ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"758"> applatie, selon la disposition & la densité des couches: il prouve que les couches ne doivent pas être semblables, si elles sont fluides; que les accroissemens de la pesanteur de l'équateur au pole, doivent être proportionnels au quarré des sinus de latitude, comme dans le sphéroide homogene; proposition très remarquable & très - utile dans la théorie de la Terre: il prouve de plus que la Terre ne sauroit être plus applatie que dans le cas de l'homogénéité, savoir de [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; mais cette proposition n'a lieu qu'en supposant que les couches de la Terre, si elle n'est pas homogene, vont en augmentant de densité de la circonférence vers le centre; condition qui n'est pas absolument nécessaire, sur - tout si les couches intérieures sont supposées solides; de plus, en supposant même que les couches les plus denses soient les plus proches du centre, l'applatissement peut être plus grand que [omission: formula; to see, consult fac-similé version], si la Terre a un noyau solide intérieur plus applatique [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. V. la III. part. de mes Recherches sur le système du monde, p. 187. Enfin M. Clairaut démontre, par un très - beau théoreme, que la diminution de la pesanteur de l'équateur au pole, est égale à deux fois [omission: formula; to see, consult fac-similé version] (applatissement de la Terre homogene) moins l'applatissement réel de la Terre. Ce n'est là qu'une très - legere esquisse de ce qui se trouve d'excellent & de remarquable dans cet ouvrage, très - supérieur à tout ce qui avoit été fait jusque - là sur la même matiere. V. Hydrostatique, Tuyaux capillaires , &c.

Après avoir refléchi long - tems sur cet important objet & avoir lû avec attention toutes les recherches qu'il a produites, il m'a paru qu'on pouvoit les pousser encore beaucoup plus loin.

Jusqu'ici on avoit supposé que dans un fluide composé de couches de différentes densités, les couches devoient être toutes de niveau, c'est - à - dire que la pesanteur devoit être perpendiculaire à chacune de ces couches. Dans mes réflexions sur la cause des vents 1746, article 86. j'avois déjà prouvé que cette condition n'étoit point absolument nécessaire à l'équilibre, & depuis je l'ai démontré d'une maniere plus directe & plus générale, dans mon essai sur la résistance des fluides 1752, articles 167. & 168. Dans le même ouvrage, depuis l'art. 161. jusque & compris l'art. 166. j'ai prouvé que les couches concentriques & non semblables de ce même fluide, ne devoient pas non plus être nécessairement de la même densité dans toute leur étendue, pour que le fluide fût enéquilibre; & j'ai présenté, ce me semble, sous un point de vûe plus étendu qu'on ne l'avoit fait encore, & d'une maniere très - simple & très - directe, les équations qui expriment la loi de l'équilibre des fluides. (Voyez à l'article Hydrostatique un plus grand détail sur ces différens objets, & sur quelques autres qui ont rapport aux lois de l'équilibre des fluides, & à d'autres remarques que j'ai faites par rapport à ces lois). Enfin dans l'art. 169. du même ouvrage, j'ai déterminé l'équation des différentes couches du sphéroïde, non - seulement en supposant, comme on l'avoit fait avant moi, que ces couches soient fluides, qu'elles s'attirent, & qu'elles aillent en diminuant ou en augmentant de densité, suivant une loi quelconque, du centre à la circonférence, mais en supposant de plus, ce que personne n'avoit encore fait, que la pesanteur ne soit point perpendiculaire à ces couches, excepté à la couche supérieure; je trouve dans cette hypothèse une équation générale, dont celles qui avoient été données avant moi, ne sont qu'un cas particulier; il est à remarquer que dans tous les cas où ces équations limitées & particulieres peuvent être intégrées, les équations beaucoup plus générales que j'ai données, peuvent être intégrées aussi; c'est ce qui résulte de quelques recherches particulieres sur le calcul intégral, que j'ai publiées dans les mém. de l'Acad. des Sciences de Prusse de 1750.

Néanmoins dans ces formules généralisées, j'avois toûjours supposé la Terre elliptique, ainsi que tous ceux qui m'avoient précédé, n'ayant trouvé jusqu'alors aucun moyen de déterminer l'attraction de la Terre dans d'autres hypothèses; mais ayant fait de nouveaux efforts sur ce problème, j'ai enfin donné en 1754, à la fin de mes recherches sur le système du monde, une méthode que les Géometres desiroient, ce me semble, depuis long - tems, pour trouver l'attraction du sphéroïde terrestre dans une infinité d'autres suppositions que celle de la figure elliptique. J'ai donc imaginé que l'équation du sphéroïde fût représentée par celle - ci, r'=r+a+b t+c t2+e t3+ f t4+g t5, &c. r' étant le rayon de la Terre à un lieu quelconque, r le demi - axe de la Terre, t le sinus de la latitude, a, b, c, &c. des coefficiens constans quelconques; & j'ai trouvé l'attraction d'un pareil sphéroïde. Cette équation est infiniment plus générale que celle qu'on avoit supposée jusqu'alors; car dans la Terre supposée elliptique, on a seulement r'=r+a - a t2.

J'ai tiré de la solution de cet important problème de très - grandes conséquences dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, qui est sous presse au moment que j'écris ceci (Mai 1756), & qui probablement aura paru avant la publication de ce sixieme volume de l'Encyclopédie. J'ai fait voir de plus que le problème ne seroit pas plus difficile, mais seulement d'un calcul plus long, dans l'hypothese de l'attraction proportionnelle non - seulement au quarré inverse de la distance, mais à une somme quelconque de puissances quelconques de cette distance; ce qui peut être très - utile dans la recherche de la figure de la Terre, lorsqu'on a égard à l'action que le soleil & la lune exercent sur elle, ou (ce qui revient au même) dans la recherche de l'élévation des eaux de la mer par l'action de ces deux astres; voyez Flux & Reflux: j'ai fait voir enfin qu'en supposant le sphéroïde fluide & hétérogene, & les couches de niveau ou non, il pourroit très - bien être en équilibre sans avoir la figure elliptique; & j'ai donné l'équation qui exprime la figure de ses différentes couches.

Ce n'est pas tout. J'ai supposé que dans ce sphéroïde les méridiens ne fussent pas semblables, que non - seulement chaque couche y différât des autres en densité, mais que tous les points d'une même couche différassent en densité entr'eux; & j'enseigne la méthode de trouver l'attraction des parties du sphéroïde dans cette hypothèse si générale; méthode qui pourroit être fort utile dans la suite, si la Terre se trouvoit avoir en effet une figure irréguliere. Il ne nous reste plus qu'à examiner cette derniere opinion, & les raisons qu'on peut avoir pour la soûtenir ou pour la combattre.

M. de Buffon est le premier (que je sache) qui ait avancé que la Terre a vraissemblablement de grandes irrégularités dans sa figure, & que ses méridiens ne sont pas semblables. Voyez hist. nat. tom. I. p. 165 & suiv. M. de la Condamine ne s'est pas éloigné de cette idée dans l'ouvrage même où il rend compte de la mesure du degré à l'équateur, p. 262. M. de Maupertuis qui l'avoit d'abord combattue dans ses élémens de Géographie, semble depuis l'avoir adoptée dans ses Lettres sur le progrès des Sciences; enfin le P. Boscovich, dans l'ouvrage qu'il a publié l'année derniere sur la mesure du degré en Italie, non - seulement penche à croire que les méridiens de la Terre ne sont pas semblables, mais en paroît même assez fortement convaincu, à cause de la différence qui se trouve entre le degré d'Italie & celui de France à la même latitude.

Il est certain premierement que les observations astronomiques ne prouvent point invinciblement la [p. 759] régularité de la Terre & la similitude de ses méridiens. On suppose à la vérité dans ces observations que la ligne du zénith ou du fil - à - plomb (ce qui est la même chose) passe par l'axe de la Terre; qu'elle est porpendiculaire à l'horison; & que le méridien, c'est - à - dire le plan où le Soleil se trouve à midi, & qui passe par la ligne du zénith, passe aussi par l'axe de la Terre; mais j'ai prouvé dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde (& je crois avoir fait le premier cette remarque), qu'aucune de ces suppositions n'est démontrée rigoureusement, qu'il est comme impossible de s'assûrer par l'observation de la vérité de la premiere & de la troisieme, & qu'il est au moins extrèmement difficile de s'assûrer de la vérité de la seconde. Cependant il faut avoüer en même tems que ces trois suppositions étant assez naturelles, la seule difficulté ou l'impossibilité même d'en constater rigoureusemont la vérité, n'est pas une raison pour les proscrire, sur - tout si les observations n'y sont pas sensiblement contraires. La question se reduit donc à savoir si la mesure du degré faite récemment en Italie, est une preuve suffisante de la dissimilitude des méridiens. Cette dissimilitude une fois avoüée, la Terre ne seroit plus un solide de révolution; & non - seulement il demeureroit très - incertain si la ligne du zénith passe par l'axe de la Terre, & si elle est perpendiculaire à l'horison, mais le contraire seroit même beaucoup plus probable. En ce cas la direction du fil - à - plomb n'indiqueroit plus celle de la perpendiculaire à la surface de la Terre, ni celle du plan du méridien; l'observation de la distance des étoiles au zénith ne donneroit plus la vraie mesure du degré, & toutes les opérations faites jusqu'à présent pour déterminer la figure de la Terre & la longueur du degré à différentes latitudes, seroient en pure perte. Cette question, comme l'on voit, mérite un sérieux examen; envisageonsla d'abord par le côté physique.

Si la Terre avoit été particulierement fluide & homogene, la gravitation mutuelle dé ses parties, combinée avec la rotation autour de son axe, lui eût certainement donné la forme d'un sphéroïde applati, dont tous les méridiens eussent été semblables: si la Terre eût été originairement formée de fluides de différentes densités, ces fluides cherchant à se mettre en équilibre entr'eux, se seroient aussi disposés de la même maniere dans chacun des plans qui auroient passé par l'axe de rotation du sphéroide, & par conséquent les méridiens eussent encore été semblables. Mais est - il bien prouvé, dira - t - on, que la Terre ait été originairement fluide? & quand elle l'eût été, quand elle eût pris la figure que cette hypothèse demandoit, est - il bien certain qu'elle l'eût conservée? Pour ne point dissimuler ni diminuer la force de cette objection, appuyons - la encore avant que d'en apprétier la valeur, par la réflexion suivante. La fluidité du sphéroïde demande une certaine régularité dans la disposition de ses parties, régularité que nous n'observons pas dans la Terre que nous habitons. La surface du sphéroïde fluide devroit être homogene; celle de la Terre est composée de parties fluides & de parties solides, différentes par seur densité. Les boulversemens évidens que la surface de la Terre a essuyés, boulversemens qui ne sont cachés qu'à ceux qui ne veulent pas les voir (& dont nous n'avons qu'une foible, mais triste image, dans celui que viennent d'éprouver Quito, le Portugal & l'Afrique), le changement évident des terres en mers & des mers en - terres, l'affaissement du globe en certains lieux, son exhaussement en d'autres, tout cela n'a - t - il pas dû altérer considérablement la figure primitive? (Voy. Géographie physique, Terre, Tremblement de Terre , &c. la Géographie de Varenius, & le premier volume de l'Histoire naturelle de M. de Busson). Or la figure primitive de la Terre étant une fois altérée, & la plus grande partie de la Terre étant solide, qui nous assûrera qu'elle ait conservé aucune régularité dans la figure ni dans la distribution de ses parties? Il seroit d'autant plus difficile de le croire, que cette distribution semble, pour ainsi dire, faite au hazard dans la partie que nous pouvons connoître de l'intérieur & de la surface de la Terre? La circularité apparente de l'ombre de la Terre dans les éclipses de Lune, ne prouve autre chose sinon que les méridiens & l'équateur sont à - peu - près des cercles; or il faut que l'équateur soit exactement un cercle, pour que les méridiens soient semblables. La circularité apparente de l'ombre ne prouve point que les méridiens soient des cercles exacts, puisque les mesures ont prouvé qu'ils n'en sont pas; pourquoi prouveroit - elle la circularité parfaite de l'équateur? Les mêmes hauteurs du pole observées, après avoir parcouru des distances égales sous différens méridiens, en partant de la même latitude, ne prouvent rien non plus, puisqu'il faudroit être certain qu'il n'y a point d'erreur commise ni dans la mesure terrestre, ni dans l'observation astronomique; or l'on sait que les erreurs sont inévitables dans ces mesures & dans ces opérations. Enfin les regles de la navigation qui dirigent d'autant plus sûrement un vaisseau, qu'elles sont mieux pratiquées, prouvent seulement que la Terre est à - peu - près sphérique, & non que l'équateur est un cercle. Car la pratique la plus exacte de ces regles est elle - même sujette à beaucoup d'erreurs.

Voilà les raisons sur lesquelles on se fonde, pour douter de la régularité de la Terre que nous habitons, & même pour lui donner une figure irréguliere. Mais n'y auroit - il pas d'autres inconvéniens à admettre cette irrégularité? La rotation uniforme & constante de la Terre autour de son axe, ne semble - t - elle pas prouver (comme l'ont déjà remarqué d'autres philosophes) que ses parties sont à - peu - près également distribuées autour de son centre? Il est vrai que ce phénomene pourroit absolument avoir lieu dans l'hypothèse de la dissimilitude des méridiens, & de la densité irréguliere des parties de notre globe; mais alors l'axe de la rotation de la Terre ne passeroit pas par son centre de figure, & le rapport entre la durée des jours & des nuits à chaque latitude, ne seroit pas tel que l'observation & le calcul le donne; ou si on vouloit que l'axe de rotation passât par le centre de la Terre, comme les observations semblent le prouver, il faudroit supposer dans les parties irrégulieres du globe un arrangement particulier, dont la symmétrie seroit beaucoup plus singuliere & plus surprenante, que la similitude des méridiens ne pourroit l'être, sur - tout si cette similitude n'étoit que très - approchée, comme on le suppose dans les opérations astronomiques, & non absolument rigoureuse.

D'ailleurs les phénomenes de la précession des équinoxes, si bien d'accord avec l'hypothèse que les méridiens soient semblables, & que l'arrangement des partiés de la Terre soit régulier, ne semblent - ils pas prouver qu'en effet cette hypothèse est légitime? Ces phénomenes auroient - ils également lieu, si les parties extérieures de notre globe étoient disposées sans ordre & sans loi? Car la précession des équinoxes venant uniquement de la non - sphéricité de la Terre, ces parties extérieures influeroient beaucoup sur la quantité & la loi de ce mouvement dont elles pourroient alors déranger l'uniformité. Enfin la surface de la Terre dans sa plus grande partie est fluide, & par conséquent homogene; la matiere solide qui couvre le reste de cette surface, est presque par - tout peu différente en pesanteur de l'eau commune: n'est - il donc pas naturel de supposer que cette matiere solide fait à - peu - près le même effet

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.