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Les observations de M. de la Hire faites pendant 17 ans, prouvent que l'eau de pluie ne peut pas pénetrer à 16 pouces en assez grande quantite pour former le plus petit amas d'eau sur un fond soside. (ann. 1703. mém. de l'acad.) Mais ces expériences ne sont pas contraires à la pénétration de la pluie; puisqu'au même endroit où cet académicien les a faites, (à l'Observatoire), il y a dans les caves, à une profondeur considérable, un petit silet d'eau qui tarit pendant la grande sécheresse, & qui tire par conséquent ses eaux des pluies qui doivent pénétrer autravers de l'épaisseur de la masse de terre & de pierres qui est au - dessus des caves. On peut voir le détail des observations de M. Pluche, sur la maniere dont l'eau pluviale pénetre dans les premieres couches de la montagne de Laon, & fournit à l'entretien des puits & des fontaines; tome III. du spectacle de la nature.
De tous ces détails nous concluons, qu'on doit partir de la pénétration de l'eau pluviale, comme d'un sait avéré, quand même on ne pourroit en trouver le dénouement: mais il s'en faut bien que nous en soyons réduits à cette impossibilité. La surface du globe me paroît être organisée d'une maniere tres sa vorable à cette pénétration. Dans le corps de la terre nous trouvons des couches de terre glaise, des fonds de tuf, & des lits de roches d'une étendue de plusieurs lieues: ces couches sont sur - tout paralleles entr elles, malgré leurs différentes sinuosités; ces lits recouvrent les collines, s'abaissent sous les vallons, & se portent sur le sommet des montagnes; & leur continuité se propage au loin par la multiplicité de plusieurs lits qui se succedent dans les différentes parties des continens. Tout le globe en général est recouvert à sa surface de plusieurs lits de terre ou de pierre, qui en vertu de leur parallélisme exact, font l'office de siphons propres à rassembler l'eau, à la transmettre aux réservoits des fontaines, & à la laisser échapper au - dehors.
Il faut sur - tout observer que ces couches éprouvent plusieurs interruptions, plusieurs erevasses dans
leurs sinuosités; & que ces prétendues défectuosites
sont des ouvertures favorables que les eaux pluviales
saisissent pour s'insinuer entre ces couches: on remarque
ordinairement ces especes d'éboulemens sur
les penchans des vallons ou sur la croupe des montagnes.
Ensorte que les différens plans inclinés des
masses montueuses ne sont que des déversoirs qui déterminent
l'eau à se précipiter dans les ouvertures
sans lesquelles la pénetration ne pourroit avoir lieu:
car j'avoue que l'eau de la pluie ne peut traverser
les couches de la terre suivant leur épaisseur; mais
elle s'insinue entr'elles suivant leur longueur, comme
dans la capacité cylindrique d'un aqueduc naturel.
Parmi les interruptions favorables & très - fréquentes, on peut compter les fentes perpendiculaires
que l'on remarque non - seulement dans les rochers,
mais encore dans les argilles; V.
Ainsi la pluie qui tombe sur le rocher de la Sainte - Baulme en Provence, pénetre en très - peu d'heures à 67 toises au - dessous de la superficie du rocher par les fentes, & y forme une tres - belle citerne, qui fourniroit à un écoulement, si la citerne pouvoit couler par - dessus ses bords. Mém. de l'académie, année 1703.
Les sommets élevés des montagnes principales, les croupes de celles qui sont adossées à la masse des premieres, présentent plus que tout le reste du globe, des surfaces favorables à la pénétration des eaux. Les Alpes, les Pyrénées offrent à chaque pas des couches interrompues, des débris de roches entr ouvertes, des lits de terre coupés à - plomb; ensorte que les eaux des pluies, les brouillards, les rosécs, se filtrent aisément par toutes ces issues, & forment des bassins, ou se portent dans toute l'étendue des couches; jusqu'à ce qu'une ouverture favorable verse cette cau. Ainsi les sources ne seront proprement que les extrémités d'un aqueduc naturel formé par les faces de deux couches ou lits de terre. Si ces couches sont plus intérieures, & qu'elles aillent aboutir au - dessous du niveau des plaines, en suivant les montagnes adossées aux principales, comme dans la plaine de Modene, elles forment des nappes d'eau qui entretiennent les puits ou des sources qui s'échappent au milieu des pays plats. Comme ces couches s'étendent quelquefois jusques sous les eaux de la mer, en s'abaissant insensiblement pour former son bassin; elles y voiturent des eaux douces qui entretiennent des puits sur ses bords, ou des sources qui jaillissent sous l'eau salée, comme dans la mer Rouge, dans le golfe Persique, & ailleurs.
Linschot rapporte que dans la mer Rouge, près de l'île de Bareyn, des plongours puisent de l'eau douce à la profondeur de 4 à 5 brasses; de même aux environs de l'île de Baharan dans le golfe Persique, on prend de l'eau douce au fond. Les hommes se plongent avec des vases bouchés, & les débouchent au fond; & lorsqu'ils sont remontés, ils ont de l'eau douce, (Gemelli Carreri, tome II. p. 453.) Le fond de la mer laissé à sec près de Naples, lors des éruptions du Vésuve, a laissé voir une infinité de petites sources jaillissantes; & le plongeur qui alla dans le goufre de Charibde, a prétendu avoir trouvé de l'eau douce. De même, en creusant les puits sur le riva<pb-> [p. 93]
César, dans le siége d'Alexandrie, ayant fait creuser des puits sur le bord de la mer, ils se remplirent d'eau douce. Hirt. Pans. comment. cap. jx.
Cette correspondance des couches s'est fait sentir à une très - grande distance. M. Perrault rapporte (traité de l'origine des fontaines, p. 271.) un fait très propre à en convaincre. Il y avoit deux sources dans un pré, éloignées l'une de l'autre d'environ cent toises. Comme on vouloit conduire leurs eaux dans un canal au bas d'un pré, on fit une tranchée pour recevoit l'eau d'une des deux sources, & la contenir: mais à peine l'eau de cette source fut arrêtée, qu'on vint avertir que l'autre source inférieure à la premiere étoit à sec: on rétablit les choses dans le premier état, & l'eau reparut à cette source. Enfin on remarqua ces effets plusieurs fois; & l'eau de la source insérieure étoit aussi régulierement assujettie à l'état de la source supérieure, que si elle s'y fût rendue par un tuyau de conduit fait exprès: de même, il y a des communications aussi sensibles des montagnes entr'elles.
Les eaux des vallons ou des plaines s'élevent ordinairement par un canal naturel, & franchissent des collines & des montagnes assez élevées, si une des jambes du siphon renversé, dont la courbure est dans les vallons qui séparent les montagnes, se trouve adossée le long d'une croupe plus élevée que les autres, & qui fournisse des eaux en assez grande abondance pour donner une impulsion successive aux eaux qui remplissent les couches courbées en siphon. La fontaine entretenue par ce méchanisme, paroîtra sur les revers de quelques collines où les couches souffriront interruption.
On conçoit ainsi que les réservoirs des fontaines
ne sont pas toûjours des amas d'eaux rassemblées
dans une caverne dont la capacité seroit immense,
vû la grande dépense de certaines sources. Il seroit
à craindre que ces eaux forçant leurs cloisons, ne s'échappassent
au - dehors par des inondations ubites,
comme cela est arrivé dans les Pyrénées on 1678.
Voyez
Ces canaux soûterreins sont d'une certaine résistance, & des eaux peuvent se faire sentir contre leurs parois avec une force capable d'y produire des crevasses. On doit sur - tout ménager leur effort; car souvent par des imprudences on force les canaux dans des endroits foibles, en retenant les eaux des fontaines; & ces interruptions en ouvrant un passage à l'eau, diminuent d'autant la principale fontaine vers laquelle ce petit canal entr'ouvert portoit ses eaux, ou souvent font disparoître une source entiere. Ces effets doivent rendre circonspects ceux qui sont chargés de la conduite des eaux. On en a vû des exemples en plusieurs endroits. Je puis en citer un fort remarquable. La fontaine de Soulaines dont j'ai parlé ci - devant, dépose dans son bassin des terres fort compactes qui la teignent d'une couleur jaune, après les pluies abondantes. Lorsque la masse des dépôts est considérable, on vuide le bassin. Pour expédier cette besogne, les ouvriers imaginerent de jetter ces terres grasses dans l'ouverture de la source, au lieu de les jetter au - dehors; il s'y fit une
De toute cette doctrine, nous tirerons quelques conséquences que l'expérience confirme.
1°. Ce n'est point en traversant l'épaisseur des couches de la terre & en les imbibant totalement, que l'eau pluviale pénetre dans les conduits & les réservoirs qui la contiennent, pour fournir aux écoulemens successifs: ainsi les faits qu'on allegue contre la pénétration, ne détruisent que la premiere maniere, & ne donnent aucune atteinte à la seconde.
2°. C'est dans les montagnes ou dans les gorges formées par les vallons, que se trouvent le plus ordinairement les sources; parce que les conduits & les couches qui contiennent les eaux, s'épanoüissent sur les croupes des montagnes pour les recueillir, & se réunissent dans les culs - de - sac pour les verser.
3°. Les fontaines nous paroissent en conséquence
de cette observation, occuper une position intermédiaire
entre les montagnes ou collines qui reçoivent
& versent les eaux dans les couches organisées, &
entre les plaines qui présentent aux eaux un lit &
une pente facile pour leur distribution réguliere.
Quinte - Curce remarque (lib. VII. cap. iij.) que tous
les sommets des montagnes se contiennent dans toute
l'Asie par des chaînes alongées, d'où tous les fleuves
se precipitent ou dans la mer Caspienne, &c. ou dans
l'Océan indien. On ne peut objecter les sources du
Don ou Tanais & du Danube près d'Eschinging, qui
sont dans des plaines: car qu'est - ce que cette derniere
source en comparaison de toutes celles qui se jettent
dans le Danube, tant des montagnes de la Hongrie, que du prolongement des Alpes vers le Tirol?
& de même les Cordelieres donnent naissance à plusieurs
sources qui se jettent dans la riviere des Amazones, en suivant la pente du terrein: les autres qui
sont sur les croupes occidentales, se jettent dans la
mer du Sud. Il y a sur le globe des points de distribution;
en Europe au mont Saint - Gothar; vers
Langres en Champagne, &c. Voyez
4°. Si l'on voit quelquefois des sources dans des
lieux élevés, & même au haut des montagnes, elles
doivent venir de lieux encore plus élevés, & avoir
été conduites par des lits de glaise ou de terre argilleuse,
comme par des canaux naturels. Il faut faire
attention à ce méchanisme, lorsqu'on veut évaluer
la surface d'un terrein qui peut fournir de l'eau à
une source; on est quelquefois trompé par les apparences.
M. Mariotte observe que dans un certain
point de vûe une montagne près de Dijon sembloit
commander aux environs; mais dans un autre aspect
il découvrit une grande étendue de terrein qui
pouvoit y verser ses eaux. Voilà la seule réponse
que nous ferons à ceux qui alleguent des observations
faites par des voyageurs sur des montagnes élevées. Il n'est pas étonnant que les voyageurs ayent
pû découvrir, en passant leur chemin, d'où des sources
abondantes tiroient leurs eaux. Si entre une montagne
du haut de laquelle il part une source, & une
autre montagne plus élevée qui doit fournir de l'eau,
il y a un vallon, il faut imaginer la source comme
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