ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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FLAGELLANS (Page 6:833)

FLAGELLANS, s. m. pl. (Hist. mod.) nom qui fut donné dans le treizieme siecle à certains pénitens qui faisoient profession de se discipliner en public aux yeux de tout le monde.

Les auteurs s'accordent assez à mettre le commencement de la secte des Flagellans vers l'an 1260, & la premiere scene à Pérouse. Un certain Rainier, dominicain, touché des maux de l'Italie déchirée par les factions des Guelphes & des Gibelins, imagina cette sorte de penitence pour desarmer la colere de Dieu. Les sectateurs de ce dominicain alloient en procession de ville en ville & de village en village, le corps nud depuis la ceinture jusqu'à la tête, qui étoit couverte d'une espece de capuchon. Ils portoient une croix d'une main, & de l'autre un soüet composé de cordes noüeuses & semées de pointes, dont ils se foüettoient avec tant de rigueur, que le sang découloit sur leurs épaules. Cette troupe de gens étoit précédée de plusieurs prêtres, montrant tous l'exemple d'une flagellation qui n'étoit que trop bien imitée.

Cependant la fougue de ce zele insensé commençoit à tomber entierement, quand la peste qui parut en 1348, & qui emporta une prodigieuse quantité de personnes, réveilla la piété, & fit renaître avec violence le fanatisme des Flagellans, qui pour lors passa de la folie jusqu'au brigandage, & se répandit dans presque toute l'Europe. Ceux - ci faisoient profession de se foüetter deux fois le jour & une fois chaque nuit; après quoi ils se prosternoient en terre en forme de croix, & crioient miséricorde. Ils prétendoient que leurs flagellations unissoient si bien leur sang à celui de Jesus - Christ, qu'au bout de 34 jours ils gagnoient le pardon de tous leurs péchés, sans qu'ils eussent besoin de bonnes oeuvres, ni de s'approcher des sacremens. Ils se porterent enfin à exciter des séditions, des meurtres & des pillages.

Le roi Philippe de Valois empêcha cette secte de s'établir en France; Gerson écrivit contre, & Clément VI. défendit expressément toutes flagellations publiques: en un mot, les princes par leurs édits, & les prélats par leurs censures, tâcherent de réprimer cette dangereuse & criminelle manie. Voyez Sigonius, liv. XIX. de regno ital. Sponde, innal. ecclés. A. C. 1260, 1349; le continuateur de Guillaume de Nangis, &c.

Tout le monde connoît aussi l'histoire latine des Flagellans, historia Flagellantium, imprimée à Paris en 1700, & composée par Jacques Boileau, chanoine de la Sainte - chapelle, mort en 1716. Si ce docteur de Sorbonne ne s'étoit attaché qu'à condamner la secte des Flagellans, & même à justifier que l'usage de la discipline particuliere s'est établi dans le xj. siecle, ou du moins qu'elle n'étoit pas connue dans les siecles antérieurs, excepté pour punir les moines qui avoient péché, on pourroit embrasser ou défendre son opinion; mais on doit justement blâmer les descriptions trop libres semées dans son ouvrage, qui ne convenoient point à son caractere, & qui ne peuvent produire aucun bon effet.

Au reste on voit encore en Italie, à Avignon, & dans plusieurs lieux de la Provence, des ordres de pénitens qui sont obligés par leurs instituts de se foüetter en public ou en particulier, & qui croyent honorer la divinité en exerçant sur eux - mêmes une sorte de barbarie; fanatisme pareil à celui de quelques prêtres parmi les Gentils, qui se déchiroient le corps pour se rendre les dieux favorables. Il faut espérer que l'esprit de philosophie & de raison qui regne dans ce siecle, pourra contribuer à détruire les restes d'une triste manie, qui loin d'être agréable à Dieu, fait injure à sa bonté, à sa sagesse, à toutes ses perfections, & deshonore l'humanité. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FLAGELLATION (Page 6:833)

* FLAGELLATION, s. f. (Hist. anc.) punition par le foüet. Elle fut en usage chez les Juifs. On l'encouroit facilement, elle ne deshonoroit pas. On la subissoit dans la synagogue. Le pénitent étoit attaché à un pilier, les épaules nues. La loi ordonnoit quarante coups, que l'on réduisoit à treize coups d'un foüet à trois courroies. Le prénitent étoit censé recevoir trois coups à - la - fois, & on lui faisoit grace du quarantieme coup, ou du quatorzieme. On aimoit mieux qu'il eût un coup de moins que deux coups de trop. Il falloit à cette espece de discipline la présence de trois juges: l'un lisoit les paroles de la loi; le second comptoit les coups; le troisieme encourageoit l'exécuteur, qui étoit communément le prêtre de la semaine.

La flagellation fut aussi commune chez les Grecs & les Romains. C'étoit un supplice plus cruel que la fustigation. On flagelloit d'abord ceux qui devoient être crucifiés; mais on ne crucifioit pas tous ceux qui étoient flagellés. On attachoit à une colonne dans les palais de la justice, ou l'on promenoit dans les cirques, les patiens qui étoient condamnés à la flagellation. Il étoit plus honteux d'être flagellé que battu de verges. Les foüets étoient quelquefois armés d'os de piés de mouton: alors le patient expiroit communément sous les coups. On appelloit ces foüets, flagella talaria.

Flagellation (Page 6:833)

Flagellation, (Hist. ecclés. & Philos.) peine du foüet ou de la discipline que se donnent ou que se donnoient autrefois des pénitens. Voyez Discipline & Flagellans.

On trouve dès l'an 508 la flagellation établie comme peine contre les religieuses indociles, dans une regle donnée par S. Césaire d'Arles. Depuis ce tems elle a été établie comme peine dans plusieurs autres regles monastiques; mais on ne voit pas d'exemples de la flagellation volontaire avant le xj. siecle: les premiers sont de S. Gui, abbé de Pomposie, mort en 1040; & de S. Poppon, abbé de Stavelles, mort en 1048. Les moines du Mont - Cassin avoient embrassé cette pratique avec le jeûne du vendredi, à l'exemple de Pierre Damien. A leur exemple cette dévotion s'étendit beaucoup; mais comme elle trouva quelques opposans (ce qui n'est pas difficile à croire), Pierre Damien écrivit en sa faveur. M. Fleury, dans son histoire de l'Eglise, nous a donné l'extrait de l'écrit de ce pieux auteur; écrit dans lequel, selon la remarque de M. Fleury lui - même, il ne faut pas chercher la justesse du raisonnement.

Celui qui s'est le plus distingué dans la flagellation volontaire, a été S. Dominique l'Encuirassé, ainsi nommé d'une chemise de mailles qu'il portoit toûjours, & qu'il n'ôtoit que pour se flageller à toute outrance. On ne sera pas étonné de ce qu'ajoûte M. Fleury, que sa peau étoit devenue noire comme celle d'un negre. Ce bienheureux se soüettoit non - seulement pour lui, mais pour les autres. On croyoit alors que vingt pseautiers récités en se donnant la discipline, acquittoient cent ans de pénitence; car trois mille coups valoient un an, & on comptoit mille coups pour dix pseaumes S. Dominique acquittoit facilement cette dette en six jours; ainsi en un an il pouvoit, selon son calcul, sauver soixante ames de l'enfer. Mais M. Fleury ne dissimule pas combien on étoit alors dans l'erreur sur ce sujet, & combien toute cette flagellation a contribué au relâchement des moeurs. (O)

Flagellation se dit plus particulierement de la souffrance de J. C. lorsqu'il fut foüetté & flagellé par les Juifs.

Un tableau de la flagellation, ou simplement une flagellation, signifie un tableau ou une estampe qui représente ce tourment du Sauveur du monde. On dit dans ce sens, la flagellation d'un tel peintre. [p. 834]

FLAGEOLLER (Page 6:834)

FLAGEOLLER, v. n. (Manége, Maréchall.) L'action de flageoller est une sorte de tremblement que l'on apperçoit dans les jambes de l'animal aussi - tôt qu'il s'arrête, & que l'on remarque principalement dans l'avant - bras & dans le genou. Ce tremblement est une preuve de la foiblesse des fibres musculaires & des membres. (e)

FLAGEOLET (Page 6:834)

* FLAGEOLET, s. m. (Lutherie.) Il y a deux sortes de flageolets; l'un qu'on appelle le flageolet d'oiseau, & l'autre, le flageolet gros: le flageolet d'oiseau est le plus petit; il est composé de deux parties qui se séparent; l'une qui est proprement le flageolet, composée de la lumiere & du canal percé de trous, l'autre qui est un porte - vent, formée d'un petit tuyau & d'une cavité assez considérable où l'on enferme une petite éponge qui laisse passer l'air & qui retient l'humidité de l'haleine. Voyez dans nos Planches de Lutherie ce flageolet assemblé, & ses parties séparées. Le gros flageolet ne differe du précédent qu'en ce qu'il n'a point de porte - vent; qu'il est à bec & tout d'une piece. Voyez aussi nos Planches. Ces flageolets ont l'un & l'autre la même tablature; & tout ce que nous allons dire leur est commun, excepté que les sons du flageolet d'oiseau sont plus legers, plus délicats, ont moins de corps, & s'écoutent avec plus de plaisir: il est appellé flageolet d'oiseau, parce qu'on s'en servoit pour siffler les serins, les linotes, & autres oi<cb-> seaux, avant qu'on eût la serinette, qui est moins parfaite, mais qui épargne beaucoup de peine.

Le flageolet a six trous: le second, le troisieme, & le quatrieme & le sixieme sont dessus, du même côté que la lumiere; le premier & le cinquieme sont dessous, ou du côté opposé à la lumiere: le premier trou & le dernier ont deux caracteres; le premier peut être considéré comme le dernier, en passant de l'aigu au grave; & le dernier peut être considéré comme le premier en passant du grave à l'aigu.

Quand les six trous sont bouchés, la main gauche bouche le premier, le second, & le troisieme; & la main droite le quatrieme, le cinquieme, & le sixieme.

Le pouce de la main gauche bouche le premier, l'index le second, & le doigt du milieu le troisieme; le pouce de la main gauche bouche le cinquieme, l'index le quatrieme, & le doigt du milieu le sixieme.

Il y en a d'autres qui y font servir les quatre premiers doigts de la main gauche, le pouce, & les trois suivans, & les trois premiers de la main droite dont ils employent celui du milieu à boucher la patte, quand il en est besoin.

Cet instrument se fait avec l'yvoire, le buis, le prunier, l'ébenne, & autres bois durs. Son diapason ne suit ni celui des cordes, ni celui des tuyaux de l'orgue. Voici sa tablature & son étendue communes. [omission: musical score; to see, consult fac-similé version]

D'où l'on voit que l'étendue de cet instrument est d'une quinzieme. Les maîtres montrent d'abord à joüer en G ré sol tierce majeure, ensuite en G ré sol tierce mineure.

Il faut boucher les trous exactement, quand on veut faire les tons naturels, & ne les boucher qu'à demi pour faire les semi - tons chromatiques; car on peut exécuter vingt - huit semi - tons de suite sur le flageolet.

Si l'on veut faire le ton plus grave, il faut boucher les six trous, & celui de la patte à demi.

Il y a peu d'instrumens à vent qui demandent autant de legereté de doigts, & une haleine plus habilement ménagée: aussi est - il très - fatiguant pour la poitrine.

On peut faire, par le seul ménagement de l'air, les sons ut, re, mi, fa, sol, la, tous les trous étant bouchés, même celui de la patte, qu'on peut dans cette expérience, laisser ouvert ou bouché: il faut commencer d'une haleine très - foible; ces sons sont très - foibles & très - difficiles à sonne juste.

En bouchant plus ou moins la patte d'un flageolet de quatre pouces & cinq lignes de long, on fait monter ou descendre l'instrument d'une tierce majeure, quoiqu'on ne se serve ordinairement de ce trou que pour le semi - ton. Ce phénomene ne réussit pas sur tous.

Il est difficile d'empêcher cet instrument d'aller à l'octave & de tenir à son ton, malgré toute la foiblesse de l'haleine, sur - tout lorsqu'il n'a que trois ou quatre pouces de long; & quand il octavie, les trous étant bouchés, souvent il redescend à son ton naturel, en ouvrant tous les trous, au lieu de continuer ses sons à l'octave en - haut: ainsi il octavie beaucoup plus aisément les trous bouchés que débou<cb-> chés. D'où il arrive qu'on lui donne plus aisément son ton naturel en ouvrant le demi - trou, qu'en le fermant.

Il faut savoir que le sixieme trou ne doit être qu'à demi ouvert, & non tout débouché, pour donner les tons qui passent à l'octave naturel de l'instrument.

Il y a de très - belles inductions à tirer de ces différens phénomenes pour la théorie générale des sons des instrumens à vent: ils suggéreront aussi à l'homme intelligent beaucoup d'expériences curieuses, dont une des plus importantes seroit de voir si un instrument de même construction & de même longueur qu'un flageolet, mais de différente capacité ou différent diametre, octavieroit aussi facilement: je n'en crois rien. Je suis presque sûr qu'en général moins un instrument à vent aura de diametre, plus il octaviera facilement.

Lorsqu'un instrument à vent a très - peu de diametre, la colonne d'air qu'il contient ne peut presque oseiller sans se diviser en deux: ainsi le moindre souffle le fait octavier.

Cette cause en sera aussi une d'irrégularité dans la distance dont on percera les trous; & un phénomene en ce genre étant donné, il ne seroit pas impossible de trouver la loi de cette irrégularité pour des instrumens d'une capacité beaucoup moindre, depuis celui dont la longueur est si grande & la capacité si petite, qu'il ne raisonne plus, jusqu'à tel autre instrument possible où l'irrégularité de la distance des trous cesse.

Mais le phénomene nécessaire pour la solution du problème, le flageolet le donne. On fait que sur cet instrument, si la distance des trous suivoit la proportion des tons, il faudroit que le quatrieme trou fût seulement d'une huitieme partie plus éloigné de la lumiere que le cinquieme trou; cependant il en est

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