ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"725"> nuent peu durant le tems de la coction dont on n'observe que quelques légers signes, & qu'ils reparoissent avec plus d'activité, que la fievre est forte, que le pouls quoiqu'un peu développé est toujours dur, sur - tout vibratil, & qu'il y a une roideur considérable dans l'artere, que les douleurs que le malade éprouve dans la partie affectée deviennent plus aiguës, qu'il y sent un battement plus vif & plus répété, la suppuration est à craindre, & l'on peut assurer alors que cette issue se prépare. L'abscès est formé lorsque tous ces symptômes disparoissent, qu'il ne reste plus qu'une pesanteur; il survient alors pour l'ordinaire des frissons. Si le pouls vient dans ces circonstaaces à indiquer un mouvement critique du côté de quelques couloirs, on peut présumer que le pus s'évacuera par les organes dont le pouls annonce l'action.

On peut pour completter entierement ce prognostic, y rapporter toutes les prédictions, tous les signes qu'on trouve dans les ouvrages du divin Hippocrate, concernant les maladies aiguës. Nous souhaiterions bien pouvoir entrer dans un détail circonstancié si utile; mais l'ordre proposé pour traiter ces matieres ne le comportant pas, nous renvoyons le lecteur aux écrits immortels de ce prince de la Medecine, d'autant plus volontiers, que nous sommes assurés qu'outre un prognostic excellent & certain qu'on en tirera, on y prendra du goût pour cette véritable medecine d'observation, & une haine avantageuse pour ces practiques théoriques & routinieres.

La curation. Les maladies inflammatoires sont des maladies qui se guérissent par leurs propres efforts: la fermentation excitée dans le sang, pour parler avec Willis, suffit pour briser, atténuer, décomposer, assimiler, évacuer les matieres qui l'ont excitée, ou comme dit Vanhelmont, la colere & les efforts de l'archée peuvent seuls arracher l'épine incommode qui les a déterminés. Ainsi l'on doit laisser à la nature le soin de guérir ces sortes de maladies; l'art n'offre aucun secours vraiment curatif; il en fournit qui peuvent modérer, diminuer la sievre & la violence des symptômes, ou même l'augmenter s'il est nécessaire, & favoriser telle ou telle excrétion critique; mais il n'y a point de remedes qui rétablissent & purifient le sang, & qui emportent les engorgemens inflammatoires des visceres. Mais telle est l'inconséquence & le danger des théories les plus reçues, qu'elles conduisent leurs adhérens à des pratiques très - erronées & très - pernicieuses; les uns prenant un symptôme pour la cause, pensent que dans ces maladies l'inflammation des visceres est le point capital, & y dirigent toutes leurs indications; ils mettent tout en oeuvre pour prévenir, empêcher, ou faire cesser cette inflammation, & en conséquence entassent erreur sur erreur: ils ont recours à la saignée qu'ils répetent douze, quinze, vingt, trente fois, jusqu'à ce que le malade est réduit à la derniere foiblesse. D'autres croient que ces inflammations sont toujours produites & entretenues par la salure, par un levain, par un foyer situé dans les premieres voies; ils mettent tout leur soin à détruire, épuiser ce foyer, & pour en venir plûtôt à bout, ils réiterent tous les deux jours au moins les purgatifs. Que de funestes effets suivent l'application des remedes aussi peu convenables! Que de malades j'ai vu sacrifiés à de semblables pratiques! J'en rappelle le souvenir avec douleur.

Qu'on considere les effets de ces remedes pour se convaincre encore plus de leur importunité, & en premier lieu pour ce qui regarde la saignée; il est constant 1°. qu'elle n'attaque pas la cause de la maladie, qu'elle relâche & affoiblit considérablement les malades quand elle est souvent réitérée. 2°. Qu'elle trouble & dérange les évacuations cri<cb-> tiques. 3°. D'un autre côté les avantages qu'on prétend en retirer ne sont rien moins que solidement constatés. La saignée fréquente, publient hautement ses amis, empêche, prévient, diminue l'inflammation. Quand le fait seroit aussi vrai qu'il est faux, elle n'en seroit pas plus avantageuse; elle empêcheroit par - là le sang de se dégorger & de se purifier en partie. Que penseroit - on d'un homme qui proposeroit de prévenir la formation des exanthemes inflammatoires dans la petite vérole, ou des bubons dans la peste? on le traiteroit de charlatan, & cette proposition feroit hausser les épaules, & exciteroit la risée: la plûpart des rieurs seroient dans le même cas. Nous devons raisonner des maladies inflammatoires internes, comme de celles qui ont leur siége à l'extérieur. C'est la même maladie & le même méchanisme; mais heureusement il est rare que les saignées empêchent l'inflammation; elles produisent plûtôt l'effet opposé, en relâchant, affoiblissant les vaisseaux; elles augmentent la disposition de la partie affectée, qui n'est probablement qu'une foiblesse, & elles rendent par - là l'engorgement irrésoluble.

Autre prétendu avantage de la saignée, que ses partisans font sonner bien haut, c'est de prévenir la suppuration. Il conste, par un grand nombre d'observations, que vingt & trente saignées n'ont pu dans bien des cas détourner la suppuration, quand l'imflammation a pris une fois cette tournure. Je serois plus porté à croire que cette terminaison est amenée & accelérée par les fréquentes saignées, sur - tout si on les fait dans le tems qu'une évacuation critique va terminer la maladie inflammatoire par la résolution; j'en ai pour garant plus de cinquante observations dont j'ai été le témoin oculaire: je n'en rapporte qu'une. Un jeune homme étoit au neuvieme jour d'une fluxion de poitrine; il avoit été saigné quatre ou cinq fois; le pouls étoit souple, mou, rebondissant, critique, sans caractere d'irritation; l'expectoration étoit assez facile; on saigne le malade; les crachats sont à l'instant beaucoup diminués; la fievre, les inquiétudes augmentent; on veut calmer ces symptomes; on resaigne, le malade s'affoiblit, la fievre persiste, le pouls se concentre, l'artere devient roide, les crachats sont entierement supprimés; il survient des frissons, crachement de pus, sueurs nocturnes; le malade meurt le vingt - unieme jour. Mais je vais plus loin; quand il seroit possible de prévenir la suppuration, il seroit souvent dangereux de le tenter: s'est - on jamais avisé de vouloir empêcher la suppuration des pustules varioleuses? A - t - on pû y réussir, ou si on l'a fait, la mort du malade n'a - t - elle pas suivi de près une entreprise si téméraire? La même chose doit arriver à l'intérieur; il vaut mieux laisser subir au malade l'évenement incertain d'une suppuration interne, que de l'exposer à une mort assurée; la nature a mille ressources pour évacuer le pus, quand même (ce qui est le cas le plus fâcheux) le viscere n'auroit point de tuyau excrétoire. Si la suppuration est extérieure, il ne faut rien oublier pour la favoriser; elle est toujours salutaire, & n'a aucun inconvénient remarquable; elle épargne beaucoup de remedes, & procure un prompt & sûr rétablissement. On peut juger par - là que la saignée (je parle sur - tout de celle qui est souvent réitérée) est nuisible & dangereuse, loin de produire les effets heureux qu'on a coutume d'en attendre. Au reste, quand je blâme ces saignées, je n'en blâme que l'abus, qui a fait plus de mal qu'on ne tirera jamais d'utilité des saignées modérées. Je n'ignore pas qu'une seconde ou troisieme saignée peuvent très - bien convenir dans le tems de crudité ou d'irritation des maladies inflammatoires, pour diminuer, calmer la violence de certains symp<pb-> [p. 726] tomes, pour rallentir l'impétuosité trop grande des humeurs; on peut la placer très - avantageusement au commencement de ces maladies, sur - tout dans des sujets pléthoriques, lorsque le pouls est oppressé, petit, enfoncé; mais ayant du corps & une certaine force, la saignée alors éleve, développe le pouls, augmente la fievre, & fait manifester l'inflammation dans quelques parties; il semble qu'elle favorise le dépôt inflammatoire; ainsi lorsque la quantité ou le mouvement excessif du sang retarde l'éruption de quelque fievre exanthématique, nous la facilitons par la saignée, & ce sont les cas où elle est le plus favorable. Il importeroit fort peu qu'on tirât le sang du pie ou du bras, si dans la saignée du pié on ne le faisoit tremper dans l'eau chaude; & c'est souvent à cette espece de bain que méritent d'être rapportés bien des effets qu'on attribue sans fondement à l'évacuation du sang faite déterminément par le pié. Cette saignée, pratiquée de cette façon, est préférable dans les maladies de la tête: deux ou trois saignées au plus placées à - propos pendant l'irritation, dans les maladies inflammatoires suffisent. J'ai vû beaucoup de malades attaqués de ces maladies, il m'est rarement arrivé de prescrire plus de deux ou trois saignées; je n'ai jamais eu lieu de m'en repentir. Les saignées ainsi modérées, sont toujours suivies d'un heureux succès; elles ne peuvent être qu'indifférentes, si elles ne sont pas utiles; la qualité du sang coéneux est une foible raison pour engager à multitiplier les saignées; tout le sang est semblable; si on le tiroit tout, il offriroit jusqu'à la derniere goutte le même phénomene.

2°. Nous pouvons appliquer aux purgatifs cathartiques dont il est ici question, ce que nous avons dit de la saignée. Quelques signes de putridité assez ordinairement présens dans ces maladies, & qui en sont plûtôt l'effet que la cause; la couleur blanchâtre de la langue ont été saisis aussitôt pour des signes indiquant l'administration des purgatifs. En conséquence on a purgé; les digestions toujours lésées ont offert les mêmes signes, on a cru qu'il y avoit un amas de mauvais sucs dans les premieres voies, on a voulu l'évacuer, on a repurgé; le même succès accompagnant l'opération de ces remedes, on les a réitérés ainsi de suite, tous les deux jours jusqu'à ce que la santé, ou plûtôt une convalescence longue & pénible, ou la mort terminât la maladie.

1°. Le principe sur lequel est fondé cette administration fréquente des purgatifs, est au moins hypothétique, pour ne pas dire démontré faux. 2°. L'action des purgatifs affoiblit. 3°. Elle attire auxintestins toutes les humeurs, & les dérive des autres couloirs; elle détourne principalement la matiere de la transpiration. 4°. Ils empêchent par - là les autres évacuations critiques. 5°. Leur usage réitéré énerve le ton des solides, & du sang même, & en épuise (pour parler avec les anciens) l'humide radical. Cependant, à parler vrai, ces remedes, à moins qu'ils ne soient extrèmement réitérés, ne sont pas aussi dangereux que la saignée; la raison en est, qu'on les donne fort légers; l'on prétend purger, & l'on ne purge point; le remede, heureusement pour le malade, ne produit pas l'effet que le médecin en attend, aussi souvent ces remedes donnés dans le tems de la crudité, ne changent rien à la maladie; ils sont simplement indifférens. Il n'en est pas de même dans le tems que la crise se fait; si l'évacuation critique se fait par les selles, les purgatifs la secondent, mais pour un heureux succès, effet du hasard. Combien de fois n'arrive - t - il pas que la crise préparée par un autre couloir, est dérangée par l'action d'un purgatif hors de propos? J'ai vû cependant, souvent par un bisarre effet du purgatif, l'expectoration favorisée, le medecin n'ayant d'autre in<cb-> dication qu'une aveugle routine, vouloir purger. Il ne donnoit que de la manne; elle ne produisoit aucun effet par les selles, poussoit alors par les crachats: c'étoit exactement le cas de dire que le remede en savoit plus que le medecin. Un nombre infini de malades doivent, ainsi que je l'ai observé, leur salut au quiproquo fortuné du remede. Un autre purgatif auroit purgé, arrêté les crachats & augmenté la maladie. Il est bien heureux que ces praticiens routiniers ne se servent que des remedes de peu d'activité, & qu'ils ayent entierement abandonné les purgatifs des anciens. Les purgatifs en général sont moins contraires dans les maladies inflammatoires de la tête, que dans celles qui portent à la poitrine; dans celles - ci Baglivi, trop outré, les regarde comme une peste. Il est cependant certains cas où ils pourroient être employés dès le commencement avec fruit, ou du moins sans inconvénient. Il est à - propos de balayer les premieres voies lorsqu'elles sont infectées de mauvais sucs, & qu'elles sont comme engourdies sous leur poids; on essaye d'ailleurs par ce moyen à préparer aux alimens & aux remedes un chemin pur & facile qui, sans cette précaution, passeroient dans le sang, changés, altérés & corrompus. Ces cas doivent être bien examinés; le point principal est de bien saisir l'indication; les signes ordinaires de putridité sont souvent trompeurs & passagers: un purgatif qui ne seroit indiqué que par eux, seroit souvent trop hasardé. Je suis persuadé qu'on pourroit tirer beaucoup de lumieres de la connoissance des différentes modifications du pouls; on y peut observer certains caracteres qui font connoître lorsque l'estomac est sur chargé, les intestins sont infectés de mauvais sucs, lorsque les humeurs se portent vers les premieres voies. Voyez Pouls. Alors on a tout à espérer d'un purgatif placé dans ces circonstances; il doit être léger ou médiocre; pour peu qu'il fût fort il exciteroit des superpurgations; le développement du pouls succédant à l'opération du remede, en marque la réussite. Il n'en est pas des purgatifs émétiques comme des cathartiques, les effets en sont bien différens; les émétiques, loin de détourner, d'arrêter la transpiration, la favorisent, l'augmentent; loin d'empêcher les dépôts inflammatoires, ils semblent y concourir; ils facilitent l'éruption varioleuse, languissante; ils aident à la décision des crises: on les donne souvent moins pour procurer l'évacuation des matieres qui sont dans l'estomac, que pour exciter une secousse générale, qui est presque toujours très - avantageuse, & qui semble viser & parvenir au même but que la fievre elle - même; ainsi arrive - t - il souvent que la fievre est calmée, suspendue, quelquefois totalement emportée par l'action d'un émétique. Je suis étonné, dit Sydenham, du soulagement que les émétiques procurent dans les maladies; car souvent les matieres évacuées sont en petite quantité, & ne paroissent avoir aucun mauvais caractere; les symptomes en sont souvent beaucoup diminués, & la maladie parcourt paisiblement & sans danger ses différentes périodes; c'est ce qui fait qu'ils conviennent beaucoup au commencement des maladies. Sydenh. Oper. med. constit. epid. an. 1661. cap. iv. & v.

Quelquefois aussi l'estomac est réellement affecté, il est surchargé, affaissé, & il entraîne l'affaissement de toute la machine; il concentre, resserre le pouls, il tend l'artere & la rend vibratile. L'émétique administré alors produit un effet étonnant. La présence du pouls stomacal, a remarqué fort judidieusement M. Bordeu, favorise l'effet de l'émétique, & peut servir d'indication certaine pour le placer. Je crois qu'il est toujours à - propos de commencer le traitement d'une maladie inflammatoire par l'émétique; on pourra, suivant l'indication & la vi<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.