ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"681"> changement à sa congelation. On sait qu'une eau dormante, comme celle d'un étang, gele plus facilement & plus promptement que l'eau d'une riviere qui coule avec rapidité; il est même assez rare que le milieu d'une grande riviere, & ce qu'on appelle le fil de l'eau, se glace de lui - même. Si une riviere se prend entierement, c'est presque toûjours par la rencontre des glaçons qu'elle charrioit, & que divers obstacles auront forcés de se réunir: ces glaçons s'amoncelant & s'entassant irrégulierement les uns sur les autres, ne forment jamais une glace unie comme celle d'un étang.

3°. Ceci explique assez naturellement pourquoi la Seine qu'on voit assez souvent à Paris geler d'un bord à l'autre dans des hyvers moins rudes que celui de 1709, ne fut pas totalement prise cette année - là. La violence même du froid produisit un effet extraordinaire en apparence, en glaçant tout - à - coup & entierement les petites rivieres qui se déchargent dans la Seine au - dessus de Paris, que leurs glaçons ne purent y être portés, du - moins en assez grande quantité. Ceuz qui se formerent dans la Seine même s'attacherent trop fortement à ses bords; ainsi elle charria peu, & le milieu de son courant, qui, comme nous venons de le dire, ne se glace point de lui - même, demeura toûjours libre. Hist. de l'acad. des Sciences, année 1709, pag. 9.

4°. On a été long - tems en doute si les rivieres cemmençoient à se geler par la surface ou par le sond, mais cette question n'en est plus une; il est présentement bien sûr qu'elles commencent à se geler comme les autres eaux par la surface. M. l'abbé Nollet a demêlé la vérité sur cet article à - travers plusieurs apparences séduisantes qui en avoient imposé à d'habiles physiciens. Leçons de Phys. t. IV.

5°. L'état de l'air qui touche immédiatement la gelée doit être considéré. Un grand vent rend la congelation plus difficile, & souvent même l'empêche entierement; c'est qu'il diminue d'une part la violence du froid (voyez Froid), & que de l'autre il agite l'eau considérablement, celle sur - tout d'un étang ou d'une grande riviere. Au contraire un petit vent sec est toûjours favorable à la formation de la glace, quand il emporte l'air chaud ou moins froid qui étoit sur la surface du liquide, pour se mettre à sa place.

6°. Le repos sensible tant de la masse d'eau qu'on expose à la gelée, que de l'air qui touche immédiatement cette eau, produit un effet qu'il n'étoit pas facile de prévoir; ce double repos empêche que l'eau ne se gele, quoiqu'elle ait acquis un degré de froid fort supérieur à celui qui naturellement lui sait perdre sa liquidité. De l'eau étant dans cet état, vient - elle à éprouver la plus legere agitation sensible de la part de l'air, ou de quelqu'autre corps environnant, elle se gele dans l'instant. C'est à M. Fahrenheit que nous devons la premiere observation de ce phénomene; c'est lui qui a vû le premier avec la plus grande surprise de l'eau refroidie au quinzieme degré de son thermometre, ce qui revient à plus de dix au - dessous du zéro de la graduation de M. de Reaumur, se maintenir dans une liquidité parfaite jusqu'au moment où on l'agitoit: cette expérience a réussi de même à plusieurs autres physiciens curieux de la répéter. Je l'ai faite plusieurs fois à Montpellier pendant les fortes gelées de 1755, sur de l'eau exposée à un air parfaitement tranquille, & qui s'étoit refroidie au quatrieme degré de l'échelle de M. de Reaumur; ce qu'il y a de bien singulier, c'est que de l'eau ainsi refroidie de plusieurs degrés au - dessous du terme de la glace, venant à se geler en conséquence de l'agitation qu'on lui imprime, fait monter dans le tems qu'elle se glace la liqueur du thermometre au degré ordi<cb-> naire de la congelation; ainsi l'eau diminue de froideur en se gelant, espece de paradoxe qui a besoin de toute l'autorité de l'expérience pour pouvoir être cru.

La vraie cause de ce phénomene est peut - être d'une nature à se dérober long - tems à nos recherches. On pourroit penser qu'une masse d'eau tranquille ou peu agitée se refroidissant plus régulierement, la force d'attraction s'y distribue avec uniformité; qu'ainsi les parties intégrantes de l'eau tendans les unes vers les autres avec une égale force, balancent mutuellement leurs efforts: cet équilibre contraire à l'union des molécules d'eau, & qui seule entretient la liquidité, doit disparoître à la moindre secousse. Ceci revient assez à l'explication que M. de Mairan a donnée de ce phénomene, qui au reste n'est point particulier à la congelation. M. Romieu de la societé royale des Sciences de Montpellier, a observé qu'une dissolution de sel de Glauber dont il avoit fait évaporer une partie, ne s'étoit point crystallisée, tant que le vaisseau qui contenoit cette dissolution avoit été tenu en repos; mais ayant tant - soit - peu agité ce vaisseau, il vit paroître à l'instant plusieurs crystaux. Deux effets si parfaitement semblables ne dépendent - ils point d'un même principe qui influe & dans la congelation & dans la crystallisation?

3°. Des phénomenes de la glace lorsqu'elle est toute formée. Examinons maintenant la glace dans son état de perfection. M. Poerhaave en décrit exactement les principaux caracteres, quand il dit que c'est une espece de verre qui se fondant naturellement & de lui - même à une chaleur de 33 degrés du thermometre de Fahrenheit, ne conserve sa solidité que parce qu'il est exposé à un degré de froid un peu plus grand; que c'est une masse moins dense que l'eau dure, élastique, fragile, transparente, sans odeur, insipide, que l'on peut polir en lui donnant différentes figures, &c. Quelques - unes de ces différentes propriétés doivent être examinées séparément: n'oublions point qu'il est question de la glace proprement dite, de la glace de l'eau.

On a déjà beaucoup parlé de l'augmentation de voiume de l'eau glacée; il reste à assigner le degré précis de cette dilatation: ce degré n'est point uniforme; tantôt le poids spécifique de l'eau est à celui de la glace, comme 19 à 18, tantôt comme 15 à 14, quelquefois dans la raison de 9 à 8. En général la glace est d'autant plus legere qu'elle contient plus de bulles d'air, & que ces bulles sont plus grosses.

Selon M. de Mairan, la glace faite avec de l'eau purgée d'air, n'excede que d'un vingt - deuxieme le volume qui la produit; ainsi cette glace est sensiblement plus pesante que la glace de l'eau ordinaire, & le rapport de leurs gravités spécifiques est quelquefois celui de 99 à 92.

Les bulles d'air qui se rencontrent dans la glace dès sa premiere formation, ne sont d'abord, comme nous l'avons vû, que de la grosseur à - peu - près d'une tête d'épingle; mais à mesure que le froid continue ou qu'il augmente, la réunion de ces bulles forme des globules plus considérables, qui ont souvent 3 à 4 lignes de diametre, quelquefois un demi - pouce, & même un pouce entier. Dans ces circonstances le ressort de l'air contenu dans la glace agit plus fortement pour la dilater: une grosse bulle d'air fait plus d'effet qu'un grand nombre de petites dispersées çà & là, quoique ces petites jointes ensemble composent une masse égale à celle de la grosse bulle. En général les forces expansives de deux bulles d'air de figure sphérique sont proportionnelles à leurs diametres. M. de Mairan en a donné la véritable raison dans sa dissert. sur la glace, II. part. sect. j. ch. 5.

Il suit de - là, & l'expérience le justifie, que le vo<pb-> [p. 682] lume de la glace doit continuer à augmenter après qu'elle s'est formée. Un morceau de glace qui dans sa premiere formation n'étoit que d'un quatorzieme plus leger que l'eau, fut trouvé au bout de huit jours plus leger que ce fluide dans la raison de 12 à 11: nous devons cette observation à M. de Mairan.

La durete de la glace est très grande; elle surpasse considérablement celle du marbre & de plusieurs autres corps connus. Il paroît que la glace est d'autant plus forte pour résister à sa rupture ou à son applatissement, qu'elle est plus compacte & plus dégagée d'air, ou qu'elle a été formée par un plus grand froid & dans des pays plus froids. Les glaces du Spitzberg & des mers d'Islande sont si dures, qu'il est très - difficile de les rompre avec le marteau: voici une preuve bien singuliere de la fermeté & de la tenacité de ces glaces septentrionales. Pendant le rigoureux hyver de 1740, on construisit à Petersbourg, suivant les regles de la plus élégante architectuie, un palais de glace de 52 piés 1/2 de longueur, sur 16 1/2 de largeur & 20 de hauteur, sans que le poids des parties supérieures & du comble qui étoit aussi de glace, parût endommager le moins du monde le pié de l'édifice: la Neva riviere voisine, où la glace avoit 2 ou 3 piés d'épaisseur, en avoit fourni les matériaux. Pour augmenter la merveille, on plaça au - devant du bâtiment six canons de glace avec leurs affuts de la même matiere, & deux mortiers à bombe dans les mêmes proportions que ceux de fonte. Ces pieces de canon étoient du calibre de celles qui portent ordinairement trois livres de poudre: on ne leur en donna cependant qu'un quarteron; mais on les tira, & le boulet d'une de ces pieces perça à 60 pas une planche de deux pouces d'épaisseur: le canon dont l'épaisseur étoit tout au plus de 4 pouces, n'éclata point par une si forte explosion. Ce fait peut rendre croyable ce que rapporte Olaüs - Magnus des fortifications de glace, dont il assûre que les nations septentrionales savent faire usage dans le besoin. M. de Mairan, dissert. sur la glace, II. part. iij sect. chap. iij.

La glace érant plus le ere que l'eau, peut supporter des poids considérables, lorsqu'elle est elle même portée & soûtenue par l'eau. Dans la grande gelée de 1683, la glace de la Tamise n'étoit que de onze pouces; cependant on alloit dessus en carrosse. On doit observer qu'une glace adhérente à des corps solides, comme celle d'une riviere l'est à ses bords, doit supporter un plus grand poids que celle qui flotte sur l'eau, ou qui est rompue & felée en plusieurs endroits.

Ce qu'on peut dire de plus précis sur la froideur de la glace, c'est que dans les commencemens le degré qui l'exprime est le trente - deuxieme du thermometre de Fahrenheit, ou le zéro de celui de M. de Reaumur. Mais dans la suite la glace, comme tous les autres corps solides, prend à peu - pres la température du milieu qui l'environne; elle doit donc augmenter de froideur, quand il gele plus fortement, & en diminuer, quand la gelée est moindre.

La glace est communément moins transparente & plus blanchâtre que l'eau dont elle est formée: ce qui vient de cette multitude de bulles d'air qui interrompent toûjours la continuité de sa masse. Cet air rassemblé en bulles est d'une part beaucoup plus rare que les parties propres de l'eau glacée, & de l'autre Newion a démontré qu'un corps est opaque, quand les vuides que laisse sa matiere propre, sont remplis d'une substance dont la densité differe de la sienne. Plus les bulles d'air sont grosses, moins la glace est transparente. Celle qu'on a faite avec de l'eau purgée d'air, autant qu'il est possible, n'est pas toûjours également diaphane; elle l'est quelquefois plus que la glace ordinaire, quelquefois aussi elle l'est beaucoup moins; c'est qu'elle n'est pas privée de tout l'air qui y étoit contenu, & que les petites bulles presque invisibles qui s'y forment, peuvent dans certaines circonstances faire beaucoup d'esset. Voyez Opacité & Transparence.

Les glaces du Groënland sont moins transparentes que les nôtres: de plus, s'il en faut croire certains voyageurs, elles ont une couleur bleue que n'ont point celles de notre climat.

La réfraction de la glace est un peu moindre que celle de l'eau; elle est d'ailleurs assez réguliere: on fait des lentilles de glace qui rassemblent les rayons du soleil au point d'allumer & de brûler de la poudre au fort de l'hyver. Voyez Lentille, Miroir - Ardent, &c.

Quoique la glace soit un corps solide & très - dur, elle est sujette à s'évaporer considérablement; & ce qui est bien digne de remarque, cette évaporation est d'autant plus grande & plus prompte, que le froid est plus violent. Selon les observations faites à Montpellier en 1709 par feu M. Gauteron, secrétaire de la société royale des Sciences de cette vilie, la glace exposée à l'air libre perdoit alors un quart de son poids en vingt - quatre heures; évaporation que M. Gauteron jugea plus considérable que celle de l'eau dans un tems moyen entre le chaud & le froid. Mém. de l'Acad. 1709, à la fin du volume.

M. de Mairan fait dépendre ce phénomene de la contexture particuliere de la glace, qui occupant un plus grand volume que l'eau, offrant une plus grande superficie, hérissée d'une infinité d'inégahtes, doit par - là même, nonobstant sa dureté, donner plus de prise à la cause générale de l'évaporation. J'ajouterai que la sécheresse de l'air & le vent de nord accompagnent presque toûjours les grandes gelées. Or dans ces circonstances l'évaporation est considérable; un air plus sec est plus disposé à se charger de vapeurs, qui s'éleveront d'ailleurs en plus grande quantité, quand cet air sera incessamment renouvellé. Ceci explique assez naturellement pourquoi les liquides qui ne se gelent point, s'évaporent de même très - considerablement pendant les grands froids.

Nous ne parlons point ici de la neige ni de la gelée blanche; ce sont des especes de glace, dont on marque ailleurs les différences d'avec la glace proprement dite. La grêle est une vraie glace, qui n'a rien de particulier que les circonstances & le méchanisme de sa formation. Voyez Neige, Geléf blanche & Grêle .

Tout ce que nous avons dit des propriétés de la glace de l'eau, ne sauroit guere être appliqué aux différentes sortes de glace qui résultent de la congelation des autres liquides. La glace de l'huile d'olive, par exemple, est terne, opaque, & fort blanchâtre; celle de l'eau est transparente: la premiere est plus dense qu'auparavant; l'autre est plus rare & plus legere qu'elle n'étoit avant la perte de sa liquidité. Il paroît que la dureté est la propriété que convient le plus généralement à toutes les especes de glace; encore ceci doit - il être enténdu avec quelque resiriction. La glace de l'huile d'olive n'est pas dure dans les commencemens, mais elle le devient toûjours quand le froid continue, & ce n'est qu'alors qu'elie est censée avoir acquis toute sa perfection.

4°. Des phénomenes de la glace dans sa fonte, & du dégel. La glace se fond à un degré de froid un peu moindre que celui qui la produit. Ainsi le contact des corps voisins suffit pour la fondre, si ces corps sont moins froids qu'elle, ou, ce qui est la même chose, si leur température actuelle est au - dessous du froid de la congelation.

Tous les corps solides appliqués sur la glace ne sont pas également propres à produire cet effet. Ceux

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