ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"685"> totalement la fluidité, & les rendent d'un usage très agréable, en conservant plus long - tems leur fraîcheur dans le trajet de la bouche, à l'estomac, & même jusque dans ce viscere.

On employe aussi la glace rendue plus froide qu'elle n'est naturellement, pour congeler des préparations alimentaires faites avec le lait ou le suc de différens fruits, le sucre, &c. en consistence de creme ou de fromage mou, auxquelles on donne par excellence le nom de glace, qui sont propres à être servies pour les entre - mets, pour les desserts, les colations, &c. & qui ajoûtent beaucoup aux délices de la table. Voyez Glace.

Les Medecins dont les connoissances doivent autant servir à régler ce qui convient pour la conservation de la sante; à indiquer ce qui peut lui nuire, qu'à rechercher les causes des maladies; à prescrire les moyens propres pour les traiter, pour en procurer la guérison: convaincus par l'expérience la plus genérale, autant que par le raisonnement physique concernant l'effet que peuvent produire dans le corps humain les boissons & autres préparations à la glace, qu'elles sont d'un usage aussi dangereux qu'il est délectable, s'accordent presque tous à le proscrire sans ménagement, & à le regarder comme une des causes des plus communes d'une infinité de desordres dans l'économie animale.

En effet, le sang & la plûpart de nos humeurs n'étant dans un etat de liquidite que par accident, c'est - à - dire par des causes physiques & méchaniques, qui lui sont absolument étrangeres; telles que la chaleur animale qui dépend principalement de l'action des vaisseaux qui les contiennent, & l'agitation qu'ils procurent aux humeurs par cette même action, qui tend continuellement à desunir & à conserver dans l'état de desunion les molécules qui composent ces humeurs, & à s'opposer à la disposition qu'elles ont à se coaguler; & l'effet de l'impression du froid appliqué aux parties vivantes du corps animal, étant de causer une sorte de constriction, de resserrement, dans les solides, & une vraie condensation dans les fluides; ce qui peut aller jusqu'à diminuer l'action de ceux - là & la fluidité de ceux ci: il s'ensuit que tout ce qui peut donner lieu à un pareil effet doit nuire considérablement à l'exercice des fonctions, oit dans les parties qui en sont affectées immediatement, soit de proche en proche dans celles qui en sont voisines, par une propagation indépendante de celle du froid; par une espece de spasme sympathique, oue l'impression du froid dans une partie occasionne dans d'autres, même des plus éloignées. D'où peuvent se former des engorgemens dans les vaisseaux de tous les genres qui y troublent le cours des humeurs, mais sur - tout dans ceux qui peuvent être le siége des inflammations: d'où s'ensuivent des étranglemens dans des portions du canal intestinal qui interceptent le cours des matieres flatueuses qui y sont contenues, dont la raréfaction ultérieure cause des distensions très - douloureuses aux tuniques membraneuses qui les enferment; des gonflemens extraordinaires & autres symptomes qui accompagnent les coliques venteuses: d'où résultent aussi très - fréquemment des embarras dans les secrétions, de celle sur - tout qui se fait dans le foie; des suppressions d'évacuations habituelles, comme de celle des menstrues, des hemorrhoïdes, des cours de ventre critiques, &c. Voyez Froid (Pathologie), Pleurésie, Fluxion, Colique, Ventosité , &c. en sorte qu'il ne peut qu'y avoir beaucoup à se défier des observations qui paroissent autoriser l'usage des boissons & des préparations alimentaires à la glace: elles seront toujours suspectes, lorsqu'on aura égard aux observations trop communes des mauvais effets que l'on vient de dire qu'elles produisent très - souvent, en donnant naissance à dif<cb-> férentes maladies, la plûpart de nature très - dangereuse, sur - tout lorsqu'on use de glace dans les cas où l'on est échauffé extraordinairement par quelque exercice violent, ou par toute autre cause que ce puisse être d'agitation du corps, méchanique ou physique; ce qui forme un état où l'on est d'autant plus porté à user des moyens qui peuvent procurer du rafraîchissement, tant intérieurement qu'extérieurement, que l'on s'expose davantage à en éprouver de funestes effets.

C'est contre les abus de cette espece que s'éleve si fortement Hippocrate, lorsqu'il dit, aphoris. lj. sect. 2. que tout ce qui est excessif est ennemi de la nature, & qu'il est très - dangereux dans l'économie animale, de procurer quelque changement nubit, de quelque nature qu'il puisse être. Les plus grands medecins ont ensuite appuyé le jugement de leur chef d'une infinité d'observations relatives spécialement à ce dont il s'agit ici; tels que Marc Donat, de medicis historiis mirabilibus; Calder. Heredia, tract. de potionum varietate; Amat. Lusitanus, Benivenius, Hildan, cent iij. observat. 48. & cent. v. observat. 29. Skenchius, observat. lib. II. Hoffman, pathol. génér. c. x. de srigido potu vitoe & sanitati hominum inimicissimo. Il y a même des auteurs qui en traitant des mauvais effets des boissons fioides avec excès, comme des bains froids employés imprudemment, rapportent en avoir vû résulter même des morts subites; tel est, entr'autres, Lancisi, de subitaneis morbis, lib. II. c. vij.

Mais comme l'usage de boire à la glace est devenu si commun, qu'on ne doit pas s'attendre qu'aucune raison d'intérêt pour la santé puisse le combattre avec succes, & soit supérieure à l'attrait du plaisir qu'on s'en promet; il est important de tâcher au moins de rendre cet usage aussi peu nuisible qu'il est possible. C'est dans cette vûe que nous proposons ici les conseils que donne Riviere à cet effet (instit. med. lib. IV. cap. xxjv. de potu); savoir, de ne boire jamais à la glace dans un tems où on est échauffé par quelque agitation du corps que ce soit; & lorsque l'on use habituellement d'une boisson ainsi préparée, de ne boire qu'après avoir pris une certaine quantité d'alimens, pour que le liquide éxcessivement froid qui s'y mêle, fasse moins d'impression sur les tuniques de l'estomac; de ne boire que peu à - la - fois par la même raison, & de boire un peu plus de vin qu'à l'ordinaire, pour que sa qualité échauffante serve de correctif aux effets de la glace, qui sont sur - tout très - pernicieux aux enfans, aux vieillards, & à toutes les personnes d'un tempérament froid, delicat, qui ne peuvent par conséquent convenir, si elles conviennent à quelqu'un dans les climats tempérés, qu'aux personnes robustes accoûtumées aux exercices du corps.

Avec ces précautions, ces ménagemens, & ces attentions, on peut éviter les mauvais effets des boissons rafraîchies par le moyen de la glace: on peut même les rendre utiles, non - seulement dans la santé, pendant les grandes chaleurs, mais encore dans un grand nombre de maladies, sur - tout dans les climats bien chauds. C'est ce qu'établit avec le fondement le plus raisonnable, le célebre Hoffman, qui après avoir montré le danger des effets de la boisson à la glace, dans la dissertation citée ci - devant, en a fait une autre (de aquoe frigidoe potu salutari) pour relever les avantages de l'usage que l'on peut en faire dans les cas convenables & avec modération. Il rapporte, d'après Ramazzini (de tuendâ principum valetudine, cap. v.) des circonstances qui prouvent que cet usage non - seulement n'est pas nuisible, mais qu'il est même nécessaire en Espagne & en Italie pendant les grandes chaleurs; puisqu'on observe dans ce pays - là, que dans les années où il manque de la [p. 686] neige pour rafraîchir la boisson, il regne plus de maladies putrides, malignes, que dans les autres tems où la neige a pû être ramassée en abondance; en sorte que lorsqu'il n'en tombe pas, la saison qui suit est regardée d'avance comme devant être funeste à la santé & même à la vie des hommes. Ne seroit on pas fondé à inférer de - là que ce qu'on appelle des glaces pourroit être encore plus utile dans de semblables cas, que la simple boisson à la glace; parce qu'elles sont plus denses, plus propres à conserver leur qualité rafraîchissante; à donner du ressort aux estomacs relâchés, distendus par une trop grande quantité d'alimens; & à s'opposer à la putrefaction que ceux qui en sont susceptibles pourioient y contracter, en séjournant long - tems dans ce viscere?

On peut ajoûter que d'après les eloges que font la plûpart des anciens medecins, tels qu'Hippocrate, Galien, Celse, de l'usage de la boisson bien froide, dans bien des maladies ardentes, bilieuses, des praticiens modernes ont employé avec succès la boisson à la glace dans des cas pareils; mais seulement lorsque ces maladies portoient un caractere de relâchement, d'atonie dans les fibres en général, & particulierement à l'égard des premieres voies, sans aucune disposition au spasme, à l'érétisme du genre nerveux. C'est dans de semblables circonstances que l'on s'est souvent servi utilement de la boisson à la glace, pour guérir des dyssenteries, des cours de ventre opiniâtres pendant les grandes chaleurs; que la glace elle - même employée tant intérieurement qu'extérieurement, a arrêté des hémorrhagies rébelles, par quelques voies qu'elles se fissent; qu'elle a guéri des coliques bilieuses, violentes, & sur - tout de celles qui sont causées par des vents & même des emphysemes, des tympanieres confirmées. Voyez les observations citées dans la dissertation d'Hoffman; & pour ce qui regarde les flatulences, la pneumato - pathologie de M. Combalusier, docteur medecin de Montpellier & ensuite de Paris, publiée en latin en 1747. Il y a aussi bien des observations de cas dans lesquels on a éprouvé de bons effets de la glace appliquée sur les parties gangrenées par le froid. Voyez Gangrene, Mortification, Sphacele ; & le commentaire sur ce sujet des aphorismes de Boerhaave, par l'illustre Wansvieten.

Glaces (Page 7:686)

Glaces, s. f. pl. (Arts.) nom moderne donné à des liqueurs agréables au goût, préparées avec art, & glacées en forme de tendres congelations. On parvient promptement à glacer toutes les liqueurs tirées des sucs des végétaux, avec de la glace pilée & du sel; & au défaut de sel, avec du nitre ou de la soude. M. Homberg indique dans l'hist. de l'académie des Sciences, ann. 1701, p. 73. une maniere de faire de la glace propre à rafraîchir & à glacer toutes sortes de liqueurs; & M. de Reaumur, dans le même recueil, mém. de l'ann. 1734, p. 178. nous apprend un moyer de faire des glaces à peu de frais; j'y renvoye le lecteur, pour ne donner ici que la méthode ordinaire de nos limonadiers, confiseurs, maîtres d'hôtel, &c.

Ils prennent des boîtes de fer blanc faites exprès à volonté; ils les remplissent de liqueurs artistement préparées & tirées des fruits de la saison, comme de cerises, de fraises, de framboises, de groseilles, de jus de citron, d'orange, de creme, de chocolat, &c. car on combine à l'infini l'art de flatter le goût. Ils mettent un certain nombre de leurs boîtes remplies des unes ou des autres de ces liqueurs, dans un sceau à compartimens ou sans compartimens, à un doigt de distance l'une de l'autre: ils ont de la glace toute prête, pilée, broyée & salée, qu'ils jettent vîtement dans le sceau tout - autour de chaque boîte de ferblanc pleines de liqueurs, & jusqu'à ce qu'elles en soient couvertes.

Quand ils veulent que les glaces soient promptement faites, ils employent une plus grande quantité de sel que la dose ordinaire, & laissent reposer les liqueurs une demi - heure ou environ; prenant garde de tems en tems que l'eau ne surmonte les boîtes à mesure que la glace se fond, & qu'elle ne pénetre jusqu'aux liqueurs. Pour éviter cet inconvénient, on fait au bas du sceau un trou où l'on met un fausset; & par ce moyen on tire l'eau de tems en tems; ensuite on range la glace de dessus les boîtes; & on remue la liqueur avec une cueillere, pour la faire glacer en neige. Quand ils s'apperçoivent qu'elle se glace en trop gros morceaux, ils la remuent avec la cuilliere afin de la dissoudre, parce que les liqueurs fortement glacées n'ont plus qu'un goût insipide.

Apres avoir ainsi remué toutes leurs boîtes & leurs liqueurs, en évitant qu'il n'y entre point de glace salée, ils les recouvrent de leur couvercle, & puis de glace & de sel pilé, comme la premiere fois Plus on met de sel avec la glace, & plûtôt les liqueurs se congelent; on ne les tire du sceau que quand on veut les servir.

Les glaces font les délices des pays du midi; & je n'ignore pas qu'en Italie, ce beau sol où on sait les faire avec un art supérieur, la plûpart des medecins, loin de les condamner, assûrent que leur usage y est très - salutaire; il peut l'être aussi dans nos climats temperés à plusieurs personnes dont l'estomac & le genre nerveux ont besoin d'être renforcés par des mets & des liqueurs froides. Mais en tout pays, prendre des glaces immodérément sans un régime analogue, ou imprudemment, & dans le tems, par exemple, qu'on est le plus échauffé, c'est exposer ses jours & risquer de payer bien cher un repentir. (D. J.)

Glace inflammable (Page 7:686)

Glace inflammable, (Chimie.) glace artificielle qui prend feu. On fait par l'art une telle glace avec de l'huile de térébenthine, du spermaceti, & de l'esprit de nitre: ce n'est qu'un jeu chimique rapporté dans l'hist. de l'acad. des Sciences, ann. 1745; mais il y a des curieux, des artistes comme M. Roüelle, des seigneurs même qui préferent ces sortes de jeux à ceux qu'on joue dans la société; & il arrive quelquefois que la Physique leur est redevable de plusieurs connoissances utiles: voici donc une maniere de produire de la glace inflammable.

On prendra de l'huile de térébenthine distillée; on la mettra dans un vaisseau sur un feu doux; on y fera fondre lentement du spermaceti ou blanc de baleine: cette solution restera aussi claire que de l'eau commune, en plaçant le vaisseau qui la contient dans un lieu frais; & en trois minutes au plus la liqueur se glacera. Cependant si elle se glaçoit trop difficilement, un peu de nouveau blanc de baleine qu'on y fera fondre, y remédieroit: il n'y a nul inconvéhient à en remettre à plusieurs fois; la seule circonstance essentielle est de ne le point piler, mais de le mettre fondre en assez gros morceaux; sans cela, la glace seroit moins transparente.

Lorsque la chaleur de l'été est trop forte, ou qu'on n'a pas de lieu assez frais pour faire prendre la liqueur, il ne faut que mettre le vaisseau qui la contient dans de l'eau bien fraîche; la liqueur se glace en moins d'une demi - minute: mais cette glace faite brusquement n'est jamais si belle que celle qui s'est formée tranquillement. Dès que la liqueur commencera à dégeler, & pendant qu'il y aura encore des glaçons flottans dessus, versez - y de bon esprit de nitre; alors la liqueur & la glace s'enflammeront & se consumeront dans l'instant. Il est vrai qu'il n'y a rien de moins étonnant que de voir l'huile de térébenthine s'enflammer par l'esprit de nitre: mais l'art consiste à la charger d'une matiere capable de la réduire en glace sans altérer sa transparence & son inflammabi<pb->

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