ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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IMPROPRE
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IMPROPRE, adj. Les Grammairiens usent de ce
mot, comme d'un terme technique, en trois occasions
différentes.
1°. Ils ont coutume de distinguer deux sortes de
diphthongues, des propres & des impropres. Voyez
Diphthongue. Ils appellent diphthongues propres
celles qui font effectivement entendre deux sons
consécutifs dans une même syllabe, comme ieu dans
Dieu; & ils appellent diphthongues impropres, celles
qui n'en ont aux yeux que l'apparence, parce que
ce sont des assemblages de voyelles qui ne représentent
pourtant qu'un son unique & simple, comme
ai dans mais.
La réunion de plusieurs voyelles représente une
diphthongue ou un son simple; dans le premier cas,
c'est proprement une diphthongue; mais dans le second,
ce n'est point une diphthongue, & il y a une
véritable antilogie à dire que c'est une diphthongue
impropre. J'avoue cependant qu'il y a pour les yeux
une apparence réelle de diphthongue, puisqu'il y a
les signes de plusieurs sons individuels; c'est pourquoi
je pense que l'on peut donner à ces assemblages
de voyelles le nom de diphthongues oculaires, &
alors la dénomination de diphthongues auriculaires
convient très bien par opposition aux diphthongues
propres. Ces dénominations semblent présenter à
l'esprit des notions plus précises, plus exactes, &
même plus lumineuses, que celles de propres & d'impropres.
2°. M. Restaut établit sept sortes de pronoms, &
ceux de la septieme espece sont les indéfinis, qu'on
appelle encore, dit - il, (VII. Ed. pag. 154.) pronoms
impropres, parce qu'il y en a plusieurs qu'on
pourroit aussi bien regarder comme des adjectifs que
comme des pronoms.
Je ne dis rien ici de la division des pronoms, adoptée
par cet auteur & par tant d'autres qui n'ont pas
plus approfondi que lui la nature de cette partie d'oraison.
Voyez Pronom. Je ne veux que remarquer
combien leur langage même est propre à les rendre
suspects de peu d'exactitude dans leurs idées & dans
leurs principes. Comment se peut - il faire en effet
que des mots soient tout - à - la - fois pronoms & adjectifs,
c'est - à - dire, selon les notions qu'ils établissent
eux - mêmes, qu'ils tiennent la place des noms, &
qu'ils soient en même tems inséparables d'un substantif?
De quels noms tiennent - ils donc la place,
ces prétendus pronoms qui n'osent paroître sans être
accompagnés par des noms? La dénomination de
pronoms impropres que leur donnent ces Grammairiens, est un aveu réel de leur déplacement dans la
classe des pronoms, & tous leurs efforts pour les y
établir ne peuvent leur ôter cet air étranger qu'ils y
conservent, & qui certifie l'inconséquence des auteurs
dans la distribution des especes. Enfin, ces
mots sont pronoms ou ne le sont pas; dans le premier
cas, ils sont des pronoms propres, c'est - à - dire
vraiment pronoms; dans le second cas, il faut les
tirer de cette classe & les placer dans une autre, où
ils ne seront plus rangés improprement.
3°. On appelle encore terme impropre tout mot
qui n'exprime pas exactement le sens qu'on a prétendu
lui faire signifier; ce qui fait, comme on voit,
un véritable vice dans l'élocution. Par exemple, il
faut choisir entre élection & choix:
« ces deux mots,
dit le P. Bouhours (Rem. nouv. tome I, pag. 170.),
ne doivent pas se confondre. Election se dit d'ordinaire
dans une signification passive, & choix dans
une signification active. L'élection d'un tel marque
celui qui a été élu; le choix d'un tel marque celui
qui choisit. L'élection du doge a été approuvée de tout
le peuple de Venise; le choix du sénat a été approuvé
généralement».
Dans ces exemples les mots élection
& choix sont pris dans une acception propre; mais
ils deviendroient des termes impropres, si l'on disoit
au contraire le choix du doge ou l'élection du sénat. Le
purisme du P. Bouhours lui - même ne l'a pas toûjours
sauvé d'une pareille méprise. En expliquant (ibid.
pag. 228.) la différence des mots ancien & vieux,
voici comme il s'énonce:
« on dit, il est mon ancien
dans le parlement, c'est - à - dire qu'il est reçu devant
moi, quoiqu'il soit peut - être plus jeune que moi ».
Devant est ici un terme impropre; il falloit dire avant.
T. Corneille montre bien clairement la raison de
cette différence, dans sa note sur la remarque 274 de
Vaugelas; & M. l'abbé Girard la développe encore
davantage dans ses synonymes françois. Voyez Propriété.
Ce n'est que dans ce troisieme sens que je trouverois
convenable que le mot impropre fût regardé
comme un terme technique de grammaire. Une idée
ne laisse pas d'être exprimée par un terme impropre,
quoiqu'il manque quelque chose à la justesse ou à la
vérité de l'expression; mais une diphthongue impropre
n'est point une diphthongue, & un pronom impropre
n'est point un pronom.
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