ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"895"> sous Eric II. roi de Danemark, & qui, au rapport de Saxon le grammairien, conduisoit ses auditeurs par degré, jusqu'à la fureur. Il s'agit maintenant d'un siecle d'ignorance & de barbarie, où la Musique extrèment dégénérée, ne laissoit pas néanmoins, toute imparfaite qu'elle étoit, d'exciter les passions avec la même vivacité que dans le siecle d'Alexandre. Concluons que les effets attribués à la flûte des anciens, ne prouvent point seuls l'extrème supériorité de son jeu, parce que la musique la plus simple, la plus informe, & la plus barbare, comme la plus composée, la plus réguliere & la mieux concertée, peut opérer dans certaines conjonctures, les prétendues merveilles dont il s'agit ici.

C'est assez parler des flûtes anciennes, de leurs dénominations, de la variété de leurs airs, de leurs usages, & de leurs effets: on trouvera cette matiere discutée plus à fond dans les ouvrages de Meursius & de Gaspard Bartholin, de tibiis veterum, & dans le dialogue de Plutarque sur la Musique, traduit en françois avec les savantes remarques de M. Burette, qui ornent les mémoires de l'académie royale des Inscriptions. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flûte double (Page 6:895)

Flûte double, (instrum. de Musiq.) La double flûte ou la flûte à deux tiges étoit un instrument domestique en usage chez les anciens, & sur laquelle le musicien seul pouvoit exécuter une sorte de concert.

La double flûte étoit composée de deux flûtes unies, de maniere qu'elles n'avoient ordinairement qu'une embouchure commune pour les deux tuyaux. Ces flûtes étoient ou égales ou inégales, soit pour la longueur, soit pour le diametre ou la grosseur. Les flûtes égales rendoient un même son: les inégales rendoient des sons différens, l'un grave, l'autre aigu. La symphonie qui résultoit de l'union des deux flûtes égales, étoit ou l'unisson, lorsque les deux mains du joüeur touchoient en même tems les mêmes trous sur chaque flûte, ou la tierce, lorsque les deux mains touchoient différens trous. La diversité des sons, produite par l'inégalité des flûtes, ne pouvoit être que de deux especes, suivant que ces flûtes étoient à l'octave, ou seulement à la tierce; & dans l'un & l'autre cas, les mains du joüeur touchoient en même tems les mêmes trous sur chaque flûte, & formoient par conséquent un concert ou à l'octave ou à la tierce.

Au reste Apulée dans ses florides attribue à Hyagnis l'invention de la double flûte. Cet Hyagnis étoit pere de Marsias, & passe généralement pour l'inventeur de l'harmonie phrygienne. Il florissoit à Célenes ville de Phrygie, la 1242e année de la chronique de Paros, 1506 ans avant J. C. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flûte des Sacrifices (Page 6:895)

Flûte des Sacrifices; il y en avoit une infinité de différentes sortes: on prétend qu'elles étoient de boüis; au lieu que celles qui servoient aux jeux ou aux spectacles, étoient d'argent, d'ivoire, ou de l'os de la jambe de l'âne. Nous ne savons de ces flûtes, que ce que le coup - d'oeil en apprend par l'inspection des monumens anciens. Voyez - en une dans nos Planches de Lutherie.

Flute d'accords (Page 6:895)

Flute d'accords, instrument de Musique composé de deux flûtes paralleles, & pratiquées dans le même morceau de bois; on touche la flûte droite de la main droite, & la gauche de la main gauche. Voyez nos Planches de Lutherie.

Flute Allemande (Page 6:895)

Flute Allemande ou Traversiere, instrument de Musique à vent, est un tuyau de bois de quatre pieces, percées & arrondies sur le tour, qui s'assemblent les unes aux autres par le moyen des noix. Voyez Noix des Instrumens à vent , dans lesquelles les parties menues des autres pieces doivent entrer. Voyez la figure de cet instrument, dans nos Planches de Lutherie.

A la premiere partie ou tête de la flûte qui est comme la flûte - à - bec, percée d'un trou rond dans toute sa longueur A E, comme on peut le voir dans la seconde figure, est un trou rond O, qui est l'embouchure. Ce trou, comme tous les autres de cet instrument, est évasé en - dedans. L'extrémité A de la flûte est fermée avec un tampon de liége a, qui s'ajuste exactement dans le tuyau de la flûte. Ce tampon est recouvert par un bouchon A, qui est de la même matiere que la flûte que l'on fait de bois ou d'ivoire, ou de tout autre bois dur & précieux, comme l'ébene, le bois de violette, & dont on garnit ordinairement les noix avec des frettes d'ivoire. Pour les empêcher de se fendre, on met dessous l'ivoire quelques brins de filasse, que l'on enduit de colle - forte, & par - dessus lesquels on enfile les fretes. Voyez l'article Noix des Instrumens à vent . Pour perforer & tourner les morceaux qui composent la flûte traversiere, on se sert des mêmes outils & des mêmes moyens que ceux dont on se sert pour travailler ceux qui composent la flûte douce ou à - bec. Voyez Flute douce ou a - bec. On pratique une entaille dans la derniere noix D, pour y loger la clé b c & son ressort de laiton élastique, par le moyen duquel sa palette ou soûpape c qui est garnie de peau de mouton, est tenue appliquée sur le septieme trou auquel le petit doigt ne sauroit atteindre, & qui se trouve fermé par ce moyen. Cette clé est d'argent ou de cuivre.

Pour bien joüer de cet instrument, il faut commencer par bien posséder l'embouchure, ce qui est plus difficile que l'on ne pense. Toutes sortes de personnes font parler les flûtes à - bec; mais peu peuvent sans l'avoir appris, tirer quelque son de la flûte traversiere; ainsi nommée, parce que pour en joüer on la met en - travers du visage, ensorte que la longueur de la flûte soit parallele à la longueur de la bouche avec laquelle on souffle, en ajustant les levres sur le trou O, ensorte que la lame d'air qui sort de la bouche, entre en partie dans la flûte par cette ouverture.

Soit que l'on joue debout ou assis, il faut tenir le corps droit, la tête plus haute que basse, un peu tournée vers l'épaule gauche, les mains hautes sans lever les coudes ni les épaules, le poignet gauche ployé en - dehors, & le même bras près du corps. Si on est debout, il faut être bien campé sur ses jambes, le pié gauche avancé, le corps posé sur la hanche droite, le tout sans aucune contrainte. On doit surtout observer de ne faire aucun mouvement du corps ni de la tête, comme plusieurs font, en battant la mesure. Cette attitude étant bien prise, est fort agréable, & ne prévient pas moins les yeux que le son de l'instrument flate agréablement l'oreille.

A l'égard de la position des mains, la gauche doit être au haut de la flûte que l'on tient entre le pouce de cette main & le doigt indicateur qui doit boucher le premier trou marqué 1 dans la figure; le second trou est bouché par le doigt medium, & le troisieme par le doigt annulaire. La main droite tient la flûte par sa partie inférieure: le pouce de cette main qui est une peu ployée en - dedans, soûtient la flûte par - dessous, & les trois doigts de cette main, savoir, l'indicateur, le moyen & l'annulaire, bouchent les trous 4, 5, 6; le petit doigt sert à toucher sur la clé b c faite en bascule, ensorte que lorsque l'on abaisse l'extrémité b, la soûpape ou palette c débouche le septieme trou. Il faut tenir la flûte presque horisontalement.

Pour bien emboucher la flûte traversiere & les instrumens semblables, il faut joindre les levres l'une contre l'autre, ensorte qu'il ne reste qu'une petite ouverture dans le milieu, large environ d'une demi - ligne, & longue de trois ou quatre; on n'avancera point les levres en - devant, comme lorsque l'on veut [p. 896] souffler une chandelle pour l'éteindre: au contraire, on les retirera vers les coins de la bouche, afin qu'elles soient unies & applaties. Il faut placer l'embouchure O de la flûte vis - à - vis de cette petite ouverture, souffler d'un vent modéré, appuyer la flûte contre les levres, & la tourner en - dedans ou en - dehors, jusqu'à ce qu'on ait trouvé le sens de la faire parler.

Lorsqu'on sera parvenu à faire parler la flûte, & qu'on sera bien assûré de l'embouchure, on posera les doigts de la main gauche les uns après les autres, & on restera sur chaque ton en réitérant le souffle, jusqu'à ce qu'on en soit bien assûré; on placera de même les doigts de la main droite, en commençant par le doigt indicateur, qui est aussi le doigt de la main gauche, que l'on a posé le premier. Le ton le plus grand se fait en bouchant tous les trous, comme on peut voir dans la tablature qui est à la fin de cet article.

Cette tablature contient sept rangées de zéros noirs ou blancs; chacune de ces rangées répond au trou de la flûte, qui a le même chiffre que cette rangée. Une colonne de sept zéros noirs ou blancs, represente les sept trous de la flûte: le zéro supérieur répond au premier trou de cet instrument, qui est le plus près de l'embouchure; & les autres en descendant, répondent successivement aux autres trous de la flûte, selon les nombres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, fig. Les blancs marquent quels trous de la flûte doivent être ouverts, & les noirs quels trous doivent être fermés, pour tirer de la flûte le ton de la note qui est au - dessus de la colonne de zéro ou d'étoiles dans la portée de musique qui est au - dessus.

L'étendue de la flûte est de trois octaves, qui répondent aux colonnes de zéros de la tablature.

Le son le plus grave de la flûte, non compris l'ut , est le qui sonne l'unisson du qui suit immédiatement après la clé de c - sol - ut des clavecins, lesquels sont à l'octave au - dessous du prestant de l'orgue. Voyez Clavecin, & la table du rapport & de l'étendue des instrumens de musique. Ce son, de même que l'ut au dessous, se fait en bouchant tous les trous exactement & soufflant très - doucement, observant par l'ut de tourner l'embouchure en - dedans. Il faut remarquer que plus on monte sur cet instrument, plus on doit augmenter le vent: ensorte que par le à l'octave du plus grave son de la flûte, il puisse la faire monter à l'octave.

Il faut observer que lorsque l'on descend de l'ut naturel de la seconde octave au si bémol, ou que du si b on monte à l'ut, le si b doit se faire comme il est marqué à la seconde position de ce si, qui outre qu'elle est plus juste, conduit plus facilement à celle de l'ut naturel.

Les sons aigus si, ut, ré de la troisieme octave, ne peuvent pas se faire sur toutes les flûtes; plus elles sont basses, plus il est facile de les en tirer. On les obtient avec un corps d'amour, & plus facilement encore avec une basse de flûte traversiere.

On adapte quelquefois à une flûte jusqu'à 7 corps de la main gauche de différentes longueurs, & que l'on peut substituer les uns aux autres pour baisser le son total de la flûte avec les longs, & le hausser avec les plus courts. La différence des sons produits par le plus long & le plus court de ces corps, est d'environ un ton, ensorte que par ce moyen la flûte peut s'accorder avec quelqu'instrument fixe que ce soit, à l'unisson duquel elle ne pourroit pas se mettre, si elle n'avoit qu'un seul corps.

Il y a d'autres flûtes plus grandes ou plus petites que celles - ci, qui n'en different ni par la structure ni le doigter, mais seulement par la partie qu'elles exécutent; telles sont les tierces, quintes, octaves & basses de flûtes.

Comme il ne suffit pas pour bien joüer de cet instrument, de faire facilement tous les tons qu'on en peut tirer, mais qu'il faut encore pouvoir faire les cadences sur tous ces tons, c'est pour les enseigner que nous avons ajoûté une suite à la tablature, par laquelle on connoît par les zéros noirs & blancs conjoints par une accolade, de quel trou la cadence est prise, & sur lequel il faut frapper avec le doigt; le premier trou compris sous l'accolade, marque où se fait le port de voix, & la seconde de ces deux choses qui est suivie d'une virgule, marque le trou sur lequel il faut trembler. On doit passer le port de voix & la cadence d'un seul coup de langue. Voyez la tablature. Il y a quelques cadences qui se frappent de deux doigts, comme par exemple, celle de l'ut , prise du naturel, & quelques autres finissent en levant les doigts, ce qu'on peut connoître par les zéros blancs accompagnés de la virgule.

Outre la connoissance des tons, semi - tons, & des cadences, il faut encore avoir celle des coups - delangue, des ports - de - voix, accents, doubles - cadences, flatemens, battemens, &c. Les coups - de - langue articulés sont l'explosion subtile de l'air que l'on souffle dans la flûte, en faisant le mouvemement de langue que l'on feroit pour prononcer tout bas la syllabe tu ou ru. On donne un coup - de - langue sur chaque note, ce qui les détache les unes des autres; lorsque les notes sont coulées, on donne un coup - delangue sur la premiere, qui sert pour toutes les autres que l'on passe du même vent. Les coups - de - langue qui se font sur tous les instrumens à - vent, doivent être plus ou moins marqués sur les uns que sur les autres; par exemple, on les adoucit sur la flûte traversiere, on les marque davantage sur la flûte - à - bec, & on les prononce beaucoup plus fortement sur le hautbois.

Le port - de - voix est un coup - de - langue anticipé d'un degré au - dessous de la note sur laquelle on le veut faire; le coulement au contraire est pris d'un ton au - dessus, & ne se pratique guere que dans les intervalles de tierces en descendant.

L'accent est un son que l'on emprunte sur l'extrémité de quelques tons, pour leur donner plus d'expression; la double cadence est un tremblement ordinaire, suivi de deux doubles croches, coulées ou articulées.

Pour les flatemens ou tremblemens mineurs & les battemens, voyez les principes de la flûte traversiere du sieur Hotterre le Romain, flûte de la chambre du Roi, imprimées à Paris, chez J. B. Christophe Ballard; ouvrage dont nous avons tiré une partie de cet article.

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