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Après avoir refléchi long - tems sur cet important objet & avoir lû avec attention toutes les recherches qu'il a produites, il m'a paru qu'on pouvoit les pousser encore beaucoup plus loin.
Jusqu'ici on avoit supposé que dans un fluide composé
de couches de différentes densités, les couches
devoient être toutes de niveau, c'est - à - dire que la
pesanteur devoit être perpendiculaire à chacune de
ces couches. Dans mes réflexions sur la cause des vents
1746, article 86. j'avois déjà prouvé que cette condition
n'étoit point absolument nécessaire à l'équilibre,
& depuis je l'ai démontré d'une maniere plus
directe & plus générale, dans mon essai sur la résistance
des fluides 1752, articles 167. & 168. Dans le
même ouvrage, depuis l'art. 161. jusque & compris
l'art. 166. j'ai prouvé que les couches concentriques
& non semblables de ce même fluide, ne devoient
pas non plus être nécessairement de la même
densité dans toute leur étendue, pour que le fluide fût
enéquilibre; & j'ai présenté, ce me semble, sous un
point de vûe plus étendu qu'on ne l'avoit fait encore,
& d'une maniere très - simple & très - directe, les équations qui expriment la loi de l'équilibre des fluides.
(Voyez à l'article
Néanmoins dans ces formules généralisées, j'avois
toûjours supposé la Terre elliptique, ainsi que tous
ceux qui m'avoient précédé, n'ayant trouvé jusqu'alors aucun moyen de déterminer l'attraction de
la Terre dans d'autres hypothèses; mais ayant fait
de nouveaux efforts sur ce problème, j'ai enfin donné
en 1754, à la fin de mes recherches sur le système du
monde, une méthode que les Géometres desiroient,
ce me semble, depuis long - tems, pour trouver l'attraction
du sphéroïde terrestre dans une infinité d'autres
suppositions que celle de la figure elliptique. J'ai
donc imaginé que l'équation du sphéroïde fût représentée
par celle - ci, r'=r+a+b t+c t
J'ai tiré de la solution de cet important problème
de très - grandes conséquences dans la troisieme partie
de mes recherches sur le système du monde, qui est
sous presse au moment que j'écris ceci (Mai 1756),
& qui probablement aura paru avant la publication
de ce sixieme volume de l'Encyclopédie. J'ai fait
voir de plus que le problème ne seroit pas plus difficile,
mais seulement d'un calcul plus long, dans l'hypothese
de l'attraction proportionnelle non - seulement au quarré inverse de la distance, mais à une
somme quelconque de puissances quelconques de cette
distance; ce qui peut être très - utile dans la recherche
de la figure de la Terre, lorsqu'on a égard à
l'action que le soleil & la lune exercent sur elle, ou
(ce qui revient au même) dans la recherche de l'élévation
des eaux de la mer par l'action de ces deux astres;
voyez
Ce n'est pas tout. J'ai supposé que dans ce sphéroïde les méridiens ne fussent pas semblables, que non - seulement chaque couche y différât des autres en densité, mais que tous les points d'une même couche différassent en densité entr'eux; & j'enseigne la méthode de trouver l'attraction des parties du sphéroïde dans cette hypothèse si générale; méthode qui pourroit être fort utile dans la suite, si la Terre se trouvoit avoir en effet une figure irréguliere. Il ne nous reste plus qu'à examiner cette derniere opinion, & les raisons qu'on peut avoir pour la soûtenir ou pour la combattre.
M. de Buffon est le premier (que je sache) qui ait avancé que la Terre a vraissemblablement de grandes irrégularités dans sa figure, & que ses méridiens ne sont pas semblables. Voyez hist. nat. tom. I. p. 165 & suiv. M. de la Condamine ne s'est pas éloigné de cette idée dans l'ouvrage même où il rend compte de la mesure du degré à l'équateur, p. 262. M. de Maupertuis qui l'avoit d'abord combattue dans ses élémens de Géographie, semble depuis l'avoir adoptée dans ses Lettres sur le progrès des Sciences; enfin le P. Boscovich, dans l'ouvrage qu'il a publié l'année derniere sur la mesure du degré en Italie, non - seulement penche à croire que les méridiens de la Terre ne sont pas semblables, mais en paroît même assez fortement convaincu, à cause de la différence qui se trouve entre le degré d'Italie & celui de France à la même latitude.
Il est certain premierement que les observations astronomiques ne prouvent point invinciblement la [p. 759]
Si la Terre avoit été particulierement fluide & homogene,
la gravitation mutuelle dé ses parties, combinée
avec la rotation autour de son axe, lui eût certainement
donné la forme d'un sphéroïde applati,
dont tous les méridiens eussent été semblables: si la
Terre eût été originairement formée de fluides de
différentes densités, ces fluides cherchant à se mettre
en équilibre entr'eux, se seroient aussi disposés de la
même maniere dans chacun des plans qui auroient
passé par l'axe de rotation du sphéroide, & par conséquent
les méridiens eussent encore été semblables.
Mais est - il bien prouvé, dira - t - on, que la Terre ait
été originairement fluide? & quand elle l'eût été,
quand elle eût pris la figure que cette hypothèse demandoit,
est - il bien certain qu'elle l'eût conservée?
Pour ne point dissimuler ni diminuer la force de cette
objection, appuyons - la encore avant que d'en apprétier
la valeur, par la réflexion suivante. La fluidité
du sphéroïde demande une certaine régularité dans
la disposition de ses parties, régularité que nous n'observons
pas dans la Terre que nous habitons. La
surface du sphéroïde fluide devroit être homogene;
celle de la Terre est composée de parties fluides &
de parties solides, différentes par seur densité. Les
boulversemens évidens que la surface de la Terre a
essuyés, boulversemens qui ne sont cachés qu'à ceux
qui ne veulent pas les voir (& dont nous n'avons
qu'une foible, mais triste image, dans celui que viennent
d'éprouver Quito, le Portugal & l'Afrique), le
changement évident des terres en mers & des mers
en - terres, l'affaissement du globe en certains lieux,
son exhaussement en d'autres, tout cela n'a - t - il pas
dû altérer considérablement la figure primitive? (Voy.
Voilà les raisons sur lesquelles on se fonde, pour douter de la régularité de la Terre que nous habitons, & même pour lui donner une figure irréguliere. Mais n'y auroit - il pas d'autres inconvéniens à admettre cette irrégularité? La rotation uniforme & constante de la Terre autour de son axe, ne semble - t - elle pas prouver (comme l'ont déjà remarqué d'autres philosophes) que ses parties sont à - peu - près également distribuées autour de son centre? Il est vrai que ce phénomene pourroit absolument avoir lieu dans l'hypothèse de la dissimilitude des méridiens, & de la densité irréguliere des parties de notre globe; mais alors l'axe de la rotation de la Terre ne passeroit pas par son centre de figure, & le rapport entre la durée des jours & des nuits à chaque latitude, ne seroit pas tel que l'observation & le calcul le donne; ou si on vouloit que l'axe de rotation passât par le centre de la Terre, comme les observations semblent le prouver, il faudroit supposer dans les parties irrégulieres du globe un arrangement particulier, dont la symmétrie seroit beaucoup plus singuliere & plus surprenante, que la similitude des méridiens ne pourroit l'être, sur - tout si cette similitude n'étoit que très - approchée, comme on le suppose dans les opérations astronomiques, & non absolument rigoureuse.
D'ailleurs les phénomenes de la précession des
équinoxes, si bien d'accord avec l'hypothèse que
les méridiens soient semblables, & que l'arrangement
des partiés de la Terre soit régulier, ne semblent - ils pas prouver qu'en effet cette hypothèse est
légitime? Ces phénomenes auroient - ils également
lieu, si les parties extérieures de notre globe étoient
disposées sans ordre & sans loi? Car la précession
des équinoxes venant uniquement de la non - sphéricité de la Terre, ces parties extérieures influeroient
beaucoup sur la quantité & la loi de ce mouvement
dont elles pourroient alors déranger l'uniformité.
Enfin la surface de la Terre dans sa plus grande partie
est fluide, & par conséquent homogene; la matiere
solide qui couvre le reste de cette surface, est
presque par - tout peu différente en pesanteur de l'eau
commune: n'est - il donc pas naturel de supposer que
cette matiere solide fait à - peu - près le même effet
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