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Nous ne parlons dans cette histoire que des Géometres dont il nous reste des écrits que le tems a
épargnés; car s'il falloit nommer tous ceux qui dans
l'antiquité se sont distingués en Géométrie, la liste en
seroit trop longue; il faudroit faire mention d'Eudoxe de Cnide, d'Archytas de Tarente, de Philolaüs,
d'Eratosthene, d'Aristarque de Samos, de Dinostrate si connu par sa quadratrice (Voyez
Les Grecs continuerent à cultiver la Philosophie,
la Géométrie, & les Lettres, même après qu'ils eurent
été subjugués par les Romains. La Géométrie &
les Sciences en général, ne furent pas fort en honneur
chez ce dernier peuple qui ne pensoit qu'à subjuguer
& à gouverner le monde, & qui ne commença
guere à cultiver l'éloquence même que vers la fin
de la république. On a vû dans l'article
Si les Romains cultiverent peu la Géometrie dans
les tems les plas slorissans de la république, il n'est
pas surprenant qu'ils l'ayent encore moins cultivée
dans la décadence de l'empire. Il n'en sut pas de même
des Grecs; ils eurent depuis l'ere chrétienne même,
& assez long - tems aprés la translation de l'empire,
des géometres habiles. Ptolomée grand astronome
& par conséquent grand géometre, car on ne
peut être l'un sans l'autre, vivoit sous Marc - Aurele;
& on peut voir au mot
L'ignorance profonde qui couvrit la surface de la
Terre & sur - tout l'Occident, depuis la destruction
de l'empire par les Barbares, nuisit à la Géométrie
comme à toutes les autres connoissances; on ne trouve
plus guere ni chez les Latins, ni même chez les
Grecs, d'hommes versés dans cette partie; il y en eut
seulement quelques - uns qu'on appelloit savans, parce
qu'ils étoient moins ignorans que les autres, &
quelques - uns de ceux - là, comme Gerbert, passerent
pour magiciens; mais s'ils eurent quelque connoissance
des découvertes de leurs prédécesseurs, il n'y
ajoûterent rien, du - moins quant à la Géométrie; nous
ne connoissons aucun théoreme important dont cette
science leur soit redevable: c'étoit principalement
par rapport à l'Astronomie qu'on étudioit alors le
peu de Géométrie qu'on vouloit savoir, & c'étoit principalement
par rapport au calendrier & au comput
ecciésiastique qu'on étudioit l'Astronomie; ainsi l'étude
de la Géométrie n'étoit pas poussée fort loin. On
peut voir au mot
A la renaissance des lettres, on se borna presque uniquement à traduire & à commenter les ouvrages de Géométrie des anciens; & cette science fit d'ailleurs peu de progrès jusqu'à Descartes: ce grand homme publia en 1637 sa géométrie, & la commença par la solution d'un probleme où Pappus dit que les anciens mathématiciens étoient restes. Mais ce qui est plus précieux encore que la solution de ce problème, c'est l'instrument dont il se servit pour y parvenir, & qui ouvrit la route à la solution d'une infinité d'autres questions plus difficiles. Nous voulons parler de l'application de l'Algebre à la Géométrie; application dont nous ferons sentir le mérite & l'usage dans la suite de cet article: c'étoit là le plus grand pas que la Géométrie eût fait depuis Archimede; & c'est l'origine des progrès surprenans que cette icience a faits dans la suite.
On doiz à Descartes non - seulement l'application
de l'Algebre à la Géométrie, mais les premiers essais
de l'application de la Géométrle à la Physique, qui a
été poussée si loin dans ces derniers tems. Ces essais
qui se voyent principalement dans sa dioptrique, &
dans quelques endroits de ses metéores, faisoient dire
à ce philosophe que toute sa physique n'étoit autre
chose que Géométrie: elle n'en auroit valu que mieux
si elle eût eu en effet cet avantage; mais malheureusement
la physique de Descaites consistoit pius en
hypothèses qu'en calculs; & l'Analyse a renversé depuis
la plûpart de ces hypotheses. Ainsi la Géométrie
qui doit tant à Descartes, est ce qui a nui le plus à sa
physique. Mais ce grand homme n'en a pas moins la
gloire d'avoir appliqué le premier avec quelque succès
la Géométrie à la science de la nature; comme il
a le mérite d'avoir pensé le premier qu'il y avoit des
lois du mouvement, quoiqu'il se soit trompé sur ces
lois. Voyez
Tandis que Descartes ouvroit dans la Géométrie une carriere nouvelle, d'autres mathématiciens s'y frayoient aussi des routes à d'autres égards, & préparoient, quoique foiblement, cette Géométrie de l'infini, qui à l'aide de l'Analyse, devoit faire dans la suite de si grands progrès. En 1635, deux ans avant la publication de la Géométrie de Descartes, Bonaventure Cavalérius, religieux italien de l'ordre des Jésuates, qui ne subsiste plus, avoit donné sa géométrie des indivisibles: dans cet ouvrage, il considere les plans comme formés par des suites infinies de lignes, qu'il appelle quantités indivisibles, & les solides par des suites infinies de plans; & par ce moyen, il parvient à trouver la surface de certaines figures & la solidité de certains corps. Comme l'infini employé à la maniere de Cavalerius étoit alors nouveau en Géométrie, & que ce religieux craignoit des contradicteurs, il tâcha d'adoucir ce terme par celui d'indéfini, qui au fond ne signifioit en cette occasion que la même chose. Malgré cette espece de palliatif, il
Cependant le moment de cette heureuse découverte
approchoit; Fermat imagina le premier la méthode
des tangentes par les différences; Barrow la
perfectionna en imaginant son petit triangle différentiel,
& en se servant du calcul analytique, pour découvrir
le rapport des petits côtés de ce triangle, &
par ce moyen la sous - tangente des courbes. Voyez
D'un autre côté on fit réflexion que les plans ou
solides infiniment petits, dont les surfaces ou les solides
pouvoient être supposés formés, croissoient ou
décroissoient dans chaque surface ou solide, suivant
différentes lois; & qu'ainsi la recherche de la mesure
de ces surfaces ou de ces solides se réduisoit à connoitre
la somme d'une série ou suite infinie de quantités
croissantes ou décroissantes. On s'appliqua donc
à la recherche de la somme des suites; c'est ce qu'on
appella l'arithmétique des infinis; on parvint à en sommer
plusieurs, & on appliqua aux figures géométriques
les résultats de cette méthode. Wallis, Mercator, Brouncker, Jacques Grégori, Huyghens, &
quelques autres se signalerent en ce genre; ils firent
plus; ils réduisirent certains espaces & certains arcs
de courbes en séries convergentes, c'est - à - dire dont
les termes alloient toûjours en diminuant; & par - là
ils donnerent le moyen de trouver la valeur de ces
espaces & de ces arcs, sinon exactement, au - moins
par approximation: car on approchoit d'autant plus
de la vraie valeur, qu'on prenoit un plus grand nombre
de termes de la suite ou série infinie qui l'exprimoit.
Voyez
Tous les matériaux du calcul différentiel étoient
prêts; il ne restoit plus que le dernier pas à faire. M.
Leibnitz publia le premier en 1684 les regles de ce
calcul, que M. Newton avoit déjà trouvées de son
côté: nous avons discuté au mot
M. Newton n'a pas moins contribué au progrès
de la Géométrie pure par deux autres ouvrages; l'un
est son traité de quadraturâ curvarum, où il enseigne
la maniere de quarrer les courbes par le calcul intégral,
qui est l'inverse du différentiel; ou de réduire la
quadrature des courbes, lorsque cela est possible, à
celle d'autres courbes plus simples, principalement
du cercle & de l'hyperbole: le second ouvrage est
son enumeratio linearum tertii ordinis, où appliquant
heureusement le calcul aux courbes dont l'équation
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