ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"788"> homme fait, & aller dans sa chambre lui rendre l'hommage qu'on doit à la sagesse & à la vertu.

Quand l'enfant sera près de sortir de vos mains, ne vous relâchez en rien de vos soins ni de votre attention. Ne souffrez pas qu'il s'écarte de la soûmission accoûtumée. C'est une chose aussi déraisonnable qu'ordinaire, de préparer un enfant par plus d'indépendance à un état plus subordonné.

J'ai parlé des moeurs de l'enfant; je parlerai de son esprit au mot Institution, & ce ne sera qu'alors que je pourrai dire mon avis sur le choix d'une gouvernante. Article de M. Lefebvre.

GOUVERNE (Page 7:788)

GOUVERNE, s. f. (Comm.) terme usité dans les écritures mercantilles, pour signifier guide, regle, conduite: ainsi quand un négociant écrit à son correspondant ou commissionnaire que ce qu'il lui mande doit lui servir de gouverne, c'est - à - dire que le commissionnaire doit se gouverner, se guider, se regler conformément à ce que lui marque son commettant. Quelques - uns se servent aussi du mot gouverno, qui a précisément la même signification. Dict. de Com. (G)

GOUVERNEMENT (Page 7:788)

GOUVERNEMENT, s. m. (Droit nat. & polit.) maniere dont la souveraineté s'exerce dans chaque état. Examinons l'origine, les formes, & les causes de la dissolution des gouvernemens. Ce sujet mérite les regards attentifs des peuples & des souverains.

Dans les premiers tems, un pere etoit de droit le prince & le gouverneur né de ses enfans; car il leur auroit eté bien mal - aisé de vivre ensemble sans quelque espece de gouvernement: eh quel gouvernement plus simple & plus convenable pouvoit - on imaginer, que celui par lequel un pere exerçoit dans sa famille la puissance exécutrice des lois de la nature!

Il étoit difficile aux enfans devenus hommes faits, de ne pas continuer à leur pere l'autorité de ce gouvernement naturel par un consentement tacite; ils étoient accoûtumés à se voir conduire par ses soins, & à porter leurs differends devant son tribunal. La communauté des biens etablie entr'eux, les sources du desir d'avoir encore inconnues, ne faisoient point germer de disputes d'avarice; & s'il s'en élevoit quelqu'une sur d'autres sujets, qui pouvoit mieux les juger qu'un pere plein de lumieres & de tendresse?

L'on ne distinguoit point dans ces tems - là entre minorité & majorité; & si l'enfant étoit dans un âge à disposer de sa personne & des biens que le pere lui donnoit, il ne desiroit point de sortir de tutele, parce que rien ne l'y engageoit: ainsi le gouvernement auquel chacun s'étoit soûmis librement, continuoit toûjours à la satisfaction de chacun, & étoit bien plûtôt une protection & une sauve - garde, qu'un frein & une sujétion: en un mot les enfans ne pouvoient trouver ailleurs une plus grande sûreté pour leur paix, pour leur liberté, pour leur bonheur, que dans la conduite & le gouvernement paternel.

C'est pourquoi les peres devinrent les monarques politiques de leurs familles; & comme ils vivoient long tems, & laissoient ordinairement des héritiers capables & dignes de leur succéder, ils jettoient parlà les fondemens des royaumes héréditaires ou electifs, qui depuis ont été reglés par diverses constitutions & par diverses lois, suivant les pays, les lieux, les conjonctures & les occasions.

Que si après la mort du pere, le plus proche héritier qu'il laissoit n'étoit pas capable du gouvernement faute d'âge, de sagesse, de prudence, de courage, ou de quelque autre qualité; ou bien si diverses familles convenoient de s'unir & de vivre ensemble dans une société, il ne faut point douter qu'alors tous ceux qui composoient ces familles n'usassent de leur liberte naturelle, pour établir sur eux celui qu'ils jugeoient le plus capable de les gouverner. Nous voyons que les peuples d'Amérique qui vivent éloi<cb-> gnés de l'épée des conquérans, & de la domination sanguinaire des deux grands empires du Pérou & du Mexique, jouissent encore de leur liberté naturelle, & se conduisent de cette maniere; tantôt ils choisissent pour leur chef l'héritier du dernier gouverneur; tantôt le plus vaillant & le plus brave d'entre eux. Il est donc vraissemblable que tout peuple, quelque nombreux qu'il soit devenu, quelque vaste pays qu'il occupe, doit son commencement à une ou à plusieurs familles associées. On ne peut pas donner pour l'origine des nations, des établissemens par des conquêtes; ces évenemens sont l'effet de la corruption de l'état primitif des peuples, & de leurs desirs immodérés. Voyez Conquête.

Puisqu'il est constant que toute nation doit ses commencemens à une ou à plusieurs familles; elle a dû au - moins pendant quelque tems censerver la forme du gouvernement paternel, c'est - à - dire n'obeir qu'aux lois d'un sentiment d'affection & de tendresse, que l'exemple d'un chef excite & fomente emre des fieres & des proches: douce autorité qui leur rend tous les biens communs, & ne s'attribue elle - même la propriété de rien!

Ainsi chaque peuple de la terre dans sa naissance & dans son pays natal, a été gouverné comme nous voyons que le sont de nos jours les petites peuplades de l'Amérique, & comme on dit que se gouvernoient les anciens Scythes, qui ont été comme la pepiniere des autres nations: mais à - mesure que ces peuples se sont accrus par le nombre & l'étendue des familles, les sentimens d'union fraternelle ont dû s'affoiblir.

Celies de ces nations qui par des causes particulieres sont restées les moins nombreuses, & sont plus long - tems demeurées dans leur patrie, ont le plus constamment conservé leur premiere forme de gouvernement toute simple & toute naturelle: mais les nations qui trop resserrées dans leur pays, se sont vues obligées de transmigrer, ont été forcées par les circonstances & les embarras d'un voyage, ou par la situation & par la nature du pays où elles se sont portées, d'établir d'un libre consentement les formes de gouvernement qui convenoient le mieux à leur génie, à leur position & à leur nombre.

Tous les gouvernemens publics semblent evidemment avoir été formés par delibération, par consultation & par accord. Qui doute, par exemple, que Rome & Venise n'ay ent commencé par des hommes libres & indépendans les uns à l'égard des autres, entre lesquels il n'y avoit ni supériorité ni sujétion naturelle, & qui sont convenus de former une société de gouvernement? Il n'est pas cependant impossible, à considérer la nature en elle - même, que des hommes puissent vivre sans aucun gouvernement public. Les habitans du Pérou n'en avoient point; encore aujourd'hui les Chériquanas, les Floridiens & autres, vivent par troupes sans regles & sans lois: mais en général, comme il falloit chez les autres peuples moins sauvages repousser avec plus de sûreté les injures particulieres, ils prirent le parti de choisir une sorte de gouvernement & de s'y soûmettre, ayant reconnu que les desordres ne finiroient point, s'ils ne donnoient l'autorité & le pouvoir à quelqu'un ou à quelques - uns d'entr'eux de décider toutes les querelles, personne n'étant en droit sans cette autorité de s'ériger en seigneur & en juge d'aucun autre. C'est ainsi que se conduisirent ceux qui vinrent de Sparte avec Pallante, & dont Justin fait mention. En un mot toutes les sociétés politiques ont commencé par une union volontaire de particuliers, qui ont fait le libre choix d'une sorte de gouvernement; ensuite les inconvéniens de la forme de quelques-uns de ces gouvernemens, obligerent les mêmes hommes qui en étoient membres, de les réformer, de les changer, & d'en établir d'autres. [p. 789]

Dans ces sortes d'établissemens s'il est arrivé d'abord (ce qui peut être) qu'on se soit contenté de remettre tout à la sagesse & à la discrétion de celui ou de ceux qui furent choisis pour premiers gouverneurs, l'expérience fit voir que ce gouvernement arbitraire détruisoit le bien public, & aggravoit le mal loin d'y remédier: c'est pourquoi en sit des lois, dans lesquelles chacun put lire son devoir & connoître les peines que méritent ceux qui les violent.

La principale de ces lois fut que chacun auroit & posséderoit en sûreté ce qui lui appartenoit en propre. Cette loi est de droit naturel. Quel que soit le pouvoir qu'on accorde à ceux qui gouvernent, ils n'ont point le droit de se saisir des biens propres d'aucun sujet, pas même de la moindre portion de ces biens, contre le consentement du propriétaire. Le pouvoir le plus absolu, quoiqu'absolu quand il est nécessaire de l'exercer, n'est pas même arbitraire sur cet article; le salut d'une armée & de l'état demande qu'on obéisse aveuglement aux officiers supérieurs: un soldat qui fait signe de contester est puni de mort; cependant le général même avec tout son pouvoir de vie & de mort, n'a pas celui de disposer d'un denier du bien de ce soldat, ni de se saisir de la moindre partie de ce qui lui appartient en propre.

Je sai que ce général peut faire des conquêtes, & qu'il y a des auteurs qui regardent les conquetes comme l'origine & le fondement des gouvernemens: mais les conquêtes sont aussi éloignees d'être l'origine & le fondement des gouvernemens, que la démolition d'une maison est éloignée d'être la vraie cause de la construction d'une autre maison dans la même place. A la vérité la destruction d'un état prépare un nouvel état; mais la conquête qui l'établit par la force n'est qu'une injustice de plus: toute puissance souveraine légitime doit émaner du consentement libre des peuples.

Quelques - uns de ces peuples ont placé cette puissance souveraine dans tous les chefs de famille assemblés, & réunis en un conseil, auquel est devolu le pouvoir de faire des lois pour le bien public, & de faire exécater ces lois par des magistrats commis à cet effet; & alors la forme de ce gouvernemint se nomme une démocratie. Voyez Démocratie.

D'autres peuples ont attribue toute l'autorité souveraine à un conseil, compose des principaux citoyens, & alors la forme de ce gouvernement s'appelle une aristocratie. Voyez Aristocratie.

D'autres nations ont confié indivisement la souveraine puissance & tous les droits qui lui sont essentiels, entre les mains d'un seul homme, roi, monarque ou empereur; & alors la forme de ce gouvernement est une monarchle. Voyez Monarchie.

Quand le pouvoir est remis entre les mains de ce seul homme, & ensuite de ses héritiers, c'est une monarchie héréditaire; s'il lui est confié seulement pendant sa vie, & à condition qu'après sa mort le pouvoir retourne à ceux qui l'ont donné, & qu'ils nommeront un successeur, c'est une monarchie élective.

D'autres peuples faisant une espece de partage de souveraineté, & mélangeant pour ainsi dire les formes des gouvernemens dont on vient de parler, en ont confié les différentes parties en differentes mains, ont tempéré la monarchie par l'aristocratie, & en même tems ont accordé au peuple quelque part dans la souveraineté.

Il est certain qu'une société a la liberté de former un gouvernement de la maniere qu'il lui plait, de le mêler & de le combiner de differentes façons. Si le pouvoir législatif a été donné par un peuple à une personne, ou à plusieurs à vie, ou pour un tems limité, quand ce tems - là est fini, le pouvoir souverain retourne à la société dont il émane. Dès qu'il y est retourné, la societé en peut de nouveau disposer comme il lui plait, le remettre entre les mains de ceux qu'elle trouve bon, de la maniere qu'elle juge à - propos, & ainsi ériger une nouvelle forme de gouvernement. Que Pussendorff qualine tant qu'il voudra toutes les sortes de gouvernemens mixtes du nom d'irréguliers, la véritable régularité sera toujours celle qui sera le plus conforme au bien des societés civiles.

Quelques écrivains politiques prétendent que tous les nommes étant nés sous un gouvernement, n'ont point la liberte d'en instituer un nouveau: chacun, disent - ils, nait sujet de son pere ou de son prince, & par conséquent chacun est dans une perpétuelle obligation de sujetion ou de fidélité. Ce raisonnement est plus spécieux que solide. Jamais les hommes n'ont regardé aucune sujétion naturelle dans laquelle ils soient nés, à l'égard de leur pere ou de leur prince, comme un lien qui les oblige sans leur propre consentement à se soûmettre à eux. L'histoire sacrée & profane nous fournissent de fréquens exemples d'une multitude de gens qui se sont retirés de l'obéissance & de la jurisdiction sous laquelle ils étoient nés, de la famille & de la communauté dans laquelle ils avoient été nourris, pour établir ailleurs de nouvelles sociétés & de nouveaux gouvernemens.

Ce sont ces émigrations, également libres & légitimes, qui ont produit un si grand nombre de petites sociétés, lesquelles se répandirent en différens pavs, se multiplierent, & y séjournerent autant qu'elles trouverent dequoi subsister, ou jusqu'à ce que les plus forts engloutissant les plus foibles, établirent de leurs débris de grands empires, qui à leur tour ont été brises & dissous en diverses petites dominations: au lieu de quantité de royaumes, il ne se seroit trouvé qu'une seule monarchie dans les premiers siecles, s'il étoit vrai que les hommes n'ayent pas eû la liberté naturelle de se separer de leurs familles & de leur gouvernement, quel qu'il ait été, pour en ériger d'autres à leur fantaisie.

Il est clair par la pratique des gouvernemens eux - mêmes, aussi - bien que par les lois de la droite raison, qu'un enfant ne nait sujet d'aucun pays ni d'aucun gouvernement; il demeure sous la tutele & l'autorite de son pere, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'âge de raison. A cet âge de raison, il est homme libre, il est maitre de choisir le gouvernement sous lequel il trouve bon de vivre, & de s'unir au corps politique qui lui plaît davantage; rien n'est capable de le soûmettre à la sujétion d'aucun pouvoir sur la terre, que son seul consentement. Le consentement qui le soûmet à quelque gouvernement, est exprès ou tacite. Le consentement expres le rend sans contredit membre de la société qu'il adopte; le consentement tacite le lie aux lois du gouvernement dans lequel il jouit de quelque possession: mais si son obligation commence avec ses possessions, elle finit aussi avec leur joüissance. Alors des propriétaires de cette nature sont maîtres de s'incorporer à une autre communauté, & d'en ériger une nouvelle, in vacuis locis, comme on dit en termes de Droit, dans un desert, ou dans quelque endroit du monde, qui soit sans possesseurs & sans habitations.

Cependant, quoique les hommes soient libres de quitter un gouvernement, pour se soûmettre à un autre, il n'en faut pas conclure que le gouvernement auquel ils préferent de se soûmettre, soit plus légitime que celui qu'ils ont quitté; les gouvernemens de quelque espece qu'ils soient, qui ont pour fondement un acquiescement libre des peuples, ou expres, ou justifié par une longue & paisible possession, sent également légitimes, aussi long - tems du - moins que par l'intention du souverain, ils tendent au bonheur des

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