ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"742"> moins long, que l'on ne suppose point fomentée par l'amas & la corruption des humeurs, qui est égale depuis son commencement jusque à sa fin, & qui tant qu'elle subsiste, ne laisse entrevoir aucune diminution & aucune augmentation sensibles.

On peut encore envisager les fievres continues par leur violence, par leur qualité, par leur constance, par leurs causes, & par leurs symptomes.

1°. Selon la rapidité de leurs progrès & selon la promptitude avec laquelle elles se terminent; elles sont ou simplement aiguës, ou fort aiguës, ou extrèmement aiguës.

2°. La difficulté avec laquelle elles cedent aux remedes, leur constance, la lenteur de leurs mouvemens, dénotent des fievres chroniques, semblables à celles que suscitent des dépôts internes, & telles, par exemple, que la fievre colliquative qui accompagne la morve, quand elle est parvenue à un certain degré. Ces fievres lentes sont toûjours symptomatiques: on ne peut conséquemment en triompher qu'en attaquant & en domptant la maladie qui les occafionne. Il arrive aussi dans le cheval, comme dans l'homme, que des fievres aiguës dégénerent en fievres de ce caractere.

3°. Dès qu'on se croit en droit d'accuser de la maladie présente une matiere fébrile considérable, & que l'on suppose cachée dans le sang ou dans les premieres voies, la fievre continue ou synoque putride; & si la perversion prétendue des humeurs est excessive ou entiere, elle est ardente ou maligne. Les maréchaux la nomment alors feu, mal de feu, mal d'Espagne; & elle est directement opposée par sa qualité aux fievres synoques simples, & aux fievres éphémeres, qui sont des fievres bénignes.

4°. Enfin si à tous les signes de la fievre maligne se joignent une grande prostration des forces, des exanthèmes, des bubons, des anthrax, &c. la maladie se manifestera par des symptomes trop positifs pour qu'il soit permis d'y méconnoître la fievre pestilentielle.

Ces détails que je n'étendrai pas plus loin, suffisent à quiconque prétend se former une idée des fievres qui peuvent survenir à l'animal; elles sont toutes renfermées dans les divisions que j'en ai faites: celles dont le traitement m'a été confié, se réduisent à des fievres continues, ou lentes, ou aiguës, ou éphémeres, ou non putrides, ou putrides, ou pestilentielles, ou malignes.

Un travail immodéré & trop violent, un refroidissement, un repos trop constant & trop long, un défaut dans le régime, une nourriture abondante capable de surcharger l'estomac, à la suite d'un exercice pénible & forcé; la faim, la soif même; des eaux croupies, corrompues, indigestes; une boisson froide donnée à un cheval échauffé ou qui est en sueur; des alimens trop chauds, des fourrages aigres, le foin vasé & qui a été mouillé, le foin nouveau, de mauvais grains; les vicissitudes de l'air ambiant; des chaleurs excessives, des froids demesurés, des transitions subites & répétées des premieres à ceux - ci; des tems humides & pluvieux, des tems de sécheresse & d'aridité; l'ardeur d'un soleil brûlant, des exhalaisons putrides qui infectent quelquefois tout un pays, tout un camp, &c. telles sont en général les causes évidentes des unes & des autres; à l'exception de la fievre lente qui n'est point essentielle, ainsi que je l'ai déjà remarqué, qui n'est que le produit de la lésion de quelques visceres, ou d'une maladie chronique quelconque.

Les autres fievres symptomatiques que le cheval éprouve, & qui peuvent être placées au rang des fievres aiguës, procedent communément de la douleur plus ou moins vive que suscitent en lui de fortes tranchées, l'érésypele, l'étranguillon, la four<cb-> bure, des tumeurs phlegmoneuses, des abcès, des plaies, &c. Les médicamens propres à calmer & à détruire ces maux, sont aussi les seuls qu'il convient d'employer pour en abréger le cours.

Il est des signes généraux des fievres; il en est de particuliers à chacune d'elles.

Les signes généraux sont une respiration plus ou moins difficile, plus ou moins laborieuse, plus ou moins fréquente, & une accélération plus ou moins considérable des mouvemens ordinaires du diaphragme & des muscles abdominaux; mouvemens très sensibles dans les flancs, & accélérés selon la fréquence des inspirations que l'animal est machinalement obligé de faire pour faciliter & pour subvenir au passage du sang que le coeur agité chasse dans les poumons avec plus d'impétuosité & en plus grande abondance que ces organes ne peuvent en admettre dans l'état naturel.

Dans la plus nombreuse partie des chevaux, vainement tenterions - nous de consulter le pouls, cette regle des grands medecins, cet oracle qui leur dévoile la force du coeur & des vaisseaux, la quantité du sang, sa rapidité, la liberté de son cours, les obstacles qui s'y opposent, l'activité de l'esprit vital, son inaction, le siege, les causes, le danger d'une foule de maladies; mais qui cesse d'être intelligible, & qui devient ambigu, obscur, & captieux pour ces docteurs frivoles, fourbes, ou ignorans, qui, sans égard à l'inégalité de la force de ce muscle, des canaux & du fluide sanguin dans les divers sujets, & aux variétés de cette même force dans un même individu, & sans la plus legere connoissance de la constitution & du tempérament du malade, prononcent au premier abord, & tirent ensuite du tact & de l'examen le moins réfléchi, des indications & des conséquences fausses & souvent meurtrieres.

Il faut convenir néanmoins que ce signe ou cette mesure de l'action & des mouvemens qui constituent la vie, ne nous abandonne pas toûjours. J'ai vû quelques chevaux dont l'artere du larmier étoit assez superficielle & le cuir assez fin pour permettre de distinguer les pulsations, & même de juger de leur dureté, de leur mollesse, de leur fréquence, de leur rareté, de leur intermittence, de leur uniformité, de leur grandeur, de leur petitesse, de leur continuité, & de leur interruption. J'ai vérifié sur eux les observations rapportées dans l'Hoemastatique de M. Hales, en ce qui concerne le nombre des battemens, & j'en ai suivi la progression dans les divers âges: j'en ai compté quarante - deux par minute dans le cheval fait & tranquille; soixante - cinq dans un poulain extrèmement jeune; cinquante - cinq dans un poulain de trois ans; quarante - huit dans un cheval de cinq ans, mais limosin, & par conséquent d'un pays où ces sortes d'animaux sont long - tems attendus; trente dans un cheval qui présentoit des marques évidentes de vieillesse; cinquante - cinq, soixante, & même cent dans le même cheval dont j'avois ouvert les arteres crurales, & que je sacrifiois à ma curiosité; la fréquence des pulsations augmentant à mesure qu'il approchoit de sa fin: enfin dans des jumens faites j'en ai compté trente - quatre & trente - six; ce qui prouve que dans les femelles des animaux, le pouls est plus lent que dans les mâles; & ce qui démontre, lorsque cette différence nous frappe dans les personnes des deux sexes, que la marche, les lois & les opérations de la nature sont à - peu - près les mêmes dans le corps de l'homme & de l'animal. Du reste, si les battemens des arteres de la machine humaine sont en raison double de ceux des arteres du cheval, on ne doit point imaginer avec M. de Garsault que la consistence naturellement plus épaisse du sang de l'animal, soit en lui une des causes principales de l'éloignement des contractions du coeur; [p. 743] elles sont toûjours moins distantes les unes des autres dans les grands animaux, & elles sont toûjours plus fréquentes dans les plus petits: on pourroit même s'en convaincre par leur variété dans un bidet & dans un grand cheval de carrosse; non que la force du sang artériel ne l'emporte dans les animaux les plus grands, ainsi qu'on peut s'en assûrer dans les tables de Hales, en comparant les hauteurs perpendiculaires du sang dans les tubes fixés aux arteres, mais parce que ce liquide ayant en eux un plus grand nombre de ramifications, & des vaisseaux d'une bien plus grande étendue à parcourir, éprouve dans son cours beaucoup plus d'obstacle & de résistance.

Il est encore des chevaux dans lesquels les pulsations du tronc des carotides sont appercevables à la vûe, précisément à l'insertion de l'encolure dans le poitrail, quand ils sont atteints de la fievre: communément aussi dans la plûpart de ceux qui fébricitent, le battement du coeur n'est point obscur; mais ceux de toutes les arteres sont absolument inaccessibles au tact: nous ne pouvons donc juger alors avec certitude de la liberté de l'action de ces canaux, de leur resserrement, de leur tension, de leur dureté, de leur sécheresse, &c. ni saisir avec précision une multitude de différences très - capables de guider des esprits éclairés; & ces battemens ne nous apprennent rien de plus positif que ce dont nous instruisent les symptomes généraux dont j'ai parlé, c'est - à - dire la respiration fréquente, & l'accélération du mouvement des flancs.

Les signes particuliers à la fievre éphémere sont l'accès subit de cette fievre, qui n'est annoncée par aucun dégoût, & qui se montre tout - à - coup dans toute sa force, la chaleur modérément augmentée de l'animal, le défaut des accidens graves qui accompagnent les autres fievres, & la promptitude de sa terminaison.

Ceux qui sont propres à la fievre éphémere étendue, ou à la fievre continue simple, different de ceuxci par leur durée, & par la tristesse plus grande du cheval.

Des frissons qui s'observent, sur - tout aux mouvemens convulsifs du dos & des reins; la chaleur vive qui leur succede; la véhémence du battement du slanc, sa tension, l'excessive difficulté de la respiration; l'aridité de la bouche; une soif ardente, l'enflure des parties de la génération; la position basse de la tête; beaucoup de peine à la relever; la froideur extrème des oreilles & des extrémités; des yeux mornes, troubles, & larmoyans; une foiblesse considérable, une marche chancelante; un dégoût constant; la fétidité d'une fiente quelquefois dure, quelquefois peu liée, quelquefois graisseuse; une urine crue & aqueuse; la chûte du membre; la couleur fanée du poil; une sorte de strangurie, qui n'a lieu que quand l'animal chemine; la perséverance avec laquelle il demeure debout & sans se coucher, sont autant de symptomes qui appartiennent à la fievre putride.

La plûpart de ces mêmes symptomes sont aussi communs aux fievres ardentes; mais ils se présentent avec un appareil plus effrayant.

La chaieur d'ailleurs inégale en divers endroits, est telle qu'elle est brûlante, sur - tout au front, autour des yeux, à la bouche, à la langue qui est âpre & noire, raboteuse, & à laquelle il survient souvent des especes d'ulceres. L'air qui sort par l'expiration n'est pas plus tempéré; l'accablement est encore plus grand; la soif est inextinguible; une toux seche se fait entendre; la respiration est accompagnée d'un râlement; la tête est basse & immobile; l'haleine est puante; une matiere jaunâtre, verdâtre, noirâtre, flue quelquefois des nasaux; les excrémens sont desséchés, ou bien ils sont sembla<cb-> bles à ceux qui caractérisent le flux dissentérique: si l'yschurie n'a pas lieu, l'urine qui coule est noire & très - souvent sanguinolente; enfin le cheval peut à peine avaler la boisson qu'il prend & qu'il rend alors par les nasaux dans lesquels elle remonte par l'arriere - bouche.

Dans la fievre pestilentielle, tous ces signes d'une inflammation funeste s'offrent également; les tumeurs critiques qui paroissent au - dehors, ainsi que je l'ai déjà dit, la désignent spécialement & d'une maniere non équivoque.

Quant à la fievre lente, dès que les lumieres que nous pourrions acquérir par le pouls nous sont en général & presque toûjours interdites, le seul symptome univoque qui nous reste est le marasme, la consomption, & un dépérissement insensible.

De toutes ces fievres, celles qui portent avec elles un caractere de putridité, de malignité, & de contagion, sont les seules qui soient vraiment dangereuses; la fievre lente ne l'est pas par elle - même; elle n'est que l'effet des progrès fâcheux d'une maladie chronique, qui conduit le cheval pas - à - pas à sa perte. Les suites de l'éphémere qui s'étend ou se prolonge ne sont redoutables qu'autant qu'elle dégénere en synoque putride: mais dans celle - ci comme dans les autres, la violence des signes que j'ai décrits, doit tout faire craindre: l'obscurcissement des yeux, leur immobilité, l'affaissement des paupieres, le larmoyement involontaire, la difficulté de la déglutition, la sueur froide des parties génitales, le relâchement de la peau des tempes, la sécheresse de celle du front, la froideur & la puanteur de l'haleine, le refus obstiné de toute boisson & de tout aliment, l'inquiétude continuelle de l'animal qui se couche, se jette à terre, se releve, retombe, se roidit, s'agite, & se débat; ses plaintes, son insensibilité totale, la pâleur & la lividité de ses levres, le grincement de ses dents, l'augmentation du râlement, la disparition subite des bubons & des charbons qui s'étoient montrés & qui ne reparoissent plus, &c. tels sont les présages presque assûrés d'une mort plus ou moins prochaine.

La route des succès dans le traitement de ces maux seroit bien incertaine, si pour y parvenir il étoit question de remonter à la connoissance intime des degrés par lesquels les humeurs dégénerent, de tous les changemens & de tous les desordres que cette dégénération produit dans l'économie animale, des sources & de la transmission de toutes les impuretés qui les pervertissent, de la véritable action, des diverses combinaisons, de la forme, & des autres dispositions méchaniques de ces substances nuisibles, de leur affinité & de leurs rapports cachés avec les différentes parties qui composent la machine: pour moi, j'avoue que je n'aurai jamais assez d'audace & assez d'amour - propre pour entreprendre de pénétrer jusque à ces agens & à ces êtres imperceptibles & pernicieux; content de m'opposer aux effets dont mes sens sont témoins, je n'ai garde de vouloir m'adresser à la cause efficiente qui m'est voilée.

Le soin de guérir la fievre éphémere doit être abandonné aux mouvemens spontanés des vaisseaux & du sang; tout l'art consiste à ne point troubler l'ouvrage de la nature, le repos, la diette, l'eau blanche, l'usage des délayans concourront avec elles. Si cette fievre outre - passe le tems ordinaire de sa durée, on examinera attentivement les signes qui l'accompagnent, à l'effet de distinguer si elle sera continue, simple, ou continue putride: dans le premier cas, on saignera l'animal, on lui administrera des lavemens émolliens; on jettera dans son eau blanchie quelques pintes de la décoction émolliente faite avec la mauve, la guimauve, la pariétaire; on le tiendra au son, & on ne lui donnera point de fourage, pour

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