ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"817"> mais la charte fut si mal exécutée, que le pape en fit des plaintes dès l'année suivante.

La croisade que l'on prêchoit en 1248 contre l'empereur Frédéric, ayant occasionné un soulevement du peuple à Ratisbonne, l'évêque exécutant les ordres du pape, les excommunia & mit la ville en interdit.

Après le massacre des Vêpres siciliennes en 1282, Martin IV. mit le royaume d'Arragon en interdit, & prononça par sentence la déposition de Pierre, roi d'Arragon; cette sentence ne fut point exécutée, & les ecclésiastiques de tous les ordres n'observerent point l'interdit; le pape n'en fut que plus animé contre le roi, & fit prêcher la croisade contre lui.

Il y eut en 1289 un concordat entre Denis, roi de Portugal, & le clergé de son royaume; leurs différends duroient depuis long - tems, & le royaume étoit en interdit depuis le pontificat de Grégoire X.

Les Vénitiens en essuyerent aussi un en 1309 pour s'être emparés de Ferrare que l'Eglise romaine prétendoit être de son domaine; ils ne laisserent pas de garder leur conquête.

Les Florentins en userent de même en 1478, lorsque Sixte IV. jetta un interdit sur la ville de Florence pour l'assassinat des Médicis: cet interdit ne fut pas observé; les Florentins obligerent les prêtres à célébrer la messe & le service malgré la défense du pape.

Lorsqu'on avoit fait quelque accord au pape ou à l'évêque qui avoit prononcé l'interdit, alors il le levoit par un acte solemnel, comme fit Jean XXII. par une bulle du 21 Juin de ladite année, par laquelle il leva les censures qui étoient jettées depuis quatre ans sur la province de Magdebourg, à cause du meurtre de Burchard, archevêque de cette ville.

Ce qui est de singulier, c'est que les souverains eux - mêmes prioient quelquefois les évêques de prononcer un interdit sur les terres de leurs vassaux, s'ils n'exécutoient pas les conventions qui avoient été faites avec eux, comme fit Charles V. alors régent du royaume, par des lettres du mois de Février 1356, confirmatives de celles de Guy, comte de Nevers, & de Mathilde sa semme, en faveur des bourgeois de Nevers; à la fin de ces lettres Charles V. prie les archevêques de Lyon, de Bourges & de Sens, & les évêques d'Autun, de Langres, d'Auxerre & de Nevers, de prononcer une excommunication contre le comte de Nevers, & un interdit sur ses terres, s'il n'exécute pas l'accord qu'il avoit fait avec ses habitans.

On trouve dans le recueil des ordonnances de la troisieme race plusieurs lettres semblables du roi Jean, qui autorisoient les évêques à mettre en interdit les lieux dont le seigneur tenteroit d'enfreindre les privileges.

Les interdits les plus mémorables qui furent prononcés dans le xvj. siecle, furent celui que Jules II. mit sur la France en 1512, à cause que le roi avoit donné des lettres patentes pour l'acceptation du concile de Pise; l'autre fut celui que Sixte V. mit sur l'Angleterre en 1588, pour obliger les Anglois de rentrer dans la communion romaine; mais il n'y en eut point de plus éclatant que celui que Paul V. prononça le 17 Avril 1606 contre l'état de Venise pour quelques lois qui lui parurent contraires à la liberté des ecclésiastiques. Mézeray rapporte que cette bulle fulminante fut envoyée à tous les évêques des terres de la seigneurie pour la publier, mais que le nombre de ceux qui obéirent fut le plus petit; que le sénat y avoit donné si bon ordre, que ce grand coup de foudre ne mit le feu nulle part; que le service divin se fit toujours dans l'église à portes ouvertes, & que l'administration des sacremens continua à l'ordinaire; que tous les anciens ordres religieux n'en branlerent pas, mais que presque tous les nouveaux sortirent des terres de la seigneurie, particulierement les Capucins & les Jésuites, qui étoient tous deux fort attachés au saint pere. Ce différend fut terminé en 1607 par l'entremise d'Henri IV. & des cardinaux de Joyeuse & du Perron; le cardinal de Joyeuse alla à Venise lever l'excommunication.

Il y eut encore deux interdits qui firent beaucoup de bruit en France; l'un fut mit sur la ville de Bordeaux en 1633 par l'archevêque, à l'occasion d'un différend qui s'éleva entre lui & le duc d'Epernon; l'autre fut prononcé en 1634 par l'évêque d'Amiens contre les habitans de la ville de Montreuil pour des excès qu'ils avoient commis sur lui dans l'église même, pour empêcher qu'il ne donnât à une autre paroisse une portion des reliques de S. Vulfi; cette affaire dura jusqu'en Septembre 1635 que le prélat rendit une sentence d'absolution à certaines charges & conditions, laquelle fut publiée & exécutée le 28 Septembre de ladite année.

L'interdit doit être prononcé avec les mêmes formes que l'excommunication, par écrit, nommément, avec expression de la cause & après trois monitions. La peine de ceux qui violent l'interdit, est de tomber dans l'excommunication: mais en finissant cet article, il y a deux observations essentielles à faire; l'une est que comme l'interdit a toujours des suites tres - fâcheuses, parce qu'il donne occasion au libertinage & à l'impiété, on le met présentement très - peu en usage, & même en France les parlemens n'en souffriroient pas la publication, & MM. les procureurs généraux ne manqueroient pas d'en interjetter appel comme d'abus, aussi - tôt qu'ils en auroient connoissance. Nos libertés, disoit M. Talon, portant la parole le 4 Juin 1674, dans la cause concernant l'exemption du chapitre de saint Agnan d'Orléans, ne souffrent point que le pape se réserve le pouvoir de prononcer l'interdit; le moyen que l'on a trouvé en France pour empêcher l'usage de ces sortes d'interdits, est qu'ils ne peuvent être exécutés sans l'autorité du roi.

L'autre observation est que suivant nos mêmes libertés, les officiers du roi ne peuvent être excommuniés ni interdits par le pape, ni par les évêques, pour les fonctions de leurs charges.

Les preuves de ces deux observations sont consignées dans les registres du parlement & dans les mémoires du clergé.

On ne doit pas confondre l'interdit avec la simple cessation à divinis, laquelle ne contient aucune censure, & qui a lieu quand une église, un cimetiere ou autre lieu saint est pollué par quelque crime. Voyez cap. ij. extr. de sponsalib. cap. xliij. extr. de sentent. excomm. cap. ij. extr. de remiss. & poenit. cap. lvij. extr. de sent. excom. cap. alma mater eodem in 6° & extravagante 2 eodem; Guymier sur la pragmatique sanction; les lois ecclésiastiques de d'Héricourt, chap. des peines canoniques; Fleury invit. au droit ecclésiast. tom. II. chap. xxj. & au mot Absolution, Censure, Excommunication

Interdit (Page 8:817)

Interdit, (Jurispr.) signifie aussi celui qui est suspendu de quelque fonction; on interdit un homme pour cause de démence ou de prodigalité; il faut en ce cas un avis de parens & une sentence du juge qui prononce l'interdiction & nomme un curateur à l'interdit. L'effet de ce jugement est que l'interdit est dépouillé de l'administration de ses biens, il ne peut les vendre, engager, ni hypothéquer, ni en disposer, soit entrvifs ou par testament, ni contracter aucune obligation jusqu'à ce que l'interdiction soit levée; il y a chez les Notaires un tableau des interdits avec lesquels on ne doit pas contracter.

Lorsqu'un officier public a prévariqué, on l'in - [p. 818] terdit de ses fonctions, soit pour un tems ou pour toujours, selon que le délit est plus ou moins grave.

Le decret de prise de corps & celui d'ajournement personnel, emportent de plein droit interdiction de toute fonction publique.

L'interdiction de lieu chez les Romains revenoit à ce que nous appellons exil, bannissement.

Celle que l'on appelloit aquâ & igne, étoit une peine que l'on prononçoit contre ceux qui avoient commis quelque violence publique. l. qui dolo, ff. ad leg. jul. de vi publ. Le bannissement a succédé à cette peine. (A)

INTERDUQUE (Page 8:818)

INTERDUQUE, adj. (Myth.) surnom que lesRomains donnoient à Junon. Junon interduque, ou Junon conductrice, c'est la même chose. C'étoit la déesse du mariage & des noces; & en cette qualité elle étoit censée conduire l'épouse nouvelle à son époux.

INTER - EPINEUX ou PETITS EPINEUX (Page 8:818)

INTER - EPINEUX ou PETITS EPINEUX, en Anatomie, nom des muscles qui sont situés entre les apophyses épineuses des vertebres. Voyez Vertebre.

Les inter - épineux du col sont placés entre la seconde, la troisieme au nombre des cinq paires qui prennent leur attache entre chaque vertebre du col, supérieurement à la partie inférieure d'une apophyse épineuse, inférieurement à la partie supérieure de la suivante.

On observe quelquefois deux muscles inter - épineux du col, qui viennent de la partie inférieure de l'apophyse épineuse de la seconde vertebre, & s'inserent à la partie supérieure de l'apophyse épineuse de la sixieme.

Les inter - épineux du dos sont des muscles situés entre les apophyses épineuses de chaque vertebre, & qui s'attachent de même que ceux du col.

INTERESSANT (Page 8:818)

INTERESSANT, adj. (Gram.) il se dit des choses & des personnes; au simple & au figuré. C'est un objet intéressant. Il a une physionomie intéressante. Il y a des situations qui rendent l'homme intéressant. Ce poëme est intéressant. D'où l'on voit que l'acception de ce terme varie beaucoup; qu'elle est tantôt relative à la valeur, tantôt aux idées de bienfaisance, à l'ordre, aux événemens, aux sentimens réveillés, aux passions excitées. Voyez Intérêt.

INTERESSÉ (Page 8:818)

INTERESSÉ, pris substantivement, est celui qui a intérêt dans une affaire, dans une entreprise, dans une société. Voyez Associé.

L'un des intéressés ne sauroit stipuler ni transiger sans le consentement de tous les autres intéressés.

On appelle intéressés dans les fermes du roi ceux qui n'ont intérêt que dans les sousfermes, ce qui les distingue des intéressés aux fermes générales qu'on appelle fermiers généraux.

Un intéressé dans une compagnie de commerce est celui qui en fait les fonds avec d'autres associés, lorsque ces fonds ne se font pas par actions: autrement on le nomme actionnaire. Voyez Action & Actionnaire.

Intéressé, pris adjectivement, signifie un homme avare qui ne relâche rien de ses intérêts. Dictionnaire de commerce.

INTERÊT (Page 8:818)

INTERÊT, (Morale.) ce mot a bien des acceptions dans notre langue: pris dans un sens absolu, & sans lui donner aucun rapport immédiat avec un individu, un corps, un peuple, il signifie ce vice qui nous fait chercher nos avantages au mépris de la justice & de la vertu, & c'est une vile ambition; c'est l'avarice, la passion de l'argent, comme dans ces vers de la Pucelle:

Et l'intèrêt, ce vil roi de la terre, Triste & pensif auprès d'un coffre fort, Vend le plus foible au crime d'un plus fort.

Quand on dit l'intérêt d'un individu, d'un corps, d'une nation: mon intérêt, l'intérêt de l'état, son intérêt, leur intérêt; alors ce mot signifie ce qui importe ou ce qui convient à l'état, à la personne, à moi, &c. En faisant abstraction de ce qui convient aux autres, sur - tout quand on y ajoute l'adjectif personnel.

Dans ce sens le mot d'intérêt est souvent employé quoiqu'improprement pour celui d'amour - propre; de grands moralistes sont tombés dans ce défaut, qui n'est pas une petite source d'erreurs, de disputes & d'injures.

L'amour - propre ou le desir continu du bien - être, l'attachement à notre être, est un effet nécessaire de notre constitution, de notre instinct, de nos sensations, de nos réflexions, un principe qui tendant à notre conservation, & répondant aux vues de la nature, seroit plutôt vertueux que vicieux dans l'état de nature.

Mais l'homme né en société tire de cette société des avantages qu'il doit payer par des services: l'homme a des devoirs à remplir, des lois à suivre, l'amour - propre des autres à ménager.

Son amour propre est alors juste ou injuste, vertueux ou vicieux; & selon les différentes qualités il prend différentes dénominations: on a vu celle d'intérêt, d'intérêt personnel, & dans quel sens.

Lorsque l'amour - propre est trop l'estime de nous - mêmes & le mépris des autres, il s'appelle orgueil: lorsqu'il veut se répandre au - dehors, & sans mérite occuper les autres de lui, on l'appelle vanité.

Dans ces différens cas l'amour propre est desordonné, c'est - à - dire hors de l'ordre.

Mais cet amour - propre peut inspirer des passions, chercher des plaisirs utiles à l'ordre, à la société; alors il est bien éloigné d'être un principe vicieux.

L'amour d'un pere pour ses enfans est une vertu, quoiqu'il s'aime en eux, quoique le souvenir de ce qu'il a été, & la prévoyance de ce qu'il sera, soient les principaux motifs des secours qu'il leur donne.

Les services rendus à la patrie, seront toûjours des actions vertueuses, quoiqu'elles soient inspirées par le desir de conserver notre bien - être, ou par l'amour de la gloire.

L'amitié sera toûjours une vertu, quoiqu'elle ne soit fondée que sur le besoin qu'une ame a d'une autre ame.

La passion de l'ordre, de la justice, sera la premiere vertu, le véritable héroïsme, quoiqu'elle ait sa source dans l'amour de nous - mêmes.

Voilà des vérités qui ne devroient être que triviales & jamais contestées; mais une classe d'hommes du dernier siecle a voulu faire de l'amour - propre un principe toûjours vicieux; c'est en partant d'après cette idée que Nicole a fait vingt volumes de morale, qui ne sont qu'un assemblage de sophismes méthodiquement arrangés & lourdement écrits.

Pascal même, le grand Pascal, a voulu regarder en nous comme une imperfection ce sentiment de l'amour de nous - mêmes que Dieu nous a donné, & qui est le mobile éternel de notre être. M. de la Rochefoucault qui s'exprimoit avec précision & avec grace, a écrit presque dans le même esprit que Pascal & Nicole; il ne reconnoît plus de vertus en nous, parce que l'amour propre est le principe de nos actions. Quand on n'a aucun intérêt de faire les hommes vicieux; quand on n'aime que les ouvrages qui renferment des idées précises, on ne peut lire son livre sans être blessé de l'abus presque continuel qu'il fait des mots amour - propre, orgueil, intérêt, &c. Ce livre a eu beaucoup de succès, malgré

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