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GAGEURE (Page 7:420)
GAGEURE, s. f. (Analyse des hasards.) est la
même chose que pari, qui est plus usité en cette rencontre.
Voyez
Cet article nous fournit une occasion que nous
cherchions d'inserer ici de très - bonnes objections
qui nous ont été faites sur ce que nous avons dit au
mot
Il est aisé de voir qu'il y a ici 15 cas favorables
& 16 défavorables; de façon qu'il y a 2
Ces objections, sur - tout la derniere, méritent sans
doute beaucoup d'attention. Cependant il me paroît
toûjours difficile de bien expliquer pourquoi
& comment l'avantage peut être triple, lorsqu'il n'y
a que deux coups favorables; & on conviendra du moins
que la méthode ordinaire par laquelle on estime
les probabilités dans ces sortes de jeux, est
très - fautive, quand même on prétendroit que le
résultat de cette méthode seroit exact; c'est ce que
nous examinerons plus à fond aux articles
On fait des gageures sur des choses dont l'exécution dépend des parties, comme de faire une course en un certain tems fixé, ou sur des faits passés, présens, ou à venir, mais dont les parties ne sont pas certaines.
Les gageures étoient usitées chez les Romains; on les appelloit sponsiones, parce qu'elles se faisoient ordinairement par une promesse réciproque des deux parties, per stipulationem & restipulationem; au lieu que dans les autres contrats, l'un stipuloit, l'autre promettoit.
En France on appelle ce contrat gageure, parce qu'il est ordinairement accompagné de consignation de gages; car gager signifie proprement bailler des gages ou consigner l'argent, comme on dit gager l'amende, gager le rachat. Néanmoins en France on fait aussi les gageures par simples promesses réciproques sans déposer de gages; & ces gageures ne laissent pas d'être obligatoires, pourvû qu'elles soient soient faites par des personnes capables de contracter & sur des choses licites, & que s'il s'agit d'un fait, les deux parties fussent également dans le doute.
Les Romains faisoient aussi comme nous des gageures accompagnées de gages; mais les simples sponsions étoient plus ordinaires.
Ces sortes de sponsions étoient de deux sortes, sponsio erat judicialis aut ludicra.
Sponsio judicialis étoit lorsque dans un procès le demandeur engageoit le défendeur à terminer plûtôt leur différend, le provoquoit à gager une certaine somme, pour être payée à celui qui gagneroit sa cause, outre ce qui faisoit l'objet de la contestation.
Cette premiere sorte de gageure se faisoit ou par stipulation & restipulation, ou per sacramentum. On trouve nombre d'exemples de gageures faites par stipulations réciproques dans les oraisons de Cicéron pour Quintius, pour Cecinna contre Verrès, dans son livre des offices; dans Varron, Quintilien, & autres auteurs.
La gageure per sacramentum est lorsque l'on déposoit des gages in oede sacrâ. Les Grecs pratiquoient aussi ces sortes de gageures, comme le remarque Budée. Ils déposoient l'argent dans le prytanée; c'étoit ordinairement le dixieme de ce qui faisoit l'objet du procès, lorsque la contestation étoit entre particuliers, & le cinquieme dans les causes qui intéressoient la république, comme le remarque Jullius Pollux. Varron explique très - bien cette espece de gageure ou consignation dans son livre II. de la langue latine. C'est sans doute de là qu'on avoit pris l'idée de l'édit des consignations, autrement appellé de l'abbréviation des procès, donné en 1563, & que l'on voulut renouveller en 1587, par lequel tout demandeur ou appellant devoit consigner une certaine somme proportionnée à l'objet de la contestation; & s'il obtenoit à ses fins, le défendeur ou intimé étoit obsigé de lui rembourser une pareille somme.
L'usage des gageures judiciaires fut peu - à - peu aboli à Rome; on y substitua l'action de calomnie, pro decimâ parte litis, dont il est parlé aux instit. de poenâ temerè litigant. ce qui étant aussi tombé en non - usage, sut depuis rétabli par la novelle 112 de Justinien.
On distinguoit aussi chez les Romains deux sortes de gageures, ludicres. L'une qui se faisoit par stipulation réciproque, & dont on trouve un exemple mémorable dans Pline, liv. IX. chap. xxxv. où il rapporte la gageure de Cléopatre contre Antoine; & dans Valere Maxime, liv. II. où est rapportée la gageure de Valerius contre Luctatius. Il est aussi parlé de ces gageures en la loi 3. au digeste de aleo lusu & aleat. qui dit, licuisse in ludo qui virtutis causâ fit sponsionem sacere; suivant les lois, Cornelia & Publicia, alias non licuisse. [p. 422]
L'autre sorte de gageure, ludicre, se faisoit en déposant des gages, comme on voit dans une églogue de Virgile.
Il en est parlé dans la loi si rem, au digeste de proescriptis verbis, par laquelle on voit qu'on mettoit assez ordinairement les anneaux en gage, comme étant plus en main que toute autre chose: si quis, dit la loi, sponsionis causâ annulos acceperit, nec reddat victori, proescriptis verbis adversus eum actio competit. Planude rapporte que Xantus maître d'Esope, ayant parié qu'il boiroit toute l'eau de la mer, avoit donné son anneau en gage. Cette sorte de gageure per depositionem pignorum étoit la seule usitée chez les Grecs, comme il résulte d'un passage de Démosthene; lequel en parlant d'une gageure, dit qu'elle ne pouvoit subsister, parce que l'on avoit retiré les gages.
On ne doit pas confondre toutes sortes de gageures avec les contrats aléatoires, qui sont proscrits par les lois; & c'est une erreur de croire que toutes sortes de gageures soient défendues, qu'il n'y ait point jamais d'action en justice pour les gageures, àmoins que les gages ne soient déposés. Ce n'est pas toûjours le dépôt des gages qui rend la gageure valable; c'est plûtôt ce qui fait l'objet de la gageure: ainsi elles ont été rejettées ou admises en justice, selon que les personnes qui avoient fait ces gageures étoient capables, ou non, de contracter, & que l'objet de la gageure étoit légitime.
Mornac sur la loi 3. au digeste, & sur la loi si rem de proescriptis verb. de aleat. dit qu'elles sont permises in rebus honestis, veluti ob spem futuri eventûs, & similibus.
Boniface, tome I. liv. VIII. titre xxjv. chapit. v. Despeisses, tome I. part. I. tit. xviij. Catelan, t. II. rapportent plusieurs arrêts qui ont déclaré des gageures valables.
L'exemple le plus récent que l'on connoît d'une gageure assez considérable, dont l'exécution fut ordonnée au conseil du Roi, est celui d'une gageure de 30000 liv. que M. le maréchal d'Estrées & le sieur Law contrôleur général, avoient faite ensemble par un écrit double du 14 Mars 1720, au sujet du cours que pourroit avoir dans cette année le change avec Londres & Amsterdam. M. le maréchal d'Estrées ayant gagné la gageure, les directeurs des créanciers du sieur Law furent condamnés à lui payer les 30000 liv. quoique la somme n'eût pas été déposée. (A)
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