ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"271"> à déplacer les pieces réduites; l'impossibilité de les assujettir solidement par un bandage, vu la figure des membres en ces endroits: tout me détermine a croire que dans le cas où il y auroit une fiacture, même simple à l'un ou à l'autre de ces os, nos efforts seroient impuissans, & nos tentatives inutiles. Je ne vois dans les os du corps de l'animal, que les côtes; dans ses extrémités antérieures, que les os du paturon, du canon, & le cubitus, c'est - à - dire l'os de l'avant - bras proprement dit; & dans ses extrémités posterieures, que ces deux premiers os & le tibia, vulgairement & mal - à - propos nomme par M. de Soleysel l'os de la cutsse, dont la fracture n'offre rien qui doive d'abord nous faire desesperer des sueces, encore ne peut - on veritablement s'en flater, relativement au tibia, qu'autant qu'il n'aura point été fracturé dans le lieu de sa tuberosite, ou dans sa partie superieure. Je dita plus, les prognosties de ces fractures ne sont pas tous avantageux; un fragment d'os considérable emporte par une balle, nous met dans la nécessité d'abandonner a jamais l'animal. Il en est de même lorsque les muscles, les nerfs, les vaisseaux se trouvant entre les fragmens tres - écartes de l'os, s'opposent au seplacement, & lorsqu'un même os est casse en plusieurs endroits, car alors il demeure seme d'inégalites sans nombre, & la cure est toûjours tres - lente & tres incertaine. Elle est infiniment plus difficile quand il s'agit d'une fracture compliquée, d'une fracture avec déplacement total, d'une fracture oblique, d'une fracture ancienne, d'une fracture dans un vieux cheval, &c. que lorsqu'il est question d'une fracture simple, sans deplacement, transversale, recente, & faite à l'os d'un jeune cheval, ou d'un poulain; & elle est aussi beaucoup plus prompte dans ces derniers cas, selon neanmoins le volume des os fracturés; le calus etant solidement forme au bout de vingt ou vingt - cinq jours dans la fracture des côtes; le canon n'etant repris qu'après quarante jours écoulés; le cubitus, qu'après cinquante, & quelquefois soixante, &c.

Quelque importans que soient ces détails, quand je les étendrois au - delà des bornes que nous sevons nous preserire dans cet ouvrage, ils seroient d'une tres - foible ressource pour le maréchal, s'il ignore d'une part & par rapport aux os, leur nombre, leur figure, leur grosseur, la nature de leur substance, les inégalités, les éminences de leurs surfaces; & de l'autre, & par rapport aux muscles, leur position, leur fonction, leur direction, &c. ainsi que la situation des nerss & des vaisseaux considerables qui peuvent se rencontrer dans le membre fracturé? La nécessité d'être parfaitement instruit de tous ces points divers, est absolue pour qui veut jager sainement des suites du mal, & se décider avec certitude sur les veritables moyens d'y remédier.

Ces moyens consistent à remettre l'os dans sa position naturelle, & à le maintenir fermement dans cet état. La réduction s'en fait par l'extension, la contre - extension & la conformation; & cette réduction est fermement maintenue par le secours de l'appareil & par la situation dans laquelle on place l'animal.

Nous appellons extension, l'action par laquelle nous tirons à nous la partie malade; contre - extension, l'effort par lequel cette même partie est tirée du côté du tronc, ou sixée de ce même côté d'une maniere stable; & nous nommons conformation, l'opération qui tend à ajuster avec les mains les extrémités rompues de l'os, selon la forme & l'arrangement qu'elles doivent avoir.

L'extension & la contre - extension sont indispensabies pour ramener la partie dans son etendue, & les extrémités fracturees au point d'être mises dans une juste opposition, & rapprochées l'une de l'autre. On doit donc observer, 1°. qu'elles sont inuti<cb-> les dans les fractures sans déplacement; 2°. que dans les circonstances où l'on est obligé d'y recourir, les forces qui tirent doivent être a raison de celle des muscles & de la séparation, ou de l'eloigneme t des pieces; 3°. que ces mêmes forces doivent être appliquées précisément à chacun des bouts de l'os rompu; 4°. qu'il importe qu'elles soient egales; 5°. que l'extension ne doit être faite que peu à peu, insensiblement & par degres, &c. Quant à la conformation, on conçoit sans peine qu'elle doit être le travail de la main, des que l'on connoit le but que l'opérateur se propose; & il seroit inutile sans doute d'insister ici sur l'attention avec laquelle il faut qu'il évite de presser les chaire contre les pointes des os, & de donner ainsi lieu à des divisions & à des divulsions toûjours dangereuses. Je remarquerai encore qu'il ne s'agit pas dans toutes les fractures de tenier d'abord la reduction; une tumeur, une inflammation violente, nous prescrivent la loi de ne point passer sur le champ à l'extension & à la contre - extension, & de calmer l'accident avant d'y procéder, par des saignées, des lavemens & des fomentations legetement resolutives. Une hémotrhagie nous indique l'obilgation de nous occuper dans le moment du soin de reprimer l'essusion abondante du sang; des esquilles qui s'opposent constamment à tout replacement & qui ne peruvent que nuire à la cure, exigent que nous commencions premierement à les enlever; une luxation jointe à la fracture, demande que nous n'ayons dans l'instant égard qu'à la nécessité évidente de la réduire, &c.

Nous comprenons sous le terme d'appareil, les bandes, les compresses, & les atteiles.

Les bandes que nous employerons seront des rubans de sil plus ou moins larges, & qui auront plus ou moins de longueur, selon la figure du membre fracturé. Les circonvolutions de ce ruban autout de la partie, forment ce que nous appellons bandage. Nous avons l'avantage de ne metrre en usage que celui que l'on nomme continu, c'est - à - dire celui qui est fait avec de longues bandes roulées, & qui est le plus souvent capable de contenir l'os réduit: car dans les fractures compliquées, nous pouvons nous dispenser de recourir au bandage à dix - huit chefs, puisque nous pouvons dérouler nos bandes & les replacer sur le membre sans rien changer à sa situation, & sans lui causer le moindre dérangement. On doit se souvenir au surplus qu'un bandage trop serré peut gêner la circulation, & produire un gonflement, une inflammation; & qu'un bandage trop lâche favoriseroit la desunion des fragmens replacés: ainsi le maréchal doit être scrupuleusement en garde contre l'un ou l'autre de ces inconvéniens.

Les compresses sont des morceaux de linge pliés en deux ou en plusieurs doubles; on en couvre les parties fracturées; on les tient plus epaisses dans les endroits vuides ou creux qu'elles doivent remplir.

Les attelles ne sont autre chose que des especes de petites planches, faites d'un bois mince & pliant, mais cependant d'une certaine force & d'une certaine consistance, avec lesquelles on éclisse le membre cassé; elles doivent être par conséquent adaptées & assorties à sa force & à sa grosseur.

A l'égard de la maniere dont on doit situer l'animal ensuite de l'application de l'appareil, il paroît selon le rapport & le témoignage de M. de Soleysel, qu'il est tres - possible de l'abandonner sans crainte que par un appui indiscret sur le membre fracturé, il porte la moindre atteinte à la réduction faite. Le cheval & le mulet dont cet auteur parle, & qui avoient été jettés dans des prairies, offrent un exemple de l'attention que lui suggere l'instinct; & j'en trouverois encore une preuve dans une jument, qu'une personne très - digne de foi m'a assûré avoir vû [p. 272] traiter avec succés d'une fracture sans autres soins, après que les bandages furent assûrés, que celui de la tenir simplement & à l'ordinaire dans une écurie. Je ne sai cependant si je ne préférerois pas la suspension de l'animal dans le travail jusqu'à l'entiere formation du calus, pour prévenir plus sûrement les accidens qui peuvent arriver en le livrant à lui - même, & pour être plus à portée de visiter mon appareil, de l'ôter, de le replacer dans une foule de circonstances qui nous y invitent & qui nous y obligent.

Terminons toutes ces discussions qui n'éclairent encore le maréchal que sur la cure générale des fractures, par l'exposition de la méthode particuliere qu'il doit suivre dans le cas d'une fracture à l'un des membres, & dans celui d'une fracture à l'une des côtes.

Supposons en premier lieu une plaie oblique & contuse de la longueur de quatre travers de doigt, à la partie moyenne supérieure du canon de l'une des extrémités postérieures, avec une fracture en bec de flûte à ce même os.

L'opérateur disposera d'abord son appareil; il préparera un plumaceau de charpie, une compresse en double d'environ un demi - pié de largeur, sur 8 ou 9 pouces de longueur; deux bandes de quatre aunes de longueur, & larges d'environ trois travers de doigt; & des attelles, qu'il enveloppera chacune dans un linge égal, & dont la largeur & la longueur seront proportionnées au volume & à l'étendue de l'os fracturé.

Il procédera ensuite aux extensions. M. de Garsault dans son nouveau parfait Maréchal, propose à cet effet de renverser le cheval, & d'employer les forces opposées de plusieurs hommes. Je doute que ces forces soient toûjours suffisantes; j'imagine de plus qu'il est assez difficile que les tractions soient en raison égale; qu'elles soient opérées dans une direction juste & précise; qu'elles soient exactement insensibles & par degrés; & d'ailleurs il me semble que l'animal dans l'action de se relever étant nécessairement astraint à faire usage de ses quatre membres, se blesseroit inévitablement en tentant de l'effectuer, & ne pourroit que détruire par cet effort tout ce que le maréchal auroit fait pour replacer les pieces divisées, & pour les maintenir unies. Je conseillerai donc de le suspendre dans un travail ordinaire, mais susceptibles des additions suivantes.

Soient deux rouleaux ou cylindres de trois pouces de diametre au moins, dont la longueur traverse toute la largeur du travail, l'un au tiers supérieur, & l'autre au tiers inférieur, de la hauteur des montans, & qui s'engagent par les deux extrémités par deux collets portés sur la face extérieure de ces mêmes montans. Soit l'une des extrémités de chaque rouleau assemblée quarrément, avec un rochet tel que ceux qui constituent communément les cris des berlines. Soit un fort cliquet attaché par clou rond au montant, & sur la face latérale pour le bec de ce même cliquet, s'engager dans les dents du rochet.

Soient encore deux poulies, dont les chapes terminées en crochet puissent être accrochées, l'une à la traverse supérieure du travail, l'autre à une traverse à fleur de terre. Soient ces mêmes traverses garnies de divers anneaux solidement attachés, & entre lesquels l'opérateur pourra choisir ceux qui répondront le plus exactement à la direction de la partie qu'il est question de réduire. Alors le maréchal placera trois entravons rembourrés; le premier précisément au - dessus du jarret; le second directement au - dessous, c'est - à - dire à l'extrémité supérieure de l'os cassé; & le troisieme à l'extrémité insérieure de ce même os, c'est - à - dire au - dessus du boulet. Ces trois entravons seront serrés, de maniere qu'ils ne pourront glisser du côté où les tractions seront faites. De l'anneau de fer situé à la partie postérieure de l'entravon qui enveloppe le tibia, partiront deux cordages assez forts, qui seront attachés à une traverse immobile à l'effet de fixer le membre. Des anneaux situés latéralement dans le second entravon, partiront encore des cordes, qui passeront dans la poulie superieure, chargée de former le retour en contre - bas de ces mêmes cordes, qui s'enrouleront sur le rouleau supérieur, tandis que celle de la traverse inférieure recevra les cordages qui viendront des deux anneaux du dernier entravon, & favorisera leur retour en contre - haut, & leur enroulement sur le cylindre inferieur. Ces cylindres mus ensuits sur leur axe par une manivelle appropriée à cet usage, il est visible que l'extension & la contre - extension pourront avoir lieu selon toutes les conditions requises, & dans le même tems. Le maréchal examinera le chemin que feront les pieces fracturées: des qu'elles seront parvenues au niveau l'une de l'autre, il fera la coaptation; & dans la crainte qu'une extension trop longue n'ait de fâcheuses suites, il ordonnera à ses aides de se reiâcher legerement, & d'introduire le bec de chaque cliquet dans les dents du rochet qui lui répond. L'un d'eux tiendra l'endroit fracturé, pendant qu'il pansera la plaie; il y mettra le plumaceau qu'il a préparé, après l'avoir imbibe d'eau - de - vie; il trempera la compresse dans du vin chaud, il en couvrira circulairement le lieu de la fracture: ensuite il prendra le globe de la bande, qui sera imbue du même vin; sa main droite en étant saisie, il en déroulera environ un demi - pié. Il commencera le bandage par trois circulaires médiocrement serrés sur ce même lien: de - là il descendra jusqu'à l'extrémité de l'os par des doloires; il remontera jusqu'à l'endroit par lequel il a débuté; il y pratiquera encore le même nombre de circulaires, & gagnera enfin la partie supérieure du canon, où la bande se trouvera entierement employee. Cette partie ayant plus de volume que l'inférieure, le maréchal fera à celle - ci quelques circonvolutions de plus, & n'oubliera point les renversés, par le moyen desquels on évite les godets, & l'on fait un bandage plus propre & plus exact.

Ce n'est pas tout; il se munira d'une seconde bande qu'il trempera dans du vin chaud, ainsi qu'il y a trempé la premiere; il l'arrêtera par deux circulaires à la portion supérieure, où le trajet de cette premiere bande s'est terminé. Après quoi il posera deux ou trois attelles qu'un aide assujettira, tandis qu'il les fixera par un premier tour de bande; il les couvrira en descendant par des doloires jusqu'au boulet, & remontera en couvrant ces premiers tours jusqu'au - dessous du jarret.

Cette opération finie, il laissera le cheval suspendu; il le saignera deux heures après, & il le tiendra à une diete humectante & rafraichissante. Dans les commencemens on arrosera l'endroit fracturé avec du vin chaud; & si l'on apperçoit un gonflement inférieur à l'appareil, & que ce gonflement ne soit pas tel qu'il puisse faire présumer que le bandage est trop serré, on se contentera d'y appliquer des compresses trempées dans un vin aromatique. Il ne seroit pas hors de propos de réitérer la saignée le second jour, & de lever l'appareil le huitieme, à l'effet de s'assurer de l'état de la plaie, qu'on sera peut - être oblige de panser d'abord tous les trois jours, & ensuite à des distances plus éloignées. Lorsqu'elle sera dans la voie de se cicatriser, & les pieccs d'os de se réunir, on pourra interrompre tout pansement pendant un espace de tems assez long, pour que la nature puisse nous seconder; & il y a tout lieu d'esperer qu'au bout de quarante jours, & au moyen de ce traitement methodique, accompagné d'un regime

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