ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"908"> Ciel, & se tinrent cachés dans les entrailles de la Terre. La Terre irrita ses enfans contre son époux, & Saturne coupa les testicules au Ciel. Le sang de la blessure tomba sur la Terre, & produisit les Géants, les Nymphes & les Furies. Des testicules jettés dans la Mer naquit une déesse, autour de laquelle les Amours se rassemblerent: c'étoit Vénus. Le Ciel prédit à ses enfans qu'il seroit vengé. La Nuit engendra le Destin, Nemesis, les Hespérides, la Fraude, la Dispute, la Haine, l'Amitié, Momus, le Sommeil, la troupe legere des Songes, la Douleur & la Mort. La Dispute engendra les Travaux, la Mémoire, l'Oubli, les Guerres, les Meurtres, le Mensonge & le Parjure. La Mer engendre Nérée, le juste & véridique Nérée; & après lui, des fils & des filles, qui engendrerent toutes les races divines. L'Océan & Thétis eurent trois mille enfans. Rhéa fut mere de la Lune, de l'Aurore & du Soleil. Le Styx fils de l'Océan engendra Zelus, Nicé, la Force & la Violence, qui furent toûjours assises à côté de Jupiter. Phébé & Caeus engendrerent Latone, Astérie & Hécate, que Jupiter honora par - dessus toutes les immortelles. Rhéa eut de Saturne Vesta, Cerès, Pluton, Neptune & Jupiter, pere des dieux & des hommes. Saturne qui savoit qu'un de ses enfans le déthroneroit un jour, les mange à mesure qu'ils naissent; Rhéa conseillée par la Terre & par le Ciel, cache Jupiter le plus jeune dans un antre de l'ile de Crete, &c.

Voilà ce qu'Hésiode nous a transmis en très - beaux vers, le tout mêlé de plusieurs autres rêveries greques. Voyez, dans Brucker, tome I. pag. 417. le commentaire qu'on a fait sur ces réveries. Si l'on s'en est servi pour cacher quelques vérités, il faut avoüer qu'on y a bien réussi. Si Hésiode pouvoit revenir au monde, & qu'il entendît seulement ce que les Chimistes voyent dans la fable de Saturne, je crois qu'il seroit bien surpris. De tems immémorial, les planetes & les métaux ont été désignés par les mêmes noms. Entre les métaux, Saturne est le plomb. Saturne dévore presque tous ses enfans; & pareillement le plomb attaque la plûpart des substances métalliques: pour le guérir de cette avidité cruelle, Rhéa lui fait avaler une pierre; & le plomb uni avec les pierres, se vitrifie & ne fait plus rien aux métaux qu'il attaquoit, &c. Je trouve dans ces sortes d'explications beaucoup d'esprit, & peu de vérité.

Une réflexion qui se présente à la lecture du poëme d'Hésiode, qui a pour titre, des jours & des travaux, c'est que dans ces tems la pauvreté étoit un vice; le pain ne manquoit qu'au paresseux: & cela devroit être ainsi dans tout état bien gouverné.

On cite encore parmi les théogonistes & les fondateurs de la philosophie fabuleuse des Grecs, Epiménide de Crete, & Homere.

Epiménide ne fut pas inutile à Solon dans le choix des lois qu'il donna aux Athéniens. Tout le monde connoît le long sommeil d'Epiménide: c'est, selon toute apparence, l'allégorie d'une longue retraite.

Homere théologien, philosophe & poëte, écrivit environ 900 ans avant l'ere chrétienne. Il imagina la ceinture de Vénus, & il fut le pere des graces. Ses ouvrages ont été bien attaqués, & bien défendus. Il y a deux mots de deux hommes célebres que je comparerois volontiers. L'un disoit qu'Homere n'avoit pas vingt ans à être lu; l'autre, que la religion n'avoit pas cent ans à durer. Il me semble que le premier de ces mots marque un défaut de philosophie & de goût, & le second un défaut de philosophie & de foi.

Voilà ce que nous avons pû rassembler de supportable sur la philosophie fabuleuse des Grecs. Passons à leur philosophie politique.

Philosophie politique des Grecs. La Religion, l'Eloquence, la Musique & la Poésie, avoient préparé les peuples de la Grece à recevoir le joug de la législation; mais ce joug ne leur étoit pas encore imposé. Ils avoient quitté le fond des forêts; ils étoient rassemblés; ils avoient construit des habitations, & élevé des autels; ils cultivoient la terre, & sacrifioient aux dieux: du reste sans conventions qui les liassent entre eux, sans chefs auxquels ils se fussent soûmis d'un consentement unanime, quelques notions vagues du juste & de l'injuste étoient toute la regle de leur conduite; & s'ils étoient retenus, c'étoit moins par une autorité publique, que par la crainte du ressentiment particulier. Mais qu'est ce que cette crainte? qu'est - ce même que celle des dieux? qu'estce que la voix de la conscience, sans l'autorité & la menace des lois? Les lois, les lois; voilà la seule barriere qu'on puisse élever contre les passions des hommes: c'est la volonté générale qu'il faut opposer aux volontés particulieres; & sans un glaive qui se meuve également sur la surface d'un peuple, & qui tranche ou fasse baisser les têtes audacieuses qui s'élevent, le foible demeure exposé à l'injure du plus fort; le tumulte regne, & le crime avec le tumulte; & il vaudroit mieux pour la sûreté des hommes, qu'ils fussent épars, que d'avoir les mains libres & d'être voisins. En effet, que nous offre l'histoire des premiers tems policés de la Grece? des meurtres, des rapts, des adulteres, des incestes, des parricides; voilà les maux auxquels il falloit remédier, lorsque Zaleucus parut. Personne n'y étoit plus propre par ses talens, & moins par son caractere: c'étoit un homme dur; il avoit été pâtre & esclave, & il croyoit qu'il falloit commander aux hommes comme à des bêtes, & mener un peuple comme un troupeau.

Si un européen avoit à donner des lois à nos sauvages du Canada, & qu'il eût été témoin des excès auxquels ils se portent dans l'ivresse, la premiere idée qui lui viendroit, ce seroit de leur interdire l'usage du vin. Ce fut aussi la premiere loi de Zaleucus: il condamna l'adultere à avoir les yeux crevés; & son fils ayant été convaincu de ce crime, il lui fit arracher un oeil, & se fit arracher l'autre. Il attacha tant d'importance à la législation, qu'il ne permit à qui que ce fût d'en parler qu'en présence de mille citoyens, & qu'avec la corde au cou. Ayant transgressé dans un tems de guerre la loi par laquelle il avoit décerné la peine de mort contre celui qui paroîtroit en armes dans les assemblées du peuple, il se punit lui - même en s'ôtant la vie. On attribue la plûpart de ces faits, les uns à Charondas, les autres à Dioclès de Syracuse. Quoi qu'il en soit, ils n'en montrent pas moins combien on exigeoit de respect pour les lois, & quel danger on trouvoit à en abandonner l'examen aux particuliers.

Charondas de Catane s'occupa de la politique, & dictoit ses lois dans le même tems que Zaleucus faisoit exécuter les siennes. Les fruits de sa sagesse ne demeurerent pas renfermés dans sa patrie, plusieurs contrées de l'Italie & de la Sicile en profiterent.

Ce fut alors que Triptoleme poliça les villes d'Eleusine; mais toutes ses institutions s'abolirent avec le tems.

Dracon les recueillit, & y ajoûta ce qui lui fut suggéré par son humeur féroce. On a dit do lui, que ce n'étoit point avec de l'encre, mais avec du sang qu'il avoit écrit ses lois.

Solon mitigea le système politique de Dracon, & l'ouvrage de Solon fut perfectionné dans la suite par Thesée, Clisthene, Démetrius de Phalere, Hipparque, Pisistrate, Periclès, Sophocle, & d'autres génies du premier ordre.

Le célebre Lycurgue parut dans le courant de la premiere olympiade. Il étoit reservé à celui - ci d'assujettir tout un peuple à une espece de regle monastique. Il connoissoit les gouvernemens de l'Egypte. [p. 909] Il n'écrivit point ses lois. Les souverains en furent les dépositaires; & ils purent, selon les circonstances, les étendre, les restreindre, ou les abroger, sans inconvénient: cependant elles étoient le sujet des chants de Tyrtée, de Terpandre, & des autres poëtes du tems.

Rhadamante, celui qui mérita par son intégrité la fonction de juge aux ensers, fut un des législateurs de la Crete. Il rendit ses institutions respectables, en les proposant au nom de Jupiter. Il porta la crainte des dissensions que le culte peut exciter, ou la vénération pour les dieux, jusqu'à défendre d'en prononcer le nom.

Minos fut le successeur de Rhadamante, l'émule de sa justice en Crete, & son collégue aux enfers. Il alloit consulter Jupiter dans les antres du mont Ida; & c'est de - là qu'il rapportoit aux peuples non ses ordonnances, mais les volontés des dieux.

Les sages de Grece succéderent aux législateurs. La vie de ces hommes, si vantés pour leur amour de la vertu & de la verité, n'est souvent qu'un tissu de mensonges & de puérilités, à commencer par l'historiette de ce qui leur mérita le titre de sages.

De jeunes Ioniens rencontrent des pêcheurs de Milet, ils en achetent un coup de filet; on tire le filet, & l'on trouve parmi des poissons un trépié d'or. Les jeunes gens prétendent avoir tout acheté, & les pêcheurs n'avoir vendu que le poisson. On s'en rapporté à l'oracle de Delphe, qui adjuge le trépié au plus sage des Grecs. Les Milésiens l'offrent à Thalès, le sage Thales le transmet au sage Bias, le sage Bias à Pittacus, Pittacus à un autre sage, & celui - ci à Solon, qui restitua à Apollon le titre de sage & le trépié.

La Grece eut sept sages. On entendoit alors par un sage, un homme capable d'en conduire d'autres. On est d'accord sur le nombre; mais on varie sur les personnages. Thalès, Solon, Chilon, Pittacus, Bias, Cléobule & Periandre, sont le plus généralement reconnus. Les Grecs ennemis du despotisme & de la tyrannie, ont substitué à Periandre, les uns Myson, les autres Anacharsis. Nous allons commencer par Myson.

Myson naquit dans un bourg obscur. Il suivit le genre de vie de Timon & d'Apémante, se garantit de la vanité ridicule des Grecs, encouragea ses concitoyens à la vertu, plus encore par son exemple que par ses discours, & fut véritablement un sage.

Thalès fut le fondateur de la secte ionique. Nous renvoyons l'abregé de sa vie à l'article Ionienne, (Philosophie) où nous ferons l'histoire de ses opinions.

Solon succéda à Thalès. Malgré la pauvreté de sa famille, il joüit de la plus grande considération. Il descendoit de Codrus. Exécestide, pour réparer une fortune que sa prodigalité avoit épuisée, jetta Solon son fils dans le commerce. La conncissance des hommes & des lois fut la principale richesse que le philosophe rapporta des voyages que le commerçant entreprit. Il eut pour la Poésie un goût excessif, qu'on lui a reproché. Personne ne connut aussi - bien l'esprit leger & les moeurs frivoles de ses concitoyens, & n'en sut mieux profiter. Les Athéniens desespérant, après plusieurs tentatives inutiles, de recouvrer Salamine, décernerent la peine de mort contre celui qui oseroit proposer derechef cette expédition. Solon trouva la loi honteuse & nuisible. Il contrefit l'insensé; & le front ceint d'une couronne, il se présenta sur une place publique, & se mit à réciter des élégies qu'il avoit composées. Les Athéniens se rassemblent autour de lui; on écoute; on applaudit; il exhorte à reprendre la guerre contre Salamine. Pisistrate l'appuie; la loi est révoquée; on marche contre les habitans de Megare; ils sont défaits, & Sala<cb-> mine est recouvrée. Il s'agissoit de prévenir l'ombrage que ce succès pouvoit donner aux Lacédémoniens, & l'allarme que le reste de la Grece en pouvoit prendre; Solon s'en chargea, & y réussit: mais ce qui mit le comble à sa gloire, ce fut la défaite des Cyrrhéens, contre lesquels il conduisit ses compatriotes, & qui furent séverement châtiés du mépris qu'ils avoient affecté pour la religion.

Ce fut alors que les Athéniens se diviserent sur la forme du gouvernement; les uns inclinoient pour la démocratie; d'autres pour l'oligarchie, ou quelque administration mixte. Les pauvres étoient obérés au point que les riches devenus maîtres de leurs biens & de leur liberté, l'étoient encore de leurs enfans: ceux - ci ne pouvoient plus supporter leur misere; le trouble pouvoit avoir des suites fâcheuses. Il y eut des assemblées. On s'adressa d'une voix générale à Solon, & il fut chargé d'arrêter l'état sur le penchant de sa ruine. On le créa archonte, la troisieme année de la quarante - sixieme olympiade; il rétablit la police & la paix dans Athenes; il soulagea les pauvres, sans trop mécontenter les riches; il divisa le peuple en tribus; il institua des chambres de judicature; il publia ses lois; & employant alternativement la persuasion & la force, il vint à - bout des obstacles qu'elles rencontrerent. Le bruit de sa sagesse pénétra jusqu'au fond de la Scythie, & attira dans Athenes Anacharsis & Toxaris, qui devinrent ses admirateurs, ses disciples & ses amis.

Après avoir rendu à sa patrie ce dernier service; il s'en exila. Il crut que son absence étoit nécessaire pour accoûtumer ses concitoyens, qui le fatiguoient sans cesse de leurs doutes, à interpréter eux - mêmes ses lois. Il alla en Egypte, où il sit connoissance avec Psenophe; & dans la Crete, où il fut utile au souverain par ses conseils; il visita Thalès; il vit les autres sages; il conféra avec Périandre, & il mourut en Chypre âgé de 80 ans. Le desir d'apprendre qui l'avoit consumé pendant toute sa vie, ne s'éteignit qu'avec lui. Dans ses derniers momens, il étoit encore environné de quelques amis, avec lesquels il s'entretenoit des sciences qu'il avoit tant chéries.

Sa philosophie pratique étoit simple; elle se reduisoit à un petit nombre de maximes communes, telles que celles - ci: ne s'écarter jamais de la raison: n'avoir aucun commerce avec le méchant: méditer les choses utiles: éviter le mensonge: être fidele ami: en tout considérer la fin; c'est ce que nous disons à nos enfans: mais tout ce qu'on peut faire dans l'âge mûr, c'est de pratiquer les leçons qu'on a reçûes dans l'enfance.

Chilon de Lacédémone fut élevé à l'éphorat sous Eutydeme. Il n'y eut guere d'homme plus juste. Parvenu à une extrème vieillesse, la seule faute qu'il se reprochoit, c'étoit une foiblesse d'amitié qui avoit soustrait un coupable à la sévérité des lois. Il étoit patient, & il répondoit à son frere, indigné de la préférence que le peuple lui avoit accordée pour la magistrature: tu ne sais pas supporter une injure, & je le sais moi. Ses mots sont laconiques. Connois toi: rien de trop: laisse en repos les morts. Sa vie fut d'accord avec ses maximes Il mourut de joie, en embrassant son fils qui sortoit vainqueur des jeux olympiques.

Pittacus naquit à Lesbos, dans la 32e olympiade. Encouragé par les freres du poëte Alcée, & brûlant par lui - même du desir d'affranchir sa patrie, il débuta par l'exécution de ce dessein périlleux. En reconnoissance de ce service, ses concitoyens le nommerent général dans la guerre contre les Athéniens. Pittacus proposa à Phrinon qui commandoit l'ennemi, d'épargner le sang de tant d'honnêtes gens qui marchoient à leur suite, & de finir la querelle des deux peuples par un combat singulier. Le défi fut accepté. Pittacus enveloppa Phrinon dans un filet de pêcheur

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