ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"578B"> qu'on regarde ailleurs comme les plus importans à la religion. Plusieurs ne croyent plus la divinité de Jesus - Christ, dont Calvin leur chef étoit si zélé défenseur, & pour laquelle il fit brûler Servet. Quand on leur parle de ce supplice, qui fait quelque tort à la charité & à la modératon de leur patriarche, ils n'entreprennent point de le justifier; ils avouent que Calvin fit une action très - blâmable, & ils se contentent (si c'est un catholique qui leur parle) d'opposer au supplice de Servet cette abominable journée de la S. Barthélemy, que tout bon françois desireroit d'effacer de notre histoire avec son sang, & ce supplice de Jean Hus, que les Catholiques mêmes, disent - ils, n'entreprennent plus de justifier, où l'humanité & la bonne - foi furent également violées, & qui doit couvrir la mémoire de l'empereur Sigismond d'un opprobre éternel.

« Ce n'est pas, dit M. de Voltaire, un petit exemple du progrès de la raison humaine, qu'on ait imprimé à Genève avec l'approbation publique (dans l'essai sur l'histoire universelle du même auteur), que Calvin avoit une ame atroce, aussi - bien qu'un esprit éclairé. Le meurtre de Servet paroît aujourd'hui abominable ». Nous croyons que les éloges dûs à cette noble liberté de penser & d'écrire, sont à partager également entre l'auteur, son siecle, & Genève. Combien de pays où la Philosophie n'a pas fait moins de progrès, mais où la vérité est encore captive, où la raison n'ose élever la voix pour foudroyer ce qu'elle condamne en silence, où même trop d'écrivains pusillanimes, qu'on appelle sages, respectent les préjugés qu'ils pourroient combattre avec autant de décence que de sûreté?

L'enfer, un des points principaux de notre croyance, n'en est pas un aujourd'hui pour plusieurs ministres de Genève; ce seroit, selon eux, faire injure à la divinité, d'imaginer que cet Être plein de bonté & de justice, fût capable de punir nos fautes par une éternité de tourmens: ils expliquent le moins mal qu'ils peuvent les passages formels de l'Eeriture qui sont contraires à leur opinion, prétendant qu'il ne faut jamais prendre à la lettre dans les Livres saints, tout ce qui paroît blesser l'humanité & la raison. Ils croyent donc qu'il y a des peines dans une autre vie, mais pour un tems; ainsi le purgatoire, qui a été une des principales causes de la séparation des Protestans d'avec l'Eglise romaine, est aujourd'hui la seule peine que plusieurs d'entr'eux admettent après la mort: nouveau trait à ajoûter à l'histoire des contradictions humaines.

Pour tout dire en un mot, plusieurs pasteurs de Genève n'ont d'autre religion qu'un socinianisme parfait, rejettant tout ce qu'on appelle mysteres, & s'imaginant que le premier principe d'une religion véritable, est de ne rien proposer à croire qui heurte la raison: aussi quand on les presse sur la nécessité de la révélation, ce dogme si essentiel du Christianisme, plusieurs y substituent le terme d'utilité, qui leur paroit plus doux: en cela s'ils ne sont pas orthodoxes, ils sont au - moins conséquens à leurs principes. Voyez Socinianisme.

Un clergé qui pense ainsi doit être tolérant, & l'est en effet assez pour n'être pas regardé de bon oeil par les ministres des autres églises réformées. On peut dire encore, sans prétendre approuver d'ailleurs la religion de Genève, qu'il y a peu de pays où les théologiens & les ecclésiastiques soient plus ennemis de la superstition. Mais en récompense, comme l'intolérance & la superstition ne servent qu'à multiplier les incrédules, on se plaint moins à Genève qu'ailleurs des progrès de l'incrédulité, ce qui ne doit pas surprendre: la religion y est presque réduite à l'adoration d'un seul Dieu, du moins chez presque tout ce qui n'est pas peuple: le respect pour J. C. & pour les Ecritures, sont peut - être la seule chose qui distingue d'un pur déisme le christianisme de Genève.

Les ecclésiastiques font encore mieux à Genève que d'être tolérans; ils se renferment uniquement dans leurs fonctions, en donnant les premiers aux citoyens l'exemple de la soûmission aux lois. Le consistoire établi pour veiller sur les moeurs, n'inflige que des peines spirituelles. La grande querelle du sacerdoce & de l'empire, qui dans des siecles d'ignorance a ébranlé la couronne de tant d'empereurs, & qui, comme nous ne le savons que trop, cause des troubles fâcheux dans des siecles plus éclairés, n'est point connue à Genève; le clergé n'y fait rien sans l'approbation des magistrats.

Le culte est fort simple; point d'images, point de luminaire, point d'ornemens dans les églises. On vient pourtant de donner à la cathédrale un portail d'assez bon goût; peut - être parviendra - t - on peu - à - peu à décorer l'intérieur des temples. Où seroit en effet l'inconvénient d'avoir des tableaux & des statues, en avertissant le peuple, si l'on vouloit, de ne leur rendre aucun culte, & de ne les regarder que comme des monumens destinés à retracer d'une maniere frappante & agréable les principaux évenemens de la religion? Les Arts y gagneroient sans que la superstition en profitât. Nous parlons ici, comme le lecteur doit le sentir, dans les principes des pasteurs génevois, & non dans ceux de l'Eglise catholique.

Le service divin renferme deux choses, les prédications, & le chant. Les prédications se bornent presqu'uniquement à la morale, & n'en valent que mieux. Le chant est d'assez mauvais goût, & les vers françois qu'on chante, plus mauvais encore. Il faut espérer que Genève se réformera sur ces deux points. On vient de placer un orgue dans la cathédrale, & peut - être parviendra - t - on à loüer Dieu en meilleur langage & en meilleure musique. Du reste la vérité nous oblige de dire que l'Être suprème est honoré à Genève avec une décence & un recueillement qu'on ne remarque point dans nos églises.

Nous ne donnerons peut - être pas d'aussi grands articles aux plus vastes monarchies; mais aux yeux du philosophe la république des abeilles n'est pas moins intéressante que l'histoire des grands empires, & ce n'est peut - être que dans les petits états qu'on peut trouver le modele d'une parfaite administration politique. Si la religion ne nous permet pas de penser que les Génevois ayent efficacement travaillé à leur bonheur dans l'autre monde, la raison nous oblige à croire qu'ils sont à - peu - près aussi heureux qu'on le peut être dans celui - ci:

O fortunatos nimiùm, sua si bona norint! (O)

GENEVOIS (Page 7:578B)

GENEVOIS, (le) Géog. petit état entre la France, la Savoie & la Suisse; il est extrèmement fertile, beau & peuplé. Genève en est la capitale. Voyez ci - devant Genève. (D. J.)

GENEVRETTE (Page 7:578B)

GENEVRETTE, s. f. (Econ. rustiq.) c'est le vin de genievre, dont la boisson est agréable, saine & peu coûteuse. Voyez Genievre. Cette boisson tient lieu de vin aux pauvres, & seroit un bon médicament pour les riches. On fait la genevrette avec six boisseaux de baies de genievre pilées & concassées, que l'on met infuser & fermenter dans cent pintes d'eau pendant trois semaines ou un mois, au bout duquel tems la liqueur est bonne à boire; mais en vieillissant davantage, elle acquiert encore du goût & de la force: on peut en laisser tomber le marc, & la tirer au clair; on y mêle aussi quelquefois trois ou quatre poignées d'absynthe. Le journal historique (Avril 1710) enseigne la maniere de faire de bonne genevrette; mais simplifiez sa maniere, & vous réussirez encore mieux. (D. J.) [p. 579]

GENEVRIER (Page 7:579)

GENEVRIER, s. m. juniperus, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles qui ont des sommets. Cette fleur est stérile. Le fruit est une baie qui renferme des osselets anguleux, dans lesquels il se trouve une semence oblongue. Les feuilles de la plante sont simples & plates. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Cet arbrisseau, quelquefois arbre, est connu de tout le monde; parce qu'il croît dans toute l'Europe, dans les pays septentrionaux & dans ceux du midi, dans les forêts, dans les bruyeres, & sur les montagnes. Il est sauvage ou cultivé, plus grand ou plus petit, stérile ou portant du fruit, domestique ou étranger.

On a autrefois confondu sous le même nom, les cedres & les genévriers. Théophraste nous dit que quoiqu'il y eût deux sortes de cedres, le licien & le phénicien, néanmoins c'étoient l'un & l'autre des arbres de même nature que le genévrier, avec cette seule différence que le genévrier s'élevoit plus haut, & que ses feuilles étoient douces; au lieu que celles du cedre étoient dures, pointues & piquantes: c'est à - peu près le contraire; mais cette confusion de noms qui étoit plus ancienne que Théophraste, & qui ne changea pas de son tems, s'est perpétuée d'âge en âge. Les Grecs appelloient indifferemment thion, l'un & l'autre de ces deux arbres; de sorte que le thion, le cedre & le genévrier devinrent synonymes. Ces mêmes Grecs nommoient aussi genévrier, le cyprès sauvage; & les Arabes à leur tour ont appellé genévrier, le cedre sauvage: non - seulement Myrespse en agit ainsi, mais il les confond tous les deux avec le citre des Romains. Quelques auteurs depuis la découverte de l'Amérique, sont tombés dans la même faute, en donnant le nom de cedres atlantiques aux genévriers des Indes occidentales. Les Espagnols comprennent sous le nom d'énebro, toute espece de genévrier & de cyprès. Enfin il y a plus, on appelle en anglois cedres de Virginie & des Bermudes, les genévriers de ces pays - là.

Mais heurcusement les noms vulgaires ne peuvent causer des erreurs, depuis qu'on a décrit & caractérisé le genévrier d'une maniere à la distinguer infailliblement du cedre, du cyprès, & de tout autre arbre. Ses feuilles sont longues, étroites & piquantes; ses fleurs mâles sont de petits chatons qui ne produisent point de fruit; le fruit est une baie molle, pulpeuse, contenant trois osselets qui renferment chacun une graine oblongue.

Entre les especes de genévriers que comptent nos Botanistes, il y en a deux générales & principales; le genévrier commun arbrisseau, & le genévrier commun qui s'éleve en arbre.

Le genévrier arbrisseau se trouve par - tout; c'est le juniperus vulgaris, fruticosa, de C. B. P. 488. J. R. H. 588. Ses racines sont nombreuses, étendues de tout côté; & quelques - unes sont plongées profondément dans la terre. Son tronc s'éleve quelquefois à la hauteur de cinq ou six piés; il n'est pas gros, mais branchu & fort touffu. Son écorce est raboteuse, rougeâtre, & tombe par morceaux. Son bois est ferme, un peu rougeâtre, sur - tout quand il est sec; il sent bon & jette une odeur agréable de résine. Ses feuilles sont pointues, très - étroites, longues d'un pouce, souvent plus courtes, roides, piquantes, toûjours vertes, placées le plus souvent trois à trois autour de chaque noeud. Ses fleurs sont des chatons qui paroissent au mois d'Avril & de Mai, à l'aisselle des feuilles; ils sont longs de deux ou trois lignes, panachés de pourpre & de couleur de safran, formés de plusieurs écailles, dont la partie inférieure est garnie de trois ou quatre bourses plus petites que la graine de pavot, remplies d'une poussiere dorée très - fine: ces sortes de fleurs sont stériles. Les fruits viennent en grand nombre sur d'autres especes de genévriers qui n'ont pas d'étamines; ce sont des baies ordinairement sphériques, contenant une pulpe huileuse, aromatique, d'un goût résineux, âcre & doux.

Le genévrier commun qui s'éleve en arbre, ou le grand genévrier, juniperus vulgaris, arbor, de C. B. P. Tournef. juniporus vulgaris, celsior, de Clusius, ne differe du petit genévrier qu'on vient de décrire, que par sa hauteur, qui même varie beaucoup suivant les lieux de sa naissance. On dit qu'en plusieurs pays d'Afrique, il égale en grandeur les arbres les plus élevés. Son bois dur & compact est employé pour les bâtimens. Cet arbre pousse en - haut beaucoup de rameaux, garnis de feuilles épineuses, toûjours vertes. Les chatons sont à plusieurs écailles & ne laissent aucun fruit après eux; car les fruits naissent en des endroits séparés, quoique sur le même pié qui porte les chatons; ils sont noirs, odorans, aromatiques, d'un goût plus doux que ceux du petit genévrier. On distingue cet arbre du cedre, non - seulement par son fruit, mais encore par ses feuilles qui sont simples & plates; au lieu que les feuilles du cedre sont différentes, & semblables à celles du cyprès. C'est ce qui prouve que les Grecs en confondant les cyprès, les genévriers & les cedres, n'ont point connu les cedres du mont Liban.

Le grand genévrier est cultivé dans les pays chauds, comme en Italie, en Espagne & en Afrique; il en découle naturellement ou par incisions faites au tronc & aux grosses branches pendant les chaleurs, une résine qu'on appelle gomme du genévrier, ou sandaraque des Arabes. Voyez Sandaraque des Arabes.

Le genévrier à baie rougeâtre, juniperus major, baccâ rubescente, de C. B. & de Tournefort, est du nombre des grands genévriers. Il est commun en Languedoc, où il porte de gros fruits rougeâtres, mais peu savoureux. On distille par la cornue son bois, pour en tirer une huile fétide, que les Maréchaux employent pour la galle & les ulceres des chevaux: c'est - là cette huile qu'ils nomment l'huile de Cade. Voyez Huile de Cade.

Le genévrier d'Afie à grosses baies, juniperus Asiatica, latifolia, arborea, cerasi fructu, de Tournefort, peut être une variété du genévrier précédent. On le trouve, dit - on, sur les montagnes en Asie, & il n'y croît qu'à la hauteur de sept ou huit piés. Son fruit est gros comme une prune de damas, rouge, rempli d'une chair seche, fongueuse, de la même couleur, d'un goût doux, aigrelet, astringent, agréable, sans odeur apparente, contenant cinq ou six osselets plus gros que des pepins de raisins, durs, rouges, & oblongs.

Les genévriers de Virginie & des Bermudes sont du nombre des genévriers exotiques qu'on cultive le plus en Angleterre. On a trouvé le moyen de les élever dans cette île jusqu'à la hauteur de vingt - cinq piés, en coupant leurs branches inférieures de tems à autre, & pas trop près, pour ne point les blesser à cause de l'abondance de leur seve qui ne manqueroit pas de s'écouler. Ils font des progrès considérables au bout de quatre ans, & résistent aux plus grands froids du climat. On les multiplie de graine, qu'on retire de la Caroline on de la Virginie. Dès que la graine est levée, ce qui n'arrive pas toûjours à la premiere année, on a soin de nettoyer la jeune plante des mauvaises herbes, & on la transporte le printems suivant avec de la terre attachée aux racines, dans une couche qu'on lui a préparée: on la laisse se fortifier dans cette couche deux ans entiers, on se contentant de couvrir le pié de terre & de gason retourné, pour le garantir de la gelée; ensuite on transplante l'arbrisseau dans le lieu qu'on lui destine à demeure: ce liou doit être une terre fraîche, legere & non fumée; sans

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