ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"13"> fance, qui étoit une veste à mouches, qu'on appelloit alicata chlamis, pour porter la prétexte, à cause qu'elle étoit bordée de pourpre: les magistrats, les prêtres & les augures s'en servoient dans de certaines cérémonies.

Les sénateurs avoient sous cette robe une tunique qu'on nommoit laticlave, & qu'on a long - tems pris à la lettre pour un habillement garni de larges têtes de cloux de pourpre, mais qu'on a reconnu depuis ne signifier qu'une étoffe à larges bandes ou raies de pourpre, de même que celle qu'on nommoit angusti - clave, qui étoit propre aux chevaliers pour les distinguer des sénateurs, & qui n'étoit pareillement qu'une étoffe à bandes de pourpre plus étroites. Voyez Laticlave.

Les enfans des sénateurs & des magistrats curules ne portoient la tunique laticlave qu'après avoir pris la robe virile; jusqu'à ce tems - là, ils n'avoient point d'autres marques de distinction, outre la robe prétexte, que ce qu'on appelloit bulla, qui étoit un petit coeur qui leur pendoit sur la poitrine: ils avoient encore le droit de porter la robe qu'on nommoit traboea; cette robe étoit assez semblable à la toge, seulement un peu plus courte, & rayée de blanc, d'or & de pourpre: on assûre qu'elle avoit été affectée aux rois de Rome.

Ce qu'on appelloit lacerne étoit un manteau pour le mauvais tems, & qui se mettoit par - dessus la toge. Dans les commencemens, on ne s'en servoit qu'à la guerre; la lacerne s'attachoit par - devant avec une boucle; on y joignoit un capuchon, cucullus, qu'on ôtoit quand on vouloit: de - là le passage d'Horace, odoratum caput obscurante lacernâ. Sat. vij. l. II. v. 55. On avoit des lacernes pour l'hiver, qui étoient d'une grosse étoffe; & pour l'été d'une étoffe plus fine, mais toujours de laine. Il est vrai que jusqu'au tems de Cicéron, ces sortes de manteaux ne furent presque qu'à l'usage du peuple; mais comme on les trouva commodes, tout le monde s'en servit d'abord pour la campagne, ensuite pour la ville. Les dames quand elles sortoient le soir, les personnes de qualité, & les empereurs mêmes mettoient ce manteau par - dessus la toge, lorsqu'ils alloient sur la place & au cirque. Ceux du peuple étoient d'une couleur brune ou blanche; ceux des sénateurs, de pourpre; & ceux des empereurs, d'écarlate. On observoit cependant quand on paroissoit devant l'empereur, de quitter ce manteau par respect. Voyez Lacerne.

La synthèse étoit une autre espece de manteau fort large, que les Romains mettoient pour manger, comme un habillement plus commode pour être à table couchés sur les lits. Martial nous apprend que de son tems il y avoit des particuliers qui par un air de luxe en changeoient souvent pendant le repas. La couleur en étoit ordinairement blanche & jamais noire, pas même dans les repas qu'on donnoit aux funérailles.

La pullata vestis désigne un habit qui se portoit pour le deuil, & dont usoit ordinairement le petit peuple; la couleur en étoit noire, minime, ou brune, & la forme assez semblable à celle de la lacerne; car elle avoit de même un capuchon.

L'habit militaire étoit une tunique juste sur le corps, qui descendoit jusqu'à la moitié des cuisses, & par - dessus laquelle s'endossoit la cuirasse. C'étoit avec cet habit que les Romains dans leurs exercices, ou en montant à cheval, mettoient certaines petites chausses nommées campestres, qui leur tenoient lieu de culottes; car ordinairement ils ne les portoient point avec les habits longs.

Le paludamentum nous présente le manteau de guerre des officiers; il ressembloit à celui que les Grecs nommoient clamyde, se mettoit aussi par<cb-> dessus la cuirasse, & s'attachoit avec une boucle sur l'épaule droite, ensorte que ce côté étoit tout découvert; afin que le mouvement du bras fût libre, comme on le voit dans les statues antiques.

Au lieu de paludamentum, les soldats portoient à l'armée sur leur cuirasse une espece de casaque ou faye, qu'ils appelloient sagum.

Outre ces différens habillemens, il y en avoit de particuliers attachés à certaines dignités ou à de certaines cérémonies, comme la robe triomphale, toga triumphalis. Voyez Robe triomphale.

Nous ne parcourrons pas leurs autres habits, parce que nous n'en connoissons que les noms; mais on comprend sans peine que les guerres, le luxe & le commerce avec les nations étrangeres, introduisirent dans l'empire plusieurs vêtemens dont il n'est pas possible de marquer les caracteres & les différentes modes.

Sous les uns ou les autres des habits que nous venons de décrire en peu de mots, les Romains hommes & femmes portoient ordinairement deux tuniques; la plus fine qu'on mettoit sur la peau, tenoit lieu de chemise; celle des hommes étoit très - juste, sans manches, & ne descendoit qu'à mi - jambe; celle des femmes étoit plus longue, plus ample, & avoit des manches qui venoient jusqu'au coude: c'étoit s'écarter de la modestie, & prendre un air trop libre, que de ne pas donner à cette chemise la longueur ordinaire; elle prenoit juste au coû des femmes, & ne laissoit voir que leur visage, dans les premiers tems de la fondation de Rome.

L'autre tunique qui étoit fort large, se mettoit immédiatement sous la robe; mais lorsque le luxe eut amené l'usage de l'or & des pierreries, on commença impunément à ouvrir les tuniques & à montrer la gorge. La vanité gagna du terrein, & les tuniques s'échancrerent; souvent même les manches, au rapport d'Elien, ne furent plus cousues; & du haut de l'épaule jusqu'au poignet, on les attachoit avec des agraffes d'or & d'argent; de telle sorte cependant qu'un côté de la tunique posant à demeure sur l'épaule gauche, l'autre côté tomboit négligemment sur la partie supérieure du bras droit.

Les femmes mettoient une ceinture, zona, sur la grande tunique, soit qu'elles s'en servissent pour la relever, soit qu'en se serrant davantage elles trouvassent moyen de tenir en respect le nombre & l'arrangement de ses plis. Il y avoit de la grace & de la noblesse de relever en marchant, à la hauteur de la main, le lais de la tunique qui tomboit au côté droit, & tout le bas de la jambe droite se trouvoit alors découvert. Quelques dames faisoient peu d'usage de leur ceinture, & laissoient traîner leur tunique; mais on le regardoit comme un air de négligence trop marqué: de - là ces expressions latines, altè cincti, ou discincti, pour peindre le caractere d'un homme courageux, ou efféminé.

Le nombre des tuniques s'augmenta insensiblement; Auguste en avoit jusqu'à quatre, sans compter une espece de camisole qu'il mettoit sur la peau avec un pourpoint, le reste du corps extrèmement garni, & une bonne robe fourrée par - dessus le tout. Ce même prince n'étoit pas moins sensible au chaud; il couchoit pendant l'été presque nud, les portes de sa chambre ouvertes, le plus souvent au milieu d'un péristyle, au bruit d'une fontaine dont il respiroit la fraîcheur, pendant qu'un officier de sa chambre, un éventail à la main, agitoit l'air autour de son lit. Voilà l'homme à qui d'heureux hasards ouvrirent le chemin de l'empire du monde! Mais ce n'est pas ici le lieu de réfléchir sur les jeux de la fortune; il né s'agit que de parler des vêtemens romains.

Les femmes suivirent en cela l'exemple des hommes; leurs tuniques se multiplierent: la mode vint [p. 14] d'en porter trois; le goût en forma la différence.

La premiere étoit une simple chemise; la seconde, une espece de rochet; & la troisieme, c'est - à - dire celle qui se trouvoit la supérieure, ayant reçû davantage de plis, & s'étant augmentée de volume, forma, à l'aide des ornemens dont elle se trouva susceptible, la stole que j'ai nommée plus haut, en remarquant qu'elle fit tomber la toge, ou du - moins n'en laissa l'usage qu'aux hommes & aux courtisannes.

Le luxe fit bientôt ajoûter par - dessus la stole un manteau ou mante à longue queue traînante, qu'on appelloit symarre: on l'attachoit avec une agraffe plus ou moins riche sur l'épaule droite, afin de laisser plus de liberté au bras que les dames tenoient découvert comme les hommes. Cette symarre portant en plein sur l'autre épaule, formoit en descendant un grand nombre de plis qui donnoient beaucoup de grace à cet habillement. Aussi les actrices s'en servoient sur le théatre. Voyez Symare.

La couleur blanche étoit la couleur générale des habits des Romains, comme aussi la plus honorable, indépendamment des dignités qui étoient marquées par la pourpre. Les citoyens dans les réjoüissances publiques paroissoient ordinairement vêtus de blanc: Plutarque nous instruit qu'ils en usoient de même dans les réjoüissances particulieres, & sur - tout dans celles du jour de leur naissance, qu'ils célébroient tous les ans.

On distinguoit les personnes de quelque rang ou qualité par la finesse, la propreté & la blancheur éclatante de l'habit. Aussi dit - on dans les auteurs, qu'on envoyoit souvent les robes au foulon pour les détacher & les blanchir; le menu peuple hors d'état de faire cette dépense, portoit généralement des habits bruns.

Il faut pourtant remarquer que sur la fin de la république, la distinction dans les habits ne s'observoit déjà plus à Rome; les affranchis étoient confondus avec les autres citoyens; l'esclave s'habilloit comme son maître; & si l'on excepte le seul habit du sénateur, l'usage de tous les autres se prenoit indifféremment: le moindre tribun des légions portoit le laticlave.

Mais, au milieu de cette confusion, les habits de tout le monde étoient encore tissus de laine pure; son emploi dans les étoffes a été le plus ancien & le plus durable de tous les usages. Pline, en nous disant que de son tems le luxe se joüoit de la nature même, & qu'il a vû des toisons de béliers vivans teintes en pourpre & en écarlate, ne connoissoit encore que la laine pour matiere de toutes sortes d'étoffes, qui ne recevoit de différence que de la diversité des couleurs & de l'apprêt. De - là ce fréquent usage des bains, que la propreté rendoit si nécessaire.

Ce ne fut que sous le regne des Césars, que l'on commença à porter des tuniques de lin; Vopiscus prétend que la mode en vint d'Egypte; & l'empereur Alexandre Sévere trouvoit avec raison qu'on en avoit corrompu la bonté, depuis qu'on s'étoit avisé de mêler dans le tissu des raies ou des bandes de pourpre. Si le lin est doux sur la peau, disoit - il, pourquoi ces ornemens étrangers qui ne servent qu'à rendre la tunique plus rude?

L'usage de la soie dans les habits d'homme s'étant introduit sous Tibere, il fit rendre un decret par le sénat conçu en ces termes remarquables: Decretum, ne vestis serica viros foedaret. Ce fut Jules - César qui inspira ce nouveau goût de recherches, en faisant couvrir dans quelques spectacles qu'il donna tout le théatre de voiles de soie. Caligula parut le premier en public en robe de soie. Il est vrai que sous Néron les femmes commencerent à en porter; mais il y a lieu de croire que leurs étoffes étoient mê<cb-> lées de lin & de soie, & que jusqu'à Eliogabale le luxe n'a point fourni d'exemple d'une robe toute de soie, Eliogabalus primus Romanorum, holosericâ veste usus, fertur.

Aurélien n'avoit pas une seule robe holosérique dans toute sa garderobe; aussi refusa - t - il à l'impératrice sa femme le manteau de soie qu'elle lui demandoit, en lui donnant pour raison de son refus, qu'il n'avoit garde d'acheter des fils au poids de l'or. La livre de soie valoit une livre d'or.

Nous ne devons pas nous étonner de cette valeur de la soie dans ces tems - là, si nous nous rappellons que Henri II. fut le premier en France qui porta une paire de bas de soie aux noces de sa soeur, & que la femme de Lopez de Padilla crut faire un présent magnifique à Philippe II. en lui envoyant de Tolede en Flandres une paire de bas semblables. Cependant, malgré le prix de ce genre de luxe, les habits de soie devinrent si communs à Rome, que l'empereur Tacite qui se glorifioit d'être parent de l'historien de ce nom, & qui fut le successeur d'Aurélien même, se contenta de ne défendre qu'aux hommes la robe holosérique, dont Eliogabale s'étoit le premier vêtu soixante ans auparavant.

Terminons cet article par considérer la gradation du luxe des Romains dans leur parure.

Sous la république, il n'y avoit que les courtisannes qui se montrassent dans la ville en habits de couleur. Sous les empereurs, les dames assortirent les couleurs de leurs habits à leur teint, ou au goût de mode qui régnoit alors. « La même couleur, dit Ovide, ne va pas à tout le monde: choisissez celle qui vous pare davantage; le noir sied bien aux blanches, & le blanc aux brunes. Vous aimiez le blanc, filles de Cephée, & vous en étiez vêtues, quand l'île de Seriphe fut pressée de vos pas...»

Le même poëte ne réduit point à la seule couleur pourpre tout l'honneur de la teinture. Il nous parle d'un bleu qui ressemble au ciel, quand il n'est point couvert de nuages; d'une autre couleur semblable à celle du bélier qui porta Phryxus & sa soeur Hellé, & les déroba aux supercheries d'Ino. Il y a, selon lui, un beau verd - de - mer dont il croit que les Nymphes sont habillées: il parle de la couleur qui teint les habits de l'Aurore, de celle qui imite les myrthes de Paphos, & d'une infinité d'autres, dont il compare le nombre à celui des fleurs du printems.

Sous la république, les femmes portoient des habits pour les couvrir; sous les empereurs, c'étoit dans un autre dessein. « Voyez - vous, dit Séneque, ces habits transparens, si toutefois l'on peut les appeller habits? Qu'y découvrez - vous qui puisse défendre le corps ou la pudeur? Celle qui les met osera - t - elle jurer qu'elle ne soit pas nue? On fait venir de pareilles étoffes d'un pays où le Commerce n'a jamais été ouvert, pour avoir droit de montrer en public ce que les femmes dans le particulier n'osent montrer à leurs amans qu'avec quelque reserve: ut matronoe, ne adulteris quidem plus suis, in cubiculo quàm in publico, ostendant». Voyez Gase de Cos.

Sous la république, les dames ne sortoient point sans avoir la tête couverte d'un voile; sous les empereurs, cet usage disparut; on se tourna du côté de la galanterie. Cette célebre romaine qui possédoit tous les avantages de son sexe, hors la chasteté; Poppée, dis - je, portoit en public un voile artistement rangé, qui lui couvroit à - demi le visage, ou parce qu'il lui séyoit mieux de la sorte, dit Tacite, ou pour donner plus d'envie de voir le reste.

Sous la république, les dames sortoient toujours décemment habillées & accompagnées de leurs femmes; sous les empereurs, elles leur substituerent

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