ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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GRAILLE (Page 7:812)

GRAILLE, voyez Corneille.

GRAIN (Page 7:812)

* GRAIN, (Gramm.) il s'est dit d'abord des petits corps ou fruits que les arbres & les plantes produisent; qui leur servent de semences, ou qui les contiennent. Ainsi on dit un grain de raisin, un grain de blé, d'orge, d'avoine, de seigle. On a étendu cette dénomination à d'autres petits corps, à des fragmens, à des configurations; & on a dit un grain d'or pour une petite portion d'or: la molécule differe du grain, en ce qu'elle est plus petite; il faut plusieurs molécules réunies pour faire un grain. On a dit le grain de l'acier, pour ces inégalités qui offrent à la fracture d'un morceau d'acier l'image d'une crystallisation réguliere, sur - tout si le refroidissement n'a pas été subit; car le refroidissement précipité gâte cette apparence, de même que l'évaporation hâtée altere la régularité des crystaux: un grain de chapelet, pour un petit corps rond de verre, d'ivoire, de bois, ou d'autre matiere, percé de part en part d'un trou qui sert à l'enfiler avec un certain nombre d'autres, à l'aide desquels celui qui s'en sert sait le compte exact des pater & des ave qu'il récite: les grains, pour la collection générale des fromentacés qui servent à la nourriture de l'homme & des animaux; les gros grains sont ceux qui servent à la nourriture de l'homme; les menus, ceux qui servent à la nourriture des animaux: un grain de métal, pour un petit globule rond de métal qu'on obtient dans la réduction d'une petite portion de mine ou de chaux métallique, & qu'on trouve à la pointe d'une des matieres qui ont servi de flux ou de fondant: un grain de vérole, pour une pustule considérée séparément; il se dit & de la pustule & de la tache qu'elle laisse communément. Grain a encore d'autres acceptions; c'est un poids, une monnoie, &c. Voyez les articles suivans, mais sur - tout l'article Grains (Economie politiq.), où ce terme est considéré selon son objet le plus important.

Grains (Page 7:812)

Grains, (Economie polit.) Les principaux objets du Commerce en France, sont les grains, les vins & caux de - vie, le sel, les chanvres & les lins, les laines, & les autres produits que fournissent les bestiaux: les manufactures des toiles & des étoffes communes peuvent augmenter beaucoup la valeur des chanvres, des lins, & des laines, & procurer la subsistance à beaucoup d'hommes qui seroient occupés à des travaux si avantageux. Mais on apperçoit aujourd'hui que la production & le commerce de la plûpart de ces denrées sont presque anéantis en France. Depuis long - tems les manufactures de luxe ont séduit la nation; nous n'avons ni la soie ni les laines convenables pour fabriquer les belles étoffes & les draps fins; nous nous sommes livrés à une industrie qui nous étoit étrangere; & on y a employé une multitude d'hommes, dans le tems que le royaume se dépeuploit & que les campagnes devenoient desertes. On a fait baisser le prix de nos blés, afin que la fabrication & la main - d'oeuvre sussent moins cheres que chez l'étranger: les hommes & les richesses se sont accumulés dans les villes; l'Agriculture, la plus féconde & la plus noble partie de notre commerce, la source des revenus du royaume, n'a pas été envisagée comme le fond primitif de nos richesses; elle n'a paru intéresser que le fermier & le paysan: on a borné leurs travaux à la subsistance de la nation, qui par l'achat des denrées paye les dépenses de la culture; & on a crû que c'étoit un commerce ou un trafic établi sur l'industrie, qui devoit apporter l'or & l'argent dans le royaume. On a défendu de planter des vignes; on a recommandé la culture des mûriers; on a arrêté le débit des productions de l'Agriculture & diminué le revenu des terres, pour favoriser des manufactures préjudiciables à notre propre commerce.

La France peut produire abondamment toutes les matieres de premier besoin; elle ne peut acheter de l'étranger que des marchandises de luxe: le trasie mutuel entre les nations est nécessaire pour entretenir le Commerce. Mais nous nous sommes principalement attachés à la fabrication & au commerce des denrées que nous pouvions tirer de l'étranger; & par un commerce de concurrence trop recherché, nous avons voulu nuire à nos voisins, & les priver du profit qu'ils retireroient de nous par la vente de leurs marchandises.

Par cette politique nous avons éteint entre eux & nous un commerce réciproque qui étoit pleinement à notre avantage; ils ont interdit chez eux l'entrée de nos denrées, & nous achetons d'eux par contrebande & fort cher les matieres que nous employons dans nos manufactures. Pour gagner quelques millions à fabriquer & à vendre de belles étosses, nous avons perdu des milliards sur le produit de nos terres; & la nation parée de tissus d'or & d'argent, a crû joüir d'un commerce florissant.

Ces manufactures nous ont plongés dans un luxe desordonné qui s'est un peu étendu parmi les autres nations, & qui a excité leur émulation: nous les avons peut - être surpassées par notre industrie; mais cet avantage a été principalement soûtenu par notre propre consommation.

La consommation qui se fait par les sujets est la source des revenus du souverain; & la vente du superflu à l'étranger augmente les richesses des sujets. La prospérité de l'état dépend du concours de ces deux avantages: mais la consommation entretenue par le luxe est trop bornée; elle ne peut se soûtenir que par l'opulence; les hommes peu favorisés de la fortune ne peuvent s'y livrer qu'à leur préjudice & au desavantage de l'état.

Le ministere plus éclairé sait que la consommation qui peut procurer de grands revenus au souverain, & qui fait le bonheur de ses sujets, est cette consommation générale qui satisfait aux besoins de la vie. Il n'y a que l'indigence qui puisse nous réduire à boire de l'eau, à manger de mauvais pain, & à nous couvrir de haillons; tous les hommes tendent par leurs travaux à se procurer de bons alimens & de bons vêtemens: on ne peut trop favoriser leurs efforts; car ce sont les revenus du royaume, les gains & les dépenses du peuple qui font la richesse du souverain.

Le détail dans lequel nous allons entrer sur les revenus que peuvent procurer d'abondantes récoltes de grains, & sur la liberté dans le commerce de cette denrée, prouvera suffisamment combien la production des matieres de premier besoin, leur débit & leur consommation intéressent tous les différens états du royaume, & fera juger de ce que l'on doit aujourd'hui attendre des vûes du gouvernement sur le rétablissement de l'Agriculture.

Nous avons déjà examiné l'état de l'Agriculture en France, les deux sortes de culture qui y sont en usage, la grande culture ou celle qui se fait avec les chevaux, & la petite culture ou celle qui se fait avec les boeufs, la différence des produits que donnent ces deux sortes de culture, les causes de la dégradation de notre agriculture, & les moyens de la rétablir. Voyez Fermifrs, (Economie politiq.)

Nous avons vû que l'on cultive environ 36 millions d'arpens de terre, & que nos récoltes nous donnent, année commune, à - peu - pres 45 millions de septiers de blé; savoir 11 millions produits par la grande culture, & 34 millions par la petite culture (a). Nous allons examiner le revenu que 45 mil<pb-> [p. 813] lions de septiers de blé peuvent procurer au Roi, conformément aux deux sortes de culture qui les produisent: nous examinerons aussi ce qu'on en retire pour la dixme, pour le loyer des terres, & pour le gain du cultivateur; nous comparerons ensuite ces revenus avec ceux que produiroit le rétablissement parfait de notre agriculture, l'exportation étant permise; car sans cette condition, nos récoltes qui ne sont destinées qu'à la consommation du royaume, ne peuvent pas augmenter, parce que si elles étoient plus abondantes, elles feroient tomber le blé en nonvaleur; les cultivateurs ne pourroient pas en soûtenir la culture, les terres ne produiroient rien au Roi ni aux propriétaires. Il faudroit donc éviter l'abondance du blé dans un royaume où l'on n'en devroit recueillir que pour la subsistance de la nation. Mais dans ce cas, les disettes sont inévitables, parce que quand la récolte donne du blé pour trois ou quatre mois de plus que la consommation de l'année, il est à si bas prix que ce superflu ruine le laboureur, & néanmoins il ne suffit pas pour la consommation de l'année suivante, s'il survient une mauvaise récolte: ainsi il n'y a que la facilité du débit à bon prix, qui puisse maintenir l'abondance & le profit.

Etat de la grande culture des grains. La grande culture est actuellement bornée environ à six millions d'arpens de terre, qui comprennent principalement les provinces de Normandie, de la Beauce, de l'Islede - France, de la Picardie, de la Flandre françoise, du Hainault, & peu d'autres. Un arpent de bonne terre bien traité par la grande culture, peut produire 8 septiers & davantage, mesure de Paris, qui est 240 livres pesant; mais toutes les terres traitées par cette culture, ne sont pas également fertiles; car cette culture est plûtôt pratiquée par un reste d'usage conservé dans certaines provinces, qu'à raison de la qualité des terres. D'ailleurs une grande partie de ces terres est tenue par de pauvres fermiers hors d'état de les bien cultiver: c'est pourquoi nous n'avons évalué du fort au foible le produit de chaque arpent de terre qu'à cinq septiers, semence prélevée. Nous fixons l'arpent à 100 perches, & la perche à 22 piés. (b)

Les six millions d'arpens de terre traités par cette culture entretiennent tous les ans une sole de deux millions d'arpens ensemencés en blé; une sole de deux millions d'arpens ensemencés en avoine & autres grains de Mars; & une sole de deux millions d'arpens qui sont en jacheres, & que l'on prépare à apporter du blé l'année suivante.

Pour déterminer avec plus d'exactitude le prix commun du blé dans l'état actuel de la grande culture en France, lorsque l'exportation est défendue, il faut faire attention aux variations des produits des récoltes & des prix du blé, selon que les années sont plus ou moins favorables à nos moissons. [omission: table; to see, consult fac-similé version]

Les 87 liv. total des cinq années, frais déduits, divisées en cinq années, donnent par arpent 17 liv. 8 s. de produit net.

  Ajoûtez à ces . . . . . . . . . . .  17 liv. 8 s.
  Les frais montant à . . . . . . . .  60
  Cela donnera par chaque arpent au
total . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 liv. 8 s.

Les cinq années donnent 25 septiers, ce qui fait cinq septiers année commune. Ainsi pour savoir le prix commun de chaque septier, il faut diviser le total ci - dessus par 5, ce qui établira le prix commun de chaque septier de blé à 15 liv. 9 s.

Chaque arpent produit encore la dixme, qui d'abord a été prélevée sur la totalité de la récolte, & qui n'est point entrée dans ce calcul. Elle est ordi<cb-> nairement le treizieme en - dedans de toute la récolte ou le douzieme en - dehors. Ainsi, pour avoir le produit en entier de chaque arpent, il faut ajoûter à 77 liv. 8 s. le produit de la dixme, qui se prend sur le total de la récolte, semence comprise. La semence évaluée en argent est 10 liv. 6 s. qui avec 77 liv. 8 s. font 87 liv. 14 s. dont 1/12 pris en - dehors pour la dixme, est 7 livres. Ainsi avec la dixme le produit total, semence déduite, est 84 liv. 16 s.

 Ces 84 liv. 16 s. se partagent ainsi:
 Pour la dixme  . . . .   7 liv.       84 liv. 8 s.
 Pour les frais . . . .  60            84 liv. 8 s.
 Pour le produit net. .  17       8    84 liv. 8 s.

La culture de chaque arpent qui produit la récolte en blé, est de deux années. Ainsi le fermier paye deux années de fermage sur les 17 liv. 8 s. du produit net de cette récolte; il doit aussi payer la taille sur cette même somme, & y trouver un gain pour subsister.

Elle doit donc être distribuée à - peu - près ainsi:

Pour le propriétaire 3/5 ou 10  7  7          17  8
Pour la taille . . . 1/5 ou  3  9  6          17  8
Pour le fermier. . . 1/5 ou  3  9  6(f)       17  8
(a) Si les cultivateurs étoient assez riches pour traiter les 36 millions d'arpens par la grande culture, conformément aux six millions qui sont traités actuellement par citte culture. la récolte annuelle seroit environ de 66 millions de septiers, au lieu de 44 millions, comme on va le prouver par l'examen de l'état actuel de la grande culture. (b) C'est un cinquieme plus par arpent, que la mesure de l'arpent donnée par M. de Vauban; ainsi les récoltes doivent produire, selon cette mesure, un cinquieme de plus de grain que cet auteur ne l'a estimé par arpent. (c) Le prix commun réglé, comme on fait ordinairement, sur les prix différens des années, sans égard aux frais, & au plus ou moins de récolte chaque année, n'est un prix commun que pour les acheteurs qui achetent pour leur subsistance la même quantité de blé chaque année. Ce prix est ici le cinquieme de 87 liv. qui est 17 liv. 8 s. C'est à - peu - près le prix commun de la vente de nos blés à Paris depuis long - tems; mais le prix commun pour les fermiers, qui sont les vendeurs, n'est qu'environ 15 liv. 9 sols, à cause de l'inégalité des récoltes.

(d) On ne parle point ici des années stériles, parce qu'elles sont fort rares, & que d'ailleurs on ne peut déterminer le prix qu'elles donnent aux blés. (e) Voyez le détail de ces frais, aux articles Fermiers & Fermes. (f) Nous ne nous reglons pas ici sur l'imposition réelle de la taille; nous supposons une imposition qui laisse quelque profit au fermier, & un revenu au propriétaire, qui soûtienne un peu les richesses de la nation & l'entretien des terres.

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