ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"22"> toutes les autres sont subordonnées. Le baptême est le seul moyen que Dieu ait établi pour acquérir la justification, & pour effacer la tache originelle: c'est par - là que le baptême est nécessaire d'une nécessité de moyen; on doit dire la même chose de la foi. Ce n'est que parce que sans la persuasion explicite de certains dogmes Dieu n'accorde point la justification aux adultes, que cette foi est nécessaire. La foi infuse, selon les Théologiens, accompagne toûjours la justification; & réciproquement.

Pour déterminer avec précision comment la foi est nécessaire au salut, faisons une hypothèse. Supposons qu'un enfant baptisé, & par conséquent justifié, est élevé parmi des payens ou des sauvages; & que cet enfant parvenu à l'âge de raison & adulte, vît quelques jours en observant fidelement la loi naturelle, & meurt sans s'être rendu coupable d'aucun péché mortel: il n'y a aucun théologien qui osât dire que cet enfant justifié en J. C. dans lequel il n'y a plus de damnation selon la parole de l'apôtre, nihil damnationis est in iis qui sunt in Christo Jesu, & qui n'a point perdu la grace de la justification, n'obtient pas le salut éternel: cependant il est adulte; il n'a pas la foi explicite: la foi explicite n'est donc nécessaire qu'à cause de la justification avec laquelle elle est toûjours liée. En effet, si l'adulte étoit encore coupable du péché originel, il n'obtiendroit pas le salut éternel: mais ce ne seroit pas précisement & uniquement à cause du défaut de foi explicite, mais parce qu'il ne seroit pas justifié. On ne s'explique donc pas avec assez de netteté, lorsqu'on dit que la foi explicite est nécessaire aux adultes d'une necessite de moyen. Voici comment cela doit s'entendre. L'enfant baptisé & manquant de la foi explicite, parvenant à l'usage de raison, & péchant mortellement, perd la justice habituelle. Or, pour être justifié de nouveau, la foi explicite lui est nécessaire; parce que la foi explicite est nécessaire & préalable à la réception de la grace de la justification dans les adultes.

On doit dire la même chose, à plus forte raison, de l'enfant coupable du péché originel, parvenant à l'usage de raison, & mourant après avoir péché mortellement.

Quant à celui qui meurt adulte & encore coupable du péché originel, même sans avoir péché mortellement: comme selon la doctrine chrétienne, la justification qui renferme la foi infuse ne peut lui être accordée, qu'au préalable il n'ait la foi explicite; cette foi est aussi pour lui nécessaire d'une nécessité de moyen, mais toûjours à raison de la justification.

Quelques dogmes dans la doctrine chrétienne semblent augmenter la dureté apparente de celui - là; & d'autres la temperent: voici les premiers. La foi est une grace que Dieu ne doit à personne, même à celui qui fait tout ce qui est en lui pour l'obtenir. Hors de l'Eglise point de salut. Les seconds sont que Dieu ne peut pas commander l'impossible; que la foi n'est pas la premiere grace; que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour le salut.

On peut remarquer qu'on regarde comme de foi en Théologie les dogmes rigoureux de la nécessité absolue de la foi; au lieu qu'on traite de sentimens pieux les principes qui peuvent lui servir de correctif. C'est ainsi qu'on dit modestement que la volonté de Dieu de sauver tous les hommes, & la concession des moyens suffisans pour le salut, sont des sentimens pieux & qui approchent de la foi. J'avoue que cette difference m'a toûjours fait quelque peine. Il est au moins aussi certain que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour arriver à la foi, qu'il est certain qu'il exige qu'ils ayent la foi. L'un & l'autre dogme me semblent entrer essentiellement dans l'economie de la religion.

Encore quelques réflexions. J'ai déjà averti que je ne m'asservissois à aucun ordre.

Celui qui en supposant la nécessité de la foi en J. C. pour le salut, diroit que des payens & des sauvages, sont élevés à cette connoissance par un secours extraordinaire de Dieu, & par la grace, & qa'ils ont reçû le don de la foi, diroit une chose peu vraissemblable, mais n'avanceroit rien de contraire à la doctrine chrétienne: car la doctrine chrétienne n'est pas que hors ceux qui sont visiblement de l'Eglise, & qui ont entendu & reçû la parole de l'Evangile, tous les autres périssent éternellement; c'est seulement que celui qui ne croit point sera condamné; que celui qui ne sera point de l'Eglise par la foi n'entrera point dans le royaume des Cieux: mais elle ne décide pas que hors ceux qui sont visiblement de l'Eglise, & qui ont reçû par les moyens ordinaires la prédication de l'Evangile, aucun n'ait la foi: en un mot cette proposition, hors de l'Eglise & sans la foi point de salut, n'est pas la même que celle - ci, hors de l'Eglise visible point de foi. Le dogme de la nécessité de la foi ne reçoit donc aucune atteinte de l'opinion de ceux qui disent que des payens & des sauvages se sont sauvés par la foi.

Mais, dit - on, ces gens - là ne peuvent pas croire, selon ce passage de S.Paul: quomodo credent, si non audierunt; quomodo audient, sine predicante? ils sont donc sauves sans la foi?

Ces théologiens répondent, que les payens & les sauvages en question ne peuvent pas croire par les voies ordinaires; mais que rien n'empêche que Dieu n'éclaire leur esprit extraordinairement; que personne ne peut borner la puissance & la bonté de Dieu jusqu'à decider qu'il n'accorde jamais ces secours extraordinaires, & qu'il est bien plus raisonnable de le penser, que de s'obstiner à croire que tous ceux à qui l'Evangile n'a pas été préché, & qui font la plus grande partie du genre humain, perissent éternellement, sans qu'un seul arrive au salut que Dieu veut pourtant accorder à tous.

Cependant on voit que l'hypothese de ce secours extraordinaire est absolument gratuite.

On éprouve quelque difficulté à concilier ensemble la nécessité & la gratuité de la foi.

Si la foi est nécessaire; & si tous les hommes ont des moyens suffisans pour arriver au salut, il est clair que Dieu donne à tous les hommes des moyens suffisans pour arriver à la foi.

Des moyens suffisans pour arriver à la foi, sont ceux dont le bon usage amene certainement & infailliblement le don de la foi, autrement ces moyens ne seroient pas suffisans; de sorte que celui qui use de ces moyens, autant qu'il est en lui, reçoit toûjours la grace de la foi, selon cet axiome: facienti quod in se est cum ipso gratioe auxilio, Deus non denegat gratiam. Les infideles ont donc des moyens dont le bon usage les conduiroit infailliblement à la grace de la foi. Qu'on prenne garde que je ne dis pas que ces moyens soient purement naturels.

Mais, dira - t - on, s'il y a des moyens dont le bon usage conduiroit infailliblement à la foi, il peut y avoir des circonstances dans lesquelles Dieu ne peut pas se dispenser, à raison même de sa justice ou au moins à raison de sa bonté, d'accorder le don de la foi; & cela posé, comment est - il vrai que la foi est une grace, qu'elle est purement gratuite, & que Dieu ne la doit à personne?

Je réponds, 1°. si par impossible les deux dogmes de la gratuité de la grace & de la suffisance des moyens que Dieu donne aux hommes pour le salut, étoient incompatibles, il faudroit conserver ce dernier, & abandonner l'autre.

2°. Notre doctrine est une suite manifeste du principe que nous avons cité, & qui paroit bien raison<pb-> [p. 23] nable, facienti omne quod in se est, &c. car il suit delà que l'infidele qui use, autant qu'il est en lui, des graces qui précedent la foi, obtient toûjours la grace de la foi.

3°. Dans l'hypothese que nous faisons, c'est la grace, à laquelle notre infidele répond, qui amene la grace de la foi. Or le dogme de la gratuité de la foi, s'oppose bien à ce que les seules forces de la naiure l'appellent, mais non pas à ce que la fidélité aux premieres graces amene celle de la foi.

Quoique la foi soit nécessaire au salut, l'infidélité négative, c'est - à - dire le défaut de foi, lorsqu'on n'a pas résisté positivement aux lumieres de la foi qui se présentoient, n'est pas un péché. C'est le sentiment le plus communément reçû (voyez Suar. disp. xvij.); & en effet, il seroit ridicule de prétendre qu'on peut pécher sans aucune espece d'action délibérée: or l'insidele, négatif par l'hypothese, n'exerce aucune sorte d'action délibérée relativement à la foi. C'est la principale raison qu'apporte Suarès dans l'endroit cité; ce qu'il appuie encore de ce passage qui semble décisif: si non venissem & loquutus eis fuissem, peccatum non haberent, Joan. 15.

D'après ce principe, ces hommes ne périssent pas pour n'avoir pas eu la foi, mais pour les contraventions à la loi qu'ils connoissent, & qui est écrite au fond de leur coeur: c'est la doctrine de S. Paul aux Romains: quieumque sine lege peceaverunt, sine lege peribunt, &c.

Cependant on fait sur cela une difficulté: si ces hommes observoient la loi natureile, leur infidélîté négative ne leur étant pas imputée à péché, ils pourroient éviter la damnation, & par conséquent arriver an saiut sans la foi; & cette necessité absolue de la foi souffrira quelque atteinte.

On répond, 1°. que cet argument est d'après une hypothese qui n'a jamais de lieu, parce que jamais un infidele n'a observé la loi naturelle dans tous ses points. Cette réponse ne me semble pas solide, parce que si cet insidele a des moyens suffisans pour observer la loi naturelle, s'il a même le secours de la grace pour cela, il peut sert bien arriver qu'effectivement il l'observe: c'est ce que prouve lairement l'hypothese que fait Collius, de animab. Pag. lib. I. cap. xiij. d'un petit payen qui, commençant à user de sa raison, observeroit la loi naturelle, & passeroit un jour sans se rendre coupable d'aucun péché mortel. Hypothese assûrément très - possible, & qu'on ne peut contester.

2°. S. Thomas répond que si ces hommes observoient la loi naturelle, Dieu leur enverroit plûtôt un ange du ciel pour leur annoncer les vérités qu'il est nécessaire qu'ils croyent pour arriver au salut, ou qu'il useroit de quelque moyen extraordinaire pour les conduire à la foi, & qu'ainsi ils ne se sauveroient pas sans la foi; ou s'ils fermoient les yeux à la vérité après l'avoir entrevûe, leur insidélité cesseroit d'être purement négative.

Mais cette réponse n'est pas encore satisfaisante; car on peut toûjours demander si Dieu est obligé, par sa justice & sa bonté, d'envoyer cet ange & d'accorder ce secours; s'il y est obligé, la gratuité de la grace de la foi est en grand danger; s'il n'y est pas obligé, on peut supposer qu'il n'employera pas ces moyens extraordinaires; & dans ce cas, il reste encore à demander si cetobservateur fidele de la loi naturelle se sauvera sans la foi, auquel cas la foi n'est pas nécessaire; ou sera damné, ce qui est bien dur.

3°. Pour sauver en même tems & la nécessité & la gratuité de la foi, S. Thomas en un autre endroit soûtient nettement que ces honnêtes payens sont privés de ce secours absolument nécessaire pour croire, & sont damnés en punition du péché originel, in poenam originalis peccati.

On trouve cette réponse, secunda secundoe, quoest, secunda, art. 5. Ce pere demande si la foi explicite est nécessaire au salut: il se fait l'objection que souvent il n'est pas au pouvoir de l'homme d'avoir la foi explicite, selon ce que dit S. Paul aux Romains, ch. x. Quomodò credent in illum quem non audierunt? quomodò audient sine proedicante? quomodò autem proedieabunt nisi mittantur? L'homme en question, dit - il, l'infidele dont nous parlons, & à qui l'évangile n'a pas été annoncé, ne peut pas croire sans le secours de la grace, mais il le peut avec ce secours. Or ce secours est accordé par la pure miséricorde de Dieu, à ceux à qui il est accordé; & quant a celui auquel il est refusé, ce refus est toûjours dans Dieu un acte de justice, & pour l'homme la peine de ce péché précedent, ou au - moins, dit - il, du péché originel, selon S. Aug. lib. de corr. & gratia: Ad multa tenetur homo quoe non potest sine gratiâ reparante... & similiter ad credendum articulos fidei... quod quidem auxilium (gratioe), quibuscumque divinitus datur misericorditer; quibus autem non datur ex justitiâ, non datur in poenam proecedentis peceati, & saltem originalis peceati, ut Aug. dicit in lib. de corr. & gratiâ, cap. v. & vj.

Or ces hommes à qui, selon S. Thomas, Dieu refuse le secours absolument nécessaire pour croire, in poenam saltem originalis peccati, sont des adultes, ne sont coupables que du péché originel, & sont par conséquent observateurs de la loi naturelle, qu'ils n'auroient pas pû violer sans pécher mortellement: leur infidélité n'est que négative, puisque l'infidelité positive est aussi un péché, & que ce pere ne dit pas qu'ils résistont au secours de la grace qui leur est donnée pour croire, mais qu'ils ne le reçoivent point. Selon S. Thomas, ce secours absolument nécessaire peut donc mancuer quelquefois, & alors cet homme n'est pas sauvé. Voilà le dogme de la nécessité de la foi dans toute sa rigueur.

Au fond je ne vois pas pourquoi les Théologiens ne font pas cet aveu tout d'un coup, & sans se faire presser. En admettant une fois la doctrine du peché originel, & de la nécessité du baptême, & en regardant, comme on le fait, les enfans morts sans le baptême, comme déchûs du salut éternel: on ne doit pas avoir tant de scrupule pour porter le même jugement des adultes qui auroient observé la loi naturelle: car ces adultes ont toûjours cette tache; ils sont enfans de colere; ils sont dans la masse de perdition; ainsi la difficulté n'est pas pour eux plus grande que pour les enfans. Il est vrai que comme elle n'est pas petite pour les enfans, il seroit à souhaiter qu'on n'eût pas encore à la resoudre pour les adultes. Voyez Péché originel.

Nous devons faire aux lecteurs des excuses de la longueur énorme de cet article; cette matiere est metaphysique, & tient à toute la Théologie; de sorte qu'il ne nous eût pas été possible d'abreger, sans tomber dans l'obscurité & sans omettre plusieurs questions importantes. Nous ne nous flatons pas même d'avoir traité toutes celles qui y sont relatives, mais nous en avons au - moins indiqué une grande partie. Il y a plusieurs articles qu'on peut consulter relativement à celui - ci, comme Christianisme, Religion, & Révélation . (h)

Foi (Page 7:23)

Foi, (Iconol.) la foi comme vertu morale est représentée sous la figure d'une femme vêtue de blanc, ou sous la figure de deux jeunes silles se donnant la main. Comme vertu chrétienne, elle est représentée par les Catholiques tenant un livre ouvert d'une main, & de l'autre une croix ou un calice d'où il sort une hostie rayonnante.

Foi (Page 7:23)

Foi, (Jurisprud.) signifie quelquefois fidélité, comme quand on joint ces termes foi & hommage; il signifie aussi croyance, par exemple, quand on dit ajoûter foi à un acte; ou bien il signifie attestation & preuve,

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