ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"774"> peuple s'est fait des moeurs, des usages & des goûts differens; & que de même que chaque particulier y tient plus ou moins au caractere général, de même aussi ils se sont fait des idées différentes de beauté; & que celles - là peuvent être appellées belles, qui réunissent dans leurs personnes les qualités que leur nation exige: mais que d'ailleurs cette regle, toute restreinte qu'elle est, est encore sujette à des exceptions sans nombre. Combien d'amans qui soupirent pour des appas aussi imaginaires que les sujets de la jalousie qu'ils leur causent? combien d'inconstances ridicules & dépravées? En un mot, du moment qu'il sera prouvé que l'imagination préside à notre choix, ne nous étonnons plus de rien: qui pourroit rendre raison de ses fantaisies?

Mais quoi! après avoir établi qu'il y a un beau réel dans toutes choses, faudra - t - il conclure qu'il est chez l'homme seulement, idéal & arbitraire? Non. L'homme est le chef - d'oeuvre de la création, & rien ne peut entrer avec lui en comparaison de beauté. Mais parmi celles qui sont si libéralement répandues sur les races des hommes, quelle est celle qui doit avoir la préférence? J'avouerai de grand coeur que ces têtes applaties, ces nez écrasés, ces joues & ces levres percées, ces piés si petits avec lesquels on ne peut plus marcher, doivent être mis hors des rangs, parce que la nature y paroît évidemment forcée. J'entendrai dire avec plaisir qu'un oeil noir & vif, bien ouvert & placé à fleur de tête, paroissant plus propre à remplir sa destination, doit être par conséquent plus beau que celui de l'Asiatique, qui, tout petit qu'il est, est encore couvert d'une ample paupiere: mais je m'appercevrai avec douleur que la question est jugée par une des parties; & que si la grandeur de l'organe décide en sa faveur, les Grecs qui, pour célebrer la beauté de Junon, chantoient ses yeux de boeuf, doivent l'emporter sur nous. Que celui qui se croira assez habile pour démontrer la juste proportion de l'oeil, s'apprête à nous donner l'inverse de la bouche, que nous voulons petite; & quand enfin de démonstration en démonstration il parviendroit à donner la regle pour trouver ce beau suprème qui devroit faire regle pour tous, qui s'y soûmettra? Voyons - nous qu'une belle enleve les adorateurs d'une moins belle, avec cette rapidité que le beau l'emporte sur le moins beau? Quelques hommes & quelques femmes se partageroient entre eux l'empire des coeurs; le reste languiroit dans le mépris & l'abandon. Mais il est une autre source d'erreur ou d'équité dans nos jugemens. C'est notre ressemblance que nous ne pouvons nous empêcher d'approuver dans les autres; sans compter une infinité de conjectures relatives au plaisir & au but des passions, qui nous déterminent quelquefois, même à notre insû. Un homme droit seroit bien laid, si tous les autres étoient bossus. Il n'y a pas jusqu'à l'imbécillité qui n'ait un préjugé en sa faveur: on a dit, vive les sots pour donner de l'esprit.

Ainsi donc l'empire prétendu de la beauté, dont on vante tant la puissance & l'étendue, bien apprécié, n'est autre chose que celui de notre propre imagination sur notre coeur, & qu'une passion déguisée sous ce nom pompeux; mais je conviendrai qu'elle est la plus noble & la plus naturelle de toutes; la plus noble, par rapport à son objet; la plus naturelle, parce qu'elle prend sa source dans un penchant que Dieu a mis en nous, & duquel nous ne faisons qu'abuser. J'ajoûterai même qu'elle sera une vertu politique, toutes les fois que dégagée de toute idée grossiere, elle excitera en nous d'heureux efforts pour nous rendre plus aimables, plus doux, plus lians, plus complaisans, plus généreux, plus attentifs, & par conséquent plus dignes & plus utiles membres de la société. Cet art. est de M. d'Abbes de Cabroles, Correcteur à la chambre des comptes du Languedoc.

Figure (Page 6:774)

Figure, terme de Peinture. Peindre la figure, ou faire l'image de l'homme, c'est premiercment imiter toutes les formes possibles de son corps.

C'est secondement le rendre avec toutes les nuances dont il est susceptible, & dans toutes les combinaisons que l'effet de la lumiere peut opérer sur ces nuances.

C'est enfin faire naître, à l'occasion de cette représentation corporelle, l'idée des mouvemens de l'ame.

Cette derniere partie a été ébauchée dans l'article Expression. Elle sera développée avec plus de détail au mot Passion, & n'a pas le droit d'occuper ici une place.

Celle qui tient le second rang dans cette énumération, sera exposée au mot Harmonie du Coloris & du Clair obscur. La premiere seule assez abondante, fera la matiere de cet article.

Il s'agit donc ici des choses principales, qui sont nécessaires pour bien imiter toutes les formes possibles du corps de l'homme, c'est - à - dire ses formes extérieurement apparentes dans les attitudes qui lui sont propres.

Les apparences du corps de l'homme sont les effets que produisent à nos yeux ses parties extérieures: mais ces parties soûmises à l'action des ressorts qu'elles renferment, reçoivent d'eux leurs formes & leurs mouvemens; ce qui nous fait naturellement remonter aux lumieres anatomiques, qui doivent éclairer les artistes.

C'est sans doute ici la place d'insister sur la nécessité dont l'Anatomie est à la Peinture. Comment imiter avec précision, dans tous ses mouvemens combinés, une figure mobile, sans avoir une idée juste des ressorts qui la font agir? est ce par l'inspection réitérée de ses parties extérieures? Il faut donc supposer la possibilité d'avoir continuellement sous les yeux cette figure, dans quelque attitude qu'on la dessine. Cette supposition n'est - elle pas absurde? Mais je suppose qu'elle ne le soit pas. Ne sera - ce pas encore en tatonnant & par hasard, qu'on imitera cette correspondance précise des mouvemens de tous les membres & de toutes les parties de ces membres, qui varie au moindre changement des attitudes de l'homme? Quel aveuglement de préférer cette route incertaine à la connoissance aisée des parties de l'anatomie, qui ont rapport aux objets d'imitation dans lesquelles se renferme la Peinture! Que ceux à qui la paresse, le manque de courage, ou le peu de connoissance de l'étendue de leur art, font regarder l'Anatomie comme peu nécessaire, restent donc dans l'aveuglement dont les frappe leur ignorance; & que ceux qui ambitionnent le succès, aspirent non - seulement à réussir, mais à savoir pourquoi & comment ils ont réussi.

Non - seulement il est inutile, mais il seroit même ridicule à l'artiste qui veut posséder son art, de chercher par l'étude de l'Anatomie à découvrir ces premiers agens imperceptibles, qui forment la correspondance des parties matérielles avec les spirituelles. Ce n'est pas non plus à acquérir l'adresse & l'habitude de démêler, le scalpel à la main, toutes les différentes substances dont nous sommes composés, qu'il doit employer un tems précieux. Une connoissance abregée de la structure du squelette de l'homme; une étude un peu plus approfondie sur les muscles qui couvrent les os, & qui obligent la peau qu'ils soûtiennent à fléchir, à se gonfler, ou à s'étendre: voilà ce que l'Anatomie offre de nécessaire aux artistes pour guider leurs travaux. Est - ce dequoi les rebuter? & quelques semaines d'étude, quelques instans de réflexion, feront - elles acheter trop cher des connoissances nécessaires? [p. 775]

Nous allons rassembler ici la plus grande partie de ce que le peintre doit connoître de l'Ostéologie & de la Myologie; & nous joindrons à cette énumération le secours des Planches, auxquelles se rapporteront les signes que nous serons obligés d'employer.

Ensuite nous donnerons au mot Proportion, les différentes mesures sur lesquelles on a établi, par une convention à - peu - près générale, la beauté des figures.

Le squelette de l'homme est l'assemblage des parties solides du corps, que l'on nomme les os.

Cet assemblage est la charpente de la figure, & l'on peut en diviser les parties principales en trois, qui sont la tête, le tronc, & les extrémités.

La tête qui a à - peu - près la figure d'un oval applati des deux côtés, est composée d'os, qui presque tous font appercevoir leurs formes au - travers de la peau & des parties charnues qui les couvrent. Je fais cette remarque & j'y insiste, parce que rien ne donne un air de vérité aux têtes que l'on peint, comme la juste indication des os qui forment des plans différens, qui indiquent le trait des parties, & qui déterminent les effets des ombres & des jours.

Voyez, pour l'explication suivante, la figure prem. & sec. de Peinture, qui représentent une tête vûe de face, & la même vûe de profil.

Parmi les os qui se font appercevoir extérieurement dans la tête, il faut remarquer l'os du front A appellé l'os coronal. Sa surface lisse & polie, qui n'est presque couverte que par la peau, rend cette partie plus propre à refléchir sa lumiere: ainsi dans les figures éclairées d'en - haut, elle est toûjours la plus lumineuse. Cet os qui fait une partie de l'enchâssement des yeux, trace encore le contour de la partie du sourcil; & cet enchâssement grand & ouvert, donne un caractere très - majestueux & très - noble aux figures.

a est la suture du coronal; je n'insiste pas sur ces jointures des os du crane que l'on nomme sutures, parce qu'elles sont inutiles aux Peintres. Je me contenterai de les indiquer.

b la suture sagittale.

B indique la cavité des yeux qu'on nomme orbite. Cette cavité destinée à contenir le globe de l'oeil, est formée en partie par le coronal, & on partie par le zigoma; elle influe, comme je l'ai dit, sur la beauté de l'ensemble. La noblesse de la tête dépend beaucoup de cette partie; elle est extérieurement couronnée par le sourcil, & renferme les six muscles de l'oeil, la membrane conjonctive qui forme le blanc de l'oeil, l'iris ou l'arc - en - ciel, au milieu duquel est la pupille ou prunelle.

C marque les os du nez. Ces os peu éminens forment en se joignant une voûte, & finissent par deux cartilages adhérens aux extrémités inférieures des os du nez; ils se joignent aussi dans leur côté supérieur comme les os du nez; ils sont assez larges, mais ils s'étrécissent & s'amollissent à mesure qu'ils approchent du bout du nez. Deux autres cartilages, attachés aux extrémités inférieures de ceux - ci, forment les aîles du nez.

Les formes du nez pourroient trouver ici leur place; mais pour ne point interrompre la description des os, nous renvoyons au mot Proportion, ainsi que pour toutes les regles ou les observations qui peuvent avoir rapport aux formes accidentelles des parties.

D les os des joues.

E la mâchoire supérieure.

F la mâchoire inférieure. Celle - ci fait le trait du menton & de tout le bas de la tête: elle a un mouvement qui lui est particulier, car la mâchoire supérieure est immobile.

G les dents: elles varient dans leur nombre, & même dans leur forme; mais il est peu d'usage dans la Peinture de les faire paroître, à moins que ce ne soit dans la représentation de quelques passions, dans les mouvemens desquelles elles sont quelquefois apparentes, comme dans la joie, le rire, la douleur, la colere, le desespoir, ainsi que nous le dir ons au mot Passion.

Figure 2. A os du sinciput, nommé le pariétal: il y en a deux; ils sont minces, presque quarrés, & tant - soit - peu longs; ils se joignent à l'os du front, par le moyen de la suture coronale.

B l'os temporal: cet os est double, ainsi que le pariétal; il est situé dans la partie inférieure des côtés du crane.

C le zigoma, sous lequel passe le muscle temporal; cet os est triangulaire, sa partie supérieure contribue à former la circonférence de l'orbite, comme je l'ai déjà dit. Il se joint à l'os du front par le petit angle de l'oeil: il s'avance un peu en - dehors, pour former la partie la plus élevée de la joue.

a suture coronale.

b suture sagittale.

c suture qui joint l'os des temples avec l'os coronal & le sinciput.

d dents de devant, appellées incisives.

e dents latérales, appellées canines.

f dents postérieures, appellées molaires.

Je n'ai point parlé de l'os occipital qui forme le derriere de la téte; parce qu'excepté dans l'enfance & dans la vieillesse, il est ordinairement orné & couvert par la chevelure, qui commence au haut du front & qui s'étend le long des oreilles, jusqu'à la premiere vertebre du cou.

La seconde partie du squelette de l'homme est le tronc; il est composé de l'épine du dos, des côtes, des clavicules, du sternum, de l'omoplate, & du bassin ou des os innominés.

Deux figures de squelette, l'une vûe de face, & l'autre par derriere, sont suffisantes pour donner une idée de la forme & de la place de ces os. Les lettres sont communes aux deux figures.

Fig. 1 & 2 du squelette. A est ce qu'on appelle l'épine du dos; c'est une colonne d'os différens qui sont articulés les uns avec les autres, & attachés mutuellement par des cartilages, dont les uns sont flexibles, les autres immobiles; cette chaîne ou colonne d'os s'étend depuis la premiere vertebre du cou jusqu'au coccyx, & les charnieres de chaque vertebre procurent le mouvement du dos en différens sens. Il y a 24 vertebres, dont les noms seroient hors d'oeuvre ici - Pour la forme de l'épine du dos, comme elle intéresse le peintre, puisqu'elle forme les pieces principales de la charpente du corps, je remarquerai que la partie des vertebres du cou avance en - dedans, c'est - à - dire vers le devant de la tête; celle du dos au contraire se courbe en - dehors pour élargir la cavité de la poitrine; celle des lombes rentre, & la derniere qui est celle de l'os sacrum, se rejette encore en - dehors. Deux parties de ces os sont sur - tout apparentes au - travers de la peau, celle du dos & celle des lombes. Ce qui oblige, en dessinant le nud, d'en faire sentir la forme, sur - tout dans les attitudes où l'homme se courbe en avant, comme on le voit dans la figure 2 du squelette.

B, les deux clavicules, sont deux os qui se découvrent sensiblement dans les hommes, sur - tout dans certains mouvemens, comme d'étendre les bras, de se courber en arriere, &c. Ils ont à - peu - près la forme de la lettre S; ils sont placés du côté de la face à la base du cou. Chacune des clavicules s'articule avec le sternum par devant, & du côté des bras avec l'omoplate.

C, le sternum, est situé au milieu de la poitrine: cet os est toûjours immédiatement vers la peau; il n'est

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