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GAMME (Page 7:457)
GAMME, s. f. GAMMUT ou GAMMA - UT, est en Musique une table ou échelle invet t>e par Guy Aretin, sur laquelle on apprend à nommer & à entonner juste les degrés de l'octave par les six notes de musique ut, ré, mi, fa, sol, la, suivant toutes les différentes dispositions qu'on peut leur donner; ce qui s'appelle solfier.
La gamme a aussi été nommée main harmonique, parce que Guy employa d'abord la figure d'une main, sur les différens doigts de laquelle il rangea ses notes, pour montrer le rapport de ses hexacordes avec les tétracordes des Grecs. Cette mair. a été en usage pour apprendre à nommer les notes, jusqu'à l'invention du si, qui a aboli chez rous les muances, & par conséquent la main harmonique qui sert à les expliquer.
Guy Aretin ayant, selon l'opinion commune, ajoûté au diagramme des Grecs un tétracorde à l'aigu & une corde au grave; ou plûtôt, seion Meibomius, ayant par ces additions rétabli ce diagramme dans son ancienne étendue, il appella cette corde grave, hypoproslambanomenos, & la marquea par le > des Grecs; & comme cette lettre se trouve à la tête de l'échelle, en commençant par les sons graves, solon la méthode des anciens, elle a fait donner à cette échelle le nom barbare de gamme.
Cette gamme donc, dans toute son étendue, étoit composee de vingt cordes ou notes, c'est - à - dire de deux octaves & d'une sixte majeure. Ces cordes étoient représentées par des lettres & par des syllabes. Les lettres designoient invariablement chacune une corde déterminee de l'échelle, comme elles font encore aujourd'hui; mais comme il n'y avoit que sept lettres, & qu'il falloit recommencer d'octave en octave, on distinguoit ces octaves par les figures des lettres. La premiere octave se marquoit par des lettres majuseules, de cette maniere, >. A. B. &c. la seconde par des caracteres ordinaires, g, a, b, &c. & la sixte surnumeraire se désignoit par des lettres doubles, gg, aa, bb, &c.
Pour les lyllabes, elles ne représentoient que les noins qu'il falloit donner aux notes en les chantant: or comme il n'y avoit que six noms pour sept notes,
On apprenoit donc ces muances par la gamme. A la gauche de chaque degré on voyoit une lettre qui indiquoit la corde précise qui appartenoit à ce degré: à la droite, dans les cases, on trouvoit les différens noms que cette même note devoit porter en montant ou en descendant par béquarre ou par bémol, selon le progrès.
Les difficultés de cette méthode ont fait faire en
divers tems des changemens à la gamme. La
Pour se servir de cette échelle, si l'on veur chanter au naturel, on applique ut à G ou à r de la premiere colonne, le long de laquelle on monte jusqu'au la; après quoi passant à droite dans la colonne du bénaturel, on nomme fa: on monte au la de la même colonne, puis on retourne dans la précédente à mi, & ainsi de suite. Ou bien on peut commencer par ut au C de la seconde colonne; arrivé au la, passer à mi dans la premiere colonne, puis repasser dans l'autre colonne au fa. Par ce moyen une de ces transitions forme toûjours un semi - ton; savo r la, fa, & l'autre toûjours un ton, la, mi. Par bémol on peut commencer à l'ut en C ou F, & faire les transitions de la même maniere, &c.
En descendant par béquarre, ou quitte l'ut de la colonne du milieu, pour passer au mi de celle par béquarre, ou au fa de celle par bemol; puis descendant jusqu'à l'ut de cette nouvelle colonne, on en sort par fa de gauche à droite, par mi de droite à gauche, &c. Les Anglois n'employent pas toutes ces syllabes, mais seulement les quatre premleres, ut, ré, mi, fa; changeant ainsi de colonne de quatre en quatre notes, par une méthode semblable à celle que je viens d'expliquer, si ce n'est qu'au lieu de la, fa, & de la, mi, ils muent par fa, ut, & par mi, ut.
Toutes ces gammes sont toûjours de véritables
tortures pour ceux qui veulent s'en servir pour apprendre
à chanter. La gamme françoise, qu'on a aussi
appellée gamme du si, est incomparablement plus
aisée; elle consiste en une simple échelle de sept degrés
sur deux colonnes, outre celle des lettres. Voyez
La premiere colonne à gauche est pour chanter par bémol, c'est - à - dire avec un bémol à la clé, la seconde, pour chanter au naturel. Voilà tout le mystere de notre gamme.
Aujourd'hui que les musiciens françois chantent tout au naturel, ils n'ont que faire de gamme; C - solut, ut & C ne sont pour eux que la même chose: mais dans le système de Guy ut est une chose, & C en est une autre fort différente; & quand il a donné à chaque note une syllabe & une lettre, il n'en a pas prétendu faire des synonymes. (S)
Nous joindrons à cet article quelques observations. Les sons, ou, ce qui revrent au même, les cordes des instrumens chez les Grecs, n'étoient à la rigueur, selon M. Burette, qu'au nombre de quinze, dont l'assemblage formoit tout le système de l'ancienne musique. Ce grand système se partageoit na<pb-> [p. 458]
La quatrieme corde du premier tétracorde étoit la premiere du second, & la quatrieme corde du troisieme étoit la premiere du quatrieme; mais le second & le troisieme n'avoient point de corde commune. Chaque corde étoit désignée par un nom particulier; ces noms étant très - difficiles à retenir, nous y substituerons ceux qui leur répondent dans la musique d'aujourd'hui. Les quatre tétracordes dont il s'agit étoient les suivans, en montant du grave à l'aigu.
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Il y avoit une seconde maniere d'entonner le troisieme tétracorde; c'étoit de lui substituer celui - ci, la, si>, ut, ré, qui avoit son premier son la commun avec le tétracorde précédent, & qui donnoit au système un si> de plus, & par conséquent une seizieme corde.
Les noms de chacune des cordes du système étant longs & embarrassans, ne pouvoient servir pour ce que nous appelions solfier. Pour y suppléer, les Grecs désignoient les quatre cordes de chaque tétracorde, en montant du grave à l'aigu, par ces quatre monosyllabes, té, ta, té, tô. Voyez les mémoires de M. Burette, dans le recueil de l'acad. des Belles - Lettr. Par - là on voit aisément la différence du système des Grecs & de celui de Guy.
On sait que les notes ut, ré, mi, &c. de la gamme de Guy, sont prites des trois premiers vers de l'hymne de S. Jean; mais on ne sait pas précisément quelle raison a déterminé Guy à ce choix. Il est certain que dans cette hymne, telle qu'on la chante aujourd'hui, les syllabes ré, mi, fa, &c. n'ont point, par rapport à la premiere syllabe ut, les sons qu'elles ont dans la gamme. Ainsi ce n'est point cette raison qui a déterminé Guy, à - moins qu'on ne veuille dire qu'alors le chant de l'hymne étoit différent de celui qu'elle a aujourd'hui, ce qu'on ne peut ni prouver, ni nier.
Il n'est pas inutile de remarquer que la gamme est une des inventions dûes aux siecles d'ignorance; Guy vivoit en 1009. Il publia sur son système une lettre dans laquelle il dit: j'espere que ceux qui viendront après nous prieront Dieu pour la rémission de nos péchés, puisqu'on apprendra maintenant en un an, ce qu'on pouvoit à peine apprendre en dix. On a vû par ce qui précede, que celui qui a inventé la gamme françoise ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut, appellée gamme du si, étoit encore plus en droit de se flater de la reconnoissance de la postérité, puisque la gamme de Guy a été par ce moyen très - simplifiée. (O)
Nous joindrons à ces remarques un écrit que M. le pr sident de Brosses, correspondant - honoraire de l'académie royale des Belies - Lettres, a bien voulu nous communiquer sur la gamme de Guy d'Arezzo. Il y examine par quelle suite d'idées ce musicien est parvenu à la former, & ses successeurs à la perfectionner.
Je ne doute pas que ce ne soit le sens du premier
vers de l'hymne de saint Jean.
Ut queant laxis resonare fibris,
qui a déterminé l'auteur à tirer de cette strophe
le nom de ces six cordes qu'il vouloit faire sonner
à vuide, resonare laxis fibris. C'est donc ici la cause
occasionnelle de l'étymologie déjà connue des six
premiers sons de la gamme.
Pour imiter & perfectionner les deux tétracordes
grecs, on ajoûta à l'échelle des six tons precédens,
une septieme note, que l'on nomma si, & l'octave
ou répetition du premier ton, nommé de même,
ut. De cette sorte, l'échelle diatonique se trouva
contenir une octave complette, dirigée selon la
plus grande conformité avec la voix humaine, qui
ne peut facilement faire trois tons entiers de suite,
tels que seroient ut, ré, mi, fa #; mais qui après
deux tons entiers, aime à se reposer par l'intonation
succédante d'un sémi - ton; ainsi ut, ré, mi, fa,
&c. Cette échelle est en même tems composée de
deux tétracordes disjoints & à - peu - près pareils,
ut, ré, mi, fa; sol, la, si, ut. En suivant toûjours
la méthode des Grecs usitée de son tems (car les
inventeurs mêmes travaillent d'exemple), Guy
d'Arezzo joignit aux syllabes qu'il prenoit pour
noms des sons, les lettres A, B, C, D, E, F, qui
les nommoient ci - devant: mais A représentoit la,
premiere note de ses deux tricordes, & non pas ut,
premiere note de son échelle d'octave: tellement
que pour nommer les tons, en joignant la lettre à
la syllabe, & y ajoûtant entre deux le nom de la
dominante du ton qui en marque toute la modulation
& les subséquences, on a dit, en suivant l'ordre
des tricordes, A mi la, B fa si, C sol ut, D la
ré, E si mi, F ut fa. De - là viennent aussi ces anciennes
expressions familieres aux Musiciens, le
premier en A mi la; le quint en E si mi. Il manquoit
une lettre au septieme ton; l'inventeur, suivant
son plan, prit la septieme de l'alphabet latin G,
qu'il écrivit en grec
Guy d'Arezzo s'appercevant que les sept lettres
ou les sept syllabes dont il se servoit pour tracer
les sons musicaux au - dessus des paroles, n'exprimoient
qu'une octave, & ne distinguoient pas si le
son étoit d'une octave plus basse ou plus aiguë que
la moyenne, s'avisa d'un troisieme expédient plus
commode, à ce qu'il lui parut, que les lettres ou
les syllabes; ce fut de tracer sur le papier de lon<cb->
Telle est la suite des procédés & des idées qu'a
eu dans la tête l'inventeur de notre gamme, en réformant
la méthode greque. Ces procédés sont si connexes,
si bien liés, si dépendans les uns des autres,
qu'on ne peut douter qu'il n'ait eu de telles pensées
dans l'esprit, & à - peu - près dans le même ordre que
[p. 464]
Au reste, notre méthode d'usage actuel inventée
par Guy d'Arezzo, de tracer la Musique sur le
papier par des notes noires disposées sur les lignes
& les entre - lignes de cinq raies, quoique très - ingénieuse, n'est pas fort bonne: elle est compliquée
de figures embarrassantes & nombreuses. On sent
assez que, soit que l'on se servît de raies, de notes,
de lettres, de chiffres, ou des sept couleurs, il seroit
facile d'inventer dix méthodes différentes d'écrire
les chants, plus simples, plus courtes, & plus
commodes, sur - tout pour la musique vocale: car
l'instrumentale plus chargée de chants, présenteroit
peut - être un peu plus de difficulté. L'ancienne tablature
greque par lettres étoit, p. ex. meilleure que la
nôtre. Mais à quoi serviroit d'introduire une nouvelle
méthode plus parfaite, aujourd'hui que nous
avons tant d'ouvrages célebres imprimés selon l'ancienne?
On ne supprimera pas tout ce que nous
avons de Musique gravée, imprimée, manuscrite,
pour le publier de nouveau sur une nouvelle tablature.
Ainsi la nouvelle introduction auroit le plus
grand inconvénient qu'elle puisse avoir; c'est celui
de ne pas abolir l'ancienne, & de ne procurer aux
hommes qu'un travail de plus. Il faudroit que ceux
qui savent lire notre Musique apprîssent à lire une
seconde fois; & que ceux à qui l'on enseigneroit à
lire selon la nouvelle réforme, apprîssent aussi l'ancienne
maniere, pour pouvoir joüir des ouvrages
écrits avec nos figures actuelles. Ceci soit dit en
passant, pour tous les projets de cette espece tendant
à introduire une réforme sur des choses où il
n'est pas possible de supprimer les grands établissemens déjà faits sur l'ancien pié ».
Nous avons donné au mot
Le son fondamental ut renfermant en lui - même sa
tierce majeure & sa quinte (Voyez
Nous avons vû au mot
Pour former la gamme du mode mineur, il faut dans
la gamme des Grecs, substituer des tierces mineures
au lieu des tierces majeures que portent les sons de
la basse fondamentale. Prenons pour exemple cette
basse fondamentale ré, la, mi, du mode mineur de
la; il faudra faire porter le fa & l'ut au ré & au la,
au lieu du fa dièse & de l'ut dièse, qu'ils porteroient
si le mode étoit majeur. A l'égard de la dominante
mi (Voyez
Ainsi la gamme des modernes dans le mode mineur, differe encore plus de celle des Grecs, que dans le mode majeur, puisqu'il se trouve dans celle - là un fa #, qui n'est point & ne doit point être dans celle - ci.
La gamme du mode majeur en descendant, est la
même qu'en montant; & nous avons vû, au mot
La difficulté est plus grande pour la gamme du mode
mineur; car on sait que cette gamme n'est pas la
même en descendant qu'en montant: la gamme de la
mineur, par exemple, est en montant, comme on
l'a déjà vû,
la, si, ut, ré, mi, fa #, sol #, la;
& cette gamme en descendant, est,
la, sol, fa, mi, ré, ut, si, la,
qui n'a plus ni sol ni fa dièse. La basse fondamentale
de cette gamme est fort difficile à trouver: car le sol
ne peut porter que mi, & le fa que ré: or deux sons
mi, ré, immédiatement consécutifs, sont exclus par
les regles de la basse fondamentale. Voy.
C'est ce qu'on peut dire de plus plausible là - dessus;
& c'est aussi ce que nous avons dit, d'après M. Rameau, dans nos élémens de Musique: mais on doit
avoüer que cette solution ne sarisfait pas pleinement,
puisqu'il faut, ou ne point faire porter d'harmonie à
sol, ou anéantir l'ordre diatonique de la gamme;
deux partis dont chacun a ses inconvéniens. Cet
aveu donnera lieu à une autre observation que nous
avons quelque droit de faire, ayant eu l'honneur
d'être du nombre des juges de M. Rameau dans l'académie
des Sciences, & ensuite ses interpretes auprès
du public; c'est que cette compagnie n'a jamais
prétendu approuver le systeme de Musique de M.
Rameau, comme renfermant une science démontrée *, mais seulement comme un systeme beaucoup
mieux fonde, plus clair, plus simple, mieux lié,
& plus étendu qu'aucun de ceux qui avoient précédé;
mérite d'autant plus grand, qu'il est le seul auquel
on puisse prétendre dans cette matiere, où il ne paroît
pas possible de s'élever jusqu'à la démonstration.
Tout le systeme de M. Rameau est appuyé sur la résonnance
du corps sonore: mais les conséquences
qu'on tire de cette résonnance n'ont point & ne sauroient
avoir l'évidence des théorèmes d'Euclide; elles
n'ont pas même toutes un egal degré de force &
de liaison avec l'expérience fondamentale. Voyez
Sur les differences de la gamme des Grecs dans les
genres diatonique, chromatique, & enharmonique,
voyez
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