ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Feve (Page 6:650)

Feve, (Hist. anc.) La feve, je dirai mieux le XUA/<-> MOS2 des Grecs, & le faba des Latins, étoit respectée ou regardée comme impure par plusieurs peuples de l'antiquité, & en particulier par les Egyptiens; car leurs prêtres s'en abstenoient, selon le témoignage d'Hérodote. Les Romains les employoient dans les funérailles, & autres cérémonies funebres. Voyez Lémurales.

Le vulgaire croyoit que ce monde étoit rempli de démons, lemures, les uns bons qu'ils appelloient lares, les autres mauvais qu'ils nommoient spectres, larvoe, spectra. Il étoit persuadé de l'apparition de ces derniers; opinion folle dont il n'est pas encore revenu, & dont il ne reviendra jamais.

Ce fut pour appaiser ces malins génies, qu'on jettoit sur les tombeaux quantité de feves, qui passoient pour le symbole de la mort. Ces idées ridicules donnerent naissance à la Nécromantie, que l'avidité du gain fit embrasser à plusieurs imposteurs. Ils mirent à profit l'ignorante crédulité du peuple, en s'attribuant le pouvoir d'évoquer les ames, de les interroger, & d'en apprendre l'avenir. Voy. Evocation & Nécromantie.

On peut lire dans les fastes d'Ovide, la maniere dont ils évoquoient les mauvais esprits, en leur offrant des feves. N'est - ce point - là l'origine de l'usage qui regne encore en plusieurs pays catholiques, d'en manger & d'en distribuer le jour de la commémoration des morts?

Mais qu'a voulu dire Pythagore par la célebre ordonnance qu'il fit à ses disciples de s'abstenir des feves, XU/AMWN A)WE/X? Les anciens eux - mêmes expliquent diversement ce précepte, & par conséquent en ignorent le véritable sens. Quelques - uns l'entendent des feves au propre; parce que leur nourriture est nuisible à la santé des Gens de Lettres, qu'elle cause des vents, des obstructions dans les visceres, appesantit la tête, trouble l'esprit, & obscurcit la vûe: c'est le sentiment de Cicéron, de divinat. lib. I. cap. xxx. D'autres, comme Pline le raconte, l'attribuent à ce que les feves contiennent les ames des morts, & qu'on trouve sur leurs fleurs des lettres lugubres. D'autres prennent le mot de XU/AMOS2 énigmatiquement, pour l'impureté & la luxure.

Il y en a qui interpretent, avec Plutarque, cette défense des charges de la république; car on sait que plusieurs peuples de la Grece se servoient des feves au lieu de petites pierres, pour l'élection de leurs magistrats. A Athenes, la feve blanche désignoit la réception, l'absolution, la réjection, la condamnation, & la noire. Ainsi, selon Plutarque, Pythagore recommandoit ici figurément à ses disciples, de préférer une vie privée toûjours sûre & tranquille, aux magistratures pleines de troubles & de dangers.

Enfin plusieurs anciens & modernes cherchent [p. 651] dans la philosophie de Pythagore, l'explication naturelle de son précepte; & ces derniers me semblent approcher le plus près de la vérité. En effet Pythagore avoit enseigné que la feve étoit née en même tems que l'homme, & formée de la même corruption: or comme il trouvoit dans la feve je ne sai quelle ressemblance avec les corps animés, il ne doutoit point qu'elle n'eût aussi une ame sujette comme les autres aux vicissitudes de la transmigration, & par conséquent que quelques - uns de ses parens ne fussent devenus seves; de - là le respect qu'il avoit pour ce légume, & l'interdiction de son usage à tous ses disciples.

Cette opinion de Pythagore que nous venons d'exposer, n'est point un sentiment qu'on lui prete; elle se trouve détaillée dans la vie que Porphyre a faite de ce philosophe. Aussi Horace, qui long - tems avant Porphyre ne doutoit point que cette idée de transmigration ne sut celle de Pythagore, s'en est moqué plaisamment dans une de ses satyres:

O quando faba Pythagoroe cognata, simulque Uncta satis pingui ponentur oluscula lardo? Sat. vj. lib. II. V. 63. « Quand pourrai - je, dit - il, dans mes repas rustiques, en depit de Pythagore, me régaler d'un plat de feves, & manger à discrétion de mes légumes, nourries de petit - lard »?

Au reste le lecteur est maître de consulter sur cette matiere Vossius, de Idolol. lib. III. cap. xxxv. l. IV. cap. xcvij. lib. V. cap. xj. xij. xxv. & xljx. & quelques auteurs qui ont développé le système de Pythagore. Voyez aussi Pythagoriciens. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

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