RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"769">
Quant aux écrits contre l'inoculation, nous les avons indiqués dans l'histoire que nous avons donnée de la méthode; mais quand on a lû la lettre de Wagstaffe, doyen des anti inoculistes, au docteur Freind, qui a été imprimée plusieurs fois en françois, on ne trouve plus rien de nouveau dans les ouvrages des autres, qui n'ont fait que répéter ses objections, & dissimuler les réponses qu'on y a faites.
Inoculation (Page 8:769)
Les plus anciens monumens de cette opération bien constatés, se trouvent chez un peuple dénué des Arts, & en particulier de celui de la Medecine. Il est vraissemblable que les ravages de la petite vérole inspirerent aux Arméniens la crainte qui accompagne & qui suit par tout ses funestes effets. Il se joignit un second intérêt à celui de la vie qui ne vaut que quelques sols par jour pour un million d'Europeens. Les Arméniens font un commerce honteux à l'humanité, des femmes de Georgie & de Circassie, qui sont les plus belles de l'Orient; on fait qu'ils les achettent & les revendent à raison de leur beauté. La perte que la petite vérole leur causoit, combinée avec une observation très - simple, que les effets funestes de cette maladie sur la vie & sur la beauté, augmentoient avec l'âge, fixa leur attention sur une expérience que quelque heureux hasard vraissemblablement leur fit faire. L'esprit de calcul, toûjours ingénieux, y trouva son compte, & consacra une méthode qui sans danger pour les enfans assûroit la valeur, en conservant la vie & la beauté des adultes. Cette méthode très simple & très informe dans son origine, se répandit insensiblement à Constantinople & à Smyrne. Les Arméniens l'enseignerent aux Grecs qui y sont établis, & qui, selon les apparences, n'en ont jamais connu ni l'inventeur ni la date. Un italien nommé Pilarini, qui étoit à Constantinople au commencement de ce siecle, fut le premier medecin qui fit l'heureux essai de cette méthode sur quatre enfans d'un grec de ses amis; il en informa la société royale de Londres; & sa lettre qui est pleine de bon sens
Timoni, autre medecin italien demeurant à Constantinople, avoit adressé deux ans auparavant à la même société royale, une relation à - peu - près semblable, moins sage cependant que la précédente Le peu d'attention qu'il y donne à la préparation, induisit à erreur bien des gens qui n'imaginent pas que ceux qui vivent pour manger, doivent être tout autrement traités que ceux qui ne mangent que pour vivre. Ce dernier cas étoit celui des Cireassiens; l'autre malheureusement n'étoit que trop celui des Anglois & de quantité d'Européens, pour qui les précautions de la préparation sont d'autant plus nécessaires que leurs moeurs sont plus altérées.
Ce fut à la sollicitation du chevalier Hans Sloane, & du fameux Sherard, consul d'Angleterre en Turquie, que Pilarini fit sa relation. Ce n'étoit jusqu'ici pour les Anglois qu'un objet de curiosité; mais Miladi Wortley - Montaigu, ambassadrice à la Porte, y ayant fait inoculer en 1717, son propre fils âgé de six ans, fixa sur elle les regards de sa nation, & préparant dès lors les esprits, de retour à Londres en 1721, elle les gagna tout - à - fait, en faisant inoculer sa fille. Le mois d'Avril de cette année fut donc l'époque de l'inoculation en Angleterre.
L'état dangereux de la princesse royale qui fut alors très - mal de la petite vérole naturelle, donna de l'inquiétude à la princesse de Galles pour ses autres enfans; elle fit demander au roi par le chevalier Hans - Sloane, la permission de les faire inoculer. Le roi y consentit, & permit à Charles Maitland, chirurgien de Milady Montaigu, d'en faire l'expérience sur six malfaiteurs condamnés à mort. Cette opération se fit le 9 Août 1721, sur trois hommes & trois femmes d'âge & de tempérament différent.
Marie North avoit . . . . 36 ans. Anne Tompion, . . . . 25 Jean Cauthery, . . . . 25 Jean Alcock, . . . . 20 Elisabeth Harrisson, . . . 19 Richard Evans, . . . . 19
Quatre jours après, Maitland inquiet de l'effet de l'opération, la répéta de nouveau sur les mêmes criminels; Richard Evans fut le seul qui ne fut pas inoculé deux fois; ses plaies étoient seches & fermées le sixieme jour; il avoit eu dans la prison la petite vérole naturelle au mois de Septembre de l'année précédente. Les cinq autres l'eurent très - heureusement, & sortirent bien portans de prison le sixieme Septembre. Elisabeth Harrisson fut la plus malade avant l'éruption; on avoit fait sur elle une double expérience, outre l'opération ordinaire; on porta dans son nez du pus variolique avec un pinceau. Cet essai n'ayant pas paru suffisant, on en fit encore un second sur cinq enfans de la paroisse de S. James; l'évenement fut également heureux.
Deux des princesses furent alors hardiment inoculées; & de 182 personnes qui le furent dans le courant de cette année, il n'en mourut que deux. De 897 qui le furent jusqu'en 1728, il en mourut 17, tandis qu'il parut par les bills mortuaires que dans ce même espace de tems, la petite vérole naturelle avoit emporté un douzieme du total des morts.
Ces premiers essais ne furent guere moins heureux dans la nouvelle Angleterre: il n'en mourut que six de 282, qui furent inoculés depuis le commencement jusqu'à la fin de 1722. En rapprochant ces deux nombres, on voit que de 1179 personnes inoculées en Europe & en Amérique, il n'en étoit [p. 770]
De tels succès ne pouvoient manquer de faire du bruit en Angleterre; l'inoculation s'y rétablit; on y donna plus d'attention; la préparation se fit avec plus de soin; l'expérience enfin la rendit plus sûre. On l'a perfectionnée au point, que de 1500 personnes inoculées, il n'en est mort que trois; & sur mille, un maître de l'art (M. Ranby) n'en a pas perdu un seul. Il paroît donc que tout dépend du choix des sujets & de la préparation.
Une méthode devenue aussi sûre, & qui réunit en elle tous les avantages possibles, devoit naturellement se répandre en Europe: ce ne fut pourtant qu'en 1748, que M. Tronchin, inspecteur du college des medecins à Amsterdam, & depuis professeur de Medecine à Genève, inocula à Amsterdam son fils aîné. La crainte qu'il avoit eue de perdre le plus jeune, qui passa par toutes les horreurs de la petite vérole naturelle, l'y détermina. Cette inoculation fut la premiere qu'on vit dans l'Europe chrétienne (a) hors des îles britanniques. M. Tronchin la fit sur neuf autres personnes avec un égal succès. La petite vérole cessa, & l'année d'après M. Tronchin étant allé faire un voyage à Genève, il y conseilla l'inoculation; sa famille en donna l'exemple; on le suivit; & cette opération s'y est si bien soutenue, que de deux cens personnes qui y ont été inoculées, il n'en est mort qu'une seule. La petite vérole ayant reparu à Amsterdam en 1752, l'année suivante on inocula de nouveau; les familles les plus respectables montrerent l'exemple; on le suivit à la Haye. M. Schwenke, professeur d'Anatomie & célebre medecin, donna à cette méthode tout le crédit qu'elle peut avoir. Ses succès répétés la confirmerent, & l'ont ensuite répandue dans les principales villes de la Hollande, où elle a triomphé des préjugés les plus opiniâtres & les plus spécieux. Depuis ce tems - là, elle s'est répandue en Allemagne, en Suede, & en Dannemark. La France résistoit encore malgré la force de l'exemple & des raisons qu'un de ses plus célebres académiciens avoit exposé avec autant de vérité que d'esprit & de force: mais S. A. S. Monsieur le duc d'Orléans, le plus tendre & le plus sage des peres, prit enfin la résolution de faire inoculer ses enfans. Il les confia à M. Tronchin, & donna en 1756 à toute la France un exemple de fermeté & de sagesse dont elle lui sera toûjours redevable.
L'inoculation du duc de Chartres & de Mademoiselle, sera l'époque de cette opération en France.
Les premiers détails de cette opération, avant ce que Timoni & Pilarini en ont dit, se sont perdus dans le silence & dans l'obscurité du tems. Il paroît seulement qu'elle étoit dans les mains de quelques femmes grecques, & que ses premiers succès ne furent dûs qu'à la constitution des sujets, dont les
(a) Ce fait n'est pas exactement vrai; on en avoit fait plusieurs à Hanovre: le feu Prince de Galles y avoit été inoculé. Roncalli parle d'une inoculation faite à Brescia en 1739, & qui réussit.
Timoni le premier imagina les incisions. Les hommes
se portent volontiers à imaginer des changemens
dans les choses même où ils sont le moins nécessaires.
Timoni prétendit, on ne sait pourquoi, qu'on devoit
faire des incisions dans les parties les plus charnues,
il voulut que ce fût aux bras. Maitland adopta
cette pratique, il l'apporta à Londres, l'usage l'y
consacra. Elle avoit cependant d'assez grands inconvéniens
dans les enfans & dans les adultes; la
peur de l'instrument tranchant & la douleur de l'incision,
jette dans l'ame des enfans une terreur qui se
renouvelle à chaque pansement par la crainte qu'il
leur inspire. On en a vu plus d'une fois qui en ont
pris des convulsions, toujours à craindre dans un
cas où il est de la derniere importance de maintenir
le calme le plus parfait dans l'économie animale.
L'irritation du biceps sur lequel se fait l'incision, irritation
nécessairement produite par l'inflammation
qui suit l'incision, augmente très - souvent la fievre,
& cause jusques sous l'aisselle une douleur quelquefois
vive, & presque toujours inquiétante. L'artere
& le nerf axillaire en sont agacés, & l'irritation de
ce nerf se communique au genre nerveux; celle de
l'arterre, au moyen de la sous - claviere dont elle est la
continuation, se communique de proche en proche
à l'aorte ascendante, d'où elle prend sa naissance;
tous les rameaux donc de l'artere sous - claviere &
de l'aorte ascendante s'en ressentent plus ou moins,
la mammaire interne, la médiastine, la péricardine,
la petite diaphragmatique, autrement dite la supérieure,
la thymique, la trachéale, la vertébrale,
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.