tantôt par l'attraction. Nous allons entrer
dans quelque détail sur ces deux especes d'influences, dont la réalité & les avantages paroissent
assez constatés.
Influence physique du soleil. I. Le soleil est de tous
les astres celui dont l'action physique sur les hommes
est la plus apparente: personne n'ignore que la lumiere
& la chaleur en sont les effets primitifs; mais
ces mêmes effets, & sur - tout la chaleur, deviennent
encore la source d'un grand nombre d'autres phénomenes;
ou pour parler avec plus d'exactitude, cette
même cause (qu'on croit être le mouvement) qui
donne lieu à la lumiere & à la chaleur, produit aussi
d'autres effets; car ni la lumiere ni la chaleur ne
sont dans les corps appellés lumineux & chauds; ce
sont des sensations particulierement modifiées dans
les yeux & dans l'organe du toucher: le soleil considéré
comme influant physiquement sur la terre,
peut être regardé comme un feu immense, successivement
placé dans des distances & des positions
différentes, soit par rapport à toute la terre, soit
relativement à quelques contrées. Les effets en sont
par - là plus variés & par conséquent plus sensibles;
une tranquille & constante uniformité frappe rare<pb->
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ment, & n'excite pas à chercher la cause; le soleil
entant que lumineux, ne cesse jamais d'agir sur la
terre en général; mais il y a toujours quelques parties
qui ne sont point éclairées; la partie antipode
de celle qui reçoit directement les rayons du soleil,
est dans l'obscurité, tandis que celle - ci jouit du spectacle
brillant & utile de la lumiere; le mouvement
de la terre sur son axe présente pendant les vingt - quatre
heures successivement toutes les parties de la
terre au soleil, & occasionne par - là dans elles une alternative
de lumiere & d'obscurité, sur laquelle porte
la distinction frappante du jour & de la nuit. Pour
appercevoir les effets de la lumiere sur l'homme &
sur les animaux, qu'un physicien porte des yeux attentifs
sur tout ce qui suit les lois de la simple nature
dans ces chaumieres rustiques, où l'art n'est
point encore venu la maîtriser & la plier à ses caprices;
il verra lorsque le jour a fait place à la nuit,
tous les travaux interrompus, le ramage des oiseaux
suspendu, les vents appaisés, tout en un mot annoncer
& préparer un sommeil tranquille & restaurant,
encore attiré par un travail pénible, bien différent
& bien au - dessus de cette ombre de sommeil
qui vient languissamment sur les pas de la mollesse
& de l'indolence, que la lumiere du jour auquel on
l'a différé, interrompt & trouble, & qui ne peut
être profond que lorsque l'obscurité la plus parfaite
peut en quelque façon ressembler à la nuit. Mais lorsque
l'aurore naissante ramene la lumiere, & annonce
le retour prochain du soleil, voyez tous les
oiseaux témoigner par leurs chants l'impression qu'ils
en ressentent; le coq bat des aîles & leve ses cris
perçans jusqu'aux cieux; le sommeil se dissipe, le
jour paroît, & le regne du travail commence. Voyez
Jour, Nuit & Lumiere.
Le medecin apperçoit dans les personnes que quelques
maladies rendent plus sensibles, des preuves
évidentes de l'action de la lumiere; les maniaques,
par exemple, les phrénétiques, les typhomaniaques,
ceux qui sont dans quelqu'accès d'hydrophobie, &
ceux enfin qui ont mal aux yeux, sont pour l'ordinaire
blessés par la lumiere; les ténebres leur sont
infiniment plus favorables; la lumiere rend les délires
plus fougueux, l'obscurité les appaise; c'est
pourquoi il est très - important d'y placer ceux qui
sont attaqués de ces maladies, précaution que recommandoient
spécialement les méthodiques. Baillou raconte que madame de Varades étant malade,
tomba dans une syncope violente dans l'instant de
l'immersion du soleil dans une éclipse, & qu'elle en
revint naturellement lors de l'émersion, que le soleil
recouvra sa lumiere. Il n'est personne qui n'ait éprouvé en écrivant, en composant, combien la lumiere
& les ténebres influent diversement sur les idées &
sur la maniere de les énoncer. Nous voyons enfin
dans bien des maladies, la mort survenir, ou quelque
changement considérable se faire au lever & au
coucher du soleil. Ramazzini dit avoir observé des
fievres épidémiques qui redoubloient vivement sur
le soir vers le coucher du soleil, de façon que les malades
étoient extrèmement abattus, presque mourans;
ils passoient dans cet état toute la nuit; mais
ils en sortoient promptement dès que le soleil paroissoit
sur l'horison, & ils pouvoient se lever & se
promener. Constit. épidem. ann. 1691. Voyez Lumiere, Soleil, &c.
Les effets du soleil, comme principe de la chaleur,
sont beaucoup plus grands, plus étendus, &
mieux constatés; c'est avec raison qu'on l'appelle la
source de la vie, de toutes les productions de la
terre; c'est sur - tout par elle que les plantes vivent,
végetent; les animaux mêmes ne peuvent s'en passer;
une privation trop prompte & trop sensible
produit beaucoup d'incommodités. Voyez Froid.
Lorsqu'elle est aussi poussée à l'excès contraire, elle
entraîne de grands inconvéniens. Voyez Chaleur,
Feu. Les effets de la chaleur sur les corps ne sont
jamais plus marqués & plus mauvais que lorsqu'on
s'expose en repos aux rayons directs du soleil, &
sur - tout ayant la tête découverte; d'abord la peau
devient érésipélateuse, ensuite noire, un mal de
tête affreux survient, on tombe dans le délire, ou
dans un assoupissement mortel; c'est ce qu'on appelle
coup de soleil. Voyez ce mot à l'article Soleil.
La chaleur que nous éprouvons du soleil varie beaucoup,
suivant qu'elle est directe ou réfléchie, suivant
les distances, l'obliquité des rayons, la quantité &
la direction des points qui réfléchissent; de - là naissent
les différences de chaleur, à l'ombre ou au soleil,
dans les plaines, dans les vallées, ou sur les hautes
montagnes; de - là aussi les distinctions des saisons:
dans la position où nous sommes, les plus grandes
chaleurs se font ressentir dans le tems où le soleil est
le plus éloigné, mais où l'obliquité de ses rayons est
moins grande. Voyez
Saisons, Été, Automne, Hyver & Printems. Tout le monde sait par expérience
l'influence des saisons sur l'homme; les maladies
qui en dépendent sont exactement classées par
Hippocrate; & les Medecins observateurs qui l'ont
suivi, ont bien remarqué qu'il y avoit des maladies
particulieres à chaque saison, & que les maladies
qui passoient d'une saison à une autre, changeoient de
génie, de type, de caractere, & demandoient souvent
une méthode curative différente. Voyez sur - tout
Fievre intermittente. La chaleur influe non seulement
sur nous par une action immédiate, c'est - à - dire lorsqu'elle est trop forte en augmentant la
transpiration, la sueur, en occasionnant des foiblesses,
lassitudes, langueurs, en efféminant, ramollissant
les vaisseaux, animant le mouvement intestin
du sang, rendant les sommeils inquiets & la respiration
lente, hâtée, laborieuse; mais encore par les
effets qui la suivent lorsqu'elle est appliquée à la
terre, à l'eau, aux végétaux, &c. On n'a pour s'en
convaincre, qu'à voir ce qui se passe lorsque les rigueurs
de l'hiver sont dissipées, qu'un printems gracieux
lui succede, & enfin lorsque les ardeurs de
l'été se font ressentir; d'abord on voit toutes les
plantes sortir de la terre, renaître, fleurir, embaumer
l'air de leurs parfums, le rendre & plus sain &
plus délicieux; les vapeurs élevées pendant le jour
retombent le soir en sérain, & le matin en rosée,
& humectent de nouveau la terre; mais lorsque le
brûlant sirius paroît, les vapeurs élevées avec plus
de force & en plus grande abondance, deviennent
la matiere des orages, des pluies, des tonnerres, des
éclairs, &c. la terre cependant devient aride, les
marais se dessechent, les exhalaisons les plus mauvaises
s'en élevent & se répandent dans l'air; les
animaux morts se pourrissent promptement, & infectent
l'atmosphere de miasmes contagieux; les rivieres
& les fontaines abaissées fournissent une eau
moins salutaire; les vins tournent dans les caves;
les alimens sont moins bons, digérés avec plus de
peine, &c. de - là viennent toutes ces especes de fievres
ardentes, inflammatoires, pétéchiales, pourprées,
malignes, &c. les dissenteries, diarrhées bilieuses,
la peste enfin, & les maladies épidémiques;
ces accidens seroient encore bien plus grands, si les
fruits que produit alors la terre n'en prenoient une
grande partie; nous avons successivement les cerises,
les fraises, les prunes, les poires, les melons,
les concombres, les pêches, les figues, les raisins,
les aséroles, &c. lorsque ces fruits manquent, ou
qu'ils sont viciés, ou enfin lorsqu'on en fait des exces,
les maladies sont plus mauvaises & plus fréquentes.
Sans m'arrêter à beaucoup d'autres exemples, je
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