ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"379"> ques cas, comme partagé, étant fort relevé d'un côté & de l'autre fort affaissé; ce qui arrive, lorsque l'hydropisie est renfermée dans un sac; mais lorsqu'elle est étendue dans toute la capacité, l'enflure rend tout l'abdomen également saillant dans toute sa surface, avec un sentiment de pesanteur dans la région des aînes, lorsque le corps est droit; & souvent cette enflure augmente si fort, devient si prominente par le volume excessif des humeurs qui la forment, que les malades ne peuvent pas voir leurs piés, & qu'ils craignent de plus en plus que la distension extrème de leur ventre ne les fasse crever, en forçant ses parois à se rompre.

En général pendant que les parties inférieures du corps augmentent de volume par la formation de l'enflure, les supérieures diminuent de plus en plus, sur - tout le cou & le haut de la poitrine, par la maigreur, le desséchement de toutes les parties charnues qui ont lieu dans tout le corps, mais dont les effets sont cachés sous l'enflure, dans les parties qui en sont affectées: quelquefois cependant les mains & le visage, le tour des yeux sur - tout deviennent bouffis, lorsque le mal a fait de grands progrès; ce qui arrive principalement le matin, après le sommeil: les malades éprouvent quelquefois de grandes demangeaisons par tout le corps, & deviennent même sujets à la gale; ce qui doit être attribué aux parties acres les plus grossieres de l'excrétion cutanée, qui s'embarrassent & sont, pour ainsi dire, laissées à sec dans les vaisseaux de la peau. Voyez Prurit, Gale.

Dans l'ascite, les malades rendent très - peu d'urine, & elle est ordinairement fort rouge & fort épaisse, parce que la sérosité du sang se portant ailleurs en grande abondance, les parties lixivielles restent privées de leur véhicule; & par la même raison, il ne se fait presque point de transpiration, encore moins de sueur; le ventre est le plus souvent aussi très paresseux, sur - tout lorsqu'il y a obstruction au foie & défaut de flux de la bile dans les intestins.

Mais un des symptomes des plus importans de l'hydropisie, c'est la fiévre ordinairement continue, lente, hectique, qui augmente sur le soir, mais de sorte que le pouls est en général toûjours petit, très - fréquent, assez dur & tendu; ce qu'on ne peut attribuer qu'à la dégénération des humeurs, qui excite l'irritabilité des vaisseaux plus que dans l'état naturel. Voyez Irritabilité.

L'enflure de la grossesse, sur tout lorsqu'elle est accompagnée de celle des jambes, peut faire naître quelque difficulté à distinguer cet état de celui de l'hydropisie ascite; mais cette difficulté ne subsiste pas long - tems, si l'on fait attention à ce que la suppression des menstrues n'a pas lieu ordinairement dans l'hydropisie; que les mamelles qui s'enflent dans la grossesse, diminuent au contraire beaucoup dans cette maladie; que la femme grosse ne sent point de balotement, de fluctuation dans son ventre, selon les divers mouvemens qu'elle fait, surtout lorsqu'elle est couchée, comme on les sent dans l'hydropisie, qui d'ailleurs ne peut pas être confondue avec la grossesse, lorsque celle ci est un peu avancée, parce qu'elle a son signe caractéristique, qui est le mouvement de l'enfant par parties successives; ce qui n'a point lieu dans le mouvement des eaux qui se fait toûjours en masse. C'est l'hydropisie de la matrice (dont la cavité se remplit outre mesure de sérosités, sans qu'on puisse dire pourquoi son orifice ne s'ouvre pas pour leur donner issue), qui est le cas le plus difficile à distinguer de la grossesse. Voyez Matrice.

Pour ce qui est des signes qui établissent la différence entre l'hydropisie ascite, la tympanité, la leucophlegmatie. Voyez Tympanite, Leucophlegmatie.

A l'égard du prognostic de l'hydropisie en général, on peut dire qu'elle est toûjours difficile à guérir, & même dangereuse, à proportion qu'elle est plus considérable & plus invéterée, & lorsqu'elle succede à une maladie aiguë. Cependant si les personnes affectées de cette maladie ont été naturellement robustes; que les visceres fassent encore assez bien leurs fonctions; que les forces ne soient pas beaucoup diminuées, que l'appétit subsiste passablement; que les digestions ne soient pas laborieuses; que la respiration se fasse librement, sans toux, que la soif ne soit pas fort pressante, & que la langue soit rarement seche, sur - tout après le sommeil; que le ventre soit libre, sans que les déjections soient trop fréquentes; qu'elles deviennent faciles par l'effet des purgatifs, sans rester relâché après leur opération; que l'urine change de qualité, selon la différence des boissons dont use le malade; qu'il ne se sente pas de lassitude, & qu'il ait de la facilité à s'exercer: si toutes ces conditions se rencontrent dans le même sujet, c'est de très - bon augure; s'il ne s'en présente que quelques - unes, c'est toûjours une raison d'avoir de l'espérance pour la guérison de la maladie; mais s'il ne paroît aucune ou très - peu de ces dispositions avantageuses, l'état est desespéré.

Entre les especes d'hydropisie, l'anasar que est celle qui est le moins à craindre; l'ascite est toûjoûrs dangereuse, sur - tout s'il est joint à la tympanite, voyez Tympanite, & d'autant plus que les causes qui y donnent lieu, sont plus importantes; ainsi il est plus difficile à guerir, lorsqu'il est une suite de l'obstruction du soie, que lorsqu'il provient seulement d'une trop grande boisson d'eau, ou de toute autre cause aussi peu considérable: il est bon qu'il n'y ait pas d'autre enflure qui l'accompagne, ou que, s'il y en a aux extrémités inférieures, elle ne soit pas bien considérable, & qu'elle ne s'étende pas à d'autres parties: l'hydropisie enkistée est moins funeste que l'ascite; parce que dans celle - là il se fait encore un peu de circulation de la sérosité renfermée dans le sac, au lieu qu'elle est absolument extravasée & sans aucun cours dans l'ascite.

Le flux - de - ventre qui arrive au commencement de l'hydropisie, sans être causé par des indigestions, est le plus souvent très - salutaire, selon l'observation d'Hippocrate: il n'en est pas de même lorsque la maladie est fort avancée, & qu'il y a un grand abattement de forces, alors la diarrhée accélere souvent la mort, parce que ce symptome n'est que le mauvais effet de la foiblesse des visceres: c'est aussi pourquoi l'hydropisie, lorsqu'elle est une suite de l'abus des purgatifs, comme des saignées, est la plus incurable.

Les urines peu abondantes, troubles, avec la fiévre, sont un très - mauvais signe dans l'hydropisie, d'autant plus que la quantité en est moindre; parce que c'est une preuve que la plus grande partie de la sérosité est détournée ailleurs pour former la collection d'humeurs: c'est pourquoi il est convenable, selon le conseil de Celse, de comparer chaque jour la quantité de la boisson du malade avec celle de l'urine qu'il rend, & d'observer le volume du ventre, en mesurant son contour avec un fil, sur - tout lorsqu'on donne au malade des remedes évacuans, parce que s'il diminue à proportion que la quantité des urines augmente, ou qu'il se fait une évacuation par quelqu'autre voie, c'est un fort bon signe; au lieu que s'il augmente malgré l'effet de ces remedes, il n'y a presque plus rien à espérer, ainsi que dans le cas où il y a retour de l'enflure après avoir été emportée par les évacuations que l'art a procurées; parce qu'il y a lieu de penser qu'il existe quelque vice incurable dans les visceres, qui renouvelle continuellement la collection des eaux.

On doit regarder la mort comme prochaine, lors<pb-> [p. 380] que, dans cette maladie invétérée, il survient des taches livides, des ulceres de mauvais caractere aux gencives, dans la bouche, dans différentes parties de l'habitude du corps, & particulierement aux jambes; ainsi que quand les malades rendent du sang grumélé par la voie des selles, ou qu'ils deviennent sujets à des hémorrhagies, particulierement à celle des narines.

Les plaies, les ulceres des hydropiques sont très difficiles à guérir, parce que la cicatrice ne peut s'opérer qu'avec difficulté dans des solides qui ont perdu leur ressort, & parce que la masse des humeurs est appauvrie & presque totalement privée de son baume naturel.

L'hydropisie elle - même se guérit cependant quelquefois sans le secours de l'art, par différens bénéfices de nature; comme lorsque les jambes enflées se crevent d'elles - mêmes, ou par accident, comme par quelque égratignure, quelque écorchure, ou blessure ou brûlure, & qu'il se fait une issue aux eaux contenues dans le tissu cellulaire, ou qui peuvent en être repompées des cavités où elles sont épanchées, en sorte qu'elles s'écoulent souvent en grande abondance, par cette voie & de proche en proche se portent où il y a moins de résistance; d'où suit quelquefois une évacuation complette non - seulement des humeurs qui forment les enflures extérieures, mais encore de celles qui sont contenues dans les parties internes: de semblables vuidanges se sont faites quelquefois par la rupture des enveloppes du bas - ventre, sur - tout au nombril, ou par la voie de la matrice dans le tems ou à la suite des regles, des lochies; ainsi que Fernel (Pathol. lib. VI.) rapporte en avoir vû des exemples.

Avant que d'entreprendre le traitement de l'hydropisie, il est de la prudence du medecin de bien examiner quelle est la nature de cette maladie, quelle en est la cause: parce que si le mal lui paroît incurable, ou que le vice qui a occasionné la collection des humeurs ne puisse pas être détruit, qu'il doive s'attendre à la voir se renouveller à mesure qu'il en procurera l'évacuation; dans le cas où il ne peut parvenir à en tarir la source, il doit éviter, s'il y a moyen, de se charger de la cure, pour ne pas compromettre sa réputation, en paroissant avoir donné la mort à qui il n'étoit pas possible de conserver la vie; ou, s'il ne peut pas refuser ses secours, il convient qu'il prévienne par un prognostic convenable sur l'évenement que la maladie doit avoir.

Quant à la maniere de traiter l'hydropisie, qui paroît susceptible de guérison, les indications principales sont de tâcher d'abord d'évacuer les eaux ramassées, & ensuite d'attaquer & de détruire le vice qui a donné lieu à leur collection dans quelque partie qu'elle soit faite: c'est ce dernier effet seul qui rend la curation complette, parce que l'évacuation des humeurs est de peu d'importance pour les suites, si elles peuvent se ramasser de nouveau & produire les mêmes effets. Mais comme les moyens à employer, pour emporter la cause, sont moins efficaces, tant que les parties affectées sont abreuvées, & que leur ressort est affoibli par le relâchement & la corruption occasionnés par la présence des eaux, qui, participant à la chaleur animale, en sont plus susceptibles de contracter des qualités propres à produire ces effets: il est donc nécessaire de s'occuper d'abord de l'indication la moins essentielle, parce qu'elle est comme préparatoire, pour pouvoir parvenir à remplir la plus importante.

Ainsi, dans le cas de l'hydropisie ascite, simple, qui n'est pas bien invétérée, on doit travailler à l'évacuation des humeurs par le moyen des purgatifs émétiques, hydragogues, ou par les diurétiques chauds, les plus forts, les plus actifs. La sueur dans l'ascite est plus nuisible que profitable, parce qu'elle tend à priver le sang de la sérosité, qui lui sert de véhicule dans des parties éloignées de celles qui fournissent la matiere de la collection des eaux, c'est - à - dire à la circonférence du corps où la masse des humeurs en manque déja, à cause qu'il a été détourné ailleurs en trop grande quantité: les évacuations que l'on procure par la voie des selles ou des urines, sont les seules qui sont véritablement avantageuses.

On doit cependant observer que l'hydropisie dans son commencement doit être traitée, comme la cachexie; & Vander Linden dit, fort à propos, que quiconque veut guérir l'hydropisie doit eviter l'usage trop fréquent des purgatifs, parce qu'ils affoiblissent de plus en plus le ton des solides, après en avoir excité l'érétisme outre mesure: l'atonie suit toûjours le trop de tension spasmodique ou convulsive, qui a lieu par l'effet irritant des purgatifs: ce n'est pas qu'il ne faille employer les plus forts remedes de ce genre, mais, après les avoir donnés d'abord coup - sur - coup, il faut n'y revenir ensuite que rarement, & il convient de faire usage dans l'intervalle des médicamens toniques, fortifians, tirés de la classe des amers, tels sur - tout que le kina, & des martiaux qui peuvent servir à tenir en regle les fonctions des organes de la digestion, & rétablir dans les solides en général la force que l'action des purgatifs leur a ôtée; ce qui fait partie de l'indication principale à remplir. On doit par conséquent avant de faire usage de ces remedes, s'assûrer de ceux qui conviennent, eû égard à la facilité ou à la difficulté, avec laquelle les malades sont susceptibles d'être purgés; parce que des purgatifs qui sont ordinairement d'une méd ocre activité, sont souvent suffisans pour produire de grands effets dans les sujets qui sont, comme on dit, faciles à émouvoir, qui sont d'une constitution foible, délicate & sensible, comme les femmes sujettes aux vapeurs, les hypocondriaques.

Mais il est nécessaire que les purgatifs, quels qu'ils soient, operent beaucoup, parce que ceux qui ne produisent que peu d'effets, sont plus nuisibles qu'utiles; ils fatiguent les malades, ils les affoiblissent, & ne diminuent pas la quantité des eaux que l'on doit tâcher d'évacuer le plus promptement qu'il est possible; pour ne pas laisser trop augmenter le relâchement des parties qui les contiennent, qui en sont abreuvées ou qui y trempent, parce que l'équilibre y étant de plus en plus détruit, les humeurs sont déterminées à s'y porter & à s'y accumuler aussi de plus en plus. Voyez Équilibre, Economite animale.

Les purgatifs les plus usités dans le traitement de l'hydropisie, sont parmi les émétiques les préparations d'antimoine, de mercure de cette qualité, & particulierement le tartre, le vin stibié, le turbith minéral; parmi les cathartiques, le jalap, la résine, la seconde écorce de sureau, la gomme gutte, l'euphorbe, la coloquinte, le concombre sauvage, & sur - tout l'elaterium, selon Vander Linden, Lister, Sydenham; la poudre cornachine, les fortes décoctions de senné, avec le syrop de nerprun, &c. la rhubarbe à grande dose peut être employée avec succès dans l'intervalle des autres purgatifs.

Mais dans les cas qui sont assez fréquéns, où les malades, à cause de la foiblesse ou de la délicatesse de leur tempérament, ne peuvent soûtenir l'effet d'aucun des purgatifs qui conviennent; il faut absolument se retourner du côté des diurétiques, d'autant plus qu'ils ont souvent opéré, sans aucun secours, l'entiere évacuation des eaux, même dans les personnes les plus robustes; & que rien ne donne plus de soulagement aux hydropiques qu'un flux

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