ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"731"> secund. lib. prorrhetic. On ne sauroit nier que ce raisonnement de Galien ne soit très - plausible, très satisfaisant & très - favorable à l'influence des astres; il indique d'ailleurs par - là une cause physique d'un fait dont on n'a encore aujourd'hui que des causes morales. Ce dogme particulier n'avoit besoin que de l'autorité de Galien, pour de venir une des lois fondamentales de la Médecine clinique; il fut adopté par le commun des medecins, qui n'avoient d'autre regle que les décisions de Galien. Quelques medecins s'éloignant du chemin battu, oserent censurer cette doctrine quelquefois fausse, souvent outrée par ses partisans; mais ils furent bientôt accablés par le nombre. Les medecins routiniers ont toujours souffert le plus impatiemment, que les autres s'écartassent de leur façon de faire & de penser. L'Astrologie devenant plus à la mode, la théorie de la Médecine s'en ressentit. Comme il est arrivé toutes les fois que la Physique a changé de face, la Médecine n'a jamais été la derniere à en admettre les erreurs dominantes; les medecins furent plus attachés que jamais à l'influence des astres. Quelques - uns sentant l'impossibilité de faire accorder tous les cas avec les périodes de la lune, eurent recours aux autres astres, aux étoiles fixes, aux planetes. Bientôt ces mêmes astres furent regardés comme les principales causes de maladie, & l'on expliqua par leur action le fameux TO TEION d'Hippocrate, mot qui a subi une quantité d'interprétations toutes opposées, & qui n'est par conséquent pas encore défini. On ne manquoit jamais de consulter les astres avant d'aller voir un malade; & l'on donnoit des remedes, ou l'on s'en abstenoit entierement, suivant qu'on jugeoit les astres favorables ou contraires. On suivit les distinctions frivoles établies par les astrologues des jours heureux & malheureux, & la Médecine de vint alors ce qu'elle avoit été dans les premiers siecles, appellés tems d'ignorance; l'Astrologie fut regardée comme l'oeil gauche de la Medecine, tandis que l'Anatomie passoit pour être le droit. On alloit plus loin; on comparoit un medecin destitué de cette connoissance à un aveugle qui marchant sans bâton, bronche à chaque instant, & porte en tremblant de côté d'autre des pas mal - assurés; un rien le détourne, & il est dans la crainte de s'égarer: ce n'est que par hasard & à tâtons qu'il suit le bon chemin.

Les Alchimistes, si opposés par la nature de leurs prétentions aux idées reçues, c'est - à - dire au Galénisme, n'oublierent rien pour le détruire; mais ils respecterent l'influence des astres, ils renchérirent même sur ce que les anciens avoient dit, & lui firent jouer un plus grand rôle en Medecine. Ils considérerent d'abord l'homme comme une machine analogue à celle du monde entier, & l'appellerent microcosme, MIKROKOSMOS2, mot grec qui signifie petitmonde. Ils donnerent aux visceres principaux les noms des planetes dont ils tiroient, suivant eux, leurs influences spéciales, & avec lesquelles ils croyoient entrevoir quelque rapport; ainsi le coeur consideré comme le principe de la vie du microcosme, fut comparé au soleil, en prit le nom & en reçut les influences. Le cerveau fut appellé lune, & cet astre fut censé présider à ses actions. En un mot, on pensa que Jupiter influoit sur les poumons, Mars sur le foie, Saturne sur la rate, Venus sur les reins, & Mercure sur les parties de la génération. Les Alchimistes ayant supposé les mêmes influences des planetes ou des astres auxquels ils donnoient le nom, sur les sept métaux, de façon que chaque planete avoit une action particuliere sur un métal déterminé qui prit en conséquence son nom: ils appellerent l'or, soleil; l'argent, lune; le vif - argent, Mercure; le cuivre, Venus; le fer, Mars, & le plomb, Saturne. L'analogie qui se trouva entre les noms & les influences d'une partie du corps & du métal correspondant, fit attribuer à ce métal la vertu spécifique de guérir les maladies de cette partie; ainsi l'or fut regardé comme le spécifique des maladies du coeur, & les teintures solaires passoient pour être éminemment cordiales; l'argent fut affecté au cerveau; le fer au foie, & ainsi des autres. Ils avoient conservé les distinctions des humeurs reçûes chez les anciens en pituite, bile & mélancholie: ces humeurs recevoient aussi les influences des mêmes planetes qui influoient sur les visceres dans lesquels se faisoit leur sécrétion, & leur dérangement étoit rétabli par le même métal qui étoit consacré à ces parties; de façon que toute leur medecine consistoit à connoitre la partie malade & la nature de l'humeur peccante, le remede approprié étoit prêt. Il seroit bien à souhaiter que toutes ces idées fussent aussi réelles qu'elles sont ou qu'elles paroissent chimériques, & qu'on pût réduire la Medecine à cette simplicité, & la porter à ce point de certitude qui résulteroient de la précieuse découverte d'un spécifique assûré pour chaque maladie; mais malheureusement l'accomplissement de ce souhait est encore très - éloigné, & il est même à craindre qu'il n'ait jamais lieu, & que nous soyons toujours réduits à la conjecture & au tâtonnement dans la science la plus intéressante & la plus précieuse, en un mot où il s'agit de la santé & de la vie des hommes; science qui exigeroit par - là le plus de certitude & de pénétration. Quelque ridicules qu'ayent paru les prétentions des Alchimistes sur l'influence particuliere des astres & sur l'efricacité des métaux, on a eu de la peine à nier l'action de la lune sur le cerveau des fous, on n'a pas cessé de les appeller lunatiques (SELHNIAZOMHNOU\S2); on a conservé les noms planétaires des métaux, les teintures solaires de Minsicht ont été longtems à la mode, & encore aujourd'hui l'or entre dans les fameuses gouttes du général la Motte; les martiaux sont toujours & méritent d'être regardés comme très - efficaces dans les maladies du foie; & l'on emploie dans les maladies chroniques du poumon l'anti - hectique de Poterius, qui n'a d'autre mérite (si c'en est un) que de contenir de l'étain.

Ces mêmes planetes qui, par leur influence salutaire, entretiennent la vie & la santé de chaque viscere particulier, occasionnent par leur aspect sinistre des dérangemens dans l'action de ces mêmes visceres, & deviennent par - là, suivant les Alchimistes, causes de maladie; on leur a principalement attribué celles dont les causes sont très - obscures, inconnues, la peste, la petite vérole, les maladies épidémiques & les fievres intermittentes, dont la théorie a été si fort discutée & si peu éclaircie Les medecins qui ont bien senti la difficulté d'expliquer les retours variés & constans des accès fébrils, ont eu recours aux astres, qui étoient pour les medecins de ce tems ce qu'est pour plusieurs d'aujourd'hui la nature, l'idole & l'asyle de l'ignorance. Ils leur ont donné l'emploi de distribuer les accès suivant l'humeur qui les produisoit; ainsi la lune par son influence sur la pituite étoit censée produire les fievres quotidiennes; Saturne, à qui la mélancholie étoit subordonnée, donnoit naissance aux fievres quartes; le cholérique Mars dominant sur la bile, avoit le district des fievres tierces; enfin on commit aux soins de Jupiter le sang & les sievres continues qui étoient supposées en dépendre. Zacutus lusit. de medic. princip. D'autres medecins ont attribué tous ces effets à la lune; & ils ont crû que ses différentes positions, ses phases, ses aspects, avoient la vertu de changer le type des fievres, & d'exciter tantôt les tierces, tantôt les quartes, &c. conciliat. de different. febr. 88. Pour compléter les excès auxquels on s'est porté sur l'influence des astres, on pourroit y ajou<pb-> [p. 732] ter toutes les fables de l'Astrologie judiciaire, voyez ce mot, les prédictions, les horoscopes, &c. qui ont pris naissance à la même source; les noms que les poëtes avoient donné aux planetes, en divinisant, pour ainsi dire, les vertus ou les vices de quelques personnes, avoient donné lieu à ces délires des Astrologues, & faisoient penser que Saturne étoit mélancholique, Jupiter gai, Mars belliqueux. On renouvella les anciennes fictions sur les qualités de ces prétendus dieux, qu'on appliqua aux planetes qui les représentoient; Venus fut libertine, & Mercure voleur. En conséquence, lorsqu'on se proposa de tirer l'horoscope de quelqu'un, on chercha quel astre avoit passé par le méridien dans l'instant de sa naissance; & sur ce point déterminé, on conclut les qualités, l'état, les moeurs, la fortune future de cette personne; de façon que si Mars avoit présidé à sa naissance, on pronostiqua du courage, & on assura que l'enfant prendroit le parti des armes. Celui qui naissoit sous Venus, devoit être porté pour les femmes, enclin au libertinage, &c. Tous ces caracteres décidés ne venoient que de l'influence d'un seul astre, & les caracteres composés étoient l'effet de l'influence compliquée de plusieurs astres; par exemple, si Saturne & Mercure passoient ensemble par le méridien, c'étoit un signe que l'enfant seroit mélancholique & voleur, & ainsi des autres. On prétendit aussi lire dans les constellations les présages de longue vie. Du reste, on tâcha de s'accommoder au goût, au desir, aux penchans des parens. Enfin ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'on réussissoit assez souvent, & qu'on étoit en grand crédit; tant il est facile de duper, de plaire, de se faire admirer par des prédictions, sur - tout quand on a l'esprit de ne pas les faire positives, & de les envelopper de quelque obscurité. L'enthousiasme étoit si outré pour ces Astrologues, que les rois de France, il n'y a pas encore deux siecles, en entretenoient plusieurs dans leur cour, les combloient d'honneur & de présens, & décidoient sur leurs oracles la paix, la guerre & tous les grands évenemens. Plusieurs savans & des medecins de réputation étoient entichés de ces idées, entr'autres le fameux Cardan, qui poussa fort loin cette prétendue science, & duquel il nous reste une grande quantité d'horoscopes: on assure que son entêtement étoit au point que pour satisfaire à son horoscope qui avoit fixé le jour de sa mort, il se fit mourir par une cruelle abstinence, à la quelle il se condamna lui - même.

Lorsque l'Astrologie ou la doctrine sur l'influence des astres eut été ainsi avilie, que tous ces abus s'y furent glissés, & que les fables les plus grossieres & les plus grandes absurdités eurent pris la place des véritables observations, les bons esprits abandonnerent ce dogme, & le renouvellement des Sciences le fit entierement disparoître. Les opinions nouvelles étant devenues l'idole à la mode, le seul titre d'ancienneté suffisoit aux systèmes pour le faire proscrire; les medecins devinrent aussi inconsidérés contradicteurs des anciens qu'ils en avoient été pendant plusieurs siecles admirateurs aveugles; l'influence des astres fut regardée comme une production frivole & chimérique de quelque cerveau affecté par la lune; & enfin l'on bannit avec une scrupuleuse sévérité des écoles tout ce qui avoit rapport à cette doctrine, sans chercher à approfondir ce qu'il pouvoit y avoir de vrai & d'utile. Enfin, après que le pendule, emblème de l'esprit humain, eut vibré dans les extrémités opposées, il se rapprocha du milieu; après qu'on se fut porté à ces excès de part & d'autre, l'attrait de la nouveauté dissipé & ses prestiges évanouis, on rappella quelques anciens dogmes, on prit un chemin plus juste & plus assuré sans suivre indistinctement tous les anciens dogmes; on tâcha de les vérifier: quelques observations bien constatées, firent appercevoir au docteur Mead une certaine correspondance entre quelques phénomenes de l'économie animale & les périodes de la lune. Il suivit cette matiere, fit des recher ches ultérieures, & se convainquit de la réalité d'un fait qu'on n'osoit plus soupçonner. Il communiqua ses idées dans une petite, mais excellente dissertation, dont le titre est de l'empire du soleil & de la lune sur le corps humain. Deux illustres medecins anglois, Goad & Kook, s'appliquerent ensuite à examiner le pouvoir & la force des planetes à produire les vents, les pluies & les autres variations dans l'atmosphere, en conséquence de leurs positions & de leurs aspects, soit avec la lune, soit principalement entre elles. Frédéric Hoffman assure avoir vérifié leurs observations, & les avoir trouvées conformes à l'expérience: dissert. de astror. influx. in corpore humano. Urbain Hierne, célebre chimiste de nos jours, a de nouveau introduit l'influence des astres dans la Chimie; il prétend que les trois fameux principes, le sel, le soufre & le mercure dont tout corps visible & compréhensible est composé, résultent des mélanges des émanations des astres & de quelques élémens sublunaires: « La lumiere, dit il, être immatériel émané du soleil, parvenue sur la surface des planetes, se combine avec les vapeurs qui s'en élevent, avec l'eau supra - céleste qui entre dans leur composition, se matérialise par - là, & prend un caractere particulier encore indéterminé suivant les planetes qui la réfléchissent ». C'est de cette combinaison variée que viennent les différentes influences propres à chaque planete; il regarde, avec Moïse, la lumiere comme leur véhicule; mais avant de parvenir à la terre, cette lumiere déja matérialisée par l'union des atomes élevés des autres planetes, reçoit de nouvelles combinaisons dans la lune, qu'il appelle, d'après les anciens rabins, l'entonnoir de la nature, d'où elle est enfin renvoyée sur la terre, particulierement chargée de l'efficacité de cette planete secondaire qui se manifeste sur la mer, les saisons, les humeurs, les maladies, & les autres choses qui obéissent à la lune. C'est cette même lumiere qui, selon ce savant chimiste, s'unissant à la matiere éthérée, à l'air plus crasse, à l'eau qui y est contenue, ensuite à l'acide universel, forme le sel qu'il appelle astral, naturel, vierge. Des différentes solutions, décompositions & récompositions de ce sel résulte le soufre de l'univers, l'ame du monde, fils du soleil, &c. enfin l'union amicale de ces deux substances primitives donne naissance à une créature d'une nature particuliere, qu'il appelle mercure catholique. Voyez Mercure, Sel & Soufre; voyez aussi l'ouvrage de Hierne, act. chimic. Holmiens. tom. I. cap. vj. avec les notes de Gotschalk Valerius. M. de Sauvages, fameux professeur en l'université de Medecine de Montpellier, fit soutenir dans ses écoles une thèse sur l'influence des astres, où il tâche, guidé par l'observation, à l'exemple de Mead, de prendre un juste milieu entre les éloges excessifs des Medecins astrologues & le mépris outré des nouveaux théoriciens.

Telle est à - peu - près l'histoire des vérités, des conjectures, des erreurs & des folies qui ont pris naissance de l'influence des astres; histoire toujours curieuse & intéressante pour le philosophe, qui y voit retracé le tableau constant & varié des variations de l'esprit humain. Le medecin y découvre sous d'autres couleurs les mêmes scenes qui se sont passées à l'égard de plusieurs autres dogmes théoriques, & quelquefois, qui pis est, pratiques de Médecine. Quoique ces opinions ayent fait moins de bruit, quoique leur absurdité ait moins paru à dé<pb->

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