ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"196"> pour centre & de l'intervalle R K, on décrira un are qui coupera en I le prolongement de la face N H. On tirera après cela la ligne K I, & sur I K on construira l'orillon de cette maniere.

On élevera au point I sur I N & en - dedans le bastion, une perpendiculaire indéfinie; puis sur le milieu de I K, & toûjours vers le bastion, une seconde perpendiculaire, qui rencontrera la premiere dans un point qui sera le centre de l'orillon, c'est - à - dire que de ce point pris pour centre, on ouvrira le compas jusqu'en I ou en K, & qu'on décrira l'arc de l'orillon.

Si, au lieu d'arrondir l'orillon, on se contente de le laisser terminé par la droite I K, il sera nommé épaulement. Voyez Epaulement.

Outre l'orillon, le chevalier de Ville faisoit une place haute à son flanc, c'est - à - dire qu'il n'élevoit guere la partie G D qu'au niveau de la campagne, & que derriere cette partie il pratiquoit un second flanc E F, beaucoup plus élevé que le premier.

Pour avoir ce second flanc ou cette place haute, il faut prolonger K G de sept toises en - dedans le bastion, c'est - à - dire de G en F; du point F mener F E parallele à G D, F E sera la place haute & G D la basse, qu'on appelle aussi casemate. Voyez Casemate.

Ce que l'on trouve à reprendre dans ce système, c'est principalement la défense oblique des flancs, comme dans celui de Marolois, lesquels étant perpendiculaires à la courtine, ne peuvent défendre directement les faces des bastions opposés. D'ailleurs les demi - gorges & les flancs sont trop petits. C'est ce que le comte de Pagan, qui est venu après le chevalier de Ville, a corrigé dans ses constructions.

Il n'est pas inutile d'observer que cet auteur n'est pas favorable à ceux qui veulent se donner pour inventeurs de plusieurs systèmes; & en effet cette invention est fort facile, lorsqu'on la fait consister à changer quelque chose dans la mesure ou la disposition des parties de la fortification des autres auteurs. Un homme qui n'a point vû la guerre doit être extrèmement circonspect sur les corrections qu'il propose. Il est fort aisé de trouver à redire à ce que les autres ont fait, mais il ne l'est pas également de faire mieux. « J'avois imaginé, dit le chevalier de Ville, dans son traité de la charge d'un gouverneur, de mettre quelque douzaine de constructions de fortifications dans mon livre; mais j'ai après considéré que c'étoit une moquerie qui ne servoit à rien, & qu'il valoit bien mieux n'en mettre qu'une seule, celle qui me sembleroit la plus raisonnable, & montrer par les raisons & expériences en quoi consiste la perfection de la forme de la fortification, rapportant tout aux maximes générales dont tout le monde est d'accord, & par ce moyen desabuser plusieurs qui s'imaginent que cette science consiste à savoir précisément le nombre des degrés & des minutes des angles; & les mesures des parties, jusqu'aux piés & aux pouces. J'avertis ceux qui ne le savent pas, dit toûjours le même auteur, que tout cela n'est que pédanterie, qui ne sert qu'à faire perdre du tems, & qu'il n'est point nécessaire à un commandant de savoir ces petites ergoteries de calcul, non plus que des choses qui ne se mettent jamais en pratique ». Les gouverneurs des places peuvent tirer beaucoup de choses utiles du livre qu'on vient de citer. Il y a peu d'ouvrages où leurs devoirs soient traités avec autant de savoir & d'étendue. Ceux qui voudront s'en convaincre par eux - mêmes, seront fort aises qu'on leur ait donné occasion de l'étudier.

Fortification à l'italienne ou de Sardi. Les Italiens ont un grand nombre d'auteurs qui ont très - bien écrit sur la fortification depuis l'invention des bas<cb-> tions. Il seroit assez inutile de parcourir toutes leurs différentes idées à ce sujet, & il seroit d'ailleurs trop long de le faire; car un seul de ces auteurs nommé le capitaine François de Marchi, bolonnois & gentilhomme romain, donne dans un gros in - folio italien imprimé à Bresse en 1599, & intitulé della architettura militare, 161 planches conçues sur des desseins différens, c'est - à - dire autant de systèmes qu'il proteste avoir tous inventés; encore se plaint - il, malgré cette abondance, qu'on lui a volé plusieurs autres desseins de même espece. Il est aisé de juger par la fécondité de cet auteur de l'immense détail dans lequel il faudroit entrer, si l'on vouloit examiner toutes ces différentes constructions; il y en a cependant un assez bon nombre de fort ingénieuses, & dans Marchi, & dans les autres italiens; mais on se bornera ici à dire un mot de la méthode de Sardi, laquelle paroît être une des plus simples & des meilleures.

Cet auteur commence la description de ses figures par l'exagone. Il donne 800 piés géométriques du Rhin à son côté; & comme ce pié a onze pouces sept lignes & demie, suivant plusieurs auteurs, ce côté a environ 136 toises. Il le divise en 16 parties égales; il prend trois de ces parties pour la demi-gorge, qui a ainsi 25 toises trois piés. Il éleve son flanc perpendiculaire à la courtine, & il le fait égal à la demi - gorge. Il divise sa courtine en huit parties égales, il en laisse une pour le feu de courtine ou le second flanc; ensuite par l'extrémité de cette partie & celle du flanc, il tire la face de son bastion indéfiniment. En faisant la même opération sur tous les côtés du polygone, la rencontre des faces donne l'angle flanqué du bastion de cet auteur, & l'on a ainsi la ligne magistrale ou le principal trait de sa fortification.

Sardi couvre aussi son flanc par un orillon ou un épaulement, c'est à - dire qu'il arrondit la partie du flanc proche l'épaule, ou qu'il la laisse en ligne droite. Il construit une place basse à son flanc, mais elle n'a de longueur que le tiers du flanc, les deux autres tiers sont pour l'orillon. Il fait des cavaliers à ses places, au milieu des courtines. Il leur donne la figure quarrée; les faces en sont paralleles au parapet du rempart, éloignées du même parapet à - peu - près de quatre toises trois piés. Il place sur ses cavaliers sept pieces d'artillerie, dont trois sont destinées à battre la campagne, & les quatre autres à tirer sur les bastions voisins pour en défendre les breches & détruire les logemens de l'ennemi. Il est évident par la construction qu'on vient d'expliquer, que Sardi fortifie à lignes de défense fichantes, que les flancs & les demi - gorges sont d'une grandeur raisonnable, & que sa fortification est plus parfaite que celles de tous les auteurs, dont on a donné ci - devant les constructions.

On remarquera à l'occasion du système de Sardi, qu'Ozanam dans sa fortification donne 800 pas géométriques, au lieu de 800 piés, au côté de cet auteur, ce qui est évidemment une faute d'impression; car autrement, comme le pas géométrique vaut cinq piés communs, le côté du polygone de Sardi seroit de 4000 piés, c'est - à - dire de 666 toises: ce qui est une longueur exorbitante, & qui ne peut étre admise. D'ailleurs Sardi dans sa construction, fixe lui - même 800 piés géométriques pour son côté, & non 800 pas. Cependant M. l'abbé Deidier, dans son parfait ingénieur françois, où il rapporte le système de Sardi d'après Ozanam, bien loin de croire qu'il y a une faute dans cet auteur, cherche à rectifier Sardi, & il pense qu'il faut donner 160 toises à son côté intérieur: mais rectifier ainsi les auteurs, n'est pas donner leurs systèmes. Si M. l'abbé Deidier avoit consulté Sardi ou les travaux de [p. 197] Mars de Mallet, il auroit vû que sa correction étoit inutile, & que l'erreur venoit d'une méprise ou d'une faute d'impression du livre d'Ozanam.

Fortification à l'espagnole. On donne ici cette méthode à l'espagnole, telle que la rapporte Ozanam dans son traité de fortification.

Les Espagnols qui estiment que les angles slanqués obtus sont bons, négligent un second slanc sur la courtine, faisant leurs fortifications toûjours à défense rasante; c'est - à - dire n'ayant jamais aucune ligne de défense fichante, sans se mettre en peine si l'angse du bastion est aigu, droit, ou obtus. Leur maniere de fortifier, à l'exception de l'angle flanqué droit & du second flanc, est la même que celle du chevalier de Ville; laquelle, à cause de cela a été appellée trait composé, parce qu'elle est composée de l'italienne & de l'espagnole. Il s'agit done, pour fortifier un polygone régulier selon cette méthode, de diviser le côté en six parties égales; de faire les demi - gorges d'une de ces parties; d'élever les flancs perpendiculairement sur les courtines, & de les faire égaux aux demi - gorges; enfin de l'angle du flanc & de l'extrémité des flancs, tirer les faces, qui en se rencontrant donneront l'angle flanqué des bastions.

Après avoir exposé jusqu'ici les principales constructions des anciens ingénieurs les plus célebres, il faut avant de passer aux modernes, dire un mot de l'ordre renforcé, d'autant plus que plusieurs personnes s'imaginent que M. le maréchal de Vauban a suivi cette construction au neuf Brisack; il est important de la leur faire connoître, pour qu'ils puissent la comparer avec celle de ce célebre ingénieur, laquelle on donnera à la suite de cet article du mot fortification.

Fortification selon l'ordre renforcé. Cette methode de l'ordre renforcé est attribuée à différens auteurs italiens, & particulierement au capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé; mais on la trouve particulierement expliquée dans le livre de fortification du pere Bourdin jésuite, ouvrage imprimé en 1655. Ce pere donne cette méthode pour corriger l'irrégularité des polygones qui ont leurs côtés trop longs pou: être fortifiés selon la construction ordinaire; & c'est d'après lui que Mallet, Ozanam, &c. donnent l'ordre renforcé.

Soit (Planche II. de Fortification, figure 4.) un polygone régulier quelconque inscrit dans un cercle, par exemple un exagone. On supposera chacun de ses côtés A B, A C, de 160 toises; on divisera le côté A B en huit parties égales; on donnera une de ces parties aux demi - gorges des bastions construits en A & en B; on élevera aux points D & E, qui terminent ces demi - gorges, les perpendiculaires indéfinies D K, E L pour les flanes des demi - bastions en A & en B. On prendra après cela D F & G E, chacune du quart de A B & des points F & G; on élevera en - dedans le polygone les perpendiculaires F H, G I, égales à la huitieme partie de A B; on tirera la courtine rentrante H I; ensuite par le point I & le point F, on menera la ligne I M terminée en M, par le prolongement du rayon oblique du polygone: cette ligne coupera la perpendiculaire D K en K, & l'on aura D K le flanc du demi - bastion A, K M la face, & H F le flanc rentrant ou le double flanc du front A B. On opérera de même pour avoir l'autre demi - bastion en B; & faisant après les mêmes opérations sur tous les côtés du polygone, on aura le principal trait de l'ordre renforcé. Il est aisé d'observer qu'on lui a donné ce nom, à cause des flancs saillans & rentrans dont chaque front est accompagné. Ce système peut servir, comme le pere Bourdin l'employe, aux côtés qui ont plus de 120 ou 140 toises. On peut le pratiquer jusqu'à un front de 200 toises.

Comme le capitaine de Marchi, dont on a déjà parlé plusieurs fois, a donné différens desseins qui approchent de l'ordre renforcé, Manesson Mallet croit que les auteurs de cet ordre en ont pris les premieres pensées dans le livre de ce capitaine; & il représente à cet effet un plan de cet italien qui approche beaucoup de l'ordre renforcé. Voyez la seconde edition des travaux de Mars, par Allain Manesson Mallet, page 230 du II. Volume.

Fortification suivant la méthode ou le système du comte de Pagan. Le comte de Pagan est un auteur également respectable par sa science, son expérience, & par la noblesse de sa maison. Le grand nombre de siéges où il avoit assisté du tems du roi Louis XIII. lui avoit donné lieu de remarquer la foiblesse des fortifications des anciens ingénieurs, & le peu de défense dont elles étoient susceptibles. Il s'appliqua à trouver le moyen de remédier à ce défaut, & surtout à la défense oblique des flancs perpendiculaires sur la courtine. C'est de tous les auteurs qui l'ont précédé, dit M. Hebert dans une espece de commentaire qu'il a donné de la fortification du comte de Pagan, celui qui a su le mieux réserver dans ses flancs du canon à couvert des batteries de l'ennemi, pour servir utilement à battre de revers dans la breche du bastion oppesé. Enfin il est le premier qui ait su loger assez de canon pour faire une résistance considérable & pour défendre long - tems le passage du fossé. On peut dire, sans rien diminuer de l'estime qu'on a pour les illustres ingénieurs qui l'ont suivi, qu'ils n'ont presque fait que perfectionner sa construction, & corriger ce qu'il pouvoit y avoir de défectueux dans une premiere pensée, qu'il n'eut jamais le tems ni l'occasion de rectifier.

Le comte de Pagan divise sa fortification en grande, moyenne, & petite.

Pour construire la moyenne, soit (Planche II. de Fortification, fig. 5.) A B le côté d'un polygone régulier quelconque, par exemple celui d'un exagone, on le supposera de 180 toises.

Il faudra le diviser en deux également en D; on élevera de ce point, en - dedans le polygone, la perpendiculaire D C, à laquelle on donnera 30 toises. Des points A & B, on tirera par C les lignes de défense indéfinies A N & B M. On prendra les faces A E, B F de 55 toises, puis C M & C N chacune de 32. On tirera les lignes E M & F N, qui seront les flancs du front A B; M N en sera la courtine.

On peut déterminer les flancs F N & E M, en faisant tomber des points F & E, des perpendiculaires sur les lignes de défense A N & B M.

Pour construire la grande fortification du même auteur, on supposera le côté A B de 200 toises; on donnera de même 30 toises à la perpendiculaire D C, & 60 toises aux faces des bastions. Les flancs sont toûjours dans les différentes constructions de cet auteur les perpendiculaires abaissées des points E & F sur les lignes de défense B M & A N.

Le côté extérieur de la petite fortification n'a que 160 toises; la perpendiculaire D C toûjours 30. A l'égard des faces, elles n'ont que 50 toises.

Le comte de Pagan pour augmenter le feu de son flanc, fait trois flancs élevés les uns sur les autres en amphitéatre, & il construit un second bastion dans le premier.

Pour construire ces places, ou comme on les appelle communément, ces casemates, on divisera le flanc F N en deux également en G; par le point A & le point G, on tirera la ligne A G, qu'on prolongera indéfiniment dans le bastion. On prolongera de même la ligne de défense A N. On prendra ensuite G H de cinq toises, & l'on menera par H, la ligne H I parallele à F N ou G N. On menera après cela L K parallele à H I, & à la distance de sept toises

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