ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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"254"> cramentum alicui fidem promittam. Il prend Dieu à témoin de sa disposition, & il conseille de souffrir toutes sortes de tourmens plutôt que de rendre hommage: nulloe minoe, nulla promissio, nulla astutia à religione vestrâ extorqueat aut homagium, aut jusjurandum, aut fidei allegationem. Anselm. l. III. c. xxxvj. lx. lxv. lxxvij. lxxxviij. xc. xcij.

Le pape Urbain II. dit le P. Thomassin, condamna en moins de mots, & encore plus clairement, le serment de fidélité & l'hommage dans le concile de Clermont de l'an 1095, ne episcopus vel sacerdos regi vel alicui laïco in manibus ligiam fidelitatem faciat. Part. IV. l. II. ch. liij. p. 220. Lambert, évêque d'Arras, assista à ce concile, & en publia les canons dans un synode qu'il tint en 1097.

En 1114, les troubles qui avoient agité l'Angleterre étant calmés, il se tint un concile auquel présiderent les légats de Paschal II. & dans lequel tous les hommages furent prohibés sans distinction, les barons & autres seigneurs anglois furent assujettis à l'hommage; mais les évêques & les abbés fide & sacramento professi sunt; ils se bornerent, comme il se pratique en France, au seul serment de fidélité.

Quelque tems auparavant, le même pape fut dans la nécessité d'écrire au clergé de Paris la lettre la plus violente contre l'usage qui s'étoit introduit d'exiger des hommages de ceux qui étoient dans un rang inférieur: illud quoque apud quosdam clericorum fieri audivimus, ut videlicet majores prebendarii à minoribus hominia suscipiant. « A toutes ces possessions, dit le P. Thomassin tome III. p. 215. ce n'étoit qu'une protestation de bouche ou par écrit d'un devoir, que tout le monde reconnoissoit être indispensable de garder les canons d'obéir à ses supérieurs ccclésiastiques ». De - là le même P. Thomassin conclud que ce pape n'avoit donc garde « d'exiger des archevêques l'hommage d'un vassal à son seigneur, ou un serment qui ressentît l'hommage».

En 1137, Louis le Gros donne un édit général, par lequel il accorde aux évêques & abbés de l'Aquitaine, qui devoit appartenir à Louis le jeune son fils, du chef de sa femme Eléonore, fille du duc de cette Province; il accorde, dis - je, l'élection canonique sans charge d'hommage à son égard: canonicam omnino concedimus libertatem absque hominii, juramenti, seu fidei per manum datoe obligatione.

En 1165, Adrien IV. reprochoit à l'empereur Frédéric, quid dicam de fidelitate beato Petro & nobis à te promissâ & juratá, quomodo eam observes cum äb iis qui dii sunt, & filii excelsi omnes episcopis videlicet homagium requires.

Enfin cet empereur est convenu que les évêques d'Italie solum sacramentum fidelitatis sine hominio facere debere domino imperatori. Otton, qui étoit évêque de Verceil avant l'an 1000, fait entendre par ses lettres, que de son tems les évêques d'Italie ne prétoient que le serment de fidélité aux empereurs pour les fiefs attachés à leurs bénéfices.

En 1164, Henri II. roi d'Angleterre avoit fait le reglement suivant: Electus homagium & fidelitatem qui sicut ligio domino salvo ordine suo faciat priusquam consecretur. Saint Thomas de Cantorbery ne voulut faire que le serment de fidélité, fidelitatem & juraverat; ce que ce saint croyoit devoir être suffisant. Cette premiere fermeté à soutenir les immunités ecclésiastiques fut le premier pas vers le martyre.

Le quatrieme concile général de Latran de 1215, appellé le grand, par le nombre prodigieux d'évêques qui s'y trouverent & auquel présida Innocent III. défend de nouveau aux ecclésiastiques la foi & hommage; les mêmes défenses furent confirmées en 1250, tant la vanité se trouvoit flattée de ces sortes d'assujettissemens, ne aliqua soecularis persona contra statuta hujusmodi quidquam attentare, aut à vobis vel successobus vestris, homagii vel fidelitatis exigere seu oblatum audeat recipere sacramentum.

Les abbés n'ayant point d'ecclésiastiques qui leur fussent assujettis, & voulant d'un autre côté imiter les souverains, exigerent des curés des sermens de fidélité, lorsqu'ils les instituoient dans les paroisses eu égard aux dixmes qu'ils avoient cédées, fidelitatis exigunt sacramentum & nec exactores sininus impunitos cum simoniacam contineant pravitatem. Voyez le Concile de Chicester de l'an 1289.

Il est donc évident que l'hommage dans un ecclésiastique, & sur - tout pour ce qui s'appelle bénéfice ou spirituel, est regardé par les canons comme le comble de l'horreur & de l'indignité, indignum est & à romanâ ecclesiâ alienum ut pro spiritualibus facere quis homagium compellatur. Cap. fin. de reg. jur. C'est une des regles du droit canon.

Que l'on jette les yeux sur le titre du chapitre ex diligenti, il annonce ce que porte le canon: Pro habendis spiritualibus homagium facere simoniacum est.

C'est sur tous ces principes que se sont appuyés les canonistes & les jurisconsultes, pour blamer les hommages pour tout ce qui s'appelle matiere bénéficiale.

En conséquence des hommages que rendoient autrefois les évêques aux souverains pour les duchés, comtés & seigneuries considérables qu'ils tenoient, ils étoient tenus de fournir des troupes, quelques - uns les conduisoient & faisoient à leur égard les fonctions d'aumôniers; & lorsque quelqu'un d'entre eux se sont oubliés jusqu'à porter les armes, leur conduite a été blâmée par les conciles & les papes.

Le dernier hommage qui ait été fait en France par un ecclésiastique envers le souverain, est celui de Louis de Poitiers, évêque & comte de Valence & de Die en l'an 1456, au dauphin, depuis roi sous le nom de Louis XI.

« Depuis ce tems - là, dit le P. Thomassin en sa discip. ecclés. part. IV. liv. II. ch. liij. p. 224, il ne paroît plus d'hommages rendus, mais de simples sermens de fidélité, dit le P. Thomassin; ces sermens de fidélité ont même quelque chose plus honnête & plus honorable pour la probité de ces derniers siecles envers les princes souverains. Quelques - uns ont cru que l'hommage s'étoit confondu avec le serment; mais un arrêt du conseil privé en 1652 en faveur de l'évêque d'Autun, nous donne d'autres lumieres. Cet évêque ayant prêté son serment de fidélité au roi, eut peine de le faire enregistrer dans la chambre des comptes, parce qu'elle exigeoit encore de lui l'hommage & le dénombrement des fiefs & domaines qu'il tenoit; il présenta requête au roi conjointement avec les agens du clergé, & elle contenoit que par les lettres - patentes de Charles IX. Henri III. Henri IV. & Louis XIII. enregistrées au parlement & en la chambre des comptes, les ecclésiastiques de ce royaume auroient été déclarés exempts de faire la soi & hommage, & donner, par aveu & dénombrement, leurs fiefs, terres & domaines, attendu les amortissemens faits d'iceux en 1522 & 1547, par les rois François I. & Henri II... le roi prononça en faveur de l'évêque ».

Pour ce qui regarde les hommages envers les seigneurs inférieurs, ils ont été très - rares en France, d'abord par rapport à la maniere de les rendre, & qui consistoit en ce que le vassal se mettoit à genoux, tenoit ses mains jointes dans celles du seigneur, & ensuite l'embrassoit: ponere manus suas intra manus domini in signum summoe subjectionis, reverentioe & fidei, & à domino admitti ad osculum pacis in signum specialis confidentioe & amoris ..... quoe forma & solemnitas non servatur nec congruit in prestatione homagii inferioribus dominis. C'est Dumoulin qui s'explique de la sorte dans son traité des fiefs; il ajoute au même [p. 255] endroit: Minus esset indecens & irreprehensibile nisi in fidelitate ligiâ quoe debetur soli principi.

Il n'est point surprenant que depuis le milieu du xjv. siecle il ne reste aucun vestige de ces sortes d'hommages qui, eu égard à l'assujettissement personnel qu'ils emportent avec eux, sont toujours odieux & peu conformes à nos moeurs & au christianisme, si l'on excepte le souverain, dont nous naissons les sujets avant d'être enfans de l'Eglise. Enfin, continue le même Dumoulin, les assujettissemens personnels sont une sorte d'esclavage & des restes de cette ancienne servitude qui dégrade la nature humaine, sunt ergo servi respectu conditionis adscriptitioe.

Telles sont les réflexions dont M. de la Feuillie nous a fait part sur cette matiere.

Nous observons néanmoins que dans la regle nous ne voyons rien qui puisse affranchir les ecclésiastiques de faire la foi & hommage.

Les religieux & les religieuses même n'en sont pas non plus exempts; le chapitre unique §. verum de statu regularium, in 6°. permet à l'abbesse ou prieur de sortir de son couvent pour faire la foi ou hommage, mais on sait que le sexte n'est pas reçu en France.

A l'égard des corps, chapitres & communautés d'hommes séculiers & réguliers, la maniere de faire la foi & hommage est reglée par les articles cx. cxj. & cxij. de la coûtume d'Anjou, & par les articles cxxj. cxxij. & cxxiij. de celle du Maine; & voici la distinction que font ces coûtumes.

Si le corps ou chapitre a un chef, comme un doyen, un abbé, un prieur, ce chef doit faire la foi & hommage pour le corps ou chapitre; & en cas de légitime empêchement, elle doit être faite par quelqu'autre personne députée à cet effet.

Pour les corps & communautés qui n'ont point de chef principal, comme les fabriques, les hôpitaux &c la foi & hommage doit être faite par l'homme vivant & mourant, & pour les bénéfices particuliers par les titulaires.

Mais il est certain que le clergé a obtenu divers arrêts de surséance pour la foi & hommage des fiefs qu'il possede mouvans nuement du roi; il y en a plusieurs indiqués dans Brillon au mot foi, n°. 8. & rapporté dans les mémoires du clergé: mais il ne paroît pas que cela s'étende aux fiefs mouvans des seigneurs particuliers. On peut voir Auroux Despommiers, prêtre, docteur en théologie, & conseiller clere en la sénéchaussée de Bourbonnois & siége présidial de Moulins, dans son Commentaire sur la coûtume de Bourbonnois, art. ccclxxx. où il dit que la forme de la foi & hommage de la part des gens d'église n'est point différente, nonobstant la dignité de leur caractere, qui sembleroit les exempter de cet abaissement envers un laïc; parce qu'en ce qui concerne les choses temporelles, ils sont sujets au droit commun. (A)

Hommage de bouche (Page 8:255)

Hommage de bouche & de mains, est la même chose que l'hommage simple, auquel il n'est point dû de serment de fidélité; il est ainsi nommé dans l'ancienne coutûme d'Amiens, art. 24. Voyez Hommage simple. (A)

Hommage de dévotion (Page 8:255)

Hommage de dévotion étoit une déclaration & reconnoissance que quelques seigneurs souverains, ou qui ne relevoient de personne pour leurs fiefs & seigneurie, faisoient de les tenir d'une telle église.

Ces hommages vinrent d'un mouvement de dévotion qui porta quelques seigneurs à rendre à Dieu hommage de leurs terres, comme d'autres le rendoient à leurs seigneurs dominans; c'étoit une espece de voeu accompagné de quelques aumônes & de l'obligation à laquelle se soumettoit le seigneur de pren<cb-> dre les armes pour la défense de l'église où il rendoit cet hommage.

Ces pratiques de dévotion ne devoient pas naturellement tirer à conséquence, ni autoriser les églises à prétendre une supériorité temporelle sur les seigneuries dont on leur avoit fait hommage, d'autant que cet hommage étoit volontaire, & que les seigneurs le rendoient pour le même fief, tantôt à une église, & tantôt à une autre, selon que leur dévotion se tournoit pour l'une ou l'autre de ces églises. C'est ainsi que les sires de Thoire firent autrefois l'hommage de leurs états, tantôt à l'église de Lislebarbe, tantôt à celle de Lyon, quelquefois à l'église de Nantua, d'autrefois à l'abbaye de Cluny, & à plusieurs autres, jusqu'à ce qu'enfin leurs successeurs refuserent de rendre cet hommage, auquel ils n'étoient point en effet obligés.

Cependant quoique ces sortes d'hommages ne fussent dûs qu'à Dieu, auquel on les rendoit entre les mains de son église, les ecclésiastiques prirent insensiblement pour eux cette reconnoissance, & voulurent la faire passer pour une marque de supériorité temporelle qu'ils avoient sur ceux qui rendoient hommage à leur église.

La coûtume de Poitou, art. 108, dit que quiconque a hommage pour raison d'aucune chose, est fondé sur icelle d'avoir jurisdiction, si ce n'étoit hommage de dévotion, comme celui qui est donné en franche aumône à l'église; lequel hommage de dévotion n'emporte fief, jurisdiction, ni autre devoir.

Barrand, sur le tit. des fiefs de cette coûtume, ch. x. n. 2. dit que le fief de dévotion donné en franche aumône à l'église, ne doit pas être proprement appellé hommage, parce qu'il n'emporte fief ni jurisdiction, & ne doit devoir à personne.

Boucheul, sur l'art. 108 que l'on a cité, dit que l'hommage de dévotion est de deux sortes, ou dû à l'église ou par l'église; que celui qui est dû à l'église n'est pas en signe d'obéissance, mais par une espece de dévotion. Brodeau, sur l'art. 63 de la coûtume de Paris, n. 23. rapporte divers exemples de ces fiefs ou hommages de piété & de dévotion, qui ne consistent qu'en la simple charge de l'hommage & autres redevances d'honneur, comme cire, cierges, & autres semblables, sans aucun devoir pécuniaire. L'hommage de dévotion dû par l'église est pour les choses qui lui ont été données en aumône, c'est - à - dire libres, franches, & déchargées de toutes sortes de devoirs & redevances, ad obsequium precum. Ni l'un ni l'autre de ces deux hommages n'emporte de soi fief ni jurisdiction.

Voyez Galland, traité contre le franc - aleu, ch. vij. pag. 95 & 96. Caseneuve, traité contre le franc - aleu, liv. II. ch. ij. n. 5. p. 171. derniere édition, & Fief de dévotion. (A)

Hommage lige ou plein (Page 8:255)

Hommage lige ou plein est celui où le vassal promet de servir son seigneur envers & contre tous.

On l'appelle lige, parce qu'il est dû pour un fief lige, ainsi appellé à ligando, parce qu'il lie plus étroitement que les autres. Il y en avoit autrefois de deux sortes, l'un par lequel le vassal s'obligeoit de servir son seigneur envers & contre tous, même contre le souverain, comme l'a remarqué Cujas, lib. II. feud. tit. 5. lib. IV. tit. 31. 90. & 99. & comme il paroît par l'art. 50. des établissemens de France; le second, par lequel le vassal s'obligeoit de servir son seigneur contre tous, à l'exception des autres seigneurs dont le vassal étoit déja homme lige. Il y a plusieurs de ces hommages rapportés dans les preuves des histoires des maisons illustres. Voyez aussi Chantereau, des fiefs, pag. 15 & 17.

Les guerres privées que se faisoient autrefois les seigneurs, furent la principale occasion de ces hom, mages liges.

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