ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"454B"> enlever le cheval du pas, du trot & de l'amble même au galop?

2°. Quels sont les moyens que l'on pourroit employer pour le remettre, dans le cas où il se desuniroit & falsifieroit?

La premiere de ces questions n'offrira rien de difficile & d'épineux à quiconque considérera, que le tems qu'il s'agit ici de découvrir, n'est & ne peut être que l'instant où les membres du cheval, dans les unes ou les autres des allures supposées, & d'où l'on souhaite le partir, se trouvent disposés à - peu - près comme ils le sont lors de l'action à laquelle on se propose de le conduire.

Soit donc saisi, à l'effet de l'enlever sur la main droite, le moment où la jambe de devant se détachera de terre; dans ce même moment la jambe de derriere du même côté est encore en mouvement pour se porter en - avant; la jambe du montoir de devant se pose à terre, plus en - arriere que celle de devant du hors montoir, & la jambe de derriere du montoir est encore moins avancée que celle de dedans. Voyez la Planche des allures naturelles, & l'échelle podométrique qu'elle contient. Or si dans cet état & lors de cet arrangement du derriere, qui est le seul à la faveur duquel il soit possible de substituer aux actions intercalaires des membres au pas, les actions successives qui effectuent le galop; vous aidez par un demi - arrêt proportionné, la levée de l'avant - main qu'operent principalement la battue & la percussion de la jambe gauche de devant qui s'est posée, & vous rejettez le poids du corps du cheval sur les hanches: le soûtien de l'extrémité antérieure sera le premier moment de l'intervention sollicitée, & la nouvelle disposition des quatre jambes étant précisément la même que celle qui est requise pour l'accomplissement du mouvement pressé, auquel vous desirez de porter l'animal, le tems recherché & qui doit être tiré de sa progression naturelle & de sa premiere allure, sera incontestablement pris.

La vîtesse du trot abrégeant infiniment la durée de l'action de chaque membre, ce tems par une conséquence nécessaire, fuit & s'échappe avec une extrème rapidité: de - là la plus grande difficulté d'agir dans une précision parfaite. Aussi - tôt que la jambe de devant de dedans se leve, la jambe gauche de derriere va se détacher de terre, & elle est encore plus en - arriere que la droite de l'arriere - main, qui étoit prête à se poser près de la direction du centre de gravité, au moment où l'autre alloit s'enlever. Voyez l'échelle podométrique de la même Planche. Cette position est donc encore conforme à celle de ces deux jambes au galop à droite. Or entreprenez dans ce même instant de détacher du sol le devant, la chûte de la jambe gauche de cette extrémité, ou sa foulée sur le terrein, favorisera l'effet de vos aides; la droite sa voisine qui quittoit la terre pour se porter en - avant, s'y portera réellement en attendant la retombée de l'avant - main. La droite de derriere sera fixée sur le terrein, moins avant qu'elle ne s'y seroit fixée elle - même, mais plus avant que la gauche, qui demeurera à l'endroit où vous l'aurez surpris; & vous trouverez enfin dans la situation des membres de l'animal, tout ce qui peut vous assûrer de la justesse du tems saisi.

Quant à l'amble, personne n'ignore que cette action est beaucoup plus basse que celle du pas & du trot; elle ne peut être telle, qu'autant que les reins & tout l'arriere - main baisseroit davantage. Le tems qu'exige le passage de cette allure au galop, ne differe en aucune maniere de celui que nous venons d'indiquer; parce que dès que ce tems n'est autre chose, ainsi que nous l'avons observé, que l'instant où les lambes du cheval figurent, s'il m'est permis d'user de cette expression, comme elles figurent lors de l'instant du partir, il ne peut être qu'invariable. Il se pré<cb-> sente aussi bien plus aisément, attendu le plus de rapport du mouvement de l'animal ambulant avec le mouvement de celui qui galope; mais on doit admettre quelque distinction, eu égard aux aides. Celle de la main sera modifiée; parce que le derriere de l'animal fléchissant au point que chaque pié de derriere outrepasse dans sa portée la piste de celui de devant qu'il chasse, le poids réside naturellement sur les hanches, & l'extrémité antérieure doit être conséquemment plus aisément enlevée. D'ailleurs, outre que l'effort de la main doit diminuer, l'action des jambes doit être plus vive; & dès - lors le cheval embrassera plus de terrein. Que si les aides étoient les mêmes que celles que l'on doit mettre en usage pour passer du pas au galop; & si le tems de la main & des jambes étoit en égalité de force, il est certain que ses piés de derriere n'opéreroient en percutant que l'élevation, & non le transport du corps en - avant, comme si l'appui des jambes ne l'emportoit pas sur la force de la main, on courroit risque de provoquer sa chûte en l'acculant.

On peut encore enlever l'animal du moment de parer, de l'instant du repos, de l'action de reculer, & de tous les airs bas & relevés auxquels il manie; mais quelqu'intéressans & quelque curieux que soient & que puissent être les détails auxquels la discussion des tems & des moyens de le partir, dans les uns & dans les autres de ces cas, nous assujettiroit; nous les sacrifions au desir & à la nécessité d'abreger, & nous nous bornerons aux réflexions que nous suggere la seconde difficulté que nous nous sommes proposés d'éclaircir.

L'obligation de rappeller à la justesse & à l'union un cheval dont le galop est irrégulier & défectueux, suppose d'abord dans le cavalier une connoissance parfaite de l'ordre exact & précis, dans lequel les membres de l'animal doivent agir & se succéder, & un sentiment intime né de l'impression, ou de la sorte de réaction de leurs divers mouvemens sur lui. Cette connoissance infructueuse, si elle n'est jointe à ce sentiment, est bien - tôt acquise: mais ce sentiment inutile aussi, s'il n'est joint à cette connoissance, est infiniment tardif dans la plûpart des hommes; & l'on peut dire qu'il en est même très - peu qui parviennent au degré de finesse, nécessaire pour juger du vice de l'action du cheval dans le premier moment, c'est - à - dire dans celui où le soûtien de devant doit être suivi de sa retombée & de sa chûte. Quelle est donc la cause de cette extrème difficulté de discerner l'accord ou le défaut de consentement des parties mûes dans un animal que l'on monte? Elle réside moins dans l'inaptitude des éleves, que dans le peu de lumieres des maîtres, dont le plus grand nombre est incapable de les habituer à écouter, dans les leçons qui doivent précéder celle - ci, des tems, sans la science & sans l'observation desquels on ne peut maîtriser le cheval, en accompagner l'aisance & en développer les ressorts, & qui négligent encore de leur faire appercevoir dans cette allure, par la comparaison du sentiment qui les affecte quand l'animal est juste, & de celui qu'ils éprouvent quand il est faux, la différence qui doit les frapper dans l'instant & dans le cours de la falsification & de la desunion. Le cheval galope - t - il dans l'exactitude prescrite? il est certain que votre corps suit & se prête à son action avec une facilité singuliere, & que votre épaule de dedans reçoit en quelque façon la principale impression de sa battue. La jambe de dedans de devant n'entame - telle pas? l'incommodité qui en résulte s'étend jusqu'à votre poitrine, & il vous paroît même que l'animal se retient & chemine près de terre; ce qui arrive réellement sur les cercles, car son épaule étant hors du mouvement & de la proportion naturelle du terrein, il ne peut se porter en - avant & se relever [p. 455] que difficilement. La jambe qui doit menet mene - telle, mais n'est - elle pas accompagnée par la hanche? vos reins & toutes les parties qui reposent sur la selle en ressentent une atteinte desagréable; la mesure cesse de s'imprimer sur votre épaule de dedans, & votre épaule de dehors est sollicitée à se mouvoir, à s'avancer & à marquer malgré vous la fin de chaque pas. Enfin le bipede qui devoit entamer reste - t - il totalement en - arriere, tandis que l'autre mene? la cadence vous semble juste, mais vous reconnoissez que cette justesse prétendue est dans les parties de dehors; & si le cheval n'est pas aussi accoûtumé à galoper à cette main qu'à l'autre, il est impossible que la dureté de son allure ne vous en apprenne l'irrégularité. Voilà des faits sur lesquels, lorsque les disciples n'ont point été instruits à sentir & à distinguer dans des actions plus lentes, le lever, le soûtien, le poser, & l'appui de chaque membre, il seroit du moins plus avantageux d'arrêter leur attention, que de leur permettre de se déplacer, pour considérer dans l'extrémité antérieure des mouvemens, dont l'appréciation même la plus vraie ne détermine rien de positif, relativement à ceux du bipede postérieur auquel les yeux du cavalier ne peuvent atteindre. Il faut avoüer cependant que ces diverses réactions sont tantôt plus foibles, & tantôt plus fortes; elles sont moins sensibles de la part des chevaux qui ont beaucoup d'union, de legereté, & une grande agilité de hanches; elles sont plus marquées de la part de ceux dont les battues sont étendues, peu promptes & abandonnées; mais l'habitude d'une exécution refléchie sur les uns & sur les autres, ne peut que les rendre également familieres. Il est encore des circonstances où elles nous induisent en erreur; un instant suffit alors pour nous détromper. Que l'animal jette, par exemple, la croupe hors la volte, l'effet que le premier tems produira sur nous, sera la même que celui qui nous avertit que le cheval est faux, & nous serons obligés d'attendre le second pour en décider; parce que dans ce même second tems, les hanches étant déjà dehors, & l'animal continuant à galoper déterminément, dès qu'il est demeuré juste, nous n'appercevons aucun changement dans notre assiette.

Quoi qu'il en soit, & à quelque étude que l'on se livre pour acquérir cette faculté nécessaire de percevoir & de sentir, il est de plus absolument estentiel de s'attacher à celle de la nature du cheval que l'on travaille. Les déréglemens de l'animal dans l'action dont il s'agit, comme dans toutes les autres, proviennent en général & le plus souvent de la faute des maîtres qui l'y exercent inconsidérément & trop tôt, ou du peu d'assûrance du cavalier dont l'irrésolution de la main & l'incertitude des jambes & du corps occasionnent ses desordres: mais il est certain que les voies dont il se sert pour le desunir & pour falsifier, sont toûjours relatives à sa conformation, à son inclination, à son plus ou moins de vigueur, de souplesse, de legereté, de finesse, de volonté, d'obéissance & de courage. Un cheval chargé d'épaules & de tête, ou bas du devant, falsifiera ou se desunira en s'appuyant sur la main, & en haussant le derriere. Un cheval long de corps en s'alongeant davantage, pour diminuer la peine qu'il a à rassembler ses forces & à s'unir: un cheval foible de reins, en mollissant & en ralentissant son mouvement: un cheval qui a beaucoup de nerf & de legereté, en se portant subitement en - avant: un cheval qui a du courage & de l'ardeur, en augmentant encore plus considérablement la véhémence de son allure: un cheval entier ou moins libre à une main qu'à l'autre, en portant la croupe en - dedans: un cheval qui tient du ramingue, en la portant en - dehors: un cheval qui joue vivement des hanches & qui est fort & nerveux d'échine, en la jettant tantôt d'un côté & tantôt d'un autre: un cheval d'une grande union, en se retenant & en se rassemblant de lui - même, &c. Or comment, si l'on n'est pas en état de suivre & d'observer toutes ces variations, faire un choix prudent & éclairé des moyens qu'il convient d'employer pour le remettre? Il est des chevaux tellement fins & sensibles, que le mouvement le plus leger & le plus imperceptible porte atteinte à l'ordre dans lequel leur progression s'effectue; si les aides qui tendent à les faire reprendre, ne sont administrées avec une précision & une subtilité inexprimables, elles ne servent qu'à en augmenter le trouble, & l'on est contraint de les faire passer à une action plus lente, & même quelquefois de les arrêter pour les repartir. Il en est encore qui falsifient quelques instans, & qui reviennent d'eux - mêmes à la justesse, on doit continuer à les galoper sans aucune aide violente; & comme ils pechent par trop d'union, ils demandent à être étendus dans les commencemens, & à être ramenés ensuite & insensiblement à une allure soûtenue & plus écoutée. Nous en voyons dont l'action n'est telle qu'elle doit être, qu'autant que nous les avons échappés; parce que, constitués par la falsification dans un défaut réel d'équilibre, ils ressentent dans la course une peine encore plus grande que dans la battue d'un galop ordinaire, & que la fatigue qu'ils éprouvent, les oblige à chercher dans la succession harmonique & naturelle de leurs mouvemens, l'aisance & la sûreté qui leur manquent: c'est ce que nous remarquons dans le plus grand nombre des chevaux qui galopent faux par le droit & aux passades; ils reprennent sans y être invités aussi - tôt qu'ils entrent sur la volte & qu'ils l'entament. Quelques - uns au contraire, & qui ne sont point confirmés, deviennent faux lorsqu'on les échappe. Plusieurs ne se rejettent sur le mauvais pié & ne se desunissent, que parce qu'ils jouissent d'une grande liberté. En un mot il est une foule & une multitude de causes, d'effets, d'exceptions & de cas particuliers, que le véritable maître a seul le droit de discerner, & qui ne frappent point la plûpart des hommes vains qui s'arrogent ce titre, parce qu'il en est peu qui ayent une notion même legere des difficultés qu'il faut vaincre pour le mériter.

Dans l'impossibilité où nous sommes de nous abandonner à toutes les idées qui s'offrent à nous, nous simplifierons les objets, & nous nous contenterons de tracer ici en peu de mots des regles sûres & générales, 1° pour maintenir le cheval dans la justesse de son allure, 2° pour l'y rappeller.

Il est incontestable en premier lieu que l'action de falsifier & de se desanir est toûjours précédée dans l'animal d'un tems quelconque, qui en altere plus ou moins imperceptiblement la cadence, ou qui change en quelque maniere & plus ou moins sensiblement la direction de son corps; sans ce tems quelconque, il seroit dans l'impuissance absolue & totale de fausser sa battue, & son allure seroit infailliblement & constamment fournie dans une même suite & un même ordre de mouvemens. Or ce principe étant certain & connu, pourrions - nous indiquer un moyen plus assûré de l'entretenir dans ce même ordre, que celui d'en prévenir l'interversion en saisissant subtilement ce même tems, à l'effet de le rompre par le secours des aides qui doivent en empêcher l'accomplissement?

En second lieu, si nous supposons, ensuite de l'omission de cet instant à saisir, la fausseté ou la desunion du cheval, & si nous considérons que l'irrégularité à réprimer en lui est toûjours accompagnée, ainsi que nous l'avons observé, de quelque action relative à sa disposition, aux vices & aux qualités qui sont propres; il est indubitable que nous ne pourrons le remettre qu'autant que nous le solliciterons d'abord à une action contraire: ainsi se précipite - t - il

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.