ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"985"> rnap. xcviij. c'est resutare feudum regium. Voyez Loyseau, trarte du dégucrpissement, liv, I. chap. ij. n. 4. & Déguerpissement. (A)

GUERRE (Page 7:985)

GUERRE, sub. f. (Art milit. & Hist.) différend entre des princes ou des états, qui se décide par la force ou par la voie des armes. C'est - là à - peu - pres la définition de Grotius, qui dit que la guerre est l'état de ceux qui tachent de vuider leurs différends par la voie de la force.

Suivant Montecuculli, la guerre est une action d'armces qui se choquent en toute sorte de maniere, & dont la fin est la victoire. Cette définition n'est pas absolument exacte, parce que lorsqu'un état puissant en attaque un plus foible, le but de la guerre dans le dernier n'est pas tant de remporter la victoire sur l'aggresseur, que de s'opposer à ses desseins.

Quoi qu'il en soit, l'idée de la guerre est trop commune & ses effets trop connus, pour s'arrêter à l'expliquer plus particulierement. Comme les princes n'ont point de tribunal sur terre qui puisse juger de leurs diffcrends & de leurs prétentions, c'est la guerre ou la force qui peut seule en décider, & qui en décide ordinairement.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur les différentes circonstances qui rendent les guerres justes ou injustes. Nous renvoyons pour ce sujet au savant traité de Grotius, de jure belli ac pacis; nous donnerons seulement une legere idce de la guerre offensive & de la guerre défensive. Elles peuvent se diviser chacune en guerre de campagne, & en guerre des siéges.

La guerre offensive est celle dans laquelle on se propose d'attaquer l'ennemi. Dans la défensive, on a pour principal objet de résister aux efforts de l'ennemi, & de l'empêcher de faire des conquêtes.

La guerre de campagne est celle qui se fait entre deux armees opposées. A l'égard de celle des siéges, elle consiste dans l'attaque & dans la défense des places.

Avant que d'entrer dans quelque détail sur ce sujet, observons d'abord que la guerre est un art qui a ses regles & ses principes, & par conséquent sa théorie & sa pratique. « Tous les Aits & tous les Métiers se perfectionnent par l'exercice. Si cette maxime a lieu dans les plus petites choses, à plus forte raison dans les plus importantes. Or qui doute que l'art de la guerre ne soit le plus grand de tous? C'est par lui que la liberté se conserve, que les dignites se perpétuent, que les provinces & l'empire se maintiennent: c'est cet art auquel les Lacédémoniens autrefois, & ensurte les Romains, sacrifierent toutes les autres sciences. C'est l'art de ménager la vie des combattans & de remporter l'avantage » Vegece, traduction de M. de Sigrais.

L'etude d'un art si important doit, selon M. de Folard, faire la principale occupation des princes & des grands. Rien de plus brillant que la carriere d'un général qui fait servir sa science, son zele, & son courage au service du prince & de la patrie: « quel est l'art, dit cet auteur, qui égale un particulier à son souverain, qui le rend dépositaire de toute sa puissance, de teute la gloire, & de toute la fortune des états »? La guerre seule a cet avantage: peut - il être un motif plus noble & plus intéressant pour chercher à s'y distinguer!

Les regles ou les principes de la guerre qui en forment la théorie, ne sont autre chose que le fruit des observations faites en differens tems pour faire combatire les hommes le plus avantageusement qu'il est possible. Thucidide remarque que la fameuse guerre du Peloponnese servit à augmenter l'expérience des Grecs dans l'art militaire; parce que comme cette guerre sut souvent interrompue & recommencée, chacun s'appliquoit à rectifier les fautes qui avoient été remarquées dans les campagnes précédentes.

La premiere idee qu'on a du avoir lorsqu'on a formé des hommes pour combattre, a sans doute été de les armer pour agir offensivement contre l'ennemi.

Les premieres armes furent d'abord sort simples; c'étoit de gros bâtons, ou des especes de massues ou casse - têtes, ainsi qu'en ont encore aujourd'hui les Sauvages. On dut aussi se servir de pierres, qu'on jettoit de loin avec la main: mais on trouva bientôt l'invention de la fronde, pour les jetter de plus loin & avec plus de force. Il y a apparence qu'on songea ensuite à armer les bâtons d'un fer pointu; qu'on trouva, bientôt apres l'invention des épées ou des sabres; & qu'à l'imitation des pierres qu'on lançoit avec la fronde, on imagina l'arc pour lancer également les fleches: car toutes ces armes sont de la plus haute antiquité.

Après avoir arme les combattans, il fut aisé de s'appercevoir qu'en les faisant agir en foule & sans ordre, ils ne pouvoient se servir de leurs armes, & qu'ils s'embarrasseroient réciproquement.

Pour remédier à cet inconvénient, on les forma sur des lignes droites, & l'on mit plusieurs de ces lignes les unes derriere les autres, pour en augmenter la force. Voyez Rangs & Files.

Apres avoir armé les troupes & leur avoir donné l'arrangement précédent, il fallut leur apprendre à se servir de leurs armes, 7 à se mouvoir en ordre de tous les sens; c'est - à - dire qu'il fallut leur apprendre l'exercice ou le maniement des armes, & les évolutions. Voyez Exercice & Evolution.

Les hommes en faisant usage de leurs armes contre l'ennemi, chercherent à se couvrir ou à se garentir de l'effes des siennes. Pour cet effet on imagina les armes défensives, telles que les casques, cuirasses, bouchers, &c. Voyez Armes défensives.

Les troupes étant armees ou exercées, il fallut les diviser en plusieurs corps, propres à agir & à se mouvoir facilement: de - là l'origine des compagnies, des cohortes, des régimens, des bataillons, &c.

On songea aussi à arranger ces différens corps entrleux, comme les troupes le sont dans leurs corps particuliers, & l'on forma les ordres de bataille sur deux ou trois lignes de troupes. Voyez Ligne de Troupes & Ordre de Bataille .

On ne s'avisa vraissemblablement pas dans les premiers tems de faire combattre les hommes à cheval; mais il fut aisé de s'appercevoir bien tôt du besoin de la cavalerie pour poursuivre l'énnemi, le disperser après sa défaite, & l'empêcher de se rallier.

Il y a apparence que la cavalerie fut d'abord destinée à cet effet, & qu'elle ne consistoit guere qu'en troupes legeres: mais on vit ensuite que cette cavalerie pourroit encore rendre d'autres services; qu'elle étoit propre en plaine à combattre l'ennemi, & que d'ailleurs par la rapidité de ses mouvemens, elle pouvoit se transporter bien - tôt d'un lieu en un autre & se tirer du danger bien plus promptement que l'infanterie: on forma donc des corps de cavalerie plus ou moins nombreux, suivant la nature des peuples & des pays où l'on faisoit la guerre (a).

La cavalerie pouvant harceler l'infanterie en campagne, & essayer de la defatre sans craindre de se commettre par la facilité qu'elle a de se retirer, on imagina des armes de longueur pour la tenir en respect; c'est - à - dire qu'on inventa les sarisses ou les piques, dont la longueur empéchoit le cheval du cavalier de tomber sur le fantassin: par - là l'infanterie

(a) Il n'est pas question d'examiner ici si les anciens, au lieu de monter sur les chevaux pour combattre, les ont d'abord attelés à des chars. Nous renvoyons pour ce sujet à l'article Equipation. Il nous suffit que la cavalerie ait été de la plus haute antiquité dans les armées, & c'est surquoi les anciens auteurs ne laissent aucun doute.
[p. 986] put paroître en plaine devant la cavalerie, & la combattre même avec avantage; mais la cavalorie fut toûjours jugée nécessaire dans les armées pour soûtenir & fortifier l'infanterie dans les lieux ouverts, donner des nouvelles de l'ennemi, le poursuivre après la défaite, &c.

Il est vraissemblable que les différentes choses dont on vient de parler, occuperent d'abord les nations guerrieres, & que la fortification doit aussi son origine aux premieres entreprises des puissances qui vouloient s'assujettir les autres. « D'abord, dit le comte de Pagan dans son traité de fortification, les campagnes étoient les plus agréables demeures; l'assûrance des particuliers consistoit en l'innocence de tous, & les vertus & les vices n'admettoient point encore de différence parmi les hommes; mais lorsque l'avarice & l'ambition donnerent lieu aux commandemens & aux conquêtes, la foiblesse cédant à la force, l'oppression suivit les vaincus ». Les moins puissans se réunirent ensemble dans le même lieu, pour être plus en état de se défendre: de - là l'origine des villes. On s'appliqua à les entourer d'une enceinte, capable d'en fermer l'entrée à l'ennemi. Cette enceinte fut d'abord de simples palissades, puis de murs entourés de fossés; on y ajoûta ensuite des tours. Voyez Fortification.

A mesure que la fortification se perfectionnoit, l'ennemi inventoit différentes machines propres à en détruire les ouvrages: telles furent le bélier & les autres machines de guerre des anciens. Voy. Bélier, Baliste, Catapulte , &c.

Ces machines ont été en usage jusqu'à l'invention de la poudre, qui donna lieu d'imaginer le canon, le mortier, les arquebuses, les mousquets, les fusils, & nos autres armes à seu.

L'invention ou la découverte de la poudre à canon, qui a donné lieu de changer l'ancienne fortification, n'a pas introduit beaucoup de nouveautés dans les armes offensives du soldat. Le fusil répond assez exactement aux armes de jet des anciens; mais les armes défensives ont été abandonnées insensiblement dans l'infanterie, à cause de la difficulté d'en avoir d'assez fortes pour résister à la violence du fusil. La cavalerie a seulement des plastrons ou des devants de cuirasse, & les officiers des cuirasses entieres, que les réglemens les obligent de porter. Voyez Armes défensives.

Dans les commencemens, où les armées s'éloignoient peu de leur demeure ordinaire, & où elles étoient peu de jours en campagne, les troupes pouvoient rester sans inconvéniens exposées aux injures de l'air. Mais lorsqu'on voulut leur faire tenir la campagne plus long - tems, on imagina de leur donner des tentes ou des especes de maisons de toile, que les soldats pouvoient porter avec eux. On forma alors des camps, & l'on fit camper les armées. Voyez Castramétation.

On pensa aussi alors à fortifier ces camps, pour les mettre à l'abri des surprises de l'ennemi, faire reposer les troupes plus tranquillement, & diminuer le grand nombre de gardes qu'il auroit fallu pour la sûreté du camp.

Toutes les différentes choses dont nous venons de parler, se sont insensiblement établies par l'usage parmi toutes nations policées. Celles qui y ont donné le plus d'attention & qui les ont portées au plus grand point de perfection, ont toûjours eu un avantage considérable sur celles qui les avoient plus négligées. Ce n'est pas le grand nombre qui décide des succès à la guerre, mais l'habileté des chefs, & la bonté des troupes disciplinées avec soin, & formées dans tous les exercices & les manoeuvres militaires. De - là vient que les Grecs, auxquels on est particulierement redevable des progrès de l'art militaire, avoient trouvé le moyen avec de petites armées de vaincre les nombreuses armées des Perses. Rien de plus admirable que la fameuse retraite des dix mille de Xenophon. Ces grecs, quoiqu'en petit nombre au milieu de l'empire des Perses, ayant près de huit cents lieues à faire pour se retirer, ne pûrent être entamés par les forces d'Artaxerxès. Ils surmonterent par leur courage & par l'habileté de leurs chefs tous les obstacles qui s'opposoient à leur retour.

Quelqu utiles que soient l'exercice & la discipline pour former de bonnes troupes, l'art de la guerre ne consiste pas uniquement dans cet objet. Ce n'est qu'un moyen de parvenir plus sûrement à réussir dans ses entreprises: ce qui appartient essentiellement à l'art de la guerre, & qui le caractérise, c'est l'art de savoir employer les troupes pour leur faire exécuter tout ce qui peut réduire l'ennemi plus promptement, & le forcer à faire la paix; car la guerre est un état violent qui ne peut durer, & l'on ne doit la faire que pour se procurer la joüissance des douceurs & des avantages de la paix.

Il est facile avec de la bonne volonté, de l'application, & un peu de discernement, de se mettre au fait de toutes les regles ordinaires de la guerre, & de savoir les différentes manoeuvres des troupes; mais le génie de la guerre ne peut se donner ni s'acquérir par l'étude. Elle peut seulement le perfectionner. On peut appliquer à l'art de la guerre ce que l'Horace françois dit du jeu d'échets comparé à l'art de faire des vers.

Savoir la marche est chose très - unie, Joüer le jeu, c'est le fruit du génie; Je dis le fruit du génie achevé, Par longue étude & travail cultivé.

Savoir toutes les manoeuvres de la guerre, tout ce qui concerne l'ordre, la disposition & l'arrangement des troupes, tout cela quoique très - utile en soi & absolument nécessaire au général, est chose très - unie. Mais faire la guerre avec succès, rompre les desseins de l'ennemi, trouver le moyen d'éluder sa supériorité, faire des entreprises continuellement sur lui sans qu'il puisse s'y opposer, c'est - là le véritable fruit du génie, & du génie achevé par longue étude & travail cultivé.

« Si un nomme, dit M. le maréchal de Saxe, n'est pas né avec les talens de la guerre, & que ces talens ne soient perfectionnés, il ne sera jamais qu'un général médiocre: l'application rectifie les idées, mais elle ne donne jamais l'ame; c'est l'ouvrage de la nature ».

Mais quelqu'avantage qu'on en ait reçû, si on ne cultive pas ses talens par l'étude & la méditation, il ne faut pas espérer, dit M. de Folard, que Dieu nous accorde la science de la guerre par infusion. « Cependant à voir, dit - il, le peu d'application que chacun apporte à s'y rendre capable, on croiroit assez qu'elle s'apprend en un jour, & que cette lumiere d'ordre, de ruse, d'artifice pour s'en bien démêler, de profondeur dans la conduite des guerres les plus difficiles, de prévoyance & de précaution qui nous éclaire, qui ne se perd ni ne s'éteint point dans les dangers les plus éminens, naît avec nous, & que nous sommes de ces génies extraordinaires que la providence se plait quelquefois à faire paroître dans le monde & de loin, pour sauver ou renverser les monarchies ».

On ne peut acquérir la science de la guerre que par l'étude & par la pratique. La pratique seule sans la théorie ne peut jamais donner que des connoissances fort bornées. Il faut qu'elle soit aidée & soûtenue par les lumieres de la cheorie.

On a vû dans l'article Etude militairf, quelles sont les différentes connoissances qui servent de base

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