ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"543"> un état étoit affligé d'une sécheresse extraordinaire, de plaies excessives, de guerres cruelles, de maladies contagieuses, en un mot de ces fléaux où la force & l'industrie ne peuvent rien; on s'abandonne aux larmes; on met les desolations qu'on éprouve sur la colere des dieux qu'on a forgés; on s'humilie devant eux; on leur offre les mortifications de l'abstinence; les malheurs cessent; ils ne durent pas toûjours; on se persuade alors qu'il en faut attribuer la cause aux larmes & au jeûne, & on continue d'y recourir dans des conjonctures semblables.

Ainsi les hommes affligés de calamités particulieres ou publiques, se sont livrés à la tristesse, & ont négligé de prendre de la nourriture; ensuite ils ont envisagé cette abstinence volontaire comme un acte de religion. Ils ont cru qu'en macérant leur corps, quand leur ame étoit desolée, ils pouvoient émouvoir la miséricorde de leurs dieux ou de leurs idoles: cette idée saisissant tous les peuples, leur a inspiré le deuil, les voeux, les prieres, les sacrifices, les mortifications, & l'abstinence. Enfin, Jesus Christ étant venu sur la terre, a sanctifié le jeûne, & toutes les sectes chrétiennes l'ont adopté; mais avec un discernement bien différent; les unes en regardant superstitieusement cette observation commeune oeuvre de salut; les autres, en ne portant leurs vûes que sur la solide piété, qui se doit toute entiere à de plus grands objets. (D. J.)

JEUNES (Page 8:543)

JEUNES des Juifs. (Hist. sacrée & prophane.) Ce peuple de col roide, toujours attaché à la lettre de la loi, sans être capable d'en saisir l'esprit, a cru de tout tems pouvoir racheter ses péchés par des rites extérieurs, des macérations, des jeûnes. Il en observa de lui - même étant en Egypte. De - là vint que Moïse entrant dans le génie de cette nation, lui prescrivit un jeûne solemnel pour la purifier dans le desert.

Diverses conjonctures engagerent les souverains sacrificateurs à multiplier ces sortes de cérémonies. L'histoire sacrée fait mention de quatre grands jeûnes réglés que les Juifs de la captivité observoient depuis la destruction de la ville & du temple, en mémoire des calamités qu'ils avoient souffertes.

Le premier de ces jeûnes tomboit le 10 du dixieme mois, parce que ce jour - là Nabuchodonosor avoit mis la premiere fois le siége devant Jérusalem. II. Rois, xxv. 1. Jérémie, liv. I. 4. Zacharie, VIII. 19.

Le second jeûne arrivoit le 9 du quatrieme mois, à cause que ce jour - là la ville avoit été prise. II. Rois, xxv. 3. Jérémie, XXIX. 2. Zacharie, VIII. 19.

Le troisieme jeûne se célébroit le 10 du cinquieme mois, parce qu'en ce jour la ville & le temple avoient été brûlés par Nébuzaradan. Jérémie, LII. 12. Zacharie, VII. 3. & VIII. 19.

Le quatrieme jeûne se solemnisoit le 3 du septieme mois, parce que dans ce jour Gnédalia avoit été tué, & qu'à l'occasion de cet accident le reste du peuple avoit été dispersé & chassé du pays, ce qui avoit achevé de le détruire. Jérémie, XLI. 1. Zacharie, VII. 5. & VIII. 19.

Les Juifs observent encore aujourd'hui ces quatre grands jeûnes, quoiqu'ils ne soient pas fixés exactement aux mêmes jours dans leur présent calendrier, que dans le premier.

Leur présent calendrier, pour le dire en passant, a été fait par R. Hillel, vers l'an 360 de Notre Seigneur. Leur année ancienne étoit une année lunaire qu'on accordoit avec la solaire par le moyen des intercalations; la maniere en est inconnue: ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle avoit toûjours son commencement à l'équinoxe du printems, saison à laquelle le provenu de leurs troupeaux & de leurs champs, dont l'usage étoit requis dans leurs fêtes de Pâques & de Pentecôte, le fixoit nécessairement.

Outre ces grands jeûnes universels, il y avoit des jeûnes de surérogation deux fois par semaine, dont ceux qui se piquoient de régularité, se faisoient une loi particuliere; & l'on voit qu'ils étoient en usage du tems de J. C. puisque le Pharisien de l'évangile se glorifioit de les garder religieusement, jejuno bis sabbato, dit - il.

Ils avoient en outre les jeûnes des vieilles & des nouvelles lunes, c'est - à - dire des derniers jours de leurs mois lunaires, & des jeûnes de l'anniversaire de la mort de leurs proches parens & intimes amis.

Enfin on a vû des Juifs qui jeûnoient un certain jour de l'année, en mémoire de la version des septante, pour expier cette lache condescendance de leurs docteurs pour un prince étranger: & cette prévarication insigne contre la dignité de leur loi qui dans leur opinion n'avoit été faite que pour eux seuls.

Je n'entrerai point dans le détail des observances dont ils accompagnoient ces actes d'humiliation; ce sont des choses connues de tout le monde; on sait que leurs abstinences devoient durer 27 ou 28 heures, qu'elles commençoient ava t le coucher du soleil, & ne finissoient que le lendemain quand les étoiles paroissoient; qu'ils prenoient ces jours - là des surtous blancs faits exprès, en signe de pénitence; qu'ils se couvroient d'un sac; qu'ils se couchoient sur la cendie; qu'ils en mettoient sur leur tête, & dans les grandes occasions sur l'arche de l'alliance; que plusieurs passoient toute la nuit & le jour suivant dans le temple, en prieres, en lectures tristes, les piés nuds & la discipline à la main, dont ils s'appliquoient des coups par compte & par nombre; qu'enfin pour couronner régulierement leurs abstinences, ils se contentoient de manger le soir du pain trempé dans l'eau, & du sel pour tout assaisonnement, y joignant quelquefois des herbes ameres, avec quelques légumes.

Mais ceux qui souhaiteront s'instruire particulierement de toutes ces choses, peuvent consulter Maimonides, Léon de Modène, Buxtorf, Basnage, & plusieurs autres savans qui ont traité à fond des cérémonies judaïques, anciennes & nouvelles. (D. J.)

Jeûne (Page 8:543)

Jeûne, (Médecine.) la privation totale des alimens, aux heures où on a coutume d'en prendre, est souvent d'un aussi grand effet pour préserver des maladies, ou pour empêcher les progrès de celles qui commencent, que la modération dans leur usage est utile & nécessaire pour conserver la santé: ainsi les personnes d'un tempérament foible, délicat, se trouvent très - bien non - seulement de diminuer de tems en tems la quantité ordinaire de leur nourriture, mais encore de s'abstenir entierement de manger, en retranchant par intervalles quelque repas; ce qui est sur - tout très - salutaire dans le cas de pléthore, comme lorsqu'on a passé quelque tems sans faire autant d'exercice qu'à l'ordinaire, lorsqu'on a été exposé par quelque cause que ce soit, à quelque suppression de la transpiration insensible, ou de toute autre évacuation nécessaire ou utile, lorsque les humeurs condensées par le froid & la plus grande action des vaisseaux qui en est une suite, se disposent à tomber en fonte, par le retour de la chaleur de l'air.

C'est pourquoi le jeûne que pratiquent les Chrétiens à l'entrée du printems, semble ne devoir être regardé comme une loi de privation agréable à Dieu, qu'autant qu'elle est une leçon de tempérance, un précepte médecinal, une abstinence salutaire qui tend à préserver des maladies de la saison, qui dépendent principalement de la surabondance des humeurs.

Le jeûne ne convient pas cependant également à toute sorte de personnes; il faut être d'un âge avancé pour le bien supporter, parce qu'on fait alors moins [p. 544] de dissipation: aussi Hippocrate assure - t - il (aphor. xiij. sect. 1.) que les vieilles gens se passent plus facilement de manger que les autres, par opposition aux enfans qui ne se passent que difficilement de prendre de la nourriture, & ainsi à proportion, tout étant égal, par rapport aux différens tems de la vie. Voyez Diete, Aliment, Abstinence, Nourriture

JEÛNER (Page 8:544)

JEÛNER (faire) un arbre. Cette opération est encore fort récente dans le jardinage. On suppose un arbre dont un côté pousse vigoureusement pendant que l'autre est très - maigre. On fait soustraction des sucs de la terre en ouvrant le côté gras de la bonne terre jusqu'aux racines, & en lui substituant de la terre maigre ou un sable de ravine; on fait pareille fouille du côté maigre, & l'on y met les engrais nécessaires. On s'apperçoit quelque tems après d'un changement total, par l'égalité d'embonpoint où se trouve l'arbre; si c'est un arbre en espalier, on dépalisse les branches maigres pour les laisser pousser en liberté, & l'on contraint un peu les branches vigoureuses pour en arrêter la seve, souvent même on les tord un peu. (K)

JEUNESSE (Page 8:544)

JEUNESSE, juventus, s. f. (Littérat.) c'est cet âge qui touche & qui accompagne le dernier progrès de l'adolescence, s'étend jusqu'à l'âge viril, & va rarement au - delà de trente ans.

Les Grecs l'appelloient d'ordinaire l'autonne, O)PW/RAN, regardant la jeunesse comme la saison de l'année où les fruits parvenus au point de leur maturité sont excellens à cueillir. Pindare dit dans l'Ode Il des Isthmioniques,

*O(\STIS2 E)W\N KALO\S2 EI=)KEN A)FRODI\TAS2 *EUQRO/ND MNASTEIRAN H( DIZAN O)W=W/RAN.

« De tous les beaux garçons chez qui l'autonne v (c'est - à - dire le printems de la vie) reveille la passion de l'amour ».

Les Latins suivirent les mêmes idées, ou les emprunterent des Grecs; de - là vient qu'Horace compare un jeune homme à une grappe de raisin que l'autonne va peindre de ses plus vives couleurs.

Jam tibi lividos Distinguet autumnus racemos Purpuero varius colore. Ode v, lib. II.

Dans notre langue nous avons attaché une idée toute différente au mot d'autonne, par rapport à l'âge; & nous ne nous en servons qu'au sujet des personnes qui commencent à vieillir. Nos poëtes appellent la jeunesse le printems des beaux jours, & en d'autres termes,

Cette agréable saison Où le coeur à son empire Assujettit la raison.

Le Guarini la nomme verde étade; elle porte partout avec elle les heureuses saillies de l'imagination, les attraits séduisans, & les graces enchanteresses.

Cet âge a ses défauts comme les autres, qui n'ont pas échapé au crayon des grands peintres.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices, Est prompt à recevoir l'impression des vices, Est vain dans ses discours, volage en ses desirs, Rétif à la censure, & fou dans les plaisirs.

J'ajoûte que la jeunesse sans expérience se livre volontiers à la critique qui la dégoûte des modeles qu'elle auroit besoin d'imiter. Trop présomptueuse elle se promet tout d'elle - même quoique fragile, croit pouvoir tout, & n'avoir jamais rien à craindre; elle se confie légerement & sans précaution. Entreprenante & vive elle pousse ses projets au - delà de sa portée, & plus loin que ses forces ne le permettent. Elle vole à son but par des moyens peu réfléchis, s'affole de ses chimeres, tente au hasard, marche en aveugle, prend des partis extrèmes & s'y précipite; semblable à ces coursiers indomptables qui ne veulent ni s'arrêter ni tourner.

Mais malgré les écarts de la jeunesse, & la vérité de ce tableau qui les peint d'après nature, c'est toûjours l'âge le plus aimable & le plus brillant de la vie; n'allons donc pas ridiculement estimer le mérite des saisons par leur hiver, ni mettre la plus triste partie de notre être au niveau de la plus florissante. Si l'âge avancé veut des égards & des respects, la jeunesse, la beauté, la vigueur, le génie qui marchent à sa suite, sont dignes de nos autels.

Ceux qui parlent en faveur de la vieillesse, comme sage, mûre & modérée, pour faire rougir la jeunesse, comme vicieuse, folle, & débauchée, ne sont pas de justes appréciateurs de la valeur des choses; car les imperfections de la vieillesse sont assurément en plus grand nombre & plus incurables que celles de la jeunesse. L'hiver de nos années grave encore plus de rides sur l'esprit que sur le front. Il se voit peu d'ames, disoit Montagne, qui en vieillissant ne sentent l'aigre & le moisi; & quand Montagne parloit aiusi, il avoit les cheveux blancs.

En effet l'invention & l'exécution qui sont deux grandes & belles prérogatives, appartiennent à la jeunesse; & si ses écarts menent trop loin, ceux de la vieillesse froids & glacés retardent & arrêtent perpétuellement le cours des affaires.

Le sang qui fermente dans la jeunesse, la rend sensible aux impressions de la morale, de la vertu, de l'amour, de l'amitié, & de tout ce qui attendrit l'ame. La circulation rallentie dans les vieillards, produit le refroidissement pour tous les objets capables d'émouvoir le coeur, & porte en eux seuls le repli de l'humanité.

La jeunesse est légere par bouillonnement; la vieillesse constante par paresse. D'un côté la pétulance qui s'abuse dans ses projets; de l'autre une méfiance générale, & des soupçons continuels; défauts qui se peignent dans les yeux, dans les discours, & dans toute la conduite des gens âgés.

Le jeune homme est amoureux de la nouveauté, parce qu'il est curieux & qu'il aime à changer. Le vieillard est entêté de ses préjugés, parce qu'ils sont les siens, & qu'il n'a plus le tems de s'instruire, ni la force de se passionner.

En un mot on ne peut donner raisonnablement la préférence au couchant des jours sur leur midi. Mais souvenons - nous que ce midi, ce bel âge si justement vanté, n'est qu'une fleur presqu'aussi - tôt flétrie qu'elle est éclose. Les graces riantes, les doux plaisirs qui l'accompagnent, la force, la santé, la joie s'évanouissent comme un songe agréable; il n'en reste que des images fugitives: & si par malheur on a consumé dans une honteuse volupté cette brillante jeunesse, il ne lui succede qu'un triste & cruel souvenir de ses plaisirs passés. On paye cher le soir les folies du matin. (D. J.)

Jeunesse (Page 8:544)

Jeunesse, Prince de la (Antiq. Rom.) Voyez Prince

Jeunesse (Page 8:544)

Jeunesse, juventus. (OEcon. anim.) Comme le corps humain éprouve des changemens dans tous les tems de la vie, la différence la plus marquée de ces changemens est ce qui détermine celle des âges: ainsi comme on appelle enfance & adolescence ou puberté, les deux premieres parties de son cours, qui renferment l'espace de tems qui s'écoule entre la naissance & le terme de l'accroissement, on donne le nom de jeunesse au tems de la vie pendant lequel le corps, après avoir acquis les dimensions qui lui conviennent, acheve de se perfectionner en acquérant toute la force & la solidité nécessaire à sa conservation: par conséquent la durée de la jeunesse

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