ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"723"> viennent aujourd'hui, que le sang est dans un mouvement continuel de fermentation, semblable, ditil, à celui qui agite les parties du vin. Si ce mouvement augmente & devient contre - nature, le sang bouillonnera, se raréfiera, excitera la fievre. Or cette fermentation peut augmenter de deux façons; 1°. par la surabondance de quelques principes actifs, des soufres & des esprits; par exemple, comme il arrive dans le vin, lorsque le tartre est trop abondant, il s'excite une fermentation, ou plutôt celle qui est toûjours présente, s'anime, devient plus violente. 2°. Lorsque quelque corps étranger, non miscible avec les humeurs, troublera la fermentation ordinaire, l'analogie le conduit encore ici; si on jette dans un tonneau plein de vin quelque corps hétérogene, du suif, par exemple, la fermentation est réveillée, & par son moyen les parties étrangeres, ou surabondantes qui l'avoient excitée, sont brisées, attenuées, decomposées, renvoyées à la circonférence, ou précipitées sous forme de lie au fond du tonneau. Ne voit - on pas, si l'on veut accuser juste, arriver la même chose dans le sang? Y a - t - il rien de plus conforme à ce qui se passe dans les fievres putrides simples, ardentes, ou inflammatoires? C'est avec bien de la raison que Sydenham qui n'envisageoit les maladies que pratiquement, considéroit la fievre sous ce point de vûe, & l'appelloit ébullition, effervescence, mouvement fermentatif, &c. & il partoit de cette idée dans la pratique sûre & heureuse qu'il suivoit. C'est pourtant là cette théorie qui est si fort décreditée aujourd'hui; il est vrai qu'elle est confondue avec des erreurs, ou des choses moins évidentes; il est peut - être sûr aussi que le zele pour la fermentation a emporté Willis trop loin; mais n'est - on pas tombé dans un excès au - moins aussi condamnable, quand on a voulu la rejetter absolument? L'esprit humain dans ses connoissances & ses opinions, ressemble à un pendule qui s'écarte de côté & d'autre, jusqu'à ce qu'il revienne après bien des oscillations, se reposer à un juste milieu; nous poussons d'abord à l'excès les opinions nouvelles; nous les appliquons indifféremment à tous les cas; prises trop généralement elles deviennent fausses, absurdes; on le sent, on les abandonne, & au lieu de les restreindre, donnant dans l'écueil opposé, on les quitte entierement. Enfin, après bien des disputes & des discussions, on entrevoit la vérité; on revient sur ses pas; on fait revivre les anciennes opinions: souvent bien surpris de répéter en d'autres mots simplement ce qui avoit déjà été dit, on parvient par - là à ce milieu raisonnable, jusqu'à ce qu'une nouvelle révolution, dont les exemples ne sont pas rares en Medecine, fasse recommencer les vibrations. C'est ainsi qu'Hippocrate & Galien ont été regardés pendant long - tems comme les législateurs censés, infaillibles de la Medecine; ensuite ils ont été persiflés & ridiculisés; leurs sentimens, leurs observations, ont été regardés comme des faussetés, des chimeres, ou tout au - moins des inutilités. De nos jours en notant leurs erreurs, on a rendu justice à leur mérite, & l'on a vu presque toutes leurs opinions reparoître sous de nouvelles couleurs. La circulation du sang offre un exemple frappant & démonstratif de cette vérité: depuis qu'Harvey eût fait ou illustré par des expériences cette découverte, qui a plus ébloui qu'éclairé, on a été intimement persuadé que le sang suivoit les routes qu'Harvey lui avoit tracées. On commence cependant aujourd'hui à revenir un peu à la façon de penser sur cette matiere des anciens; le peu d'utilité que cette prétendue découverte a apporté, a dû d'abord inspirer de la méfiance sur sa réalité; les soupçons ont été principalement confirmés par les mouvemens du cerveau, que le célebre M. de la Mure a le premier observés & savamment exposés dans un excellent memoire lû à la société royale des Sciences de Montpellier, & inseré dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences de Paris, année 1739. On ne tardera pas, je pense, à revenir - de même à l'égard des Chimistes; le tems de leurs persécutions est passé; on corrigera les uns, on modérera l'ardeur de ceux qu'un génie trop bouillant ou un enthousiasme fougueux avoit emportés trop loin; & l'on appliquera de nouveau & avec succès, les principes chimiques mieux constatés & plus connus au corps humain qui en est plus susceptible, que de toutes les démonstrations geométriques, auxquelles on a voulu infructueusement & mal - à - propos le plier & le soumettre.

Il y a tout lieu de croire que la disposition inflammatoire qui est dans le sang, poussée à un certain point, ou mise en jeu par quelque cause procatarctique sur venue, réveille sa fermentation, ou pour parler avec les modernes, son mouvement intestin de putréfaction; il n'en faut pas davantage pour augmenter sa circulation, soit, comme il est assez naturel de le penser, que la contractilité des organes vitaux, & en conséquence leur action, soit animée par - là, soit que l'augmentation de ce mouvement intestin suffise pour faire la fievre, sans que l'action des vaisseaux y concoure, de même lorsque le vin est agité par une forte fermentation, & qu'il est dans un mouvement rapide, les parois du tonneau n'y contribuent en rien.

Le sang ainsi enflammé, & mû avec rapidité, se portera avec plus d'effort sur les parties qui seront disposées, & s'y dégagera peut - être d'une partie du levain inflammatoire; il semble en effet que ces inflammations des visceres ou d'autres parties, soient des especes de dépôts salutaires quoiqu'inflammatoires; ce qui prouve que les visceres sont dans ces maladies pour l'ordinaire réellement enflammées, c'est qu'on y observe 1°. tous les signes de l'inflammation, les mêmes terminaisons par la suppuration, l'induration & la gangrene. La partie où se fera l'inflammation, décidera la qualité & le nombre des symptômes, &c. Ainsi l'inflammation de la substance du cerveau sera accompagnée de foiblesse extrème, de délire continuel, mais sourd, tranquille, d'abolition dans le sentiment & le mouvement, à l'exception d'une agitation involontaire des mains, qu'on nomme carposalgie, tous symptômes dépendans de la sécrétion troublée & interceptée du fluide nerveux; celle qui aura son siege dans les membranes extrèmement sensibles qui enveloppent le cerveau, entraînera à raison de sa sensibilité des symptômes plus aigus, un délire plus violent: lorsque la maladie inflammatoire portera sur la poitrine, la respiration sera gênée, &c.

Cette croûte blanche, jaune, ou verdâtre qui se forme sur le sang qu'on a tiré des personnes attaquées de ces maladies, paroît n'être qu'un tissu des parties lymphatiques, du suc muqueux, nourricier, dont la sécrétion est empêchée: on observe aussi cette qualité de sang chez les personnes enceintes & autres, où il y a pléthore de suc nourricier; on pourroit avancer, dit fort ingénieusement M. Bordeu, que le suc muqueux qui nage dans le sang, a quelque rapport au blanc d'oeuf qui clarifie une liqueur troublée dans laquelle on le fait bouillir. Ce suc porté dans tous les vaisseaux par le moyen de la fievre, entraîne avec lui toutes les parties d'urine, de bile & d'autres liqueurs excrémenticielles; il clarifie pour ainsi dire le sang; c'est ce qui se passe dans les maladies putrides inflammatoires.

Partie thérapeutique. Le diagnostic. Le diagnostic des maladies inflammatoires est très - simple & tout naturel. 1°. Il est facile, en se rappellant ce que [p. 724] nous avons dit plus haut sur la cause, l'invasion, la marche & les terminaisons de ces maladies, de s'assurer de leur présence. 2°. L'on peut en distinguer les différentes especes par les signes qui leur sont propres, & qu'on peut voir rapportés au long dans les articles qui concernent les maladies inflammatoires en particulier. Voyez Pleurésie, Phrénésie, &c. 3°. La connoissance des causes qui ont disposé, produit, excité ces maladies, est assez peu nécessaire pour la curation; on peut cependant, si l'on en est curieux, l'obtenir par les rapports du malade & des assistans; il est peut - être plus important pour la pratique de savoir si la maladie inflammatoire est épidémique, dépendante d'une cause générale; un praticien qui voit beaucoup de malades, peut s'en instruire lui - même.

Prognostic. Les symptômes essentiels aux maladies inflammatoires, ou les accidens qui surviennent ordinairement dans leur cours, en rendent le prognostic toujours fâcheux; on peut assurer avec raison que ces maladies sont dangereuses. L'inflammation ou le dépôt inflammatoire qui se fait dans quelques parties, n'en augmente qu'accidentellement le danger; quelquefois, le plus souvent même, il le diminue. Ce dépôt débarrasse, comme nous l'avons déjà remarqué, le sang d'une partie du levain inflammatoire. Il y a tout lieu de croire que la maladie inflammatoire seroit plus dangereuse s'il n'y avoit point de partie particulierement affectée. Nous voyons que la fievre ardente ou causus, espece de maladie inflammatoire qui n'est décidée à aucune partie, est très - dangereuse; Hippocrate la range parmi les maladies mortelles; lorsque les inflammations extérieures sont formées, la fougue du sang se rallentit, la violence des symptômes s'appaise, & l'on jette le malade dans le danger le plus pressant, si l'on empêche la formation de ces dépôts inflammatoires, comme il est arrivé à ceux qui ont voulu, sacrifiant leurs malades à une aveugle routine, accoutumer la petite vérole à la saignée, & comme l'éprouvent encore aujourd'hui ceux qui sans autre indication veulent guérir les maladies inflammatoires par la saignée; on ne sauroit cependant disconvenir que ces inflammations attaquant des parties considérables dont les fonctions sont nécessaires à la vie, n'augmentent quelquefois le danger des maladies inflammatoires; c'est ce qui fait qu'on doit regarder les maladies inflammatoires qui se portent à l'extérieur, comme les moins dangereuses: quant à celles qui affectent quelque partie interne, leur danger varie suivant la situation, la nécessité, la connexion, la disposition, la sensibilité du viscere enflammé, & sur - tout suivant la nature, le nombre & la vivacité des symptômes que cette inflammation détermine. Pour porter un prognostic plus juste, il me paroît quoi qu'on en dise, que l'on peut tirer quelque lumiere de l'examen de la constitution épidémique. Si l'on observe une certaine uniformité dans les symptômes de plusieurs maladies inflammatoires qui regnent en même tems, ou un génie épidémique, on peut régler sur les suites plus ou moins fâcheuses qu'ont eu les précédentes, les jugemens de celles sur lesquelles on est obligé de prononcer.

Les maladies inflammatoires sont des maladies très aiguës, dont le sort est toujours décidé avant le quatorzieme jour, souvent le sept, quelquefois le quatre elles se terminent à la santé par une résolution critique, quelquefois par la suppuration; la gangrene entraîne toujours avec elle non - seulement la mort de la partie, mais celle de tout le corps; il y a une espece de maladie inflammatoire, l'angine, dont le siége est dans les parties glanduleuses du gosier, qu'on a vu quelquefois se terminer par l'induration; alors la douleur, la chaleur de la partie enflammée diminuent, la fievre se rallentit sans que la difficulté d'avaler soit moindre, & sans que ce sentiment incommode que le malade éprouve d'un corps comprimant, cesse sensiblement. Alors à l'inflammation succede un skirrhe.

On doit s'attendre à voir périr le malade si l'on n'observe aucun relâche dans les symptômes ni le quatrieme ni le cinquieme jour, si le pouls conserve toujours un caractere d'irritation; l'on voit alors survenir différens phénomenes qui par leur gravité ou leur anomalie annoncent la mort prochaine. Ces signes varient suivant les maladies. Voyez leur détail au mot Signe, Fievre, Pleurésie, Péripneumonie, Phrénésie , &c. Si à des symptômes extrèmement vifs, à une fievre violente, à une douleur aiguë succede tout de suite une fievre presque insensible, des défaillances fréquentes, une apathie générale, que le pouls devienne petit, mol & intermittent, la couleur du visage plombée, &c. la gangrene commence à se former, le malade ne tardera pas à mourir. La résolution dans les maladies inflammatoires internes, est de toutes les terminaisons la plus favorable; on a lieu de l'atttendre lorsque les symptômes sont assez modérés, & tous appropriés à la maladie, lorsque le quatrieme ou le septieme jour on voit paroître des signes de coction, que les urines se chargent d'un sediment ou d'un nuage blanchâtre, que le pouls commence à se développer, que la peau devient souple & humide, en un mot que tous les symptômes diminuent: à ces signes succedent les signes critiques qui annnoncent la dépuration du sang, & l'évacuation des mauvais sucs, par les couloirs appropriés. Si ces maladies ne consistoient que dans l'inflammation d'une partie, il ne faudroit pour leur terminaison qu'une simple résolution de cette inflammation; mais ce qui prouve encore mieux ce que nous avons avancé, que le sang étoit altéré, c'est qu'il faut nécessairement une dépuration & des évacuations critiques. Ces évacuations, & l'organe par lequel elles doivent se faire, sont prédits & désignés d'avance par différens signes; les plus sûrs & les plus nécessaires sont ceux qu'on tire des modifications du pouls. Voyez Pouls.

La suppuration dans les maladies inflammatoires extérieures, est toujours un grand bien; mais elle n'est pas toujours un grand mal dans celles qui attaquent les parties internes; il n'est pas nécessaire d'avoir blanchi dans la pratique pour avoir vû beaucoup de maladies inflammatoires se terminer par la suppuration sans aucune suite fâcheuse; il m'est arrivé souvent de rencontrer des péripneumonies qui suppuroient sans que le malade courût un danger pressant; on ne doit pas s'effrayer autant qu'on le fait de ces suppurations internes, pourvû que les visceres dans lesquels elles se forment, ayent des tuyaux excrétoires: on peut se flatter jusqu'à un certain point, qu'ils donneront passage aux matieres de la suppuration: si cette partie n'est point un organe excrétoire, la suppuration est plus dangereuse; mais dans ces cas même qui ignore les ressources de la nature? N'arrive - t - il pas souvent des heureuses métastases, des transports salutaires, des abscés d'une partie interne à l'extérieur? N'a - t - on pas vû des vomiques se vuider par des urines, par des abscès aux jambes, &c.

J'ai observé un dépôt au cerveau se vuider & se renouveller jusqu'à trois fois par le nez & les oreilles; combien n'y a - t - il pas d'observations à - peu - près semblables? On en pourroit conclure qu'il faut souvent favoriser les suppurations loin de les détourner; c'est pourquoi il est très - important de connoître les cas où la suppuration doit terminer l'inflammation.

Lorsque les symptômes sont violens, qu'ils dimi<pb->

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