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GUERRE (Page 7:985)
GUERRE, sub. f. (Art milit. & Hist.) différend entre des princes ou des états, qui se décide par la force ou par la voie des armes. C'est - là à - peu - pres la définition de Grotius, qui dit que la guerre est l'état de ceux qui tachent de vuider leurs différends par la voie de la force.
Suivant Montecuculli, la guerre est une action d'armces qui se choquent en toute sorte de maniere, & dont la fin est la victoire. Cette définition n'est pas absolument exacte, parce que lorsqu'un état puissant en attaque un plus foible, le but de la guerre dans le dernier n'est pas tant de remporter la victoire sur l'aggresseur, que de s'opposer à ses desseins.
Quoi qu'il en soit, l'idée de la guerre est trop commune & ses effets trop connus, pour s'arrêter à l'expliquer plus particulierement. Comme les princes n'ont point de tribunal sur terre qui puisse juger de leurs diffcrends & de leurs prétentions, c'est la guerre ou la force qui peut seule en décider, & qui en décide ordinairement.
Nous n'entrerons dans aucun détail sur les différentes circonstances qui rendent les guerres justes ou injustes. Nous renvoyons pour ce sujet au savant traité de Grotius, de jure belli ac pacis; nous donnerons seulement une legere idce de la guerre offensive & de la guerre défensive. Elles peuvent se diviser chacune en guerre de campagne, & en guerre des siéges.
La guerre offensive est celle dans laquelle on se propose d'attaquer l'ennemi. Dans la défensive, on a pour principal objet de résister aux efforts de l'ennemi, & de l'empêcher de faire des conquêtes.
La guerre de campagne est celle qui se fait entre deux armees opposées. A l'égard de celle des siéges, elle consiste dans l'attaque & dans la défense des places.
Avant que d'entrer dans quelque détail sur ce sujet,
observons d'abord que la guerre est un art qui a
ses regles & ses principes, & par conséquent sa théorie
& sa pratique.
L'etude d'un art si important doit, selon M. de Folard, faire la principale occupation des princes &
des grands. Rien de plus brillant que la carriere
d'un général qui fait servir sa science, son zele, &
son courage au service du prince & de la patrie:
Les regles ou les principes de la guerre qui en forment la théorie, ne sont autre chose que le fruit des observations faites en differens tems pour faire combatire les hommes le plus avantageusement qu'il est possible. Thucidide remarque que la fameuse guerre du Peloponnese servit à augmenter l'expérience des Grecs dans l'art militaire; parce que comme cette guerre sut souvent interrompue & recommencée, chacun s'appliquoit à rectifier les fautes qui avoient été remarquées dans les campagnes précédentes.
La premiere idee qu'on a du avoir lorsqu'on a
Les premieres armes furent d'abord sort simples; c'étoit de gros bâtons, ou des especes de massues ou casse - têtes, ainsi qu'en ont encore aujourd'hui les Sauvages. On dut aussi se servir de pierres, qu'on jettoit de loin avec la main: mais on trouva bientôt l'invention de la fronde, pour les jetter de plus loin & avec plus de force. Il y a apparence qu'on songea ensuite à armer les bâtons d'un fer pointu; qu'on trouva, bientôt apres l'invention des épées ou des sabres; & qu'à l'imitation des pierres qu'on lançoit avec la fronde, on imagina l'arc pour lancer également les fleches: car toutes ces armes sont de la plus haute antiquité.
Après avoir arme les combattans, il fut aisé de s'appercevoir qu'en les faisant agir en foule & sans ordre, ils ne pouvoient se servir de leurs armes, & qu'ils s'embarrasseroient réciproquement.
Pour remédier à cet inconvénient, on les forma
sur des lignes droites, & l'on mit plusieurs de ces
lignes les unes derriere les autres, pour en augmenter
la force. Voyez
Apres avoir armé les troupes & leur avoir donné
l'arrangement précédent, il fallut leur apprendre à
se servir de leurs armes, 7 à se mouvoir en ordre de
tous les sens; c'est - à - dire qu'il fallut leur apprendre
l'exercice ou le maniement des armes, & les évolutions. Voyez
Les hommes en faisant usage de leurs armes contre
l'ennemi, chercherent à se couvrir ou à se garentir
de l'effes des siennes. Pour cet effet on imagina
les armes défensives, telles que les casques, cuirasses,
bouchers, &c. Voyez
Les troupes étant armees ou exercées, il fallut les diviser en plusieurs corps, propres à agir & à se mouvoir facilement: de - là l'origine des compagnies, des cohortes, des régimens, des bataillons, &c.
On songea aussi à arranger ces différens corps entrleux,
comme les troupes le sont dans leurs corps
particuliers, & l'on forma les ordres de bataille sur
deux ou trois lignes de troupes. Voyez
On ne s'avisa vraissemblablement pas dans les premiers tems de faire combattre les hommes à cheval; mais il fut aisé de s'appercevoir bien tôt du besoin de la cavalerie pour poursuivre l'énnemi, le disperser après sa défaite, & l'empêcher de se rallier.
Il y a apparence que la cavalerie fut d'abord destinée à cet effet, & qu'elle ne consistoit guere qu'en troupes legeres: mais on vit ensuite que cette cavalerie pourroit encore rendre d'autres services; qu'elle étoit propre en plaine à combattre l'ennemi, & que d'ailleurs par la rapidité de ses mouvemens, elle pouvoit se transporter bien - tôt d'un lieu en un autre & se tirer du danger bien plus promptement que l'infanterie: on forma donc des corps de cavalerie plus ou moins nombreux, suivant la nature des peuples & des pays où l'on faisoit la guerre (a).
La cavalerie pouvant harceler l'infanterie en campagne, & essayer de la defatre sans craindre de se commettre par la facilité qu'elle a de se retirer, on imagina des armes de longueur pour la tenir en respect; c'est - à - dire qu'on inventa les sarisses ou les piques, dont la longueur empéchoit le cheval du cavalier de tomber sur le fantassin: par - là l'infanterie
(a) Il n'est pas question d'examiner ici si les anciens, au lieu de monter sur les chevaux pour combattre, les ont d'abord attelés à des chars. Nous renvoyons pour ce sujet à l'article[p. 986]Equipation . Il nous suffit que la cavalerie ait été de la plus haute antiquité dans les armées, & c'est surquoi les anciens auteurs ne laissent aucun doute.
Il est vraissemblable que les différentes choses dont
on vient de parler, occuperent d'abord les nations
guerrieres, & que la fortification doit aussi son origine
aux premieres entreprises des puissances qui
vouloient s'assujettir les autres.
A mesure que la fortification se perfectionnoit,
l'ennemi inventoit différentes machines propres à
en détruire les ouvrages: telles furent le bélier & les
autres machines de guerre des anciens. Voy.
Ces machines ont été en usage jusqu'à l'invention de la poudre, qui donna lieu d'imaginer le canon, le mortier, les arquebuses, les mousquets, les fusils, & nos autres armes à seu.
L'invention ou la découverte de la poudre à canon,
qui a donné lieu de changer l'ancienne fortification,
n'a pas introduit beaucoup de nouveautés
dans les armes offensives du soldat. Le fusil répond
assez exactement aux armes de jet des anciens; mais
les armes défensives ont été abandonnées insensiblement
dans l'infanterie, à cause de la difficulté d'en
avoir d'assez fortes pour résister à la violence du fusil.
La cavalerie a seulement des plastrons ou des devants
de cuirasse, & les officiers des cuirasses entieres,
que les réglemens les obligent de porter. Voyez
Dans les commencemens, où les armées s'éloignoient
peu de leur demeure ordinaire, & où elles
étoient peu de jours en campagne, les troupes pouvoient
rester sans inconvéniens exposées aux injures
de l'air. Mais lorsqu'on voulut leur faire tenir la
campagne plus long - tems, on imagina de leur donner
des tentes ou des especes de maisons de toile,
que les soldats pouvoient porter avec eux. On forma
alors des camps, & l'on fit camper les armées. Voyez
On pensa aussi alors à fortifier ces camps, pour les mettre à l'abri des surprises de l'ennemi, faire reposer les troupes plus tranquillement, & diminuer le grand nombre de gardes qu'il auroit fallu pour la sûreté du camp.
Toutes les différentes choses dont nous venons de parler, se sont insensiblement établies par l'usage parmi toutes nations policées. Celles qui y ont donné le plus d'attention & qui les ont portées au plus grand point de perfection, ont toûjours eu un avantage considérable sur celles qui les avoient plus négligées. Ce n'est pas le grand nombre qui décide des succès à la guerre, mais l'habileté des chefs, & la bonté des troupes disciplinées avec soin, & formées dans tous les exercices & les manoeuvres militaires. De - là vient que les Grecs, auxquels on est particulierement redevable des progrès de l'art militaire, avoient
Quelqu utiles que soient l'exercice & la discipline pour former de bonnes troupes, l'art de la guerre ne consiste pas uniquement dans cet objet. Ce n'est qu'un moyen de parvenir plus sûrement à réussir dans ses entreprises: ce qui appartient essentiellement à l'art de la guerre, & qui le caractérise, c'est l'art de savoir employer les troupes pour leur faire exécuter tout ce qui peut réduire l'ennemi plus promptement, & le forcer à faire la paix; car la guerre est un état violent qui ne peut durer, & l'on ne doit la faire que pour se procurer la joüissance des douceurs & des avantages de la paix.
Il est facile avec de la bonne volonté, de l'application, & un peu de discernement, de se mettre au fait de toutes les regles ordinaires de la guerre, & de savoir les différentes manoeuvres des troupes; mais le génie de la guerre ne peut se donner ni s'acquérir par l'étude. Elle peut seulement le perfectionner. On peut appliquer à l'art de la guerre ce que l'Horace françois dit du jeu d'échets comparé à l'art de faire des vers.
Savoir la marche est chose très - unie, Joüer le jeu, c'est le fruit du génie; Je dis le fruit du génie achevé, Par longue étude & travail cultivé.
Savoir toutes les manoeuvres de la guerre, tout ce qui concerne l'ordre, la disposition & l'arrangement des troupes, tout cela quoique très - utile en soi & absolument nécessaire au général, est chose très - unie. Mais faire la guerre avec succès, rompre les desseins de l'ennemi, trouver le moyen d'éluder sa supériorité, faire des entreprises continuellement sur lui sans qu'il puisse s'y opposer, c'est - là le véritable fruit du génie, & du génie achevé par longue étude & travail cultivé.
Mais quelqu'avantage qu'on en ait reçû, si on ne
cultive pas ses talens par l'étude & la méditation,
il ne faut pas espérer, dit M. de Folard, que Dieu
nous accorde la science de la guerre par infusion.
On ne peut acquérir la science de la guerre que par l'étude & par la pratique. La pratique seule sans la théorie ne peut jamais donner que des connoissances fort bornées. Il faut qu'elle soit aidée & soûtenue par les lumieres de la cheorie.
On a vû dans l'article Next page
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