ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"10"> l'autorité de l'Eglise; tel est le dogme de l'infaillibilité de l'Eglise. Cependant cela n'empêche pas que le fidele ne puisse faire des actes de foi, même à l'égard de cette vérité, puisqu'elle est contenue dans la révélation.

De l'analyse de la foi. Après avoir ainsi distingué les motifs de la persuasion que renferme la foi des vérités chrétiennes, nous entrerons tout naturellement dans la question que les Théologiens appellent l'analyse de la foi. En effet l'analyse ou résolution de la foi n'est autre chose que l'exposition des motifs raisonnés de la persuasion de toutes les vérités que renferme la foi chrétienne, & de l'ordre selon lequel ils doivent être rangés pour la produire dans l'esprit du fidele.

Or comme celui qui reçoit les vérités que nous avons placées au quatrieme ordre, c'est - à - dire les dogmes proposés par l'Eglise, est aussi convaincu de toutes les autres, par exemple, de celles qui sont communes au Christianisme & à la religion naturelle, nous aurons fait l'analyse ou la résolution de la foi de toutes les vérités chrétiennes, si nous assignons les motifs raisonnés qui produisent dans l'esprit du chrétien la persuasion d'un dogme appartenant à ce quatrieme ordre de vérités, d'un mystere par exemple.

Cette analyse doit renfermer la derniere raison qu'un chrétien interrogé puisse rendre de la foi d'un dogme révélé; & les motifs de la foi de ce dogme doivent y être placés de telle maniere qu'ils puissent amener un hérétique & un incrédule à la foi de ce dogme ou de tout autre, & par conséquent à la foi de tous les dogmes ensemble. La raison de cela est que le chrétien le plus soûmis qui fait l'analyse de sa foi, se met pour un moment dans la même situation que celui qui examine s'il doit croire tel ou tel dogme en particulier, ou que celui qui cherche en général quelle doctrine religieuse il doit embrasser.

On peut concevoir par ces deux remarques, que la foi dont nous allons faire l'analyse, n'est ni celle des enfans qui croient au moyen de ce que les Théologiens appellent une foi infuse, ni celle des adultes simples & grossiers qui n'ont point de motifs raisonnés de leur croyance (je dis raisonnés, & non pas raisonnables), comme il y en a sans doute un grand nombre dans le sein même de l'Eglise catholique. Ces deux especes de foi sont l'ouvrage immédiat de l'esprit de Dieu qui souffle où il veut, & dont notre foible raison ne peut pas sonder les voies.

Et comme selon la doctrine des théologiens catholiques, la foi du chrétien le mieux instruit est aussi produite dans l'ame par le S. Esprit agissant comme cause efficiente, qu'elle est une habitude, une vertu infuse, &c. & que sous ces rapports elle est encore un très - grand mystere, nous ne nous proposons pas de la regarder sous ce point de vûe: & nous déclarons que dans la question de l'analyse de la foi, nous ne prétendons traiter que de la persuasion raisonnée qu'elle renferme.

La difficulté en ceci vient de l'embarras qu'on éprouve à placer dans un ordre naturel & raisonnable deux motifs qui dans la doctrine catholique doivent entrer tous deux dans l'analyse de la foi. Ces deux motifs sont l'autorité de l'Ecriture & celle de l'Eglise; (la tradition peut être ici confondue avec l'autorité de l'Eglise, qui seule en est dépositaire, & qui parle pour elle).

Le fidele croit à l'un & à l'autre. Il y en a un qui précede l'autre dans l'ordre du raisonnement. Si c'est l'autorité de l'Eglise qui le fait croire à la divinité & à l'inspiration de l'Ecriture, il ne peut croire l'autorité infaillible de l'Eglise par le motif de la révélation, puisqu'il supposeroit dès lors cette même révélation dont il cherche à se prouver l'existence. D'un autre côté, si on croit l'autorité infaillible de l'Egli<cb-> se parce qu'elle est révélée dans les Ecritures, on croira donc le dogme de la vérité & de la divinité des Ecritures, & on recevra l'explication des passages où cette infaillibilité est contenue, sans l'intervention de l'autorité de l'Eglise contre ce qu'enseignent encore plusieurs théologiens.

On a suivi l'une & l'autre de ces deux toutes; delà plusieurs méthodes différentes d'anal ser la foi.

Voici celle que nous adoptons.

Je crois tel dogme, parce qu'il est révélé. Je crois qu'il est révésé, parce que la société religieuse dans laquelle je vis, m'enseigne qu'il est révélé. Je crois à son enseignement, parce qu'elle est infaillible. Je crois qu'elle est infaillible, parce qu'elle est l'Eglise de Jesus - Christ, & que l'Eglise de Jesus - Christ est infaillible. Je crois qu'elle est l'Eglise de Jesus - Christ, parce que les chefs, les pasteurs de cette Eglise ont succédé à ceux que Jesus - Christ même avoit établis; & je crois que l'Eglise de Jesus - Christ est infaillible, parce que cette infaillibilité lui est promise & clairement contenue dans les Ecritures proto - Canoniques que tous les Chrétiens reçoivent, & qui sont la parole de Dieu, soit dans une infinité d'endroits particuliers, soit dans toute l'histoire de l'établissement de la religion que racontent ces mêmes livres divins & inspirés. Je crois que les Ecritures sont la parole de Dieu, sont divines & inspirées, parce que cette vérité est essentiellement liée avec cette autre, la religion chrétienne est émanée de Dieu. Je crois enfin que la religion chrétienne est émanée de Dieu, par tous les motifs de crédibilité qui me le persuadent.

Cette méthode paroît si simple & si naturelle, qu'on pourra s'étonner de voir qu'elle n'est pas embrassée par tous les Théologiens. Cependant un grand nombre d'entr'eux dans leurs disputes avec les Protestans, ont été jettés dans une route différente par le desir d'élever à un plus haut degré, s'il étoit possible, l'autorité de l'Eglise. Ils ont prétendu que le fidele ne croyoit la vérité & l'inspiration du corps même des Ecritures des livres proto - canoniques, que par le motif de l'autorité infaillible de l'Eglise qui les adopte; d'où ils ont été obligés dans l'ordre du raisonnement & dans l'analyse de la foi, tantôt à prouver l'autorité de l'Eglise par la révélation, en même tems qu'ils établissoient l'autorité de la révélation sur celle de l'Eglise, en quoi ils faisoient un cercle vicieux bien sensible, & que les Protestans n'ont pas manqué de leur reprocher: tantôt à n'établir le dogme capital de l'infaillible autorité de l'Eglise, que sur des motifs de crédibilité indépendans de la révélation, dans la crainte de tomber dans le sophisme qu'on leur reprochoit; & tantôt enfin à prouver l'autorité de l'Eglise par l'autorité même de l'Eglise, ce qui est absolument insoûtenable.

Je ne m'arrêterai pas à rapporter ici les différentes méthodes d'analyser la foi que ces principes doivent fournir. On les devinera aisément. Mais voici celle qui est plus familiere à nos théologiens.

Je crois tel dogme, parce qu'il est révélé; je crois qu'il est révélé, parce que l'Eglise m'en assûre. Je crois à la décision de l'Eglise, parce qu'elle est infaillible; je crois que l'Eglise est infaillible, parce que son infaillibilité est contenue dans les Ecritures qui sont la parole de Dieu. Je crois que cette infaillibilité est contenue dans les Ecritures, parce que l'Eglise m'en assûre; & je crois que les Ecritures & même les passages où est contenue l'infaillibilité de l'Eglise, sont la parole de Dieu, sur l'autorité de l'Eglise de qui je les reçois avant de les avoir ouvertes, & même avant d'avoir entendu parler de ce qu'elles contiennent.

On verra clairement que cette méthode & les autres qui s'écartent de la nôtre, sont défectueuses par les preuves mêmes sur lesquelles nous allons établir celle que nous suivons. [p. 11]

1°. Notre méthode est adoptée par de très - habiles théologiens qui ont traité de dessein formé la question de l'analyse de la foi: au lieu que ceux qui ont suivi des principes opposés, y ont été jettés en traitant séparément la question de l'autorité de l'Eglise. Nous nous contenterons d'en citer deux ou trois, parce que cette matiere est plûtôt du ressort du raisonnement que de celui de l'autorité.

Rien n'est plus clair & plus précis que ce que dit là - dessus le P. Juenin, instit. theolog. part. VII. diss. jv. c. 4.

Ce savant homme avance que sans les motifs de crédibilité, on ne peut pas avoir une certitude prudente de l'existence de la révélation divine; parce que, dit il, sans ces motifs, nous ne pouvons pas recevoir raisonnablement l'autorité divine des Ecritures, dans lesquelles l'infaillibilité de l'Eglise est révelée. D'où il forme cette analyse de la foi entierement semblable à la nôtre: ex iis quoe dicta sunt sequitur credentem sic procedere; ideò mens adhoeretlieui veritati quod sit à Deo revelata; ideò seit esse revelatam, quod eam tanquam à Deo revelatam Ecelesia proponat; ideo verò adhoeret Ecclesioe definitioni, quod illius infallibilitas in scripturis contineatur; ideò adhoeret scripturis, quod sint verbum Dei; ideò tandèm certus est seripturas esse Dei verbum, quod ad id adducatur evidentibus motivis credibilitatis.

Voilà bien l'infaillibilité de l'Eglise crûe, parce qu'elle est contenue clairement dans l'Ecriture; & la divinité des Ecritures crûe du fidele, par les motifs de crédibilité: tout cela indépendamment de l'autorité de l'Eglise.

On a vu plus haut qu'Holden, dans son traité de l'analys de la foi, établit pour principe, que cette vérité générale, l'Ecriture est la parole de Dieu, n'est point, à proprement parler, révélée, & qu'elle est crûe par les motifs de crédibilité; ce qui est tout - à - fait conforme à la méthode que nous embrassons.

Avant ces auteurs, Grégoire de Valence avoit posé pour fondement de l'analyse de la foi cette proposition: si la religion chrétienne est émanée de Dieu, l'Ecriture sainte est la parole de Dieu; proposition que cet auteur trouve si evidente, qu'il ne juge pas qu'elle ait besoin de preuves: ce qui fait voir qu'il est bien eloigné d'etablir la divinite du corps des Ecritures sur l'autorite de l'Eglise, & qu'il fonde, comme nous, la croyance du fidele à cet article, sur les motifs de crédibilité qui établissent que la'religion chrétienne est émanée de Dieu.

2°. Notre analyse demeure solidement établie, si nous prouvons bien que la persuation raisonnée de la verité & de la divinité des Ecritures, n'a point pour fondement l'autorité de l'Eglise; & qu'au contraire, l'autorité infaillible de l'Eglise est établie sur l'autorité de la revélation, & cela indépendamment de l'autorite de l'Eglise. Or nous avons déjà prouvé ces deux principes, en traitant des motifs de la persuasion raisonnée que renferme la foi; & en voici une nouvelle preuve quans à l'autorité de l'Eglise.

C'est la doctrine de presque tous les théologiens catholiques, qu'elle est un objet de foi divine, en ce sens que nous la croyons par le motif de la revélation. Or à - moins qu'on n'embrasse notre méthode d'analyser la foi, on ne peut pas dire que cette vérite soit crûe par le motif de la révélation; parce que lorsqu'on a une fois établi l'authenticité de la révélation sur l'autorité de l'Eglise, on ne peut plus recourir à la révélation pour établir l'autorité de l'Eglise, sans tomber dans un cercle vicieux: on est donc obligé de se retrancher à prouver l'infaillibilité de l'Eglise, par des motifs de credibilité distingués de la révélation: mais ces motifs de crédibilite sont bien foibles, pour ne rien dire de plus: ils ne peuvent être aussi clairs que ces paroles, je suis avec vous jusqu'à la consommation des siecles; qui vous écoute m'écoute, &c. textes qui fournissent les seules preuves démonstratives de l'infaillibilité de l'Eglise.

Je ne m'arrête pas à réfuter ceux qui voudroient établir l'autorité de l'Eglise immédiatement sur l'autorité de l'Eglise: le sophisme est maniseste dans cette maniere de raisonner.

Nous allons à - présent résoudre quelques difficultés qu'on peut proposer contre la méthode d'analyser la foi que nòus adoptons: les voici.

1°. Notre principe, que ce n'est pas par l'autorité de l'Eglise que nous sommes sûrs de cette proposition, les Ecritures sont vraies & sont la parole de Dieu, semble donner quelque atteinte à ce que les théologiens catholiques ont démontré contre les protestans, que l'Eglise est juge des Ecritures; à l'usage qu'ils ont fait du mot de S. Augustin: evangelio non crederem, nisi me ecclesix catholicoe commoveret autoritas; & particulierement aux principes que suit M. Bossuet dans sa conference avec le ministre Claude. Ce prélat soûtient expressément que le fidele baptisé & adulte ne reçoit l'Ecriture que des mains de l'Eglise; qu'avant de l'avoir ouverte, il est en état de faire un acte de foi de la divinité des Ecritures, conçû en ces termes: je crois que cette Ecriture est la parole de Dieu, comme je crois que Dieu est. D'où il paroît que selon la doctrine de ce prélat dans l'analyse de la foi, la croyance de l'infaillibilité de l'Eglise doit précéder celle de la divinité des Ecritures; sauf à croire l'infaillibilité de l'Eglise par les motifs de crédibilité.

Je réponds, 1°. Cette question, l'Eglise juge - t - elle des Ecritures? peut avoir trois sens. 1°. L'Eglise est - elle juge du texte & du sens des Ecritures, dans les dogmes particuliers qui sont ou qui peuvent être controveries? 2°. L'Eglise est - elle juge du texte des Ecritures, c'est - à - dire de sa vérité & de sa divinité, dans les différentes parties du corps des Ecritures, comme dans les deutéro - canoniques, ou même dans ce'taines parties des proto - canoniques? 3°. L'Eglise est - elle juge du corps entier des Ecritures, & de la question générale, les Ecritures canoniques que tous les Chrétiens reçoivent, qui renferment les fondemens mêmes de la religion, l'histoire, la vie, les miracles de J. C. &c. sont - elles vraies, & sont - elles la parole de Dieu?

Le catholique doit répondre à la premiere question, que l'Eglise est juge du sens des Ecritures dans tous les dogmes controversés, en en exceptant ceux que l'autorite même de l'Eglise suppose vrais & inspirés, comme sa propre infaillibilité, qu'on doit établir sur l'Ecriture, indépendamment de l'autorité de l'Eglise, mais qui une fois crûe par le motif de la révélation, devient pour le Chrétien une regle de foi.

A la seconde, on répondra que l'autorité de l'Eglise évidemment prouvée par des textes fort clairs des livres proto - canoniques que tous les chrétiens admettent, doit être notre regle de foi, pour le discernement des diverses parties de l'Ecriture dont l'authenticité & la divinité peuvent être mises en doute.

A la troisieme question, il faudra dire que la décision n'en doit point être portée au tribunal de l'Eglise, que ce n'est point d'elle que nous recevons cette vérité générale: il y a des Ecritures qui sont la parole de Dieu, & celles que reçoivent tous les Chrétiens ont ce caractere. Un concile ne peut pas s'assembler pour décider que la religion chrétienne est véritable, que l'évangile n'est pas une fable, & que les Ecritures sont divines, comme la religion dont elles sont le fondement.

Que si le concile de Trente, & auparavant le quatrieme concile de Carthage, ont donné le canon des Ecritures, leur décision n'avoit pour objet que les livres deutéro - canoniques; & leur autorité dans cette même décision étoit fondée sur les Ecritures

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