ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"822"> sources sont fort bornées & peu assûrées, & elles ne peuvent suffire qu'à de petits états.

Observations sur la taille levée sur la culture des grains. On ne doit imposer les fermiers à la taille qu'avec beaucoup de retenue sur le profit des bestiaux, parce que ce sont les bestiaux qui sont produire les terres: mais sans étendre la taille sur cette partie; elle pourroit par l'accroissement des revenus monter à une imposition égale à la moitié du prix du fermage: ainsi en se conformant aux revenus des propriétaires des terres qui seroient de quatre cents millions, la taille ainsi augmentée & bornée - là pour toute imposition sur les fermages, produiroit environ 200 millions, & cela non compris celle qui est imposée sur les rentiers & propriétaires taillables, sur les maisons, sur les vignes, sur les bois taillables, sur le fermage particulier des prés, sur les voituriers, sur les marchands, sur les paysans, sur les artisans, manouvriers, &c.

Sur les 200 millions de taille que produiroit la culture des grains, il faut en retrancher environ 1/20 pour l'exemption des nobles & privilégiés, qui font valoir par eux - mêmes la quantité de terres permise par les ordonnances, ainsi il resteroit 190 millions; mais il faut ajoûter la taille des fermiers des dixmes, qui étant reunies à ces 190 millions, formeroit au moins pour la total de la taille 200 millions. (z)

La proportion de la taille avec le loyer des terres, est la regle la plus sûre pour l'imposition sur les fermiers, & pour les garantir des inconvéniens de l'imposition arbitraire; le propriétaire & le fermier connoissent chacun leur objet, & leurs intérêts reciproques fixeroient au juste les droits du roi. (a)

Il seroit bien à desirer qu'on pût trouver une regle aussi sûre pour l'imposition des métayers. Mais si la culture se rétablissoit, le nombre des fermiers augmenteroit de plus en plus, celui des métayers diminueroit à proportion: or une des conditions essentielles pour le rétablissement de la culture & l'augmentation des fermiers, est de reformer les abus de la taille arbitraire, & d'assûrer aux cultivateurs les fonds qu'ils avancent pour la culture des terres. On doit sur - tout s'attacher à garantir les sermiers, comme étant les plus utiles à l'etat, des dangers de cette imposition. Aussi éprouve - t - on que les desordres de la taille sont moins destructits dans les villes taillables que dans les campagnes; parce que les campagnes produisent les revenus, & que ce qui dérruit les revenus détruit le royaume. L'etat des habitans des villes est etabli sur les revenus, & les villes ne sont peuplees qu'à proportion des revenus des provinces. Il est donc essentiel d'assujettir dans les campagnes l'imposition de la taille à une regle sure & invariable, afin de multiplier les riches feimiers, & de diminuer de plus en plus le nombre des colons indigens, qui ne cultivent la terre qu'au desavantage de l'etat.

Cependant on doit appercevoir que dans l'etat actuel de la grande & de la petite culture, il est difficile de se conformer d'abord à ces regles; c'est pourquoi nous avons pour la surete de l'imposition proposé d'autres moyens à l'article Fermier: mais dans la suite le produit du ble ou le loyer des terres fourniroient la regle la plus simple & la plus convenable pour l'imposition proportionnelle de la taille sur les cultivateurs. Dans l'etat present de l'agriculture, un arpent de terre traité par la grande culture produisant 74 livres, ne peut donner qu'environ 1/24 du produit total du prix du blé pour la taille. Un arpent traité par la petite culture produisant 24 liv. donne pour la taille 1/24. Un arpent qui seroit traité par la bonne culture, les autres conditions posées, produisant 1061. donneroit pour la taille environ 1/11; ainsi par la seule difference des cultures, un arpent de terre de même valeur produiroit ici pour la taille 10 liv. là il produit 3 liv. 10 s. ailleurs il ne produit qu'une livre. On ne peut donc établir pour la taille aucune taxe fixe sur les terres dont le produit est si susceptible de variations par ces différentes cultures; on ne peut pas non plus imposer la taille proportionnellement au produit total de la recolte, sans avoir égard aux frais & à la différence de la quantité de semence, relativement au profit, selon les differentes cultures: ainsi ceux qui ont propose une dixme pour la taille (b), & ceux qui ont propose une taille

(z) Nous ne supposons ici qu'environ 10 millions de taille sur les fermiers des dixmes, mais le produit des dixmes n'étant point chargé des frais de culture il est su ceptible d'une plus forte taxe: ainsi la dixme qui est affermée, c'est à - dire qui n'est pas réunie aux cures, pouvant monter à plus de 100 millions par le rétablissement, leur culture pourroit avec justice être imposée à plus de 20 millions de taille. En effet, elle ne seroit pas, dans ce cas même, proportionnée à celle des cultivateuis; & ceux qui affermeroient leurs dixmes, profiteroient encore beaucoup sur le rétablissement de notre culture. (a) Peut - être que la taille égale à la moitié du fermage paroitra forcée, & cela peut être vrai en effet; mais au moins cette taille étant fixée, les fermiers s'y conformeroient en affermant les terres. Voilà l'avantage d'une taille qui seroit fixée: elle ne seroit point ruineuse, parce qu'elle seroit prévûe par les fermiers; au lieu que la taille arbitraire peut les ruiner, étant sujets à des augmentations successives pendant la durée des baux, & ils ne peuvent éviter leur peite par aucun arrangement sur le prix du fermage. Mais toutes les fois que le fermier connoitra par le prix du bail la taille quil doit payer, il ne laissera point tomber sur lui cette imposition, ainsi elle ne pourra pas nuire à la culture; elle sera prise sur le produit de la ferme, & la partie du revenu dû propriétaire en sera meilleure & plus assûrée; parce que la taille n'apportera point d'obstacle à la culture de son bien; au contraire, la taille imposée sans regle sur le fermier, rend l'état de celui - ci incertain; son gain est limité par ses arrangemens avec le propriétaire, il ne peut se prêter aux variations de cette imposition: si elle devient trop forte, il ne peut plus faire les frais de la culture, & le bien est dégradé. Il faut toûjours que l'imposition porte sur le fonds, & jamais sur la culture; & qu'elle ne porte sur le fonds que relativement à sa valeur & à l'état de la culture, & c'est le fermage qui en décide. On peut soupçonner que la taille proportionnelle aux baux pourroit occasionner quelqu'intelligence frauduleuse entre les propriétaires & les fermiers, dans l'exposé du prix du fermage dans les baux; mais la sûreté du propriétaire exigeroit quelque clause, ou quelqu'acte particulier inusité & suspect qu'il faudroit défendre: telle seroit, par exemple, une reconnoissance d'argent prêté par le propriétaire au fermier. Or comme il est très - rare que les propriétaires prêtent d'abord de l'argent à leurs fermiers, cet acte seroit trop sulpect, surtout si la date étoit dès les premiers tems du bail, ou si l'acte n'étoit qu un billet sous seing privé. En ne permettant point de telles conventions, on exclueroit la fraude. Mais on pourroit admettre les actes qui surviendroient trois ou quatre ans après le commencement du bail, s'ils étoient passés pardevant notaire, & s'ils ne changeoient rien aux clauses du bail; car ces actes postérieurs ne pourroient pas servir à des arrangemens frauduleax à l'égard du prix du fermage, & ils peivent devenir nécessaires entre le propriétaire & le fermier, à cause des accidens qui quelquefois arrivent aux bestiaux ou aux moissons pendant la durée d'un bail, & qui engageioient un propriétaire à secourir son fermier. L'argent avancé sons la forme de pot - de - vin par le fermier, en diminution du prix du bail, est une fraude qu'on peut reconnortre par le trop bas prix du fermage, par comparaison avec le prix des autres terres du pays. S'il y avoit une différence trop marquée, il faudroit anéantir le bail, & exclure le fermier.
[p. 823] réelle sur les terres, n'ont pas examiné les irrégularites qui naissent des differens genres de culture, & les variations qui en resultent. Il est vrai que dans les pays d'etats on etablit communément la taxe sur les terres, parce que ces pays étant bornés à des provinces particulieres où la culture peut être àpeu pres uniforme, on peut regler l'imposition àpeu - près sur la valeur des terres, & à la différente quantité de semence, relativement au produit des terres de différente valeur; mais on ne peut pas suivre cette regle généralement pour toutes les autres provinces du royaume. On ne peut donc dans l'état actuel établir une taille propoitionnelle, qu'en se réglant sur la somme imposée préalablement sur chaque paroisse, selon l'etat de l'agriculture de la province; & cette taille imposée seroit repartie, comme il est dit à l'article fermier, proportionnellement aux effets visibles d'agriculture, declarés tous les ans exactement par chaque particulier. On pourroit même, quand les revenus se réduisent au produit des grains, éviter ces declarations; & lorsque la bonne culture y seroit entierement établie, on pourroit simplifier la forme par une imposition proportionnelle aux loyers des terres. Le laboureur, en améliorant sa culture & en augmentant ses dépenses, s'attendroit, il est vrai, à payer plus de taille, mais il seroit assûre qu'il gagneroit plus aussi, & qu'il ne seroit plus exposé à une imposition ruineuse, si la taille n'augmentoit que proportionnellement à l'accroissement de son gain.

Ainsi on pourroit des - à - present imposer la taille proportionnelle aux baux, dans les pays ou les terres sont cultivées par des fermiers. Il ne seroit peut - être pas impossible de trouver aussi une regle à - peu - pres semblable, pour les pays où les proprietaires font cultiver par des métayers; on sait à - peu - près le produit de chaque metairie; les frais étant déduits, on connoitroit le tevenu du propriétaire; on y proportionneroit la taille, ayant égard à ne pas enlever le revenu même du proprietaire, mais à étabiir l'imposition sur la portion du métayer, proportionnellement au revenu net du maître. S'il se trouvoit dans cette imposition proportionnelle quelques irrégularités prejudiciables aux métayers, elles pourroient se réparer par les arrangemens entre ces metayers & les proprietaires: ainsi ces inconvéniens inseparables des regles generales se réduiroient à peu de chose, étant supportés par le propriétaire & le métayer. Il me paroit donc possible d'etablir dès aujourd'hui pour la grande & pour la petite culture, des regles fixes & genérales pour l'imposition proportionnelle de la taille.

Nous avons vû par le calcul des produits de la grande culture actuelle, que la taille imposée à une somme convenable, se trouve être à - peu - près égale à un tiers du revenu des propriétaires. Dans cette

(b) On a vû par les produits des différentes cultures, que la taille convertie en dixme sur la culture faite avec le boeufs, monteroit à plus des deux tiers du revenu des propriétaires. Dailleurs la taille ne peut pas être fixée à - demeure sur le revenu actuel de cette culture, parce que les terres ne produisanc pas les revenus qu'elles donneroient lorsqu'elles seroient mieux cultivées, il arriveroit qu'elles se crouvero ent taxées sept ou huit fois moins que celles qui seroient actuel ement en pleine valeur. Dans l'état actuel de la grande culture, les terres produisent davantage; mais elles donnent la moitié moins de revenu qu'on n'en retireroit dans le cas de la liberté du commerce des grains. Dans l'état présent, la dixme est égale à la moitie du fermage, la taille convertie en dixme seroit encore fort onéreuse; mais dans le cas d'exportation, les terres donneroient plus de revenu; la dixme re se trouveroit qu'environ égale à un tiers du fermage. La taille convertie ee seroit plus dans une proportion convenable avec les revenas; car elle pourroit alors être portée à l'égal de la moitié des revenus, & être beaucoup moins onéteuse que dans l'état présent; ainsi les proportions de la taille & de la dixme avec le sermage sont fort différentes, selon les différens produits des terres. Dans la petite culture la taille seroit forte, si elle égaloit la moitié de la dixme; elle seroit foible dans une bonne culture, si elle n'étoit égale qu'à la totalité de la dixme. Les proportions de la taille avec le produit sont moins discordantes dans les différens états de culture; mais toûjours le sont - elles trop pour pouvoir se prêter à une regle générale: c'est tout ensemble le prix des grains, l'état de la culture, & la qualité des terres, qui doivent former la base de l'imposition de la taille à raison du produit net du revenu du propriétaire. C'est ce qu'il faut observer aussi dans l'imposition du dixieme sur les terres cultivées avec des boeufs aux frais des propriétaires, car si on prenoit le dixieme du produit, ce seroit dans des cas la moitié du revenu, & dans d'autres le revenu tout entier qu'on enleveroit.
culture les terres etant presque toutes assermées, il est facile de determiner l'imporition proportionnellement aux revenus fixés par les baux.

Mais il n'en est pas de même des terres traitées par la petite culture, qui sont rarement affermees; car on ne peut connoitre les revenus des propriétaires que par les produits. Nous avons vû par les calculs de ces produits, que dans la petite culture la taille se trouvoit aussi à - peu - près à l'egal du tiers des revenus des propriétaires; mais ces revenus qui d'ailleurs sont tous indécis, peuvent être envisagés sous un autre aspect que celui sous lequel nous les avons considéres dans ces calculs: ainsi il faut les examiner sous cet autre aspect, afin d'eviter la confusion qui pourroit naitre des différentes manieres de considérer les revenus des propriétaires qui sont cultiver par des metayers, & qui avancent des frais pécuniaires, & employent une grande portion des biens sonds de chaque métaisie pour la nourriture des boeuts de labour. Nous avons expose ci - devant pour donner un exemple particulier de cette culture, l'état d'une terre qui peut rendre au proprietaire, année commune, pour 3000 livres de blé, semence prelevée. On voit le detail des différens frais compris dans les 3000 livres; savoir 1050 liv. pour les avances pécuniaires, qui reduisent les 3000 livres à 1950 livres.

Il y a 1375 livres de revenus de prairies & friches pour la nourriture des boeufs; ainsi les terres qui portent les moissons ne contribuent à cette somme de 1950 livres que pour 575 livres, parce que le revenu des prairies & friches fait partie de ce même revenu de 1950 livres. Si la taille étoit à l'égal du tiers de ces 1950 livres, elle monteroit à 650 livres, qui payées par cinq metayers par portion egale, seroient pour chacan 13. livres.

Ces métayers ont ensemble la moitié du grain, c'est - à - dire pour 3000 livres: ainsi la part pour chacun est 600 liv. Si chaque fermier, à raison du tiers de 1950 liv. payoit 131 liv. de taille, il ne lui resteroit pour ses frais particuliers, pour sa subsistance & l'entretien de sa famille, que 479 liv. 16 sous.

D'ailleurs nous avons averti dans le détail de l'exemple que nous rappellons ici, que le fonds de la terre est d'un bon produit, relativement à la culture faite avec les boeufs, & qu'il est d'environ un quart plus fort que les produits ordinaires de cette culture: ainsi dans le dernier cas où les frais sont les mêmes, le revenu du propriétaire ne seroit que de 1450 livres, & la part de chaque métayer 453 liv. Si la taille étoit à l'égal du tiers du revenu du propriétaire, elle monteroit à 497 livres; ce qui seroit pour la taxe de chaque métayer 102 livres: il ne lui resteroit de son produit que 348 livres, qui ne pourroient pas suffire à ses dépenses; il fauéroit que la moitié pour le moins de la taille des cinq métayers, retombât sur le propriétaire qui est chargé des grandes dépenses de la culture, & a un revenu incertain.

Ainsi selon cette maniere d'envisager les revenus casuels des propriétaires qui partagent avec des métayers, si on imposoit la taille à l'égal du tiers de ces revenus, les propriétaires payeroient pour la taille au - moins un tiers de plus sur leurs terres, que les propriétaires dont les terres sont affermécs, & dont le revenu est determiné par le fermage sans incertitude & sans soin; car par rapport à ceux - ci, la taille qui seroit égale au tiers de leur revenu, est en - dehors de ce même revenu, qui est reglé & assûré par le bail; au lieu que si la taille suivoit la meme proportion dans l'autre cas, la moitié au - moins retomberoit sur le revenu indécis des propriétaires. Or la culture avec des métayers est fort ingrate & fort difficile à régir pour les propriétaires, surtout pour ceux qui ne résident pas dans leurs terres, & qui

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