ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"630"> déjà apperçus qu'en coupant un cone de différentes manieres, on formoit des courbes différentes du cercle, qu'ils nommerent sections coniques. Voy. Conique & Section. Les différentes propriétés de ces courbes, que plusieurs mathématiciens découvrirent successivement, furent recueillis en huit livres par Apollonius de Perge, qui vivoit environ 250 ans avant J. C. Voyez Apollonien. Ce fut lui, à ce qu'on prétend, qui donna aux trois sections coniques les noms qu'elles portent, de parabole, d'ellipse, & d'hyperbole, & dont on peut voir les raisons à leurs articles. A - peu - près en même tems qu'Apollonius, florissoit Archimede, dont nous avons de si beaux ouvrages sur la sphere & le cylindre, sur les conoïdes & les sphéroïdes, sur la quadrature du cercle qu'il trouva par une approximation très - simple & très - ingénieuse (Voyez Quadrature), & sur celle de la parabole qu'il détermina exactement. Nous avons aussi de lui un traité de la spirale, qui peut passer pour un chef - d'oeuvre de sagacité & de pénétration. Les démonstrations qu'il donne dans cet ouvrage, quoique très - exactes, sont si difficiles à embrasser, qu'un savant mathématicien moderne, Bouillaud, avoue ne les avoir jamais bien entendues, & qu'un mathématicien de la plus grande force, notre illustre Viete, les a injustement soupçonnées de paralogisme, faute de les avoir bien comprises. Voyez la préface de l'analyse des infiniment petits de M. de l'Hôpital. Dans cette présace, qui est l'ouvrage de M. de Fontenelle, on a rapporté les deux passages de Bouillaud & de Viete, qui vérifient ce que nous avançons ici. On doit encore à Archimede d'autres écrits non moins admirables, qui ont rapport à la Méchanique plus qu'à la Géométrie, de oequiponderantibus, de insidentibus humido; & quelques autres dont ce n'est pas ici le lieu de faire mention.

Nous ne parlons dans cette histoire que des Géometres dont il nous reste des écrits que le tems a épargnés; car s'il falloit nommer tous ceux qui dans l'antiquité se sont distingués en Géométrie, la liste en seroit trop longue; il faudroit faire mention d'Eudoxe de Cnide, d'Archytas de Tarente, de Philolaüs, d'Eratosthene, d'Aristarque de Samos, de Dinostrate si connu par sa quadratrice (Voyez Quadratrice), de Menechme son frere, disciple de Platon, des deux Aristées, l'ancien & le jeune, de Conon, de Thrasidée, de Nicotele, de Leon, de Theudius, d'Hermotime, de Nicomede, inventeur de la conchoïde (V. Conchoïde), & un peu plus jeune qu'<-> Archimede & qu'Apollonius, & de plusieurs autres.

Les Grecs continuerent à cultiver la Philosophie, la Géométrie, & les Lettres, même après qu'ils eurent été subjugués par les Romains. La Géométrie & les Sciences en général, ne furent pas fort en honneur chez ce dernier peuple qui ne pensoit qu'à subjuguer & à gouverner le monde, & qui ne commença guere à cultiver l'éloquence même que vers la fin de la république. On a vû dans l'article Erudition avec quelle legereté Ciceron parle d'Archimede, qui pourtant ne lui étoit point inférieur; peut - être même est - ce faire quelque tort à un génie aussi sublime qu'Archimede, de ne le placer qu'à côté d'un bel esprit, qui dans les matieres philosophiques qu'il a trairées, n'a guere fait qu'exposer en longs & beaux discours, les chimeres qu'avoient pensées les autres. On étoit si ignorant à Rome sur les Mathématiques, qu'on donnoit en général le nom de mathématiciens, comme on le voit dans Tacite, à tous ceux qui se mêloient de deviner, quoiqu'il y ait encore plus de distance des chimerqs de la Divination & de l'Astrologie judiciaire aux Mathématiques, que de la pierre philosophale à la Chimie. Ce même Tacite, un des plus grands esptits qui ayent jamais écrit, nous donne par ses propres ouvrages une preuve de l'ignorance des Romains, dans les questions de Géométrie & d'Astronomie les plus élémentaires & les plus simples. Il dit dans la vie d'Agricola, en faisant la description de l'Angleterre, que vers l'extrémité septentrionale de cette ile, les grands jours d'été n'ont presq le point de nuit; & voici la raison qu'il en apporte: scilicet extrema & plana terrarum humili umbra non erigunt tenebras, infràque coelum & sydera nox cadit. Nous n'entreprendrons point avec les commentateurs de Tacite, de donner un sens à ce qui n'en a point; nous nous contenterons d'avoir montré par cet exemple, que la manie d'étaler un saux savoir & de parler de ce qu'on n'entend pas, est fort ancienne. Un traducteur de Tacite dit que cet historien regarde la Terre dans ce passage comme une sphere dont la base est environnée d'eau, &c. Nous ne savons ce que c'est que la base d'une sphere.

Si les Romains cultiverent peu la Géometrie dans les tems les plas slorissans de la république, il n'est pas surprenant qu'ils l'ayent encore moins cultivée dans la décadence de l'empire. Il n'en sut pas de même des Grecs; ils eurent depuis l'ere chrétienne même, & assez long - tems aprés la translation de l'empire, des géometres habiles. Ptolomée grand astronome & par conséquent grand géometre, car on ne peut être l'un sans l'autre, vivoit sous Marc - Aurele; & on peut voir au mot Astronomie, les noms de plusieurs autres. Nous avons encore les ouvrages de Pappus d'Alexandrie, qui vivoit du tems de Théodose; Eutocius Ascalonite, qui vivoit après lui vers l'an 540 de l'ere chrétienne, nous a donné un commentaire sur la mesure du cercle par Archimede. Proclus qui vivoit sous l'empire d'Anastase au cinquieme & sixieme siecles, démontra les théorèmes d'Euclide, & son commentaire sur cet auteur est parvenu jusqu'à nous. Ce Proclus est encore plus sameux par les miroirs (vrais ou supposés) dont il se servit, dit - on, pour brûler la flotte de Vitalien qui assiégeoit Constantinople. Voyez Ardent & Miroir. Entre Eutocius & Pappus, il y a apparence qu'on doit placer Dioclès, connu par sa cissoide (Voyez Cissoide), mais dont on ne connoît guere que le nom, car on ne sait pas précisément le tems où il a vécu.

L'ignorance profonde qui couvrit la surface de la Terre & sur - tout l'Occident, depuis la destruction de l'empire par les Barbares, nuisit à la Géométrie comme à toutes les autres connoissances; on ne trouve plus guere ni chez les Latins, ni même chez les Grecs, d'hommes versés dans cette partie; il y en eut seulement quelques - uns qu'on appelloit savans, parce qu'ils étoient moins ignorans que les autres, & quelques - uns de ceux - là, comme Gerbert, passerent pour magiciens; mais s'ils eurent quelque connoissance des découvertes de leurs prédécesseurs, il n'y ajoûterent rien, du - moins quant à la Géométrie; nous ne connoissons aucun théoreme important dont cette science leur soit redevable: c'étoit principalement par rapport à l'Astronomie qu'on étudioit alors le peu de Géométrie qu'on vouloit savoir, & c'étoit principalement par rapport au calendrier & au comput ecciésiastique qu'on étudioit l'Astronomie; ainsi l'étude de la Géométrie n'étoit pas poussée fort loin. On peut voir au mot Astronomie, les noms des principaux mathématiciens des siecles d'ignorance. Il en est un que nous ne devons pas oublier; c'est Vitellion savant polonois du treizieme siecle, dont nous avons un traité d'Optique très - estimable pour ce tems - là, & qui suppose des connoissances géométriques. Ce Vitellion nous rappelle l'arabe Alhazen, qui vivoit environ un siecle avant lui, & qui cultivoit aussi les Mathématiques avec succès. Les siecles d'ignorance chez les Chrétiens ont été les siecles de [p. 631] lumiere & de savoir chez les Arabes; cette nation a produit depues le 9e jusqu'au 14e siecle, des astronomes, des géometres, des géographes, des chimistes, &c. Il y a apparence qu'on doit aux Arabes les premiers elemens de l'Algebre: mais leurs ouvrages de Géométrie dont il est ici principalement question, ne sont point parvenus jusqu'à nous pour la plûpart, ou sont encore manuscrits. C'est sur une traduction arabe d'Apollonius qu'a été faite en 1661 l'édition du cinquieme, du sixieme & du septieme livre de cet auteur. Voyez Apollonien. Cette traduction étoit d'un géometre arabe nommé Abalphat, qui vivoit à la fin du dixieme siecle. Il n'y avoit peut - être pas alors parmi les Chrétiens un seul géometre qui fût en état d'entendre Apollonius; il auroit fallu d'ailleurs pour le traduire savoir en même tems le grec & la Géométrie, ce qui n'est pas fort commun, même dans notre siecle.

A la renaissance des lettres, on se borna presque uniquement à traduire & à commenter les ouvrages de Géométrie des anciens; & cette science fit d'ailleurs peu de progrès jusqu'à Descartes: ce grand homme publia en 1637 sa géométrie, & la commença par la solution d'un probleme où Pappus dit que les anciens mathématiciens étoient restes. Mais ce qui est plus précieux encore que la solution de ce problème, c'est l'instrument dont il se servit pour y parvenir, & qui ouvrit la route à la solution d'une infinité d'autres questions plus difficiles. Nous voulons parler de l'application de l'Algebre à la Géométrie; application dont nous ferons sentir le mérite & l'usage dans la suite de cet article: c'étoit là le plus grand pas que la Géométrie eût fait depuis Archimede; & c'est l'origine des progrès surprenans que cette icience a faits dans la suite.

On doiz à Descartes non - seulement l'application de l'Algebre à la Géométrie, mais les premiers essais de l'application de la Géométrle à la Physique, qui a été poussée si loin dans ces derniers tems. Ces essais qui se voyent principalement dans sa dioptrique, & dans quelques endroits de ses metéores, faisoient dire à ce philosophe que toute sa physique n'étoit autre chose que Géométrie: elle n'en auroit valu que mieux si elle eût eu en effet cet avantage; mais malheureusement la physique de Descaites consistoit pius en hypothèses qu'en calculs; & l'Analyse a renversé depuis la plûpart de ces hypotheses. Ainsi la Géométrie qui doit tant à Descartes, est ce qui a nui le plus à sa physique. Mais ce grand homme n'en a pas moins la gloire d'avoir appliqué le premier avec quelque succès la Géométrie à la science de la nature; comme il a le mérite d'avoir pensé le premier qu'il y avoit des lois du mouvement, quoiqu'il se soit trompé sur ces lois. Voyez Communication du Mouvement.

Tandis que Descartes ouvroit dans la Géométrie une carriere nouvelle, d'autres mathématiciens s'y frayoient aussi des routes à d'autres égards, & préparoient, quoique foiblement, cette Géométrie de l'infini, qui à l'aide de l'Analyse, devoit faire dans la suite de si grands progrès. En 1635, deux ans avant la publication de la Géométrie de Descartes, Bonaventure Cavalérius, religieux italien de l'ordre des Jésuates, qui ne subsiste plus, avoit donné sa géométrie des indivisibles: dans cet ouvrage, il considere les plans comme formés par des suites infinies de lignes, qu'il appelle quantités indivisibles, & les solides par des suites infinies de plans; & par ce moyen, il parvient à trouver la surface de certaines figures & la solidité de certains corps. Comme l'infini employé à la maniere de Cavalerius étoit alors nouveau en Géométrie, & que ce religieux craignoit des contradicteurs, il tâcha d'adoucir ce terme par celui d'indéfini, qui au fond ne signifioit en cette occasion que la même chose. Malgré cette espece de palliatif, il trouva beaucoup d'adversaires, mais il eut aussi des partisans; ceux - ci en adoptant l'idée de Cavalérius la rendirent plus exacte, & substituerent aux lignes qui composoient les plans de Cavalerius, des parallélogrammes infiniment petits; aux plans indivisibles de Cavalerius, des solides d'une épaisseur infiniment petite: ils considérerent les courbes comme des polygones d'une infinité de côtés, & parvinrent par ce moyen à trouver la surface de certains espaces curvilignes, la rectification de certaines courbes, la mesure de certains solides, les centres de gravité des uns & des autres: Grégoire de Saint - Vincent, & sur - tout Pascal, se distinguerent l'un & l'autre en ce genre; le premier, dans son traité intitulé, quadratura circuli & hyperboloe, 1647. où il mêla à quelques paralogismes de très - beaux théorèmes; & le second, par son traité de la roulette ou cycloide (V. Cycloïde), qui paroit avoir demandé les plus grands essorts d'esprit; car on n'avoit point encore trouvé le moyen de rendre la Géométrie de l'infini beaucoup plus facile en y appliquant le calcul.

Cependant le moment de cette heureuse découverte approchoit; Fermat imagina le premier la méthode des tangentes par les différences; Barrow la perfectionna en imaginant son petit triangle différentiel, & en se servant du calcul analytique, pour découvrir le rapport des petits côtés de ce triangle, & par ce moyen la sous - tangente des courbes. Voyez Différentiel.

D'un autre côté on fit réflexion que les plans ou solides infiniment petits, dont les surfaces ou les solides pouvoient être supposés formés, croissoient ou décroissoient dans chaque surface ou solide, suivant différentes lois; & qu'ainsi la recherche de la mesure de ces surfaces ou de ces solides se réduisoit à connoitre la somme d'une série ou suite infinie de quantités croissantes ou décroissantes. On s'appliqua donc à la recherche de la somme des suites; c'est ce qu'on appella l'arithmétique des infinis; on parvint à en sommer plusieurs, & on appliqua aux figures géométriques les résultats de cette méthode. Wallis, Mercator, Brouncker, Jacques Grégori, Huyghens, & quelques autres se signalerent en ce genre; ils firent plus; ils réduisirent certains espaces & certains arcs de courbes en séries convergentes, c'est - à - dire dont les termes alloient toûjours en diminuant; & par - là ils donnerent le moyen de trouver la valeur de ces espaces & de ces arcs, sinon exactement, au - moins par approximation: car on approchoit d'autant plus de la vraie valeur, qu'on prenoit un plus grand nombre de termes de la suite ou série infinie qui l'exprimoit. Voyez Suite, Série, Approximation &c.

Tous les matériaux du calcul différentiel étoient prêts; il ne restoit plus que le dernier pas à faire. M. Leibnitz publia le premier en 1684 les regles de ce calcul, que M. Newton avoit déjà trouvées de son côté: nous avons discuté au mot Différentiel, la question si Leibnitz peut être regardé comme inventeur. Les illustres freres Bernoulli trouverent les démonstrations des regles données par Leibnitz; & Jean Bernoulli y ajoûta quelques années après, la méthode de différentier les quantités exponentielles. Voyez Exponentiel.

M. Newton n'a pas moins contribué au progrès de la Géométrie pure par deux autres ouvrages; l'un est son traité de quadraturâ curvarum, où il enseigne la maniere de quarrer les courbes par le calcul intégral, qui est l'inverse du différentiel; ou de réduire la quadrature des courbes, lorsque cela est possible, à celle d'autres courbes plus simples, principalement du cercle & de l'hyperbole: le second ouvrage est son enumeratio linearum tertii ordinis, où appliquant heureusement le calcul aux courbes dont l'équation

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