ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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La doctrine du probabilisme est d'invention jésuitique.

La doctrine du péché philosophique est d'invention jésuitique.

Lisez l'ouvrage intitulé les Assertions, & publié cette année 1762, par arrêt du parlement de Paris, & frémissez des horreurs que les théologiens de cette société ont débitées depuis son origine, sur la simonie, le blasphème, le sacrilege, la magie, l'irreligion, l'astrologie, l'impudicité, la fornication, la pédérastie, le parjure, la fausseté, le mensonge, la direction d'intention, le faux témoignage, la prévarication des juges, le vol, la compensation occulte, l'homicide, le suicide, la prostitution, & le régicide; ramas d'opinions, qui, comme le dit M. le procureur général du roi au parlement de Bretagne, dans son second compte rendu page 73, attaque ouvertement les principes les plus sacrés, tend à détruire la loi naturelle, à rendre la foi humaine douteuse, à rompre tous les liens de la société civile, en autorisant l'infraction de ses lois; à étouffer tout sentiment d'humanité parmi les hommes, à anéantir l'autorité royale, à porter le trouble & la désolation dans les empires, par l'enseignement du régicide; à renverser les fondemens de la révélation, & à substituer au christianisme des superstitions de toute espece.

Lisez dans l'arrêt du parlement de Paris, publié le 6 Août 1762, la liste infamante des condamnations qu'ils ont subies à tous les tribunaux du monde chrétien, & la liste plus infamante encore des qualifications qu'on leur a données.

On s'arrêtera sans doute ici pour se demander comment cette société s'est affermie, malgré tout ce qu'elle a fait pour se perdre; illustrée, malgré tout ce qu'elle a fait pour s'avilir; comment elle a obtenu la confiance des souverains en les assassinant, la protection du clergé en le dégradant, une si grande autorité dans l'Eglise en la remplissant de troubles, & en pervertissant sa morale & ses dogmes.

C'est ce qu'on a vû en même tems dans le même corps, la raison assise à côté du fanatisme, la vertu à côté du vice, la religion à côté de l'impiété, le rigorisme à côté du relâchement, la science à côté de l'ignorance, l'esprit de retraite à côté de l'esprit de cabale & d'intrigue, tous les contrastes réunis. Il n'y a que l'humilité qui n'a jamais pû trouver un asile parmi ces hommes.

Ils ont eu des poëtes, des historiens, des orateurs, des philosophes, des géometres, & des érudits.

Je ne sais si ce sont les talens & la sainteté de quelques particuliers qui ont conduit la société au haut degré de considération dont elle jouissoit il n'y a qu'un moment; mais j'assurerai sans crainte d'être contredit, que ces moyens étoient les seuls qu'elle eût de s'y conserver; & c'est ce que ces hommes ont ignoré.

Livrés au commerce, à l'intrigue, à la politique, & à des occupations étrangeres à leur état, & indignes de leur profession, il a fallu qu'ils tombassent dans le mépris qui a suivi, & qui suivra dans tous les tems, & dans toutes les maisons religieuses, la décadence des études & la corruption des moeurs.

Ce n'étoit pas l'or, ô mes peres, ni la puissance qui pouvoient empêcher une petite société comme la vôtre, enclavée dans la grande, d'en être étouffée. C'étoit au respect qu'on doit & qu'on rend toûjours à la science & à la vertu, à vous soutenir & à écarter les efforts de vos ennemis, comme on voit au milieu des flots tumultueux d'une populace assemblée, un homme vénérable demeurer immobile & tranquille au centre d'un espace libre & vuide que la considération forme & réserve autour de lui. Vous avez perdu ces notions si communes, & la malé<cb-> diction de S. François de Borgia, le troisieme de vos généraux, s'est accomplie sur vous. Il vous disoit, ce saint & bon - homme: « Il viendra un tems où vous ne mettrez plus de bornes à votre orgueil & à votre ambition, où vous ne vous occuperez plus qu'à accumuler des richesses & à vous faire du crédit, où vous négligerez la pratique des vertus; alors il n'y aura puissance sur la terre qui puisse vous ramener à votre premiere perfection, & s'il est possible de vous détruire, on vous détruira ».

Il falloit que ceux qui avoient fondé leur durée sur la même base qui soutient l'existence & la fortune des grands, passassent comme eux; la prospérité des Jésuites n'a été qu'un songe un peu plus long.

Mais en quel tems le colosse s'est - il évanoui? au moment même où il paroissoit le plus grand & le mieux affermi. Il n'y a qu'un moment que les Jésuites remplissoient les palais de nos rois; il n'y a qu'un moment que la jeunesse, qui fait l'esperance des premieres familles de l'état, remplissoit leurs écoles; il n'y a qu'un moment que la religion les avoit portés à la confiance la plus intime du monarque, de sa femme & de ses enfans; moins protégés que protecteurs de notre clergé, ils étoient l'ame de ce grand corps. Que ne se croyoient - ils pas? J'ai vû ces chênes orgueilleux toucher le ciel de leur cime; j'ai tourné la tête, & ils n'étoient plus.

Mais tout évenement a ses eanses. Quelles ont été celles de la chûte inopinée & rapide de cette société? en voici quelques - unes, telles qu'elles se présentent à mon esprit.

L'esprit philosophique a décrié le célibat, & les Jésuites se sont ressentis, ainsi que tous les autres ordres religieux, du peu de goût qu'on a aujourd'hui pour le cloître.

Les Jésuites se sont brouillés avec les gens de lettres, au moment où ceux - ci alloient prendre parti pour eux contre leurs implacables & tristes ennemis. Qu'en est - il arrivé? c'est qu'au lieu de couvrir leur coté foible, on l'a exposé, & qu'on a marqué du doigt aux sombres enthousiastes qui les menaçoient, l'endroit où ils devoient frapper.

Il ne s'est plus trouvé parmi eux d'homme qui se distinguât par quelque grand talent; plus de poëtes, plus de philosophes, plus d'orateurs, plus d'érudits, aucun écrivain de marque, & on a méprisé le corps.

Une anarchie interne les divisoit depuis quelques années; & si par hasard ils avoient un bon sujet, ils ne pouvoient le garder.

On les a reconnus pour les auteurs de tous nos troubles intérieurs, & on s'est lassé d'eux.

Leur journaliste de Trévoux, bon - homme, à ce qu'on dit, mais auteur médiocre & pauvre politique, leur a fait avec son livret bleu mille ennemis redoutables, & ne leur a pas fait un ami.

Il a bêtement irrité contre sa société notre de Voltaire, qui a fait pleuvoir sur elle & sur lui le mépris & le ridicule, le peignant lui comme un imbécille, & ses confreres, tantôt comme des gens dangereux & méchans, tantôt comme des ignorans, donnant l'exemple & le ton à tous nos plaisans subalternes, & nous apprenant qu'on pouvoit impunément se moquer d'un jésuite, & aux gens du monde qu'ils en pouvoient rire sans conséquence.

Les Jésuites étoient mal depuis très - long - tems avec les dépositaires des lois, & ils ne songeoient pas que les magistrats, aussi durables qu'eux, seroient à la longue les plus forts.

Ils ont ignoré la différence qu'il y a entre des hommes nécessaires & des moines turbulens, & que si l'état étoit jamais dans le cas de prendre un parti, il tourneroit le dos avec dédain à des gens que rien ne recommandoit plus.

Ajoutez qu'au moment où l'orage a fondu sur eux, [p. 516] dans cet instant où le ver de terre qu'on foule du pié montre quelque énergie, ils étoient si pauvres de talens & de ressources, que dans tout l'ordre il ne s'est pas trouvé un homme qui sût dire un mot qui fît ouvrir les oreilles. Ils n'avoient plus de voix, & ils avoient fermé d'avance toutes les bouches qui auroient pû s'ouvrir en leur faveur.

Ils étoient haïs ou enviés.

Pendant que les études se relevoient dans l'université, elles achevoient de tomber dans leur college, & cela lorsqu'on étoit à demi convaincu que pour le meilleur emploi du tems, la bonne culture de l'esprit, & la conservation des moeurs & de la santé, il n'y avoit guere de comparaison à faire entre l'institution publique & l'éducation domestique.

Ces hommes se sont mêlés de trop d'affaires diverses; ils ont eu trop de confiance en leur crédit.

Leur général s'étoit ridiculement persuadé que son bonnet à trois cornes couvroit la tête d'un potentat, & il a insulté lorsqu'il falloit demander grace.

Le procès avec les créanciers du pere la Valette les a couverts d'opprobre.

Ils furent bien imprudens, lorsqu'ils publierent leurs constitutions; ils le furent bien davantage, lorsqu'oubliant combien leur existence étoit précaire, ils mirent des magistrats qui les haïssoient à portée de connoître de leur régime, & de comparer ce système de fanatisme, d'indépendance & de machiavélisme, avec les lois de l'état.

Et puis, cette révolte des habitans du Paraguay, ne dut - elle pas attirer l'attention des souverains, & leur donner à penser? & ces deux parricides exécutés dans l'intervalle d'une année?

Enfin, le moment fatal étoit venu; le fanatisme l'a connu, & en a profité.

Qu'est - ce qui auroit pû sauver l'ordre, contre tant de circonstances réunies qui l'avoient amené au bord du précipice? un seul homme, comme Bourdaloue peut - être, s'il eût existé parmi les Jésuites; mais il falloit en connoître le prix, laisser aux mondains le soin d'accumuler des richesses, & songer à ressusciter Cheminais de sa cendre.

Ce n'est ni par haine, ni par ressentiment contre les Jésuites, que j'ai écrit ces choses; mon but a été de justifier le gouvernement qui les a abandonnés, les magistrats qui en ont fait justice, & d'apprendre aux religieux de cet ordre qui tenteront un jour de se rétablir dans ce royaume, s'ils y réussissent, comme je le crois, à quelles conditions ils peuvent espérer de s'y maintenir.

JÉSUITESSES (Page 8:516)

JÉSUITESSES, s. f. (Hist. eccles.) ordre de religieuses, qui avoient des maisons en Italie & en Flandres. Elles suivoient la regle des Jésuites, & quoique leur ordre n'eût point été approuvé par le saint siege, elles avoient plusieurs maisons, auxquelles elles donnoient le nom de colleges; d'autres qui portoient celui de noviciat, dans lesquelles il y avoit une supérieure, entre les mains de qui les religieuses faisoient leurs voeux de pauvreté, de chasteté & d'obéissance; mais elles ne gardoient point de clôture, & se mêloient de prêcher. Ce furent deux filles angloises, nommées Warda & Tuitia, qui étoient en Flandres, lesquelles instruites & excitées par le pere Gerard, recteur du college, & quelques autres Jésuites, établirent cet ordre; leur dessein étoit d'envoyer de ces filles prêcher en Angleterre. Warda devint bientôt supérieure générale de plus de deux cent religieuses. Le pape Urbain VIII. supprima cet ordre par une bulle du 13 Janvier 1630, adressée à son nonce de la basse Allemagne, & imprimée à Rome en 1632. Bulla Urbani VIII. Vilson, rapporté par Heidegger. Hist. papatus, S. 35.

JESUPOLIS (Page 8:516)

JESUPOLIS, (Géog.) ville de Pologne, dans la petite Russie, au Palatinat de Lemberg.

JESURA (Page 8:516)

JESURA, s. m. (Hist. nat. Bot.) c'est un arbrisseau du Japon, d'environ trois coudées de haut, qui ressemble au philirrea. Ses feuilles sont garnies de poils, longues de trois pouces, ovales, terminées par une pointe, avec un bord très - découpé. Ses baies sont de la grosseur d'un pois, rouges & charnues.

JESUS - CHRIST (Page 8:516)

JESUS - CHRIST, (Hist. & Philosoph.) fondateur de la religion chrétienne. Cette religion, qu'on peut appeller la Philosophie par excellence, si l'on veut s'en tenir à la chose sans disputer sur les mots, a beaucoup influé sur la Morale & sur la Métaphysique des anciens pour l'épurer, & la Métaphysique & la Morale des anciens sur la religion chrétienne, pour la corrompre. C'est sous ce point de vue que nous nous proposons de la considérer. Voyez ce que nous en avons déja dit à l'article Christianisme. Mais pour fermer la bouche à certains calomniateurs obscurs, qui nous accusent de traiter la doctrine de Jesus - Christ comme un système, nous ajouterons avec saint Clément d'Alexandrie, *FLO/SOFOI LE/GONTAI PAR) H(MI=N ME\N OI( SOFI/AS2 E)RW=NTES2 TW=N PA/NTWN DHMIDRGD= KAI\ DIDASKALI/D, TOUTE/STI TOU= UI(OU= TD= *QEOU=; Philosophi apud nos dicuntur qui amant sapientiam, quoe est omnium opifex & magistra, hoc est filii Dei cognitionem.

A parler rigoureusement, Jesus - Christ ne fut point un philosophe; ce fut un Dieu. Il ne vint point proposer aux hommes des opinions, mais leur annoncer des oracles; il ne vint point faire des syllogismes, mais des miracles; les apôtres ne furent point des philosophes, mais des inspirés. Paul cessa d'être un philosophe lorsqu'il devint un prédicateur. Fuerat Paulus Athenis, dit Tertulien, & istam sapientiam humanam, adfectatricem & interpolatricem veritatis de congressibus noverat, ipsam quoque in suas hoereses multipartitam varietate sectarum invicem repugnantium. Quid ergo Athenis & Jerosolymis? quid academioe & ecclesioe? quid hoereticis & christianis? nobis curiositate non opus est, post Jesum Christum, nec inquisitione post evangelium. Cum credimus, nihil desideramus ultra credere. Hoc enim prius credimus, non esse quod ultrà credere debemus. Paul avoit été à Athènes; ses disputes avec ses Philosophes lui avoient appris à connoître la vanité de leur doctrine, de leurs prétentions, de leurs vérités, & toute cette multitude de sectes opposées qui les divisoit. Mais qu'y a - t il de commun entre Athènes & Jérusalem? entre des sectaires & des chrétiens? il ne nous reste plus de curiosité, après avoir ouï la parole de Jesus - Christ, plus de recherche après avoir lû l'Evangile. Lorsque nous croyons, nous ne desirons point à rien croire au - delà; nous croyons même d'abord que nous ne devons rien croire au - delà de ce que nous croyons.

Voilà la distinction d'Athènes & de Jérusalem, de l'académie & de l'Eglise, bien déterminée. Ici l'on raisonne; là on croit. Ici l'on étudie; là on sait tout ce qu'il importe de savoir. Ici on ne reconnoît aucune autorité; là il en est une infaillible. Le philosophe dit amicus Plato, amicus Aristoteles, sed magis amica veritas. J'aime Platon, j'aime Aristote, mais j'aime encore davantage la vérité. Le chrétien a bien plus de droit à cet axiome, car son Dieu est pour lui la vérité même.

Cependant ce qui devoit arriver arriva; & il faut convenir 1°. que la simplicité du Christianisme ne tarda pas à se ressentir de la diversité des opinions philosophiques qui partageoient ses premiers sectateurs. Les Egyptiens conserverent le goût de l'allégorie; les Pytagoriciens, les Platoniciens, les Stoïciens, renoncerent à leurs erreurs, mais non à leur maniere de présenter la vérité. Ils attaquerent tous la doctrine des Juifs & des Gentils, mais avec des armes qui leur étoient propres. Le mal n'étoit pas grand, mais il en annonçoit un autre. Les opinions philosophiques ne tarderent pas à s'entrelacer avec

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