ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Les figures rendent le discours plus insinuant, plus agréable, plus vif, plus énergique, plus pathétique; mais elles doivent être rares & bien amenées. Il faut laisser aux écoliers à faire des figures de commande. Les figures ne doivent être que l'effet du sentiment & des mouvemens naturels, & l'art n'y doit point paroître. Voyez Elocution.

Quand on a cultivé un heureux naturel, & qu'on s'est rempli de bons modeles, on sent ce qui est décent, ce qui est à - propos, & ce que le bon sens adopte ou rejette. C'est en ce point, dit Horace, que consiste l'art d'écrire; c'est du bon sens que les ouvrages d'esprit doivent tirer tout leur prix. En effet pour bien écrire, il faut d'abord un sens droit:

Scribendi rectè, sapere est principium & fons. Hor. de arte poet. v. 309. . . . . . Laissons à l'Italie De tous ces traits brillans l'eclatante folie: Tout doit tendre au bon sens . . dit Boileau.

Les honnêtes gens sont blessés des figures affectées.

Offenduntur enim quibus est equus & pater & res, Nec si quid fricti ciceris probat, aut nucis emtor AEquis accipiunt animis, donant ve coronâ. Hor. de arte poet. v. 248. Aimez donc la raison, ajoûte Boileau; que toûjours vos écrits Einpruntent d'elle seule & leur lustre & leur prix.

Figure est aussi un terme de Logique. Pour bien entendre ce mot, il faut se rappeller que tout syllogisme régulier est composé de trois termes. Faisons connoître par un exemple ce qu'on entend ici par terme. Supposons qu'il s'agisse de prouver cette proposition, un atome est divisible; voilà déjà deux termes qui font la matiere du jugement, l'un est sujet, l'autre est attribut: atome est appellé le petit terme, parce qu'il est le moins étendu, il ne se dit que de l'atome; au lieu que divisible est le grand terme, parce qu'il se dit d'un grand nombre d'objets, il a une plus grande étendue.

Si la personne à qui je veux prouver que tout atome est divisible n'apperçoit pas la connexion ou identité qu'il y a entre ces deux termes, & que divisible est un attribut inséparable de tout atome, j'ai recours à une troisieme idée qui me paroît propre à faire appercevoir cette connexion ou identité, & je dis à mon antagoniste: vous convenez que tout ce qui est étendu est divisible; vous convenez aussi que tout atome est étendu; vous devez donc convenir que tout atome est divisible, parce qu'une chose ne peut pas être & n'être pas ce qu'elle est. Ainsi l'idée d'étendu vous doit faire appercevoir la connexion ou rapport d'identité qu'il y a entre atome & divisible; étendu est donc un troisieme terme qu'on appelle le medium ou moyen, par lequel on apperçoit la connexion des deux termes de la conclusion, c'est - à - dire que le moyen est le terme qui donne lieu à l'esprit d'appercevoir le rapport qu'il y a entre l'un & l'autre des termes de la conclusion: ainsi petit terme, grand terme, moyen terme, voilà les trois termes essentiels à tout syllogisme régulier.

Or la disposition du moyen terme avec les deux autres termes de la conclusion, est ce que les Logiciens appellent figure.

1°. Quand le moyen est sujet en la majeure & attribut en la mineure, c'est la premiere figure.

Tout ce qui est étendu est divisible, Tout atome est étendu; Donc tout atome est divisible. Voilà un syllogisme de la premiere figure; étendu est le sujet de la majeure & l'attribut de la mineure.

2°. Si le moyen est attribut en la majeure & en la mineure, c'est la seconde figure.

3°. Si le moyen est sujet en l'une & en l'autre, cela fait la troisieme figure.

4°. Enfin si le moyen est attribut dans la majeure & sujet en la mineure, c'est la quatrieme figure.

Il n'y a point d'autre disposition du moyen terme avec les deux autres termes de la conclusion: ainsi il n'y a que quatre figures en Logique.

Outre les figures il y a encore les modes, qui sont les différens arrangemens des propositions ou prémisses par rapport à leur étendue & à leur qualité. L'étendue d'une proposition consiste à être ou universelle, ou particuliere, ou singuliere, & la qualité c'est d'être affirmative ou négative.

Au reste ces observations méchaniques sur les figures & sur les modes des syllogismes, peuvent avoir leur utilité; mais ce n'est pas - là le droit chemin qui mene à la connoissance de la vérité. Il est bien plus utile de s'appliquer à appercevoir, 1°. la connexion ou identité de l'attribut avec le sujet: 2°. de voir si le sujet de la proposition qui est en question, est compris dans l'étendue de la proposition générale; car alors l'attribut de cette proposition générale conviendra au sujet de la proposition en question, puisque ce sujet particulier est compris dans l'étendue de la proposition générale: par exemple, ce que je dis de tout homme, je le dis de Pierre & de tous les individus de l'espece humaine. Ainsi quand je dis que tout homme est sujet à l'erreur, je suis censé le dire de Pierre, de Paul, &c. c'est en cela que consiste toute la valeur du syllogisme. On ne sauroit refuser en détail ce qu'on a accordé expressément, quoiqu'en termes généraux.

Figure est encore un terme particulier de Grammaire fort usité par les grammairiens qui ont écrit en latin: c'est un accident qui arrive aux mots, & qui consiste à être simple, ou à être composé; res est de la figure simple, publica est aussi de la figure simple, mais respublica est un mot de la figure composée. C'est ainsi que Despautere dit, que la figure est la différence qu'il y a dans les mots entre être simple ou être composé: figura est simplicis à composito discretio. Mais aujourd'hui nous nous contentons de dire qu'il y a des mots simples, & qu'il y en a de composés, & nous laissons au mot figure les autres acceptions dont nous avons parlé. (F)

Figure (Page 6:772)

Figure, dans la Fortification, c'est le plan d'une place fortifiée, ou le polygone intérieur. Voyez Polygone.

Quand les côtés & les angles sont égaux, on l'appelle figure réguliere; quand ils sont inégaux, la figure est irréguliere. Voyez Régulier, &c. Chamb. (Q)

Figure (Page 6:772)

Figure, en Architecture & en Sculpture, signifie des représentations de quelque chose, faites sur des matieres solides, comme des statues, &c. Par exemple on dit des figures d'airain, de marbre, de stuc, de plâtre, &c. mais dans ce sens ce terme s'applique plus ordinairement aux représentations humaines, qu'aux autres choses, sur - tout lorsqu'elles sont représentées assises, comme les PP. de l'Eglise, les évangélistes, &c. ou à genoux, comme sur les tombeaux; ou couchées, comme les fleuves: car lorsqu'elles sont debout, on les appelle statues. Voyez Figure, (Peint.)

Figure se dit aussi du trait qu'on fait de la forme d'un bâtiment pour en lever les mesures: ainsi faire la figure d'un plan, ou d'une élevation & d'un profil, c'est les dessiner à vûe, pour ensuite les mettre au net. (P)

Figures, Figules, Enflechures (Page 6:772)

Figures, Figules, Enflechures, (Marine.) Le terme de figures n'est guere en usage; c'est enflechures qu'il faut dire: ce sont de petites cordes en maniere d'échelons en - travers des hautbans. (Z)

Figure (Page 6:772)

Figure, (Physiol.) se prend pour le visage. Cet homme a une belle ou une vilaine figure. Elle est le siége principal de la beauté. Mais quels traits, quels contours exige - t - elle? En un mot, qu'est - ce que la beauté? [p. 773]

Mille voix s'élevent & s'empressent de me satissaire. Oüi, j'en conviens avec vous, François, Italien, Allemand, Européans, qu'à s'en tenir à vos expressions en général, ce que vous appellez beauté chez l'un, peut passer pour beauté chez l'autre. Mais dans le fait, que vos belles se ressemblent peu! L'une est blonde, l'autre est brune: l'une regorge d'embonpoint, & l'autre en manque; j'admire avec celui - ci les graces de celle - là, avec l'autre la vivacité de la sienne; avec vous l'air fin de la vôtre; je vous suis tous dans les contours du modele que vous me présentez. Je n'y vois pas toûjours ce que vous y voyez, mais n'importe, je consens qu'il y soit; & malgré ma complaisance, je ne trouve point de raison pour me déterminer en faveur de l'une au préjudice de l'autre.

Vous criez tous à l'injustice, mais vous n'êtes pas d'accord entre vous; & voilà la preuve de mon impartialité. Si je veux bien convenir que chacun des traits que vous relevez avec tant de feu, soient des traits de beauté, convenez à votre tour qu'aucun de vos objets ne rassemblant lui seul tous ceux que vous m'avez vantés, du moins il ne doit pas être préféré.

Mais d'ailleurs, qui vous a accordé qu'il n'y a point d'autres traits de beauté, & qui plus est, que les contraires ne la constituent pas? Voyez cette Chinoise? elle est ce que son pays a jamais imaginé de plus beau; le bruit de ses charmes retentit dans un empire aussi bien civilisé & plus puissant qu'aucun autre. Vous demandez de grands yeux bien fendus, bien ouverts, & celle - ci les a très - petits, extrèmement distans l'un de l'autre, & ses paupieres pendantes en couvrent la plus grande partîe. Lenez, selon vous, doit être bien pris & élevé, remarquez combien celui - ci est court & écrasé. Vous exigez un visage rond & poupin, le sien est plat & carré; des oreilles petites, elle les a prodigieusement grandes; une taille fine & aisée, elle l'a lourde & pesante; des cheveux blonds, si elle les avoit tels, elle seroit en horreur; des piés mignons, ici seulement vous vous accordez: mais qu'estce que les vôtres, en comparaison des siens? un enfant de six ans ne mettroit pas sa chaussure.

Ce contraste vous étonne, mais ce n'est pas le seul; parcourons rapidement le globe; & chaque degré, pour ainsi dire, nous en fournira d'aussi frappans. Ici les uns pressent les levres à leurs enfans, pour les leur rendre plus grosses, & leur écrasent le nez & le front; & là les autres leur applatissent la tête entre deux planches, ou avec des plaques de plomb, pour leur rendre le visage plus grand & plus large. Ils ont tous le même but; ils s'empressent tandis que les os sont encore tendres, de les former au moule de la beaute qu'ils ont imaginée. Le Tartare ne veut que tres - peu de nez; & dans presque toute l'Inde orientale, on demande des oreilles immenses; il y a des peuples entiers à qui elles descendent jusque sur les épaules. Cette nation aime les cheveux noirs & les dents blanches; & la nation voisine idolatre les cheveux blancs & les dents noires. Celle - ci s'arrache les deux dents du milieu de la mâchoire supérieure, & celle - là se perce la mâchoire inférieure. L'une se met une cheville tout - au - travers du nez, & l'autre y attache des anneaux à tous les cartillages. Le Chinois a le visage plat & carré; & le front du Siamois se retrécissant en pointe autant que le menton, forme un losange. Le Persan veut des brunes, & le Turc des rousses. Ici les reints sont rouges ou jaunes, & là verds ou bleus. Enfin, car ce détail seroit immense, tous les hommes se figurent leurs dieux fort beaux, & les diables fort laids; mais par - tout où les hommes sont blancs, les dieux sont blancs & les diables noirs; & par - tout où les hommes sont noirs, les dieux sont noirs & les diables blancs.

Quel affreux spectacle, me dites - vous! j'en con<cb-> viens; mais je remarque par - tout dans les yeux des amans, le même feu & la même langueur. On jure au nez court & aux vastes oreilles d'une belle, la même ardeur & la même constance que vous jurez à la petite bouche & aux grands yeux de celle qui vous charme.

N'allez pas m'opposer que ce sont des barbares; les Asiatiques, & parmi eux les Chinois, ne le sont point - du - tout. Les Grecs & les Romains dont le bon goût est reconnu, & à qui nous devons nos meilleures idées sur le beau, n'étoient pas plus d'accord entre eux & avec vous. Les premiers aimoient de grands & de gros yeux, & les autres de petits fronts & des sourcils croisés. Des beautés greques & romaines ne feroient assûrément pas une beauté françoise, italienne ou angloise, &c.

Tous les coeurs, dites - vous, volent au - devant de celle que j'aime. Tous les amans parlent ainsi: & je sai mille autres femmes de qui l'on en dit autant, qui n'ont point le moindre trait de ressemblance avec l'objet que vous préférez. Bien plus, interrogeons ses prétendus adorateurs. L'un est épris de sa bouche, l'autre est enchanté de sa taille; celui - ci adore ses yeux, celui - là ne voit rien de comparable à son teint; il y en a qui aiment en elle des qualités qu'elle n'a pas. Aucun n'a été blessé du même trait, & tous s'étonnent qu'on puisse l'avoir été d'un autre.

Vous - même, avez - vous eu toûjours les mêmes goûts? Opposez vos amours d'un tems à vos amours d'un autre; & par la contradiction qui en résulte, jugez de vos idées.

Je ne suis donc pas plus éclairé, malgré vos promesses, que je ne l'étois auparavant. La revûe que nous avons faite des différens peuples de la Terre, bien loin de nous fixer dans nos recherches, n'a servi qu'à y jetter plus de difficulté. Il n'en est pas ainsi du beau en général; car quand la définition que j'en donnerois ne vous satisferoit pas, je ne serois pas du moins en peine de vous montrer des modeles qui enleveroient tous les suffrages. Tous les peuples de la Terre admireroient la façade du Louvre, les jardins de Versailles & de Marli, l'église de S. Pierre à Rome, en un mot les merveilles de ce genre qui sont répandues dans le Monde. Les chef - d'oeuvres des Raphaël, des Michel - Ange, des Titiens, des Rubens, des le Bruns, des Pugets, des Girardons, frapperont quiconque aura des yeux. L'Iliade, l'Enéide, Rodogune, Athalie, &c. feront toujours & par - tout les délices des amateurs des Belles - Lettres. Enfin ce qui sera réellement beau chez l'un, sera beau chez l'autre; l'on en rendra raison, l'on en donnera même des regles. Voyez Beau. Il n'en sera pas de même de la beauté. Transportez une Françoise à la Chine & une Chinoise à Paris, elles exciteront beaucoup de curiosité, si vous voulez, mais pas à beaucoup près autant de sentimens; & ces deux peuples si opposés dans leur goût, ne se céderont rien l'un à l'autre.

Si l'Androgyne de Platon étoit aussi vrai qu'il est ingénieusement trouvé (voyez Androgyne), rien ne seroit si facile que la solution de ce problème. Essayons de le dénoüer d'une autre façon.

L'intérêt, les passions, les préjugés, les usages, les moeurs, le climat, l'âge, le tempérament, agissent diversement sur chaque individu, & doivent produire par conséquent une variété infinie de sensations.

Notre imagination qui nous sert si bien dans toutes les occasions, se surpasse dans celles de ce genre: elle ne nous laisse voir que par ses yeux; & cette enchanteresse nous déguise si bien ses caprices, qu'elle nous les fait adorer.

Si l'on me demandoit donc à - présent ce que c'est que la beauté, je dirois que de même que chaque

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